Revisiter le conte en politique : la chasse sauvage des soldats inconnus

Résumé

En juin 1940, Clemence Dane, auteure de pièces de théâtre et de scénarios pour le cinéma, reçoit commande par la BBC d’une série de pièces radiophoniques destinée à construire pour le grand public une représentation héroïque de la Grande-Bretagne. Ce sera The Saviours : Seven Plays on One Theme, diffusée régulièrement à partir de novembre 1940 jusqu’en novembre 1942. Après avoir débuté en plein Blitz de Londres, la série met en scène des figures nationales salvatrices telles que l’enchanteur Merlin et le roi Arthur. L’ultime épisode du 11 novembre 1942, The Unknown Soldier, montre le roi Arthur, blessé, s’incarner dans le corps du Soldat Inconnu de la Première Guerre Mondiale et prendre la tête d’une armée furieuse de soldats morts au combat, sans sépulture, avides de revanche. On reconnaît ici le thème folklorique de la Chasse sauvage : la légende et les contes auxquels elle est associée donnent sens, de 1916 à 1942, aux rituels populaires de deuil et de commémoration, comme aux propagandes politiques nécessaires à la re-création et à la mobilisation d’un pays combattant. Est ici analysé l’enchevêtrement des récits, des rituels populaires et savants et des réceptions politiques contrastées de ce nouvel aspect de la légende arthurienne.

Abstract

Revisiting the political tale : the Wild Hunt of the unknown soldier.
In June of 1940, Clemence Dane, author of plays and scenarios, receives an order from the BBC to create a series of radio plays intended to portray a heroic representation of Great Britain. She writes The Saviours : Seven Plays on a Theme, regularly broadcasted from November of 1940 until November of 1942. Launched while London was experiencing the full force of German bombing, the series stages such figures of national salvation as Merlin the Enchanter and King Arthur. The last episode on November 11th, 1942, called « The Unknown Soldier », portrays a wounded King Arthur, materialized in the body of the Unknown Soldier of World War I. He is at the head of an army of the dead, soldiers without graves who are eager for revenge. We recognize here the folk theme of the Wild Hunt : the legend and the tales with which it is associated give meaning, from 1916 to 1942, to popular rites of mourning and remembrance, and serve as the political propaganda necessary for the recreation and the mobilization of a country at war. This essay analyzes the borrowings across narratives, popular and scholarly. It also investigates the mixed political reception that characterized this new instantiation of the Arthurian legend at the time.

Sommaire

Table des matières

Introduction



Faire un usage politique des contes n’est pas une nouveauté, loin s’en faut. Dès l’Epoque moderne, les conteurs lettrés ont trop proclamé le caractère traditionnel de leurs récits pour qu’on n’y discerne pas, d’une façon récurrente, des traits proches d’une histoire politique, une histoire célébrée comme une science civique. Que les contes traitent de phénomènes individuels ou locaux, qu’ils mettent en scène un habile orphelin, tueur de dragons, restaurateur d’un royaume à la dérive, ou encore des animaux rusés donneurs de leçons gouvernementales, ils parlent de la conquête et de la défense d’un trône, et parfois même de l’administration d’un État : leur usage devient ainsi nécessaire à la construction identitaire, en particulier dès lors que les notions d’identité et de tradition nationales s’élaborent dans les milieux lettrés. A dire vrai, tout conte est susceptible d’usages politiques, que ce soit le fait de son auteur, de ses destinataires ou encore qu’il faille l’attribuer au rapport particulier que les seconds entretiennent avec le premier : contes des origines, qui enracinent les privilèges d’un groupe humain dans un sol en en invoquant l’autochtonie, ou qui inscrivent le destin d’une nation dans une durée qui fait preuve ; mythes de fondation ou de rupture, qui mettent en scène un commencement absolu ; contes apologétiques… tous ces contes, toutes ces versions, tous ces motifs qui s’enchevêtrent dans les rubriques arbitrairement classificatoires des « contes d’animaux », des « contes merveilleux » et des « contes romanesques », sont autant de discours historiques. Les modulations narratives diverses des uns et des autres, des contes comme des discours historiques, s’entrecroisent au gré des usages politiques propres à chaque groupe social, à chaque époque. Au XXe siècle, l’idéologique et le politique ont investi le conte à l’exclusivité d’autres genres narratifs. Des exemples visibles ne manquent pas.

Londres, 1940 : au plus haut niveau de l’État, la politique investit le registre du conte. Quel type de récits faut-il choisir, pour mieux engendrer la réappropriation nationale des leçons exemplaires, celles données par la longue et ancienne lignée des combattants et des résistants celtes ? Quels contes sélectionner, depuis la saignée de la Grande Guerre, pour mieux fonder une communauté de destins, pour mieux restaurer une continuité nationale au présent : un présent dont les jours s’égrènent douloureusement sous le Blitz ? Mais par dessus tout, c’est une affaire de propagande : quel récit identitaire sera le plus crédible, le mieux écouté, dans et hors les murs ? Ce sont de vieilles questions, de vieux problèmes : depuis le XIXe siècle, les historiens doivent les résoudre partout dans l’Europe héritière de la cassure radicale que la Révolution a inscrite dans le destin national de chaque pays. Pour autant, y a-t-il usure des grands récits nationaux et plus généralement des contes idéologiques ? Même si en ce premier XXe siècle, il existe indubitablement des rapports de plus en plus mouvants entre le savoir historique et les différentes formes de fiction qui le véhiculent, et avec lesquelles il se doit de négocier, la fabrication toujours recommencée d’un conte national reste d’actualité (Lévi, 2001). A Londres, donc, Winston Churchill fait appel à une écrivaine déjà connue pour son investissement idéologique, Clemence Dane, qui réécrit sa version de la Chasse sauvage.


L’histoire du roi Herla


La Chasse sauvage, récit médiéval à la longue fortune, est d’abord l’histoire de la mesnie Hellequin, ou encore celle du roi Herla.

