Enquêter en tandem sur les pratiques musicales de la France rurale pour le Musée des arts et traditions populaires :
variation ou conjuration du collectif ?

Résumé

Claudie Marcel-Dubois (1913-1989), pionnière dans le domaine français, et sa collaboratrice Maguy Pichonnet-Andral (1922-2004) ont travaillé sans relâche au Musée national des Arts et Traditions populaires à constituer le corpus des "musiques de tradition orale françaises". Effectués entre 1946 et 1983, leurs terrains couvrent la presque totalité du territoire national et s’étendent à quelques îlots de la francophonie ultra-marine. Un regard sur les archives écrites de la cinquantaine d’enquêtes qu’elles ont réalisées au titre du CNRS pour le compte du musée-laboratoire permet de constater que l’entreprise, qui semble souvent réalisée exclusivement en duo, a en réalité bénéficié de concours de linguistes, stagiaires et correspondants locaux, la plupart du temps tenus en lisière d’une démarche réellement collaborative, même quand le tandem a été agrégé à des collectifs pluridisciplinaires. Nous proposons une typo-chronologie des différents modus operandi des deux chercheuses : il met en relief leur souci de se démarquer des folkloristes mais aussi le tropisme collectionneur qui les rattache à eux, tout en répondant à leur besoin de reconnaissance par le monde de la conservation, aussi vif que leur désir d’appartenance au monde de la recherche.

Abstract

A pair of researchers investigating musical practices in rural France for the Popular Arts and Traditions Museum : variation or conjuration of the collective force ?

Claudie Marcel-Dubois (1913-1989), a pioneer in the French area, and her collaborator Maguy Pichonnet-Andral (1922-2004), worked tirelessly at the Musée national des Arts et Traditions Populaires to form the corpus of "French traditional oral music". Performed between 1946 and 1983, their fields cover almost the entire country and extend to some areas of the overseas Francophonie. A look at the written archives of the almost fifty investigations they carried out for the museum as members of the CNRS, shows that the enterprise, which often seems exclusively work done by the duo, actually benefited from the assistance given by linguists, trainees and local correspondents, who most of the time were left on the fringe of a truly collaborative approach, even when the tandem was associated with multidisciplinary groups. We propose a typo-chronology of the different modus operandi of the two researchers. It highlights their desire to stand out from folklorists but also the collector tropism, which ties them to these same folklorists while also meeting their desire to belong to the world of research.

Sommaire

Table des matières

Place de l’enquête dans l’avènement de l’ethnomusicologie de la France

En recrutant, en 1929, le musicologue André Schaeffner (1895-1980) comme responsable des collections instrumentales du musée d’ethnographie du Trocadéro dont il était depuis peu le sous-directeur, puis en lui procurant cinq ans plus tard le renfort de la très jeune Claudie Marcel-Dubois (1913-1989), chargée de la collection de disques ethnographiques de l’établissement [1], Georges Henri Rivière (1897-1985) (illustration 1), lui-même musicien de formation, est, en quelque sorte, l’initiateur du domaine lié à l’étude des musiques de tradition orale. Si, avec l’ambition disciplinaire qu’il porte, le terme d’ethnomusicologie [2] n’apparaît et ne voit son emploi se généraliser qu’au cours des années 1950, non sans repentir ou contestation parfois radicale (Gérard, 2014 : 292-297), c’est bien à partir des années 1930 qu’émerge une discipline nouvelle, en s’autonomisant de la musicologie comparée pour se greffer sur l’ethnologie (ibid. : 25), sans volonté de rupture, du moins au départ, avec l’étude du folklore entendue comme celle des musiques paysannes.

Autonomisation mais aussi bien scission : quand, en 1937, le musée d’ethnographie du Trocadéro s’efface pour donner naissance à deux nouveaux établissements, le Musée de l’Homme et celui des arts et traditions populaires (MNATP), le premier se consacrant aux lointains, le second, à la France, les destinées professionnelles de Schaeffner et de Marcel-Dubois divergent, notamment du fait des rattachements institutionnels, le Muséum national d’histoire naturelle et son assemblée de professeurs, d’un côté, l’administration des Beaux-Arts (musées de France) associée au CNRS naissant, de l’autre, mais les trajectoires gardent un étonnant parallélisme, nonobstant un léger décalage chronologique : chacun, dans son institution respective, elle-même logée dans une aile distincte du palais de Chaillot, est investi de la responsabilité d’un département [3] constitué sur la base de collections instrumentales et sonores, héritées du musée du Trocadéro ; chacun y accueille bientôt un assistant avec qui il coopère durablement avant d’en faire son successeur, Gilbert Rouget au Musée de l’Homme, dès 1942, Maguy Andral [4] au Musée des arts et traditions populaires à la toute fin de 1945 ; ainsi l’un et l’autre contribuent-ils de façon déterminante à légitimer la discipline, même si la consécration qu’amène la création d’un enseignement dédié est une prime symbolique remportée par la cadette, nommée la même année (1961) chargée de cours à l’université de Paris et responsable d’une conférence complémentaire à l’École pratique des hautes études. Il est dès lors admis, sans remise en cause ultérieure, que Schaeffner est le pionnier de l’ethnomusicologie en France, mais que Marcel-Dubois est la fondatrice de l’ethnomusicologie de la France. Dans cette dialectique de la proximité et de la distance, il est frappant de relever que Marcel-Dubois, brièvement subordonnée à un homme qu’elle a surtout suppléé pendant ses missions africaines, ne s’en déclare jamais la débitrice, moins encore la disciple, alors qu’elle a souligné, notamment dans la notice nécrologique qu’elle lui a consacrée (Marcel-Dubois, 1960 : 88), ce qu’elle devait à l’enseignement de Curt Sachs, accueilli par Rivet lors de son exil parisien, et plus tard aux échanges avec Constantin Brăiloiù.

Mais, par delà cette émulation prompte à se muer en rivalité, inévitablement entretenue par les entourages, au reste plus fournis au musée de l’Homme qu’aux ATP, la communauté de creuset et le long voisinage au Trocadéro ont aussi créé un « collectif structuré » de chercheurs (Gérard, 2014 : 227), insérés dans la communauté disciplinaire internationale qu’ont forgée des colloques comme ceux de Wégimont [5] et qu’ont soudée des associations comme l’International Folk Music Council [6]. Et c’est bien dans cet « écosystème » et dans ce jeu de références croisées que Marcel-Dubois a échafaudé et mis en œuvre une politique et une méthodologie de l’enquête ethnographique, appliquée d’abord au « folklore musical » puis à ce qu’elle désigne comme « musiques ethniques » ou comme « phénomène musique ».

Or cette pratique soutenue de l’enquête par Claudie Marcel-Dubois et Maguy Andral a ceci de déconcertant qu’elle n’a été ni vraiment théorisée en amont ni transformée en aval – ou si peu – en un flux d’une régularité et d’une abondance comparables, en matière de publications, dans la revue Arts et traditions populaires, laquelle avait pourtant vocation à mettre en exergue les recherches menées sur le terrain par les scientifiques attachés au musée éponyme, ce dont leurs collègues ne se privaient pas d’user, tel Jean-Michel Guilcher pour ses enquêtes sur la danse traditionnelle [7].

Peu exploité éditorialement, le corpus est, à l’opposé, devenu, de la part de celles qui l’avaient constitué, l’objet d’une thésaurisation ayant pour corollaire son inaccessibilité, perçue comme intentionnelle et critiquée à ce titre, d’abord mezza voce par les pairs [8] puis, de façon autrement tonitruante, à partir du début des années 1970, par les amateurs de musique traditionnelle, désireux de remonter aux sources : celui de nous deux qui fréquentait alors les folk-clubs parisiens et les festivals dédiés à cette esthétique peut témoigner de la notoriété négative qu’avaient acquise, si loin des cercles académiques, les deux directrices de recherche [9] ; l’incompréhension, teintée de colère, que suscitait leur refus de laisser les musiciens revivalistes prendre connaissance de leurs enregistrements persistait encore quand l’autre signataire de cet article, ethnomusicologue de formation, a pris ses fonctions au MNATP et s’est trouvée à son tour interpellée par ce passé non pardonné. Au même moment, son comparse, qui exerçait alors la profession d’archiviste, mesurait l’intensité de l’enjeu qui s’attachait à l’ouverture et à l’appropriation d’archives dites sensibles (Gasnault, 2013).

