Regards en gamme
Chronique familiale ordinaire avec Personnage,
juillet-septembre 1991

Nous savons que l’affirmation, l’expression des identités, sous toutes leurs formes, personnelles et sociales s’élaborent dans le mouvement d’une négociation subtile entre ceux qui, d’une manière ou d’une autre, se perçoivent comme identiques par une véritable coagulation des imaginaires partagés et qu’elles s’opèrent toujours contre un “extérieur”, un “autre” fabriqué à cette occasion.
Les romanciers, les artistes mais aussi les possédés sont les alchimistes de cette coagulation qui révèle les mille et une facettes de chaque époque. Et ceux qui la vivent s’y retrouvent alors d’autant mieux à leur place qu’ils peuvent s’y réfléchir.
Le sculpteur sakalava qui façonne un tombeau à la demande d’une famille invente des formes plastiques qui parachèvent comme une évidence et sous cette seule forme matérielle l’identité du défunt. Il est comme le conteur qui choisit les motifs de son récit en fonction de son public. Cet aller et retour entre l’artiste et son “public” s’effectue dans le champ de la sensibilité et de l’esthétique révélant ainsi des goûts et des plaisirs en commun. Et de même pour l’art politique du possédé qui doit savoir proposer de nouvelles manières, originales mais attendues comme nécessaires au nom d’une Tradition à chaque fois trahie mais néanmoins reconduite comme ferment de chaque époque.
Ainsi les emblèmes, les images d’une identité revendiquée portent la conviction de son appartenance au “même” bien au-delà de ce que chacun peut en dire et en comprendre, dans l’apprentissage millénaire et constamment recomposé d’une sensibilité qui peut presque se suffire à elle-même. Ici, l’image, dans sa matérialité même, en est l’évidence.
Nous avons choisi un exemple où tous ces éléments se trouvent en jeu, où chaque identité est en négociation dans un bal de masques où l’on emprunte l’image d’un autre pour inventer une nouvelle place et où chacun se donne le droit d’être en devenir, inachevé, multiple “à la recherche de soi” sous le domino de la perfection accomplie des immortels. Considérant que l’image est proprement irremplaçable à cet égard, nous avons fait le choix, pour l’intelligibilité de la démonstration, d’écrire avec des images, de tenter une mise en scène de l’un de ces bals de masques.

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Pour citer cet article :

Michèle Fiéloux, Jacques Lombard, 2008. « Regards en gamme Chronique familiale ordinaire avec Personnage, juillet-septembre 1991 ». ethnographiques.org, Numéro 16 - septembre 2008
La narration dans tous ses états : nouvelles technologies, nouvelles questions ? [en ligne].
(https://www.ethnographiques.org/2008/Fieloux-Lombard - consulté le 19.03.2024)
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