Le roi Herla est signalé pour la première fois en 1181, et sa légende nous a été restituée par un clerc d’origine galloise. Le clerc gallois, célèbre pour son esprit caustique, c’est Walter Map, attaché à la chancellerie du roi d’Angleterre Henri II Plantagenêt, la cour la plus brillante, la plus bigarrée de son temps, la plus contestée aussi. Il compose entre 1181 et 1189 un recueil de récits, De Nugis Curialium, les Contes de courtisans, évoquant la ressemblance entre cette cour précisément, lieu de « bagatelles courtisanes », et celle d’un roi des « très anciens Bretons », le roi Herla. Il est arrivé une curieuse aventure au roi Herla, nous dit-il : l’histoire commence alors que de longues tractations sont en cours pour permettre au roi Herla d’épouser la fille du roi des Francs. Le jour de l’arrivée des ambassadeurs francs, le roi des Pygmées les devance, se présente à Herla, et lui prédit l’heureuse conclusion des prochaines palabres. En échange de quoi, il s’invite à la noce. Le voilà, ce nain à la barbe rougeoyante, au ventre hérissé de poils, et dont les cuisses s’achèvent en pieds de chèvre, monté sur un bouc, qui propose au roi Herla un « traité éternel » : « Je participe à tes noces et toi aux miennes un an plus tard, jour pour jour ». Marché conclu ! Le roi des Pygmées offre alors cadeaux et victuailles en abondance, ses serviteurs répandent nectars et mets succulents dans des vaisselles d’or et d’argent, ils distribuent bijoux et soieries, « poursuivis par la reconnaissance de tout le monde ». Puis ils disparaissent au chant du coq. Un an plus tard, jour pour jour, donc, le roi des Pygmées se présente à la cour, et rappelle sa promesse au roi Herla qui ne peut qu’obtempérer. « Ils entrent dans une caverne sous un rocher immensément haut, et après quelques ténèbres, ils traversent une lumière qui ne semblait pas provenir du soleil ou de la lune ». Le roi Herla assiste aux noces de son hôte, et repart comblé de présents, « des chevaux, des chiens et des faucons, et toutes les choses nécessaires à la chasse à courre et à la fauconnerie ». Hôte parfait, le roi des Pygmées raccompagne son invité à la porte de la caverne enténébrée, lui offre un petit bouledogue, posé sur le licol du cheval, et lui intime l’ordre de ne mettre pied à terre que lorsque l’animal sautera de sa monture. Herla chemine de par son royaume qu’il reconnaît avec peine. Un berger vient à sa rencontre, Herla s’enquiert de la reine qu’il a quittée il y a trois jours à peine. Le berger s’étonne : « Je comprends à peine ta langue, car je suis Saxon et toi Breton. Je n’ai jamais entendu le nom de cette reine (…). Mais je crois que cette reine des très anciens Bretons fut l’épouse du roi Herla qui a disparu vers ce rocher avec certains pygmées et n’est plus jamais réapparu. Les Saxons ont pris possession de ce royaume il y a déjà deux cents ans, après en avoir chassé les habitants ». Désespéré, Herla comprend alors le décalage temporel dont il est victime. Ses compagnons effrayés mettent pied à terre et sont aussitôt réduits en poussière. Herla n’a plus qu’à attendre le bon vouloir du petit chien. Mais voilà des siècles qu’il poursuit ses rondes folles avec les compagnons qui lui restent, car le petit chien n’a jamais sauté du licol de son cheval. Son errance le punit d’avoir conclu un pacte avec le roi des morts et préfigure, selon Walter Map, les tribulations de la cour d’Henri II [1].

Cette histoire est la plus ancienne version du conte Amis dans la vie et dans la mort, qui s’articule autour de trois éléments fondamentaux : la double invitation, le traitement merveilleux du temps, la violation de l’interdit (ne pas toucher terre, ne pas s’alimenter) dont la conséquence, dans la plupart des versions, est la mort du héros [2]. Retenons ici le thème du pacte entre le vivant et le mort. Il est essentiel au récit puisque Walter Map en fait l’erreur foncière du roi Herla et la raison de son châtiment. Pacte diabolique, certes, mais aussi, déséquilibre des échanges : par ses dons redoublés, le roi des Pygmées ruine la relation de réciprocité qu’il avait lui-même proposée. Le pauvre roi Herla est paralysé, écrasé par les largesses somptueuses du roi de la caverne. Mais qui est donc ce « roi des Pygmées » ? Le roi des morts, en fait, le roi de nos ancêtres préhistoriques, de ces divinités chtoniennes qui séjournent maintenant dans un lieu à la fois souterrain et parallèle à celui des vivants : voyage dans l’autre monde, donc. La fortune de ce conte est immense : d’autres versions médiévales, telles que le Lai de Guingamor, l’exploitent tout aussi bien, l’enrichissant de motifs merveilleux ; l’égarement du héros guidé par un animal étrange, un sanglier blanc ou un oiseau magique, en terra incognita, devient le prétexte d’une quête amoureuse. Quant aux versions orales collectées depuis le XIXe siècle, elles évoquent la promesse mutuelle que se font deux amis de s’inviter à leurs noces respectives. C’est toujours la même histoire : quand le premier se marie, le second est déjà mort ; il apparaît au survivant et l’entraîne dans l’au-delà. L’épilogue est constamment catastrophique : transgressant l’interdit, qui porte sur la parole, ou bien sur la nourriture, ou encore sur le simple fait de toucher terre, le héros est réduit en poussière. Poussière maudite, puisque les os du mort ne pouvant être réunis, il ne peut être décemment enterré (Ginzburd, 1992 : 238-239).

La chasse sauvage

Et bien sûr, ce qui attire l’attention, c’est que l’histoire du roi Herla est la première occurrence de cette légende attestée en Occident et connue sous le nom de Chasse sauvage. A partir du XIe siècle, dans toute l’Europe, une série de textes en latin et en langues vulgaires parle des terrifiantes apparitions de la Chasse sauvage, de l’Armée furieuse, de la Chasse Arthur ou Artus, de la Mesnie Hellequin ou Herlequin… les dénominations abondent. On reconnaît dans cette bande furieuse la troupe des morts, plus précisément la troupe des morts avant l’heure, soldats morts au combat ou bien enfants non baptisés. A leur tête alternent des personnages mythiques, Odin, Charlemagne, Arthur, Herlechinus… Car le nom même de la Mesnie Herlequin serait issu du nom de notre roi Herla, à la tête d‘une chasse d’autant plus sauvage que le fameux petit chien, don du roi des Pygmées, est un canis sanguinarius, traduit en anglais par bloodhound : ce terme, qui exprime bien la cruauté de l’animal, renforce l’identité cynégétique de la mesnie d’Herla. Chasseur sanguinaire et chef de guerre tout à la fois, Herla est le précurseur de tous ces rois des morts qui épouvantent les vivants par leur cruauté, leur violente rancune et leur grossièreté. Lorsqu’il apparaît en roi des morts, prêt au combat, même Arthur, l’élégant Arthur chevauche une espèce de gros bouc, à l’image du roi des Pygmées, comme sur cette mosaïque de 1165 au cœur de la cathédrale d‘Otrante. Mais tous les témoignages concordent : l’apparition menaçante de ces morts inapaisés est bien vite réinterprétée dans un sens chrétien et moralisant, en étroite affinité avec l’image du purgatoire en cours d’élaboration [3].