C’est donc à plusieurs titres et en pleine conscience d’y être impliqués que nous avons souhaité revisiter une histoire qui ne s’est interrompue ni avec le départ à la retraite ni avec la disparition des deux protagonistes. Elle a au contraire continué d’être portée par ces militants associatifs qu’elles avaient éconduits et qui sont devenus ou redevenus nos partenaires, hier dans un contexte de professionnalité patrimoniale, aujourd’hui dans celui d’une recherche scientifique [10]. L’article que nous proposons est donc aussi, sinon d’abord, une tentative d’objectivation où nous nous sommes employés à démonter le mécanisme d’enchevêtrement des incompréhensions, générationnelles, lexicologiques ou paradigmatiques, qui se sont nouées. Sans prétendre y être toujours parvenus...

Un couple pour l’ethnomusicologie de la France

De 1946 à 1986 [11], le Musée national des arts et traditions populaires mène environ cinquante enquêtes de terrain sur les pratiques musicales (illustration 2) et sur la facture instrumentale (illustration 3) observables en milieu paysan. La « mission de folklore musical en Basse-Bretagne de 1939 », première enquête d’envergure organisée par la jeune institution et terrain initiateur pour Marcel-Dubois (illustration 4) (Le Gonidec, 2009) doit être regardée comme un prototype dont les circonstances de la guerre ont retardé la systématisation, bien après la Libération. Il est par ailleurs délicat de donner un chiffre précis et imprudent de se caler sur ceux, du reste variables et pas seulement du fait des actualisations, qui figurent dans les rapports administratifs. Toutes les missions ne sont pas des enquêtes et les sessions d’enregistrement au siège du MNATP ne sauraient leur être assimilées : si l’on tient compte de ces restrictions, le nombre approximatif d’enquêtes est bien de l’ordre de la cinquantaine.

Ces enquêtes ethnomusicologiques, qui ont couvert la quasi-totalité du territoire national à la notable exception des régions alpines [12], mais sans omettre l’outre-mer et en s’étendant aussi aux îlots francophones d’Amérique du Nord, ont quasi toutes été programmées et supervisées par ces deux chercheuses du CNRS affectées au MNATP que sont Claudie Marcel-Dubois (illustration 5 et son 1) et Maguy Pichonnet-Andral (illustration 6 et son 2), qui les ont également réalisées, pour la plupart d’entre elles, et presque systématiquement ensemble. Sans doute se sont-elles adjoint des collaborateurs, de façon très occasionnelle dans les années 1940-1950, plus usuellement dans la décennie 1963-1972 ; elles se sont aussi intégrées à des entreprises engageant tout l’établissement, comme les fameuses recherches collectives sur programme (RCP) Aubrac et Châtillonnais. Mais c’est à nouveau en couple fermé, pour emprunter au vocabulaire de la danse sociale, que CMD et MPA [13] ont achevé leur parcours sur le terrain.

Déjà remarquable par sa longévité, ce travail, mené par un tandem dont l’association débordait le cadre professionnel [14], se signale aussi – on l’a déjà relevé – par le faible volume de publications, tant écrites que sonores, qui en a résulté et que le cadre muséographique où il s’inscrivait ne suffit pas à expliquer, pas plus qu’il n’a été perçu, en son temps, comme une justification [15] : faisant carrière au CNRS, participant à ses instances [16], ne visant nulle assimilation dans le corps des conservateurs, quand bien même elles concouraient aux collectes muséales, CMD et MPA parsemaient leurs rapports et programmes d’activité [17] d’annonces d’entreprises éditoriales dont elles repoussaient l’aboutissement d’une année sur l’autre, en dépit des instances réitérées de leur direction [18]. On est donc en présence d’une énigme, à la fois existentielle et scientifique, dont la résolution, ou l’analyse, n’a pas qu’une portée anecdotique, dès lors qu’elle peut permettre d’éclairer les enjeux méthodologiques et épistémologiques qui agitaient la modeste communauté des ethnomusicologues au temps des Trente Glorieuses (et un peu au-delà). Pour la conduire, on s’attachera d’abord à une présentation de la double figure enquêtrice et à une caractérisation plus précise du protocole qu’elle a rapidement dégagé avant de l’appliquer quasiment ne varietur ; seront ensuite présentées et contextualisées les six configurations distinctes que CMD et MPA ont expérimentées quand elles n’enquêtaient pas en formation restreinte au côte à côte ; une troisième séquence permettra de passer de la description à l’évaluation, pour mieux faire la part de ce qui ressortit aux intentionnalités ou à la persévérance – opiniâtre – des actrices, et de ce qui est attribuable au poids et aux priorités de l’institution, foncièrement muséale quand bien même elle se revendiquait comme « musée-laboratoire ».

Toujours sur la brèche...

Nées respectivement en 1913 et 1922, pourvues l’une et l’autre d’une solide formation musicale classique [19], Claudie Marcel-Dubois et Maguy Pichonnet-Andral se distinguent par leurs parcours universitaires, long et diversifié pour l’aînée [20], quoique non couronné par le doctorat [21], réduit au seul cursus d’histoire de la musique du Conservatoire de Paris [22] pour la cadette. Sans exclure qu’elle puisse remonter à l’adolescence de Maguy [23], leur rencontre intervient assurément avant son recrutement par le MNATP début décembre 1945 : son affectation la positionne d’emblée comme l’adjointe – et la seule à ce rang – de Claudie, à qui elle succédera lors de son départ à la retraite en 1981. Sous des intitulés qui ont beaucoup varié (Cheyronnaud, 2002 : 164-165), il importe de retenir qu’elles ont eu continûment et conjointement la responsabilité du secteur « musique » du MNATP, composé d’une part d’un laboratoire, dont l’intitulé de « département » ne doit pas faire illusion [24], dédié à la recherche ethnomusicologique et gestionnaire scientifique des collections d’instruments, et, d’autre part, d’une phonothèque, d’abord à usage interne puis devenue, dans les années 1960, celle du musée, où était assurée la conservation des collections de documents sonores de l’établissement. Deux services, donc, inscrits dans des logiques professionnelles séparées sinon étanches, reliées d’une part au travail scientifique et d’autre part à l’action patrimoniale, mais pourtant raccordés l’un comme l’autre et celui-ci autant que celui-là au processus de recherche sur le terrain, source non négligeable de légitimation au sein du musée-laboratoire.

Car l’enquête est bien l’entreprise fondatrice pour la constitution de ce que CMD et MPA appelleront, à partir du milieu des années 1960, le « corpus des musiques ethniques » françaises [25], un corpus dont elles ambitionnent, sinon de l’édifier seules, du moins d’en assurer la maîtrise d’œuvre exclusive. Plus que dans leur production scientifique, c’est dans les archives administratives du musée, à commencer par les rapports d’activité qu’elles devaient remettre chaque année à la direction, qu’on voit s’afficher avec une assurance croissante le caractère systématique de leur démarche : dès 1945, elles proclament leur intention de mener des « recherches par enquêtes pour la prospection (…) du chant populaire (…) et des instruments de musique » [26] ; vingt ans et nombre de terrains plus tard, elles revendiquent la qualification de « nationale » pour désigner leur entreprise « sur la musique paysanne française ». Dressant peu après le bilan d’un quart de siècle d’activité, MPA affiche sa conviction de « participer à une grande entreprise [27] ».