Wodan’s wilde Jagd (La chasse sauvage de Wodan)
Wodan’s wilde Jagd (La chasse sauvage de Wodan)
Heine Friedrich Wilhelm (1882).
Source : http://en.wikipedia.org/wiki/File:Wodan%27s_wilde_Jagd_by_F._W._Heine.jpg
Wodan’s wilde Jagd (La chasse sauvage de Wodan)
Heine Friedrich Wilhelm (1882).
Source : http://en.wikipedia.org/wiki/File:Wodan%27s_wilde_Jagd_by_F._W._Heine.jpg

Le nationalisme gallois


En Grande-Bretagne, les conteurs nourrissent leur fonds narratif de tous les détails de cette Chasse sauvage. Katherine Briggs signale plusieurs versions collectées depuis la deuxième moitié du XIXe siècle [4]. Mais si les plus anciennes évoquent des revenants, il n’est pas question du roi Herla, on lui préfère d’autres héros : au Pays de Galles, le chasseur Gwynn Ap Nudd et ses chiens blancs aux oreilles rouges ; en Cornouaille, le moine corrompu Dando et ses chiens, depuis 1883 ; ou bien, plus au nord du pays, dans le Yorkshire, George Villiers, duc de Buckingham, depuis 1898, hantent les landes désolées.

Mais en 1914, Montague Rhodes James édite le texte latin de Walter Map. En 1923, il en publie à Londres une traduction anglaise. Montague Rhodes James, érudit médiéviste et écrivain, est conservateur de bibliothèque à Oxford puis de musée à Cambridge, enfin il est provost à Eton ; il est surtout connu pour ses histoires de fantômes qu’il publie avec un succès retentissant dès 1904, sous forme de séries, de feuilletons, de collections. La mode qu’il a lancée n’en finit plus : de nos jours encore, la télévision britannique adapte ses histoires, la radio en fait des feuilletons haletants, des compositeurs s’inspirent de ses scénarios, des pièces sont montées au théâtre, et après le cinéaste Jacques Tourneur en 1957, Hollywood et Stephen King se réclament de son influence. Il aurait été bien surprenant que le Pays de Galles échappe à ce raz de marée. Car, au Pays de Galles, on s’était déjà émus de la destinée d’Herla : Ella Mary Leather, active « county collector » sur sa terre natale, avait publié en 1904 un recueil de contes et légendes du vieil Herefordshire. Elle ressuscite Herla, dans un recueil de contes, légendes et chansons, The Folk-Lore of Herefordshire, et elle a l’habileté de le publier tout d’abord à Hereford puis à Londres en 1912. Le succès est immédiat et surtout, national. Gageons que c’est cette édition-là qui, deux ans plus tard, a aiguisé chez le grand médiéviste de Cambridge l’aiguillon de la concurrence.

Et c’est ainsi qu’Herla est revenu d’entre les morts : le voici adoubé à la fois par une folkloriste de terrain et un scientifique. En fait, cela faisait quelque temps qu’on s’acharnait à lui redonner vie : depuis la fin du XVIIIe siècle, les savants et les patriotes gallois redécouvraient le passé et les traditions de leur pays, et quand ces traditions leur paraissaient inadaptées, ils créaient de toutes pièces un passé qui n’avait jamais existé. « L’image du Pays de Galles était alors celle d’une sorte de trou perdu et pittoresque où chaque gentilhomme, tout désargenté qu’il fût, passait son temps à rabâcher sans fin des arbres généalogiques remontant à Enée » [5]. Il fallait en finir avec cette conviction que le Pays de Galles était un pays arriéré et revenir à l’ancienne vision galloise de l’histoire : enquêter sur l’origine des Gallois en tant que nation, rappeler leur conversion au christianisme et la vie fastueuse et raffinée de leurs princes. L’histoire de ces origines se composait d’un ensemble de mythes, de contes et de fables qui montrait combien les Gallois étaient le premier peuple, et le plus important, des îles britanniques. Deux auteurs ont alors joué un rôle capital dans cette réhabilitation : Geoffroy de Monmouth, et bien sûr, Walter Map. On commença par éditer leurs textes, par les traduire, ensuite on partit à la quête des anciens bardes des Mabinogion, et des druides, et puis à la seule vue de quelques robes paysannes, on dessina un costume « populaire » gallois, proche de celui de Mother Goose, enfin bref : on suivit la piste des Celtes, et tout ceci prit la forme d’une mode, la « Celtomanie ». La conclusion qui s’en dégagea fut que les Gallois étaient issus des Celtes et que ces anciens Celtes avaient un passé glorieux.

A partir du XIIe siècle, les historiens gallois, plagiant l’Enéide, ont cherché à rattacher leur nation à la ville de Troie : afin de rétablir un lien avec le passé disparu, de « réparer le fil du temps qui s’est rompu » (Malmesbury, 1887 : 2), il leur a fallu inventer les livres qui en contenaient l’histoire. Écrire et diffuser des contes, des légendes, des mythes, donc : c’est ainsi qu’ils ont cherché à légitimer les origines qu’ils ont assignées au pays de Galles et à en assurer la mémoire. Un tel scénario ressemble à l’« invention » des reliques par un christianisme en quête de héros. Mais à l’Époque Moderne, il fallait aussi inventer une littérature nationale ; le roi Herla ne suffisait plus : un roi plus prestigieux, connu de tous, un héros susceptible d’incarner tout le Royaume Uni était nécessaire, un roi qui depuis toujours conquiert les esprits et les cœurs. On n’eut pas à chercher bien loin : dans le Somerset, les nuits d’hiver, on entendait le roi Arthur, ses chevaliers et ses chiens hurler près du vieux château de Cadbury [6], et à Avalon, ils « dormaient » depuis trop longtemps, il était temps de les réveiller.

Le roi Arthur et Winston Churchill s’en vont en guerre


Paraphrasant Alfred Lord Tennyson, et les vers romantiques, imprégnés de « celtomanie », de sa Morte d’Arthur, Winston Churchill a très vite mobilisé le roi Arthur pour la défense de l’Angleterre : « Every morn brought forth a noble chance, and every chance brought forth a noble knight », a-t-il clamé à la Chambre des Communes le 4 juin 1940, louant lors de l’évacuation des troupes anglaises de la « poche » de Dunkerque le courage et le sacrifice des aviateurs de la Royal Air Force, identifiés comme autant de « Knights of the Round Table » [7]. Dans The Birth of Britain, écrit pendant et après la guerre, il va plus loin : Arthur est investi d’une mission civilisatrice et chrétienne :

« And wherever men are fighting against barbarism, tyranny, and massacre, for freedom, law, and honour, let them remember that the fame of their deeds, even though they themselves be exterminated, may perhaps be celebrated as long as the world rolls round. Let us then declare that King Arthur and his noble knights, guarding the Sacred Flame of Christianity and the theme of a world order, sustained by valour, physical strength, and good horses and armour, slaughtered innumerable hosts of foul barbarians and set decent folk an example for all time » (Churchill, 1955 : 47).



Il n’est donc pas surprenant de voir en 1940 l’armée du roi Arthur envahir les ondes de la BBC. Depuis le XIXe siècle, au moins, l’Angleterre conte des récits oraux traitant d’un Arthur « dormant », entouré de sa cour, tels que King Arthur at Sewingshields, collecté dans le Northumberland en 1846, ou encore The Fairies of Merlin’s Craig, collecté en Ecosse en 1889 [8]. Mais dès la déclaration de guerre, une fois Arthur réveillé par Winston Churchill, ce sont des feuilletons, des séries théâtrales ou romancées qui mettent en évidence son rôle à la fois guerrier et civilisateur : si l’Angleterre espère son retour, c’est pour mieux se défendre cette fois encore contre l’invasion de ces nouveaux Saxons, les nazis.

The saviours


Au Royaume Uni, si Arthur devient un héros définitivement national, tout le mérite en revient au talent politique de Winston Churchill : car c’est bien lui qui décide d’ignorer Herla, décidément trop gallois, et de faire main basse sur la légende d’un Arthur dormant pour fédérer les forces résistantes de toute l’Angleterre. Il fait alors appel à Winifred Ashton, plus connue sous son pseudonyme Clemence Dane. Née en 1888, décédée en 1965, Clemence Dane est un auteur à succès de pièces de théâtre, de nouvelles, de contes pour enfants, de séries radiophoniques et télévisuelles ; et elle devient au début des années 30 un auteur de scénarios cinématographiques : c’est ainsi qu’en 1930, Alfred Hitchcock lui demande de participer à l’écriture du scénario de Murder ! Personnalité intelligente et libre, à la culture éclectique et foisonnante, oscillant avec aisance entre indécence et innocence, elle fait preuve d’un évident talent littéraire et d’une sensibilité féministe qui lui valent d’être maintenant reconnue et rééditée par des maisons d’édition telles que Virago’s Lesbian Landmarks series : son Regiment of Women, paru en 1917, récit sans concession sur l’homosexualité adolescente, et son essai The Women‘s Side paru en 1926, sont maintenant des classiques des « gender studies ». Dès 1931, son amitié avec Val Gielgud et Noël Coward lui ouvre les portes de la BBC, où Val Gielgud produit sa pièce, Will Shakespeare an invention in four acts, reprise à la télévision en 1938. Aussi bien dans ses romans que dans ses pièces de théâtre, elle croise plusieurs registres, se jouant des barrières génériques et temporelles, insérant côte à côte personnages réels et rôles fictifs, les sœurs Brontë, William Shakespeare, ou bien Elizabeth la reine vierge ou encore Alice au pays des merveilles.

En 1939, elle signe The Arrogant History of White Ben, époustouflante dystopie, où elle envisage l’avenir d’un monde soumis à la dictature d’Hitler. D’autres auteurs, comme Murray Constantine en 1937 avec sa Swastika Night, ont eux aussi imaginé un futur soumis au fascisme ; d’autres encore, comme Nancy Mitford, dans Charivari, écrit en 1935 et enfin publié récemment, dénoncent la fascination opérée par le fascisme sur les aristocrates et les suffragettes anglaises. Mais la spécificité de Clemence Dane est de déconstruire les mécanismes du pouvoir médiatique nazi sur toutes les femmes, aristocrates et travailleuses unies dans leur passion commune pour le Führer : une petite fille détentrice d’une racine de mandragore magique joue à l’apprentie sorcière et donne vie à un épouvantail, White Ben Campion, qu’elle revêt ensuite des vieilles loques des disparus de la Grande Guerre [9]. Pourvu alors d’un charisme et d’un pouvoir de manipulation inédits, habité par les « voices of the dead » entendues à l’église qui lui rappellent les sacrifices consentis depuis des siècles face à toutes les invasions, y compris face aux vikings, White Ben décide de l’extermination de ses semblables, sans que personne n’y trouve à redire, y compris — et surtout — les femmes. Démontant avec une rare modernité les ressorts de l’instrumentalisation médiatique, Clemence Dane analyse sans concession l’usage pervers des émotions et des affects féminins. Elle livre cette terrible analyse : « In those days women were the inflammable element in any crowd. The women had lost their patriotism when they lost their men and their homes : and when the first war-prosperity ended in penury they became dangerous ». Sa conclusion, proche des analyses freudiennes du début du siècle et de celle de Tolkien dans Beowulf, reste assez sombre, malgré l’heureux épilogue de sa dystopie : « Time travellers report indeed that the savants of a thousand years hence have proved, (…) that White Ben Campion was no more than the wish fulfilment of a backward people, and that he personifies in their folk-lore the naturel human instinct to maltreat the harmless and destroy the happy » [10].

Mais dès juin 1940, c’est cette lucidité et ce pessimisme qui construisent Clemence Dane en combattante. A ce titre, elle reçoit commande par la BBC d’une série de sept pièces de théâtre de soixante minutes chacune, The Saviours : Seven Plays on One Theme, diffusées régulièrement à partir du 24 novembre 1940 jusqu’au 11 novembre 1942. Parallèlement, les pièces sont jouées à Covent Garden. Elles sont d’abord publiées le 19 juillet 1942 par l’éditeur Doubleday, puis par William Heinemann au cours de la même année, en novembre. Des chansons composées par Richard Addinsell, qui travaille avec Clemence Dane depuis longtemps, « England’s Darling », « The Hope of Britain », « The May King », sont diffusées séparément, sous la forme de feuilles volantes, durant les années 1940-42. Par la suite, après la Victoire de mai 1945, les pièces seront rejouées, au théâtre et à la radio, en particulier pour les fêtes du couronnement de la reine Elizabeth II en 1953.