C’est qu’il s’agit de prendre à nouveaux frais le relais des folkloristes qui les avaient précédées : d’abord pour révoquer le certificat de décès des pratiques musicales campagnardes qu’ils avaient dressé [28] en lui substituant « l’hypothèse de l’existence d’une musique de tradition orale vivante [29] », « la musique populaire des Français » dont elles s’emploieront à « démontrer à la fois la survivance et l’intérêt intrinsèque [30] » ; puis pour, « dépassant les limites de la chanson [31] » comme l’écrit Georges Henri Rivière à l’appui d’une demande de promotion, élargir le champ des investigations aux « phénomènes sonores » les plus divers, musicaux ou « paramusicaux [32] » (illustration 7 et illustration 8), tels les « vacarmes cérémoniels [33] » ou les cloches qui participent du « conditionnement acoustique des animaux [d’élevage] [34] » (son 3) ; enfin pour fonder une « discipline (…) au carrefour de la musicologie, de l’ethnologie et de la sociologie [35] », dont l’appellation d’ethnomusicologie s’impose internationalement à partir de 1954 (Gérard, 2014).

En termes de rythme et d’intensité, pour paraphraser Messiaen, de 1946 à 1978 CMD et MPA prennent la route en moyenne deux fois par an, parfois bien plus (cinq déplacements en 1954, 1963 et 1964, huit en 1967), la cadence fléchissant ensuite brusquement, d’abord du fait de la préparation accaparante de l’exposition L’instrument de musique populaire (1980) puis du départ à la retraite officiel de CMD (1981) [36]. Mais ces chiffres appellent leur critique : en effet, la majorité des déplacements n’excède pas la semaine et les terrains les plus longs, étalés sur un mois (Canada-Nouvelle-Écosse en 1962 ; Mascareignes en 1978), comportent des acheminements à grande distance et une succession d’étapes qui ramènent à un niveau équivalent le temps effectif de l’enquête dans une même localité. L’hébergement se fait toujours à l’hôtel, ce qui, ajouté à la brièveté relative des missions, interdit de parler d’immersion, qui n’était du reste pas davantage pratiquée par les chercheurs appartenant aux autres équipes du musée-laboratoire. Les visites chez les informateurs ne sont pas réitérées et guère davantage prolongées par des échanges de correspondances : les très rares exceptions sont réservées aux facteurs d’instruments, preuve s’il en était besoin que l’objet, truchement matériel d’une production sonore, est l’enjeu de la collecte et que c’est pour s’assurer que celui qui l’a façonné a bien dévoilé tous ses secrets de fabrication qu’il est à nouveau sollicité [37].

Nouer et développer des relations n’entrent en effet ni dans la démarche qu’ont adoptée les ethnomusicologues du MNATP ni dans la conception de l’enquête à laquelle elles adhèrent, puisqu’elles sont essentiellement soucieuses de prélever des matériaux sonores, qu’il s’agisse de chansons, d’airs instrumentaux ou de séquences de fabrication (galoubet, épinette des Vosges, vielle à roue) : leur questionnement amorce sans doute des récits de vie mais qu’elles interrompent dès que leur ont été fournis les éléments biographiques qui suffisent à contextualiser le « phénomène musical (ou paramusical) » recueilli. En somme, elles adoptent tout naturellement une posture en surplomb, au reste conforme à leurs attachements sociaux à la très bonne bourgeoisie, à la fois parisienne et provinciale. Sur ce point, elles ne varieront jamais, sans du reste la théoriser ni même l’objectiver, à la différence d’une Mariel Jean-Brunhes Delamarre, qu’elles côtoient aux ATP à partir de la fin des années 1950 (Segalen, 2002). Assurément conscientes de la distance sociale et culturelle qui les sépare des « incultes », pour reprendre l’expression de Patrice Coirault, à l’écoute desquels, cependant, elles se vouent, elles considèrent peut-être, même si elles ne l’ont pas verbalisé, que ce ressenti d’une radicale altérité suffit à prouver, à leurs yeux du moins, qu’elles ont atteint une position comparable à celle de leurs collègues travaillant sur « les sociétés exotiques » et que leur « démarche » se trouve de ce fait « valid[é]e [38] ».

Sur le plan de la méthodologie d’enquête comme sur celui de l’ordonnancement du dispositif documentaire associé, on repère la même précocité de mise au point et la même absence de remise en question. Chaque mission amène les ethnomusicologues à noircir (ou à bleuir) force carnets et cahiers, certains dédiés à la tenue du journal de terrain ainsi qu’à la prise de notes (illustration 9 et illustration 10) et aux transcriptions musicales (illustration 11), d’autres, sur papier carboné de la marque Manifold (illustration 12), qui servent à dresser la minute des enregistrements selon un protocole dont la maquette a été fixée dès la « mission de folklore musical en Basse-Bretagne » de l’été 1939 (Le Gonidec, 2009). Des grandes feuilles de papier réglé et des cahiers de musique sont bien entendu souvent présents, ainsi que des croquis sur papier Canson, pour des dessins d’instruments, vues d’ensemble ou détails de facture. À tous ces documents manuscrits, où l’on s’accoutume vite à distinguer la main de l’une de celle de l’autre, nonobstant l’intention imitatrice qu’on décèle dans le ductus de la cadette (illustration 13), il faut encore associer, même si elles sont renseignées après l’enquête, les feuilles d’inventaire, agrafées, brochées ou reliées, dans tous les cas pré-imprimées en colonnes, qui sont les piliers de la raison graphique suivant les canons des Musées de France : y sont reportées les informations de base concernant chaque séquence d’enregistrement (ou « item ») et chaque prise de vue. L’apparat documentaire ainsi déployé et l’accumulation de matériaux qu’il accompagne dérivent d’un modèle ancien qui est celui de la collecte naturaliste. D’autres grandes figures du MNATP, comme Guilcher, ou proches de lui, comme Paul Delarue, succombent aussi à ce tropisme, d’autant plus irrésistiblement que les sciences naturelles leur ont procuré leur formation initiale. À cette différence près qu’ils ont abondamment publié et bâti une œuvre qui ne se limite pas à un empilement de monographies.

Car, il faut y revenir, l’exploitation des enquêtes ethnomusicologiques ne débouche pas ordinairement sur des publications. Les rapports d’activité assurent qu’un gros travail dit « d’élaboration » mais aussi de classification, de plus en plus systématiquement délégué à des étudiants rémunérés à la vacation, suit chaque retour de terrain : pour l’essentiel ce travail consiste en transcriptions sur papier à musique des airs et des chansons enregistrés mais on observe qu’elles sont beaucoup moins abondantes dans les archives que ce à quoi on pourrait s’attendre, soit que certaines en aient été soustraites soit qu’elles n’aient pas été effectuées de façon exhaustive. De « l’élaboration » à la publication, le déficit est encore plus marqué : on peut même parler de tarissement car si quelques articles offrent un débouché à plusieurs enquêtes des années 1950 (Marcel-Dubois & Andral, 1954  ; Marcel-Dubois, 1957), on n’en trouve pas d’équivalent pour celles qui leur sont postérieures, à la notable exception de la RCP Aubrac (Marcel-Dubois & Andral, 1975).

Parallèlement du reste, l’inaccessibilité des tiers aux matériaux accumulés se systématise, justifiée tantôt par le manque de disponibilité d’une équipe qui s’est pourtant étoffée, quoique tardivement et surtout avec un personnel non titulaire [39], tantôt par l’obligation de préserver le pacte de confidentialité passé avec les informateurs, quand bien même il n’en subsiste guère de trace écrite. Perçue comme une confiscation sinon comme la privatisation d’un patrimoine scientifique relevant de l’intérêt général, cette attitude nourrit un mécontentement croissant chez les chercheurs [40], bientôt rejoints par les musiciens impliqués dans le « revival », et qui s’exprime avec une véhémence elle aussi croissante [41], face à l’inflexibilité manifestée par celles qu’on enferme ou qui se laissent enfermer dans la figure des gardiennes du temple.

Junon bifrons sur le terrain

Avant la formation du couple, c’est en équipe et à l’enseigne de la bidisciplinarité (musicologie et dialectologie) que Claudie Marcel-Dubois s’est initiée à l’enquête, sans implication manifeste, il faut le relever, ni d’André Schaeffner ni de Georges Henri Rivière. Courte expérience au demeurant, entravée par la guerre qui, avant même d’être déclarée, stoppe le 26 août 1939 la toute première mission de « folklore musical » et qui n’autorise ensuite que quatre modestes terrains : outre un bref retour en Basse-Bretagne, ils ont ciblé, en Loire-Atlantique et en Maine-et-Loire, pour leurs chants de manœuvre ou de délassement, des cap-horniers privés d’embarquement et des mariniers de Loire, puis, en Berry, pour son répertoire narratif presque plus que pour son art du chant traditionnel, l’extraordinaire conteuse qu’était Euphrasie Pichon, « la Phrasie » (illustration 14). En 1939, sans lui être subordonnée, CMD avait dépendu de fait des compétences linguistiques de l’abbé Falc’hun, bretonnant comme la totalité des informateurs rencontrés, dont certains étaient monolingues. À Montcocu (Indre) en 1943, elle avait dû « partager » la Phrasie ainsi que la conduite de la mission avec Ariane de Félice, sa cadette de huit ans mais intronisée par Georges Henri Rivière (GHR) comme la spécialiste du conte populaire au MNATP (son 4). Quant à la première grande enquête d’après-guerre qui se déroule en Haute-Loire à la fin de l’été 1946 et qui est donc aussi la première à laquelle Maguy Andral est associée (Le Gonidec, 2013a), le projet en a été conçu par le linguiste et dialectologue Pierre Nauton, futur auteur de l’Atlas linguistique et ethnographique du Massif central [42], que GHR décide d’appuyer par ce double renfort ethnomusicologique.

Rétro-éclairée par ces prolégomènes auxquels elle n’a pas ou guère pris part, la rapide montée en puissance et en grade de Maguy Andral pourrait aussi s’interpréter comme la tactique adoptée par CMD pour acquérir les moyens d’une autonomie à laquelle elle aspirait. Pas tant au sein du musée-laboratoire où, dès juin 1944, elle avait atteint le rang de chef de service, quand bien même l’effectif dudit service se limitait à sa personne. Mais assurément sur le terrain où ce renfort était bienvenu pour asseoir définitivement sa légitimité dans le champ de la pratique ethnographique. De son côté, MPA peut regarder comme une promotion cette assignation à la fonction de co-pilote, pourtant seconde et qui le restera jusqu’à la dernière mission. Au demeurant, son apport de compétences est loin d’être insignifiant : outre son excellente oreille, elle parle le patois du Bourbonnais dont elle est originaire, ce qui lui permettra d’approcher, sinon de maîtriser, la plupart des dialectes occitans dont elles rencontreront des locuteurs au fil d’enquêtes majoritairement menées au sud de la Loire (son 5). Favoriseront ensuite la cohésion du tandem une pleine harmonie de vues en matière d’objectifs tant scientifiques que stratégiques, qui semble avoir été instantanée et qui ne s’est pas altérée, mais aussi une complémentarité fonctionnelle et intellectuelle en vertu de laquelle CMD s’investissait plutôt dans les questions d’organologie (et la définition des enjeux anthropologiques), cependant que MPA déployait son expertise musicologique sur tout ce qui ressortissait au langage musical (identification des modes et des rythmes asymétriques, analyses acoustiques, etc.).

Ainsi étroitement soudé, offrant l’apparence de l’auto-suffisance qui s’affichait encore lors de l’enquête ultime de 1986 en Guadeloupe (Marcel-Dubois & Andral, 1986), alors que CMD était officiellement à la retraite depuis plus de cinq ans, le tandem n’a pourtant pas cessé d’expérimenter plusieurs formules de coopération avec des tiers, imposées parfois mais au moins aussi souvent choisies voire recherchées.

Commencer par la solution « zéro [43] » n’est pas dépourvu d’enseignement. Car CMD et MPA ont été « hors champ » pour la seule enquête d’importance de l’année 1948, qui s’est déroulée en Corse et qui portait notamment sur le chant traditionnel. Le contexte scientifique et administratif présentait, il est vrai, quelques singularités : l’initiative de l’enquête, dont une première séquence avait eu lieu en 1947, revient au linguiste Paul Arrighi, professeur de langue et de civilisation italienne à l’université d’Aix-en-Provence. Il a en effet convaincu le conseil général de la Corse de subventionner son entreprise et la direction des musées de France de lui fournir l’appui technique et matériel du MNATP, qui sera prélevé, avec le plein accord de GHR, sur les matériels d’enregistrement du son gérés par CMD et MPA. En contrepartie, il était convenu que les enregistrements ethnomusicologiques, réalisés par un musicien attaché à la mission, également corse, Félix Quilici, seraient remis au musée et que leur diffusion, éventuellement par commercialisation, se ferait à sa discrétion, principe dont la mise en application suscitera du reste de longues discussions de moins en moins consensuelles (Le Gonidec, 2013b).

D’autres configurations, où le risque conflictuel était moins sinon pas du tout constitué, ont été essayées puis rééditées. Il est possible d’en caractériser quatre.

La première a consisté dans l’implication d’un ou deux universitaires enseignant à la faculté des lettres la plus proche du terrain concerné : c’est plus qu’une variante de ce qu’on pourrait appeler le « modèle GHR », à la fois parce que les choix n’étaient pas opérés par leur « cher patron [44] » et parce que les heureux élus n’étaient pas missionnés par l’institution mais seulement associés à l’enquête, du fait de leur intégration, pas nécessairement durable, dans les réseaux d’interconnaissance académique des ethnomusicologues. Le statut implicite de ces heureux élus les place au-dessus des correspondants locaux, figures de notabilité provinciale dont CMD et MPA, Parisiennes d’adoption, demeuraient socialement solidaires, qu’elles identifiaient aisément (assez souvent dans le clergé où, jusqu’au concile Vatican II, le tropisme ethnographique restait vivace) et qu’elles mobilisaient en les cantonnant dans un rôle de soutien logistique ou d’intercession auprès de possibles informateurs.

Une plus grande considération était accordée aux professeurs choisis pour leurs compétences de linguistes-dialectologues, souvent collecteurs et éditeurs scientifiques de contes et autres œuvres du patrimoine oral. Pour autant, et à titre d’exemple, la présence sur le terrain, lors des séances d’enregistrement, d’un Henri Gavel, professeur à l’université de Toulouse, est rien moins qu’assurée : seule sa sollicitation, lors de la première enquête en Pays basque (1947), est attestée [45]. La réserve s’impose encore plus pour le Bordelais Gaston Guillaumié, spécialiste du parler gascon, qui fut leur correspondant [46] mais qui avait disparu depuis six ans au moment de leur première enquête landaise (1966). Il a pu toutefois en aller autrement pour les anthropologues réunionnais Michel Carayol et Claude Vogel, qui ont au minimum introduit les ethnomusicologues dans les localités où ils travaillaient quand CMD et MPA ont, en 1978, porté leur regard sur les pratiques musicales des Mascareignes [47].