A la suite de la publication de la série chez Heinemann, The Tribune Magazine Archive du 13 novembre 1942 fait un compte rendu élogieux du texte sous le titre « The Free Britisher » ; l’intrigue est brièvement résumée : l’incarnation de Merlin en différentes figures salvatrices de la nation, le roi Arthur, Alfred le Grand, la reine Elizabeth, le jeune Essex, l’Amiral Nelson, Robin des Bois, qui exhortent le pays à l’union et à la résistance. Parmi tous, le commentateur fait son choix : « Give me Robin Hood and let the rest have rooms in the Ministry of Information. Robin Hood, as portrayed by Clemence Dane, is the free Britisher ». Car : « How freshly Miss Dane tackles this bright legend, and once shown to us, it is no longer a legend but living truth ». Plus que tout autre slogan, le message essentiel de Robin, « To dare is to be alive », est celui que retient le Tribune Magazine Archive. Ce choix est à la fois surprenant et intéressant : car Arthur n’est pas spontanément sélectionné pour représenter le Royaume Uni ; quitte à faire un choix, le Tribune Magazine Archive lui préfère un héros populaire, dépourvu de tout sang royal. De son côté, Clemence Dane explique en prologue combien il est nécessaire en temps de guerre de convoquer l’ensemble des grandes figures nationales, même si elle en privilégie une, le roi Arthur : « If ever an Arthur were needed he is now… it becomes clear that Arthur has in a sense already returned, and will always return, whenever young Britons rise up to fight for the preservation of the people’s right, for a purer justice and a stronger, cleaner land » [11]. Après avoir débuté en plein Blitz de Londres, la série évoque donc un Merlin appelant à la résistance contre les nazis et un Arthur messianique, quelque peu trahi par des Pictes collaborateurs, mais cependant porteur de l’« indestructible spirit » de l’Angleterre jusqu’à la victoire finale. La série a un succès considérable et dans le rôle d’Arthur, le jeu de l’acteur Marius Goring est salué des critiques comme « the most successful of all ». L’épisode le plus troublant est diffusé le 11 novembre 1942 : The Unknown Soldier, où l’on voit Arthur blessé s’incarner dans le corps du Soldat Inconnu de la Première Guerre Mondiale et prendre la tête d’une armée furieuse de soldats morts au combat, sans sépulture, et avides de revanche : on reconnaît sans peine le scénario classique de la Chasse sauvage.

Propagande par temps de guerre


Une interrogation surgit immédiatement : par quel revirement idéologique Clemence Dane est-elle parvenue à replacer les revenants sans sépulture de la Grande Guerre du « bon côté » ? Ces mêmes revenants n’étaient-ils pas les meilleurs soutiens de l’épouvantail nazi White Ben Campion ? Le compositeur Richard Addinsell joue un rôle dans cette conversion. Clemence Dane le connaît depuis 1928 : cette année-là, ils collaborent à la réalisation au théâtre The Old Vic de la pièce Adam’s Opera ; en 1932, il produit la musique de l’adaptation d’Alice in Wonderland que Clemence Dane a écrite pour Broadway ; mais c’est en 1937 pour le film Fire Over England, traduit en français sous le titre L’Invincible Armada, qu’ils s’engagent sur le même terrain, celui de la restauration d’une représentation nationale, une Angleterre unie derrière son chef d’État, en l’occurrence ici Elizabeth Iere, la reine vierge, une des figures préférées de Clemence Dane : elle est scénariste du film, il en signe la musique. Mais dès 1939, Addinsell va plus loin, il œuvre aux côtés de producteurs de cinéma pour des documentaires et des films de propagande. Le 3 novembre 1939 — et le 27 décembre en France — sort le premier film de propagande anglais, The Lion Has Wings, dirigé par Alexander Korda. Ce film, dont Addinsell est le compositeur musical, présente plusieurs caractéristiques intéressantes : dès son ouverture, il inclut des scènes de Fire Over England, rendant ainsi un hommage appuyé aussi bien à Elizabeth Iere qu’à Clemence Dane elle-même, ce qui n’a sans doute pas manqué de flatter la romancière. En revanche, l’épilogue est une pierre dans son jardin : l’héroïne, Mrs. Richardson, épouse d’un officier retraité de la Royal Air Force, jouée par Merle Oberon, rappelle les sacrifices séculaires des femmes britanniques qui ont perdu tant de fils et d’époux lors des précédentes guerres, mais, ajoute Mrs. Richardson, elles savent résister, lucides, aux séductions trompeuses d’un orateur et elles sont à nouveau prêtes à se mobiliser pour défendre leur « British way of life » contre la barbarie nazie. En cette envolée lyrique — si ennuyeuse que le Wing Commander Richardson s’en endort —, Merle Oberon contredit donc fortement, terme à terme, la dure analyse socio-historique de Clemence Dane.

Si Korda s’oppose ainsi à la satire féministe de White Ben, c’est qu’ami proche de Churchill, il est chargé de l’organisation des combats médiatiques à venir. Nommé par Chamberlain en septembre 1939 Premier Lord de l’Amirauté au sein du Cabinet de Guerre, le futur Premier Ministre a déjà tout prévu : anticipant la chute de Chamberlain dont la popularité est catastrophique, il se prépare au pouvoir ; il n’y sera qu’à partir du 10 mai 1940, mais malgré ses réserves sur l’utilité de la BBC, il sait déjà le poids que devra prendre le tout nouveau Ministère de l’Information, créé le 4 septembre 1939, au lendemain de la déclaration de guerre du Royaume Uni. En fait, ce Ministère ne sera guère populaire auprès de la presse qui craint de perdre son indépendance. Cependant, après les passages rapides de ministres impopulaires, le Ministère aura à sa tête en juillet 1941 Brendan Bracken, qui parviendra à être soutenu à la fois par la presse et par Churchill en personne, ce qui lui vaudra de rester en fonction jusqu’à la victoire. Dans ce contexte, Korda s’est engagé dès l’été 1939 à produire au plus vite, en un mois, un film de propagande, épargnant ainsi à l’industrie et à la diffusion du film anglais la faillite que la Grande Guerre de 14-18 avait provoquée (Balfour, 2010 : 155) [12]. Clemence Dane répond, tout comme Addinsell, aux commandes du Ministère de l’Information. Le 19 juillet 1941, alors que la BBC diffuse The Saviours depuis 9 mois, sort sur les écrans This England, réalisé par David MacDonald, production anglo-américaine : le film glorifie l’esprit de résistance qui soude ouvriers, paysans et propriétaires terriens, au cœur de Cleveley, petit village typique de la « Britishness », depuis le temps des invasions normandes, jusqu’aux agressions espagnoles et napoléoniennes, et enfin, face aux nazis. Addinsell en signe la musique.