Faire jouer la solidarité scientifique est assurément, dans le registre de l’enquête, une pratique collective de basse intensité. Une deuxième configuration, dans laquelle les ethnomusicologues du MNATP se sont très souvent inscrites au cours des années 1960, marque un net changement dans le travail collaboratif. Mais comme elle a consisté à initier de très jeunes chercheurs à la pratique du terrain, il n’apparaît pas que la prise de risque ait été considérable, compte tenu de l’inégalité du rapport au bénéfice des tutrices, qui, incidemment, avaient ainsi à leur pleine disposition des chauffeurs, des perchmann ou des porteurs des très pesants magnétophones alors en usage [48]. L’encadrement, néanmoins, comportait une marge extensible d’émancipation pour l’apprenti : tour à tour Bernard Lortat-Jacob, en Aubrac (1964-1965) (illustration 15 et son 6) puis à Paris (1967), Jean Raisky en Châtillonnais (1967) (illustration 16), enfin Jeanne-Marie Bourreau, en Saintonge et dans les Deux-Sèvres (1969), ont assuré seuls des missions qui n’étaient pas toutes de simple reconnaissance, et le caractère formateur des échanges avec CMD et MPA qui précédaient ou suivaient les enregistrements a été reconnu par certains de leurs anciens « stagiaires » [49], y compris quand la pratique ethnographique développée ultérieurement a pris le contrepied des manières de faire observées, si exemplarisées qu’elles aient pu être.

C’est donc seulement avec la troisième configuration que la Junon bifrons [50] de l’ethnomusicologie de la France a pratiqué le jeu collectif et pu ainsi parcourir certaines de ses déclinaisons au fil de quatre expériences qui se sont échelonnées de 1955 à 1977. Avec les deux premières, CMD et MPA ont découvert la coopération internationale dans le registre disciplinaire qui leur était familier ; les deux dernières, à l’inverse, se sont déployées en France mais à l’enseigne de l’impératif catégorique du dialogue pluridisciplinaire.

L’expérimentation qui inaugure cette troisième configuration était à tous égards inédite et n’a jamais été renouvelée, du moins avec les participants qu’elle avait mobilisés. À savoir sept ethnomusicologues, dont trois Italiens (Giorgio Nataletti, Giuseppe D’Anna et Ottavio Tiby [51]), un Allemand (Marius Schneider [52]), un Belge (Paul Collaer [53]) et nos deux Françaises, seules femmes d’un panel aussi peu paritaire que l’étaient les communautés scientifiques d’alors. Tous conviés par la région Sicile (Bonanzinga, 2004), deux semaines durant, à « une campagne de récolte de chansons et musiques populaires (…) dans trois provinces du sud et de l’est » de l’île (Marcel-Dubois, 1956 : 63), pour laquelle ils furent répartis en deux groupes, MPA étant incorporée à celui conduit par Nataletti et CMD dans celui que pilotait Tiby. Si le compte rendu déjà référencé que cette dernière en a donné dans la Chronique d’Arts et traditions populaires, principalement factuel et statistique, signale sobrement la « particularité de [l’]enquête, menée par des spécialistes, non seulement du pays, mais étrangers », en relevant, très diplomatiquement, son « mérite (…) d’avoir démontré la possibilité d’une telle forme de prospection », le rapport de mission adressé à GHR [54] la montre très impressionnée par ce qu’elle a entendu, notamment les polyphonies dont elle a observé comment « les parties [avaient] été minutieusement distribuées au cours d’un conciliabule quasi secret des chanteurs ». Elle confesse aussi combien elle a trouvé « émouvant de rencontrer encore assez fréquemment les traces du répertoire signalé et recueilli par Pitrè [55] en son temps ». Elle ne s’étend pas en revanche sur les protocoles et procédures d’enquête de ses collègues italiens, ni sur les échanges avec les autres chercheurs qu’ils ont pu susciter [56].

On ne trouve pas d’analyse plus fournie du protocole de recherche mis en œuvre en terre étrangère pour la seconde expérience, uniquement bilatérale par ailleurs, mais elle retient l’attention dans la mesure où il s’agit d’une enquête approfondie qui témoigne aussi d’un essai de passage du duo au trio. En 1961, MPA accompagne au Québec CMD qui doit recevoir à l’université Laval un doctorat honoris causa en marge du congrès de l’International folk music Council. Elles y retrouvent Carmen Roy (1919-2006), disciple de Marius Barbeau et attachée comme elles à une institution muséale, le Musée national du Canada à Ottawa, dont elle dirige le département Folklore [57] (Bricault, Desdouidts & Sarny, 2004 : 31-33). Sans doute avaient-elles fait connaissance à Paris quand Roy y avait séjourné au début des années 1950 pour préparer un doctorat dirigé par Marcel Griaule (Sarny, 2006 : 98). En tout cas, peu après la cérémonie, elles se laissent entraîner par leur collègue dans la région dont elle est originaire et où elle a déjà enquêté en 1959, la Gaspésie, et elles y mènent, sous sa conduite, une prospection [58] suffisamment prometteuse pour les convaincre d’en prévoir l’approfondissement. Il en résulte deux campagnes successives, en 1962 et 1963 [59], l’une comme l’autre auprès des communautés francophones des provinces orientales du Canada (Nouvelle-Écosse, îles de la Madeleine et du Prince-Édouard).

Rendant compte de la mission de l’été 1962 qu’elle a d’ailleurs laissé MPA effectuer sans elle, CMD ne précise pas le rôle que Roy y a tenu mais elle la présente comme « la première application » de ce qui devra à terme former « un programme d’ensemble » consistant à porter « également (...) l’observation [dans] des territoires étrangers à des ressortissants d’origine et de langue française [60] ». Menée durant plusieurs semaines d’affilée, ce qui était tout à fait inhabituel, l’enquête livre conséquemment une moisson documentaire d’envergure : « 774 pièces de musique vocale et instrumentale et d’informations parlées enregistrées sur 87 bandes magnétiques auprès de 42 informateurs pêcheurs, cultivateurs, ménagères, [et attestant de] la permanence du répertoire d’origine française [61] », une trentaine de carnets de notes et de journaux de terrain, plus de mille pages de transcription des entretiens et des paroles de chansons enregistrés [62]. En somme une bonne aventure en francophonie, où on peut supposer que les affinités personnelles ont eu leur part [63].

Avec la quatrième configuration qui, chronologiquement, intervient juste après, le décor et la pièce changent du tout au tout. Loin de l’entre-soi de l’ethnomusicologie, voici la lourde scénographie de la recherche collective sur programme qu’entend déployer en Aubrac Georges Henri Rivière en mobilisant tous les cadres scientifiques du MNATP pour un chantier à la fois monographique et pluridisciplinaire, qu’on peut supposer aussi investi d’un enjeu managérial consistant à empêcher ses collaborateurs de s’enfermer dans les limites de leurs micro-services et de leur spécialité (Segalen, 2010). CMD et MPA jouent le jeu, comme l’attestent les sept missions que, de septembre 1963 à octobre 1965, elles accomplissent au pays des burons ; en mai 1967, elles doublent Jean-Luc Chodkiewicz qui termine son enquête pionnière sur L’Aubrac à Paris (Chodkiewicz, 2014), en assistant au restaurant La Galoche d’Aurillac à un concours de cabrettaïres. Elles participent à des « séances de travail » avec des linguistes et sont également assidues aux « journées de synthèse » qui ponctuent, à Paris, le déroulement de la RCP (illustration 17) et où retentit l’écho de leur appel à « l’étude coopérative entre l’équipe ethnomusicologique et les [autres] équipes ou spécialistes de la RCP » [64]. Elles rédigent enfin un rapport de synthèse exceptionnellement développé, au regard du gabarit usuel de leurs écrits, dont elles tireront pour le cinquième tome de L’Aubrac une contribution intitulée « Musique et phénomènes paramusicaux » [65].

La RCP leur prodigue aussi des grandeurs d’établissement, liées à leur positionnement fonctionnel qui les rend dispensatrices des magnétophones et des bandes magnétiques, responsabilité qui fait de beaucoup de leurs collègues des obligés, au moins en matière logistique [66] ; par ailleurs, elles obtiennent dès qu’elles en manifestent le besoin le concours du photographe et du réalisateur du musée [67], et sont enfin assistées par Bernard Lortat-Jacob car c’est dans ce contexte qu’il vit cette initiation au terrain mentionnée plus haut.