Comme on le voit, de la radio au cinéma, le message d’un Royaume Uni qui fait bloc autour de ses valeurs et de ses chefs de guerre, est décliné au fil d’un catalogue historique de périodes-clés, sélectionnées une bonne fois pour toutes, et selon des scénarios stéréotypés, message martelé, réitéré, jusqu’à la victoire finale. Le 14 juillet 1940, à la Chambre des Communes, Churchill parle d’une « guerre des peuples (…), d’une Guerre de Guerriers Inconnus » :

« This is no war of chieftains or of princes, of dynasties or national ambition ; it is a war of peoples and of causes. There are vast numbers, not only in this Island but in every land, who will render faithful service in this war, but whose names will never be known, whose deeds will never be recorded. This is a War of the Unknown Warriors ; but let all strive without failing in faith or in duty, and the dark curse of Hitler will be lifted from our age » [13].



The Saviours, et plus encore l’épisode The Unknown Soldier que le programme de la BBC, Radio Times, préfère intituler The Unknown Warrior, est donc en parfaite cohérence avec les exigences ministérielles.

En 1957, Val Gielgud jugera deux épisodes de The Saviours, England’s Darling, diffusé le 2 février 1941, et The Unknown Soldier, « as outstanding among broadcast plays » (Gielgud, 1957 : 100). En pleine guerre, la seule critique négative vient de Grace Wyndham Goldie, productrice à la BBC, chargée de 1935 à 1945 d’une rubrique hebdomadaire dans The Listener, magazine conçu par la BBC, « a medium for intelligent reception of broadcast programmes by way of amplification and explanation » des programmes qui sont juste annoncés par l’autre magazine officiel, Radio Times. C’est dire le poids de Grace Wyndham Goldie, dont la carrière à la radio et à la télévision eut une influence considérable, en particulier politique, jusqu’à sa retraite en 1965. Or Wyndham Goldie n’apprécie pas du tout l’anachronisme politique de The Saviours :

« Dane made Arthur…an early Socialist standing for the rights of labour against Big Business, and thought, for all I know, there may be excellent evidence to support this, yet the effect of sticking a modern conception of democracy into a medieval story was as incongruous in its effect as if she had crowned a suit of fifteenth-century armour with a black bowler hat » [14].



A première vue, la réaction de Wyndham Goldie paraît pour le moins inadéquate et excessive : car The Saviours répond aux lois du genre allégorique et il ne vient à l’idée de personne que Clemence Dane ait voulu écrire une reconstitution historique. Mais en effet, proclamant la nécessité nationale d’un débat démocratique et d’un pouvoir partagé avec les forces vives de la nation, The Saviours est bien un manifeste socialiste. On approche là tout le talent de Clemence Dane : elle réussit à imprimer une singularité politique à sa pièce, alors même que The Saviours s’insère apparemment sans effort dans le socle pédagogique prescrit par le Ministère de l’Information. Plus que tout autre, l’épisode The Unknown Soldier est polémique car il fait suite à un long débat politique sur la question des monuments aux morts de la Grande Guerre.

Autels de rues pour soldats et chevaux sans sépultures


Pour Winston Churchill qui redoute l’implantation d’une « Cinquième Colonne » sur le sol britannique, le pacifisme est l’ennemi intérieur. Depuis 1935, date à laquelle 86 % des Anglais déclaraient qu’« au cas où une nation menace d’en attaquer une autre, les autres nations doivent s’entendre pour la forcer à s’arrêter par des mesures économiques, et non militaires » [15], la situation a peu à peu évolué en faveur de la mobilisation. Mais la British Union of Fascists créée en octobre 1932 par Oswald Mosley diffuse à 100 000 exemplaires, dès janvier 1940, une brochure intitulée « The British peace : how to get it », le 27 du même mois, Churchill est chahuté par la foule à Manchester aux cris de « Vive Mosley ! Vive la paix », et de février à juin 1940, des meetings pacifistes réunissent de plus en plus de partisans, jusqu’à ce que Mosley et 80 cadres de la BUF soient internés, en vertu du Defence Regulation qui suspend l’Habeas Corpus pour les suspects de sympathies nazies, et que 1300 pacifistes soient emprisonnés. Sans exagérer l’impact de ces meetings, il reste que ce pacifisme fasciste, parfois rejoint par des travaillistes et des communistes, exploite une détresse populaire, celle qui a surgi dès 1916, lorsque des familles endeuillées ont désespéré de ne pouvoir donner une sépulture à leurs fils disparus au combat.

Dans l’histoire riche et complexe des monuments aux soldats inconnus érigés en Europe à partir de 1920, la Grande-Bretagne présente une singularité : dès août 1916, à la demande de mères et d’épouses endeuillées, des révérends anglicans commencent à ériger des autels dans les rues en hommage aux soldats disparus sans sépulture. Ces « street war shrines » sont de modestes petits sanctuaires, en forme de triptyques, faits de bois et de papier, sur lesquels on inscrit le nom des morts au combat, aux corps méconnaissables, laissés le plus souvent sans sépulture. Ils se situent au coin des rues ou devant les portes des disparus. Le tout premier est érigé à South Hackney, faubourg du nord-est de Londres, voisin du Victoria Park, puis d’autres apparaissent dans d’autres quartiers populaires et ouvriers de l’East London. De petits services religieux y sont tenus, réunissant parents, amis et voisins des soldats. L’on y dépose des fleurs, l’Union Jack et d’autres drapeaux propres aux régiments des soldats tués, une croix ou un crucifix, des lettres, des prières sur des feuilles volantes, l’on y grave des slogans patriotiques ou sentimentaux. Peu à peu, les noms inscrits sont constitués en listes, « The Roll of Honour », où l’on décline les noms des soldats tués mais aussi ceux des combattants encore en vie, en particulier de ces soldats victimes du « shell shock » que la douleur et la terreur ont rendu si amnésiques et si hagards qu’ils ne savent plus évaluer le temps qui passe, à l’instar des fantômes de la mesnie d’Arthur. Les « street shrines » incarnent clairement la définition qu’ Yvonne Verdier donne du conte : « un véritable petit rite parlé » (Verdier, 1995 : 15).