Moyennant quoi, elles mènent leurs enquêtes comme elles y sont accoutumées et consentent le minimum de concessions à la concertation et à la coordination avec les chercheuses et chercheurs dont les matières de recherche sont, tels le conte et la danse, voisines des leurs : en pratique, cela se borne à des échanges de coordonnées d’informateurs quand, par exemple, l’étendue du répertoire d’airs à danser laisse supposer une précieuse compétence en matière de bourrées [68]. Autrement dit, le « collectif » relève pour une large part du simulacre : les interventions des ethnomusicologues, qui restent fondamentalement des prélèvements, précèdent celles d’autres spécialistes ou leur succèdent mais ne croisent pas, sauf accident, leurs problématiques. Enquête plurielle, sans doute, la RCP Aubrac reste très en deçà d’une dynamique coopérative, du fait de comportements qui sont d’ailleurs loin d’avoir été la marque exclusive de CMD et de MPA.

Ces constats s’imposent encore davantage pour la RCP Châtillonnais, que GHR déclenche en « tuilage » avec un Aubrac encore en chantier, mais dont, atteint par la limite d’âge, il doit presque d’emblée renoncer à assurer la maîtrise d’œuvre. Plus ambitieuse encore que sa devancière, mobilisant, outre le Centre d’ethnologie française, des laboratoires nullement inféodés au MNATP, cette RCP, on le sait, a succombé sous le poids des forces centrifuges, nonobstant les ouvrages de référence qu’elle a fait advenir (Wolikow, 2010). Assistées par Jean Raisky dont l’implantation bourguignonne est un solide atout, CMD et MPA s’acquittent scrupuleusement, à Châtillon-sur-Seine et dans les villages environnants, de février à novembre 1967, de cinq « campagnes » sur le « rôle social, technique et culturel du fait musical appliqué au Châtillonnais et considéré dans ses changements [69] », au cours desquelles elles ne rencontrent guère leurs collègues qu’à l’hôtel [70].

L’enquête [71] se distingue pourtant, sur deux points, de celles qu’elles mènent habituellement, comme celles qu’elles poursuivent parallèlement dans les Landes (1966) ou à l’île d’Yeu (1967) : délaissant les questions organologiques et les répertoires chansonniers, elles centrent leurs observations et opèrent leurs prises de sons sur des musiques qu’elles qualifient de « calendaires » et de « civiques [72] », car associées, avec leurs « vacarmes cérémoniels [73] », au cycle de Pâques (illustration 18) comme aux fêtes villageoises ou républicaines. Cette première inflexion les amène, autres écarts à leur norme, à réitérer à intervalles rapprochés leurs rencontres dans les mêmes localités avec les mêmes informateurs, et à délaisser les modes « archaïques » pour les carrures très tonales des musiques jouées par les harmonies et les fanfares de village (illustration 19). Mais ce renouvellement – temporaire – des objets de recherche, en partie lié au projet de GHR de consacrer une vitrine de la Galerie culturelle du MNATP aux musiques citadines (illustration 20), ne modifie pas en profondeur leurs pratiques de sociabilité professionnelle, d’autant que le renoncement des responsables de la RCP à une publication d’ensemble les dispense de participer à des réunions comme celles que la préparation éditoriale des cinq tomes de L’Aubrac (…) avait provoquées.

C’est donc un renversement de tendance assez inattendu qui embarque, en 1977 et 1978, CMD et MPA dans l’action thématique programmée (ATP) pour « l’observation continue du changement social et culturel dans le Grand Ouest » (OCS) dont Jacques Lautman, au Centre d’ethnologie française, et Henri Mendras, avec son Groupe de recherche de sociologie rurale (GRS) transféré peu avant à l’université de Nanterre, ont été les principaux responsables.

Courant 1976, la procédure, alors peu usitée, du moins en sciences humaines, de l’appel à projets autour de cette thématique suscite une première réponse du Centre d’ethnologie française qui intègre plusieurs propositions de terrains ethnomusicologiques [74] : il est probable que le conservateur en chef du musée, le sociologue Jean Cuisenier, ait veillé à l’implication du tandem dans la démarche, ne serait-ce que pour manifester l’adhésion de tous les chercheurs du CEF à une entreprise portant sur une problématique aussi novatrice que pluridisciplinaire [75]. Quoi qu’il en soit, CMD et MPA sont familiarisées depuis longtemps avec la question et plus encore avec le territoire, avec plus d’une dizaine d’enquêtes menées de la Seine-Maritime à la Vendée, d’abord au fil des opportunités puis insérées (ou réinsérées) dans un projet de couverture systématique de l’arc atlantique [76].

Peut-être au terme d’échanges peu documentés avec d’autres membres du CEF, émerge l’idée de localiser le chantier en Brière, région « choisie comme terrain d’observation dans le domaine des systèmes d’expression orale et des pratiques culturelles, plus spécialement musicales [77] ». Les ethnomusicologues y étaient déjà passées, fort brièvement à dire vrai, en 1949 [78] : à la faveur de l’ATP, elles vont donc inaugurer, dans une approche comparatiste de circonstance, le rite de la revisite [79] (Le Gonidec, 2011). En s’intéressant cette fois davantage à l’écosystème dans lequel s’inscrit le « phénomène musique », ce qui passe par un dépouillement systématique de la presse locale, antérieurement négligée, mais aussi en remettant scrupuleusement à un coordonnateur qui n’est plus le conservateur en chef du musée les « rapports de l’équipe ethnomusicologique » [80], quand bien même les publications de l’ATP-OCS ne leur réservent qu’un modeste débouché [81].

Fait étonnant car rarissime, une partie au moins des enregistrements effectués durant cette enquête n’a pas été inventoriée au retour du terrain [82]. Beaucoup, en revanche, sont venus alimenter le corpus d’exemples sonores mobilisés pour l’exposé que CMD donne en 1978 sur « la musique traditionnelle face aux changements sociaux » à son séminaire de l’EHESS [83], ce qui l’autorisera à soutenir, dans un rapport remis très peu de temps avant son départ à la retraite, que « l’observation des changements qui affectent le domaine des traditions musicales [dessine] l’une des lignes de force de nos recherches dans la plus récente période » (Marcel-Dubois, 1981a : 6).

Virage sociologique assorti d’une conversion, certes tardive mais résolue, au jeu collectif ? Au vu de ce seul dossier, on inclinerait à le penser. Mais les enquêtes qui succèdent à l’ATP, de plus en plus espacées, avec un tropisme ultramarin (Antilles, Mascareignes) qui vire au systématique, suggèrent plutôt qu’il s’agissait d’un intermède ou d’une expérience, savoureuse mais trop décalée pour instituer un nouveau paradigme.

La solitude à deux ou le collectif sous la contrainte de l’institution

Les enquêtes de terrain au fil desquelles ont été réunis les matériaux documentaires appelés à constituer le « corpus des musiques ethniques françaises » n’ont donc jamais été conduites par un(e) chercheur(e) œuvrant en solitaire : sauf rarissime exception, le chef de mission a toujours été épaulé par le capitaine en second. Mais l’équipage à commander a le plus souvent été réduit à sa plus simple expression ; quand l’entourage était un rien plus étoffé, il était formé non de partenaires mais d’assistants que leur jeunesse comme la précarité des emplois qu’ils occupaient ne plaçaient pas dans la position la plus favorable pour un échange paritaire. Au surplus, l’inscription des enquêtes ethnomusicologiques dans des démarches collectives est demeurée occasionnelle, guère recherchée et de faible retentissement sur les résultats publiés, lesquels, on l’a vu, n’ont pas souvent été au rendez-vous.