Phénomène spontané, ces autels sont donc érigés à l’initiative des mères et des épouses : ces femmes restituent les témoignages de combattants qui, une fois la Manche traversée, bien souvent pour la première fois de leur vie, découvrent en France une architecture religieuse différente, et deviennent sensibles aux pratiques catholiques. Sur le front, des rumeurs enflent : on raconte combien les calvaires et les autels catholiques sont épargnés par les bombes dévastatrices. Les croix, les crucifix des « street war shrines » deviennent, par une sorte de contiguïté magique, dans un mouvement de protection rétrospective, et dans l’espoir d’intercessions divines, des talismans protecteurs des âmes inapaisées des soldats sans sépulture. Le London Evening News s’empare du phénomène, les magasins Selfridges, avec l’accord du Lord Maire de Londres, lancent une souscription. Un œcuménisme religieux se fait jour, entre catholiques et juifs de l’East End, en particulier lors de la consécration d’un autel dans le quartier de Bethnal Green où les prières sont dites en anglais puis en hébreu. Inquiète, l’Eglise d’Angleterre préfère alors se démarquer de ses révérends. Elle a mis au point un « évangélisme de guerre » et craint d’être débordée par l’ampleur de cette « popish superstition » : elle souligne alors que les prières aux défunts vont à l’encontre des Trente-Neuf Articles de l’Eglise d’Angleterre. Mais comment appréhender l’émergence de ces pratiques que l’Eglise juge superstitieuses ? Comment canaliser la souffrance des familles ? Dans la confusion, la controverse religieuse s’installe. De son côté, la famille royale, soupçonnée d’indifférence, prend la mesure de l’ampleur du phénomène : la Reine Mary prouve sa compassion par une visite à une famille endeuillée et dépose une gerbe au pied d’un sanctuaire, espérant ainsi en limiter la propagation. Rien n’y fait : le phénomène se propage. L’on tente, en vain, la désacralisation d’un autel à Ilford en 1916. Le mouvement atteindra son point culminant avec l’érection du Great War Shrine de Hyde Park, qui croulera sous un amoncellement de fleurs et réunira 200 000 personnes du 4 au 15 août 1918. Peu à peu, pourtant, les choses se normalisent : dès 1917-18, des autels de pierre, aux normes standardisées par la mairie de Londres, sont construits à la place des tout premiers « street shrines » en bois [16].

Unknown Arthur

Le mouvement spontané des « street shrines », élargi aux comtés du sud, se réfère dès 1916 à ce qu’on a appelé un « patri-passionism » nourri de références hagiographiques et légendaires : s’inspirant des calvaires bretons, les « street shrines » en appellent à la protection de saint Georges et de saint Michel. On y prie d’autant plus ces saints guerriers, chevauchant des montures féeriques, qu’on associe aux soldats défunts les chevaux qui étaient leurs compagnons sur le front.

Des autels pour ces animaux tués au combat sont érigés, proches de ceux consacrés à leurs maîtres. C’est alors que ces soldats, parfois issus de régiments de cavalerie, sont dénommés « unknown Arthur » [17]. En fait, c’est tout d’abord sur le front que les soldats eux-mêmes en appellent à la protection du roi Arthur, quand ils ne vont pas jusqu’à s’identifier à lui. C’est le cas de ce soldat, Wilfred Owen, qui écrit à sa mère en août 1916 : « To battle with the Super-Zeppelin, when he comes, this would be chivalry more than Arthur dreamed of. Zeppelin, the giant-dragon, the child-slayer, I would happily die in any adventure against him » [18]. Il n’est pas rare que les chevaux des régiments de cavalerie soient nommés « Caball », du nom donné au destrier d’Arthur — et d’ailleurs aussi à son chien. Souvent très jeunes, ces soldats arrivent sur les champs de bataille nourris de légendes médiévales, de romans de chevalerie, de récits historiques appréhendés pendant l’enfance, dans les public schools lorsqu’ils sont issus de milieux aisés, et plus généralement grâce à la littérature de jeunesse. Au front, dès 1914, une confusion s’opère entre saint Georges et un roi Arthur de plus en plus christianisé, souvent accompagné de Galaad, dont la composante christique est privilégiée. Des légendes, issues de l’hagiographie médiévale, courent dans les tranchées et parviennent aux familles endeuillées, parfois même par la presse : c’est ainsi que la fameuse histoire des « Angels of Mons », archers d’Azincourt avec saint Georges à leur tête, venus au secours des British Expeditionary Forces lors de la retraite de Mons, est véhiculée par un journaliste du journal londonien Evening News du 29 septembre 1914 [19].

Le tissu composite des rituels associés aux « street shrines » et des légendes issues du front de guerre a créé — ou renforcé — un mouvement aussi bien populaire qu’artistique, le « spiritual medievalism », qu’il est difficile de rattacher à telle ou telle catégorie et pratique religieuses, qu’elles soient protestantes, anglicanes ou catholiques. A partir de 1920, à la suite de la France, lorsque le Royaume Uni installe le tombeau du soldat inconnu à l’abbaye de Westminster, prenant ainsi le relais des sanctuaires et des cénotaphes municipaux, les commémorations sont inspirées de ce « médiévalisme » religieux : on puise dans les récits hagiographiques médiévaux et dans les romans de chevalerie des exemples de rédemption chrétienne qui permettent de magnifier le sacrifice des soldats ; on reconstitue des lieux de recueillement « gothiques » pour favoriser les suppliques d’intercession divine en faveur des blessés incurables du « shell shock » ; réinsérée au cœur de récits folkloriques, la mort au combat est représentée comme un long et profond sommeil enchanté. Il n’en faut pas plus pour que des personnages tels que la Belle au bois dormant soient au cœur des commémorations. Mais bien entendu, c’est surtout la figure d’Arthur dormant à Avalon qui est exploitée. Le 11 novembre 1920, lors de la cérémonie de dévoilement du tombeau du soldat inconnu à Westminster, les journalistes en larmes à l’écoute de l’hymne de John S. Arkwright « O Valiant Hearts », imaginent un « unknown warrior » reposant jusqu’au jour de son triomphal retour, et rappellent Walter Scott et Alfred Lord Tennyson, en particulier The Passing of Arthur (Goebel, 2007 : 268). D’une manière générale, c’est tout le Royaume Uni qui requiert Arthur pour les sculptures de ses monuments aux morts et pour les vitraux de ses chapelles. Les artistes du Arts and Crafts Movement, les Pré-Raphaëlites et les « Gothic revivalists » privilégient les thèmes issus de la légende arthurienne, d’autant plus qu’ils leur sont conseillés par le Royal Academy War Memorials Committee qui préside aux choix des sujets historiques et religieux ; en 1919, le Victoria and Albert Museum organise une exposition de ces œuvres, légitimant ainsi au plan national les sélections thématiques opérées au sein de la matière arthurienne [2012). (...)" id="nh2-20">20]. Mais il reste que, sensibles aux « street shrines » populaires, les artistes focalisent leurs œuvres sur l’image du soldat souffrant, démuni et abandonné : mettant en avant le sacrifice inutile de jeunes vies au profit de nations capitalistes, ils dépassent la dimension christique d’un Arthur dormant plus à Glastonbury qu’à Avalon, et restituent une lecture « socialiste » de la légende arthurienne. Ce mouvement littéraire et artistique, le « socialist medievalism », devient si important qu’il aborde les rivages du politique : se pose alors la question de l’unité du Royaume Uni et du patriotisme.

Très vite, dès 1918-1920, le gouvernement britannique se heurte au problème de la dénomination du soldat inconnu : on évite le mot « Soldier » pour mieux l’historiciser en « Warrior », terme neutre qui présente aussi l’avantage d’être utilisé pour n’importe quel corps d’armée. On hésite entre « Unknown Combatant », « Unknown Comrade » et « Unknown Fighting Man » (Goebel, 2007 : 34). L’allégorique « Unknown Arthur » issu des rues londoniennes s’impose le 11 novembre 1920 lors de la cérémonie de dévoilement du tombeau de Westminster. Il paraît nécessaire de recentrer la nation autour d’Arthur : déjà en octobre 1916, lors de la cérémonie d’inauguration des statues des « great Welshmen » de l’hôtel de ville de Cardiff, parmi lesquelles se trouvent Arthur et Galaad, Lloyd George craignant un isolement du Pays de Galles, rendait hommage au « code de l’honneur gallois », initié par Arthur, « a new code of honour, that restrained, ennobled, exalted, engentled the brute forces of Europe for centuries » [21]. Mais en fait, il y avait déjà bien longtemps que l’identité galloise se pensait britannique. Et d’ailleurs, Arthur fut moins souvent représenté sur les monuments aux morts gallois que dans tout le Royaume Uni. En 1916, la crainte d’une brèche dans l’unité nationale est donc sans fondement. Le danger est ailleurs : le sentiment d’abandon des familles endeuillées s’incruste durablement. Si leur souffrance ne remet pas en cause le patriotisme dont leurs soldats furent investis, elle les rend sensibles au pacifisme, de quelque bord politique qu’il soit.

Que faire de cette douleur intime et collective, celle du deuil impossible ? Dans une société qui voudrait tant oublier et qui n’en finit pas de se souvenir, il n’y a pas plus de certitudes que de corps à pleurer. « Unknown Arthur » : toute la détresse de la population britannique est contenue dans cette étrange construction sémantique. Comment un soldat peut-il rester inconnu alors qu’on le gratifie d’une dénomination aussi prestigieuse que celle du premier chef de guerre anglais résistant aux invasions saxonnes ? Et inversement, une fois qu’il a revêtu les défroques du soldat inconnu et qu’il habite son pauvre corps méconnaissable, comment ce roi légendaire, figure tutélaire de la Grande-Bretagne, peut-il souffrir d’un défaut d’identité ? Comment peut-on être à la fois inconnu et identifié ? Il n’existe qu’un seul être qui combine ces deux registres apparemment inconciliables : c’est le revenant à la tête de son armée des ombres qui hante le pays jusqu’à ce que Winston Churchill lui offre la paix.

add_to_photos Notes

[1Voir Schmitt (1989). Voir également Perez (1988).

[2Friends in Life and Death, conte-type 470 dans la classification internationale d’Antti Aarne et Stith Thompson (1961). Il s’agit aussi des motifs D 2011 Years thought Days, F 116 Journey to the Land of the Immortals, F 377 Supernatural Lapse of Time in Fairyland dans Stith Thompson (1961). Voir également Giuseppe Gatto (1979). La Chasse sauvage est parfois associée au conte-type 766, The Seven Sleepers, et est constituée des motifs F 377 Supernatural lapse of time in fairyland, F 379.1 Return from fairyland, F 378.1 Tabu : touching ground on return from fairyland, C 521 Tabu : dismounting from horse, C 927.2 Falling to ashes as punishment for breaking tabu, E 501.1.7.1 King Herla as wild huntsman.

[3Sur La Chasse sauvage, voir Carlo Ginzburg (1992 : 112 sq), Claude Lecouteux (1997), Jean-Claude Schmitt (1981, 1984, 1994), Thomas Green (2007 : 237 et 261). Voir également les travaux de Jacqueline Simpson, Présidente de la Folklore Society, qui a établi le corpus médiéval britannique des histoires de revenants et de la Chasse sauvage (2003).

[4Katharine M. Briggs (1970 : Part : 363, 426 et 498 et 1967 : 49-52). Voir également Jacqueline Simpson (1976).

[5Voir Prys Morgan (2006 : 57). Voir également Kenneth O. Morgan (2002 : 238, 362-363).

[6Jennifer Westwood (1985 : 8), Katharine M. Briggs (1967 : 51) et Stith Thompson (1961) qui isole deux motifs propres au retour d’Arthur : A 580 : Culture hero expected return : Divinity or hero is expected to return at the proper time and rescue his people from. their misfortunes. A 571 : Culture hero asleep in mountain.

[7Winston Churchill, « We Shall Fight on the Beaches », June 4, 1940, House of Commons, http://www.winstonchurchill.org/learn/speeches/speeches-of-winston-churchill/128

[9Voir Clemence Dane (1939 : 19-20 et 79). Le motif de la transformation de l’épouvantail en être humain est répertorié par Stith Thompson (1961 : motif D. 435.1 : Transformation : statue to person ).

[10Cité par Elizabeth Maslen (2001 : 69-70). Voir Jenny Hartley (2004).

[11Clemence Dane, « The Men Who Saved Our Land », Radio Times, 22 novembre 1940, 5, cité par Roger Simpson (2008 : 45-46).

[12Voir Donald L. Hoffman (2002) et Cécile Vallée (2006).

[13Winston Churchill, « War of the Unknown Warriors », July 14, 1940, House of Commons, http://www.winstonchurchill.org/learn/speeches/speeches-of-winston-churchill/126-war-of-the-unknown-warriors

[14Grace Wyndham Goldie, « Heroes on Sunday », Listener 25, 2 January 1941, 28.

[15« Peace ballot » de 1935 (cf. http://hgc.ac-creteil.fr/spip/Pacifisme-et-pacifistes).

[16Voir Alex King (1997 : 47-50) et Mark Connelly (2002 : 25).

[17Voir David W. Lloyd (1998 : 89) et Paul Fussell (1975 : 175).

[18Cité par Stefan Goebel (2007 : 228).

[19Cité par Stefan Goebel (2007 : 247). Voir Arthur Machen (1915) et David Clarke (2002).

[20Voir Carolyn Malone (2012). Voir aussi Raymond H. Thompson (1985, 1996) et Debra N. Mancoff (1992).

[21David Lloyd George, « The Great Men of Wales », in The Great Crusade, page 29, cité par Stefan Goebel (2007 : 192).

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Pour citer cet article :

Catherine Velay-Vallantin, 2013. « Revisiter le conte en politique : la chasse sauvage des soldats inconnus ». ethnographiques.org, Numéro 26 - juillet 2013
Sur les chemins du conte [en ligne].
(https://www.ethnographiques.org/2013/Velay-Vallantin - consulté le 29.03.2024)
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