Ce constat résume ce qu’a tenté de mettre en évidence l’approche descriptive déployée dans les pages précédentes, où la notion de « collectif » a été appréhendée dans sa réalité la plus littérale. Il diverge avec la posture d’adhésion au travail collaboratif et au croisement des disciplines, qui se manifeste régulièrement [84] et qui est en quelque sorte théorisée dans un texte publié par Claudie Marcel-Dubois à peu près à mi-chemin de son parcours d’enquêtrice au long cours (Marcel-Dubois, 1961), où elle tente de dégager les « Principes essentiels de l’enquête ethnomusicologique ». Toutefois, en redoublant d’attention, on décèle que la pluridisciplinarité procède davantage de l’inspiration que de l’implication : les « missions (…) menées », explique-t-elle, « coordonnaient les problèmes de plusieurs disciplines : linguistique, sociologie, anthropologie, ethnologie, musicologie, technologie » (Marcel-Dubois, 1961 : 15). Il s’agit en fait de suggérer qu’elle et sa comparse ont été assez clairvoyantes pour ressentir la nécessité de solliciter tous ces champs de connaissances et assez charpentées intellectuellement pour en combiner les apports, selon un processus d’absorption plus que d’hybridation, autrement dit, des emprunts sans contrepartie.

Dans un témoignage plus tardif, CMD tient à « rappeler que nombre de recherches ethnomusicologiques ont été menées conjointement avec des linguistes ». Elle cite nommément Pierre Nauton, Paul Arrighi, François Falc’hun, Henri Gavel, Robert Chaudenson et Michel Carayol (Marcel-Dubois, 1982 : 15). Conjointement, c’est beaucoup dire, quoique le mot n’ait pas été choisi au hasard puisqu’il n’entraîne pas nécessairement la co-présence sur le terrain, de fait inexistante, on l’a vu, dans le cas d’Arrighi. Mais que ces chercheurs aient enquêté ou non aux côtés de CMD et de MPA, le rapport des ethnomusicologues à leur spécialité commune s’est exclusivement inscrit dans le registre de la subsidiarité : c’est leur compétence de traducteur-interprète qui a été essentiellement sollicitée, pour la compréhension des paroles des chansons recueillies, plus que pour une mise en perspective dans l’étude du langage musical, qui aurait pourtant pu s’enrichir de la catégorisation des niveaux d’intonation ou encore de l’approche des corrélations entre accentuation des mots et rythme de la phrase mélodique.

Aussi bien les publications, fragmentaires et parcimonieuses, de CMD et de MPA n’ont-elles guère éveillé d’écho et moins encore suscité le débat, en dépit du contexte exceptionnellement favorable d’effervescence et d’expansion des sciences humaines qui caractérise les années 1960-1970. Seule a rompu ce régime ordinaire de marginalité la table ronde sur le charivari [85], organisée par l’EHESS et le CNRS en 1977, où les historiens, plus peut-être que les anthropologues, ont prêté attention au tableau des phénomènes paramusicaux qui lui sont associés, et que CMD a composé à partir d’observations issues de plusieurs enquêtes, dont la RCP Châtillonnais (Marcel-Dubois, 1981b).

Peut-être plus soucieuses de leur indépendance que de leur descendance, CMD et MPA, à défaut d’une pratique collective, ont pourtant eu le sens de la collectivité, en affichant clairement celle à laquelle elles s’agrégeaient et tout aussi nettement celle à l’écart de laquelle elles entendaient se tenir. Dans cette stratégie balancée d’appartenance et de retranchement, l’enquête, son usage et ses finalités ont servi de discriminant. Ce qui transparaît dans le texte déjà cité sur « Les principes essentiels de l’enquête ethnomusicologique » où, sous couvert de pédagogie, se déploie un véritable discours de la distinction. Il y est en effet affirmé que pour obtenir son brevet d’ethnomusicologue, il ne suffit pas d’aller sur le terrain bardé d’appareils d’enregistrement du son et de l’image animée : tout « bon ethnographe » en fera autant et n’oubliera pas non plus « les recueils de notes et autres accessoires relevant de l’équipement graphique » (Marcel-Dubois, 1961 : 14). Collecter n’est rien de plus ni rien de mieux que de se comporter en reporter « soumis aux aléas du journalisme ». Mais pour constituer « à la manière professionnelle (…) des documents d’enquête ethnomusicologique », il faut procéder tout autrement, en combinant « l’observation du fait musical et celles des phénomènes à la fois connexes et complémentaires », et en gardant sans cesse à l’esprit que le « matériel documentaire [ainsi] rassemblé [est] destiné à des institutions scientifiques et culturelles ».

Tout est dit par la superposition d’arguments d’autorité qui verrouillent le débat, dans l’intention de tarir « l’afflux sans cesse croissant des collecteurs improvisés encore que d’excellente volonté » (Marcel-Dubois, 1961 : 13). « Afflux » pourtant bien modeste quand ces lignes ont paru en 1961, en comparaison des bataillons de recrues pour le collectage que le folk revival lèvera une dizaine d’années plus tard. Lesquels se heurteront aux portes closes de la phonothèque des ATP, cette « phonothèque de musée-laboratoire (…) de recherche (…) à usage prioritaire interne » dont CMD s’est décidément voulue, avec MPA, la gardienne (Marcel-Dubois, 1982 : 13). Car la « différence de nature » qu’elle institue « entre une collection (…) et une exploration raisonnée » vaut bien entendu autant pour l’acteur que pour l’objet ou l’action. Quand bien même elle sera contrainte in extremis à un repli tactique consistant à annoncer que « l’accès au fond public [allait] être largement ouvert » (ibid. : 16). Sans pour autant concrétiser cet engagement [86]...

Car il s’agit de ne pas ruiner les efforts inlassablement déployés depuis la création du MNATP pour se démarquer de l’amateurisme folklorique, avec suffisamment d’ostentation pour avoir droit de cité dans la communauté scientifique, et peut-être d’autant plus que les collectes en couple sont bien attestées chez les folkloristes de la IIIe République (Barbillat et Touraine dans le Berry, Millien et Pénavaire en Nivernais), comme celles en bande, sinon en horde, caractérisent les pratiques des revivalistes, avec les fameuses OSTOP (Opérations de sauvegarde des traditions orales paysannes) menées dans les années 1970 sous la férule d’André Pacher, président-fondateur de l’Union Poitou-Charentes pour la culture populaire (UPCP). Au risque d’une contradiction où les enfermeraient leur pratique professionnelle et plus encore leur localisation institutionnelle dans un établissement, le MNATP placé par son principe même sous le régime de la collection.

Ne leur est-il pas en effet enjoint par GHR de ramener de leurs enquêtes des objets destinés à peupler les vitrines des galeries du nouveau siège (illustration 21) ? Ne cherchent-elles pas aussi, sinon à s’agréger à leur communauté, du moins à capter l’attention bienveillante des conservateurs en pratiquant le rite du rapport au comité des acquisitions, pour que soit validée l’inscription à l’inventaire du musée de leurs plus belles prises ?

Contradiction déjouée, leur a-t-il semblé, par le caractère systématique et pour ainsi dire organique de leur geste (au double sens du terme) de collectionneuse. En effet, loin d’accumuler des objets sans ordre ni méthode à la manière obsessionnelle des collecteurs, elles quadrillent, investissent, arpentent et labourent les territoires dont elles extraient, enquête après enquête, le « corpus des musiques ethniques » du domaine français. Quant à la vocation de l’institution muséale pour la monstration, elle ne les embarrasse pas à une époque où la « philosophie » muséographique reste empreinte par la culture de la thésaurisation, à des années-lumière de la culture de la médiation qui émerge à peine au début des années 1980 : l’exposition et globalement la communication des archives sonores sont conçues à l’intention de happy few.

Mais en définitive, de notre point de vue, pour CMD et MPA, le collectif semble moins un impératif de la pratique ethnographique qu’une donnée fondamentale, au même titre que la diversité, des pratiques musiciennes observées. Ce qui les conduit, par exemple, à s’efforcer sans relâche d’élargir le champ des faits musicaux appréhendés en s’intéressant à des phénomènes sonores produits dans des circonstances qui ne sont en rien celle de la performance artistique, même portée par des amateurs. Ou encore ce qui les met sur la voie d’une sociologie des pratiques musicales des sociétés paysannes, consistant à relever, classifier et pour ainsi dire coter les conditions d’émergence du « phénomène musique ».

Avec quel écho chez leurs pairs ou supposés tels ? Dans les deux univers professionnels, celui des musées et celui de la recherche en sciences humaines, où elles évoluent et entre lesquels elles se voient sans doute comme les conductrices d’un bac desservant inlassablement les deux rives, il n’est pas certain qu’elles obtiennent la considération espérée. Dans les cercles de la conservation où l’œil est l’arbitre du goût, réviser la hiérarchie des sens au bénéfice de l’ouïe et des artéfacts sonores aurait été une manière de révolution qui ne tentait personne. Et dans un écosystème scientifique où le laboratoire hébergé sur un campus universitaire commençait d’acquérir une visibilité et une légitimité croissantes, l’accumulation d’objets définis par une catégorie artistique, sinon esthétique, relevait désormais d’une conception dépassée de la construction du savoir, l’érudition encyclopédique des cabinets de curiosité, car réputée peu apte sinon inapte à la problématisation.

Quoique partie prenante d’entreprises collectives de recherche, à plusieurs reprises et très régulièrement entre 1961 et 1979, le couple fondateur de l’ethnomusicologie de la France n’est donc pas réellement parvenu à sortir d’un isolement que ses manières de faire peu participatives favorisaient objectivement mais qui allait à l’encontre de son attente de reconnaissance. Et la minceur des résultats publiés, décourageant l’évaluation, a fait, avant même leur retrait du concert savant, le lit de l’indifférence.

add_to_photos Notes

[1Disques venant à peine alors de remplacer les rouleaux de cire, supports sur lesquels avaient été originellement gravés les enregistrements de la mission Dakar-Djibouti (1931-1933), organisée par le musée du Trocadéro. C’est avec ces disques ainsi qu’avec ceux, également enregistrés dans des territoires relevant des empires coloniaux européens mais édités par des firmes privées, que la phonothèque du musée amorce sa collection (Gérard, 2014 : 70-86).

[2Ce terme est fixé seulement en 1954 et apparaît d’abord dans l’aire anglo-américaine. Le néologisme est attribué à Jaap Kunst (1891-1960), chercheur néerlandais qui a d’abord enquêté dans son pays natal avant de se spécialiser sur les terrains indonésiens.

[3Au MNATP, la création d’une section (ultérieurement département) dédiée à la musique intervient en 1944, peu avant la Libération (Cheyronnaud, 2002 : 157-197).

[4Marie-Marguerite Pichonnet à l’état civil, elle signe souvent ses articles Maguy Andral, utilisant le diminutif de son prénom et le patronyme de sa mère.

[5Du nom d’un domaine proche de Liège et mis à la disposition de son université, où, à l’initiative de Paul Collaër et de Suzanne Clercx-Lejeune, des ethnomusicologues européens se sont réunis tous les deux ans de 1954 à 1960. Les actes en ont été systématiquement publiés (quatre fascicules).

[6Organisation non gouvernementale fondée dès 1947 et dont Claudie Marcel-Dubois a été membre fondatrice, aux côtés de Maud Karpeles.

[7Sont ainsi représentatifs d’une élaboration des matériaux de terrain les articles publiés par Guilcher dans Arts et traditions populaires, parmi lesquels on peut citer « L’aire neuve en Basse-Bretagne » (1960), « Les formes anciennes de la danse en Berry » (1965, XIII-1) ou « Les formes basques de la danse en chaîne » (1969, XVII-1/2). Francine Lancelot, alors son élève, suit son exemple quand elle publie « La danse à la fête votive du Caylar » (1968, XVI-1).

[8À défaut d’écrits publiés, on s’appuie ici sur une tradition orale alimentée, parmi bien d’autres voix qu’il aurait été loisible de solliciter, par les témoignages de figures aussi autorisées et ordinairement bienveillantes que Jean-Michel Guilcher et Donatien Laurent. Le très regretté Daniel Fabre a fréquemment tenu des propos convergents, dans ses interventions orales lors du cycle de conférences SAHIEF (Sources, archives et histoire institutionnelle de l’ethnomusicologie de la France) en 2014-2015, ainsi qu’aux journées d’étude « Du folklore à l’ethnologie : une affaire de femmes ? » (Carcassonne, GARAE, 4-5 novembre 2015).

[9Grade atteint par CMD en 1967, plus tardivement (1981) par Maguy Pichonnet-Andral (MPA).

[10Qui se développe au sein du programme SAHIEF, porté par l’équipe du LAHIC avec le soutien de la Direction générale des patrimoines (département du pilotage de la recherche et de la politique scientifique).

[11Quarante années quelque peu en trompe-l’œil car le rythme des enquêtes se ralentit nettement après 1973 : il n’y a eu aucune mission en 1974-1975, 1979-1981 (années accaparées par la préparation de l’exposition « L’instrument de musique populaire ») et pas davantage en 1984-1985. La mission ultime en 1986, sur le carnaval guadeloupéen, alors que CMD est officiellement à la retraite depuis 1981 et MPA sur le point d’être radiée des cadres, nous semble relever plus de la gratification semi-touristique que de la mise à l’épreuve de nouvelles hypothèses.

[12En revanche la Suisse romande a été visitée en 1972 et 1973, ainsi, cette seconde année, que le Val d’Aoste (Italie).

[13Selon l’usage au sein de l’institution nous les désignons parfois par leurs initiales. Cette initiative revient au directeur du musée, GHR, qui utilisait ces « sigles » en marge des courriers qu’il transmettait à ses deux collaboratrices, et sur les notes qu’il leur adressait, les signant lui aussi de ses initiales.

[14Les deux femmes ont résidence commune (à Paris, rue Gounod, puis, à partir du milieu des années 1970, à Puteaux dans le quartier de la Défense), et elles passent ensemble l’essentiel de leurs vacances, dans une propriété proche de Loches (Indre-et-Loire).

[15L’hypothèse du caractère second des publications dans la hiérarchie des activités et des productions, par rapport aux collectes et au commissariat d’expositions, n’est nullement validée par les témoignages d’anciens collaborateurs du MNATP mais aussi du Musée de l’Homme que nous avons pu recueillir.

[16Elles ont siégé l’une et l’autre à la 23ème section du Comité national de la recherche scientifique, que Claudie Marcel-Dubois a présidée de 1967 à 1971 ; elles ont été membres du conseil de laboratoire du Centre d’ethnologie française (CEF) et ont été désignées en 1977 pour participer à sa formation restreinte, le bureau (Archives nationales – désormais AN –, fonds du CEF, 20120299/4) ; Maguy Andral a été élue, à l’automne 1984, directrice adjointe du CEF.

[17Conservés aux AN, fonds du MNATP, 20130147/134 (Maguy Andral), 20130147/151 et 152 (Claudie Marcel-Dubois).

[18Témoignage de Jean Cuisenier, recueilli le 16 mars 2016.

[19Piano, pour l’une comme pour l’autre, Maguy Andral ayant également appris à « sonner » la vielle à roue.

[20Prix de piano au Conservatoire national supérieur de musique de Paris (CNSM) en 1929, diplôme supérieur de virtuosité et d’enseignement à l’école Marguerite Long (1934), puis diplôme de l’École du Louvre avec un mémoire sur « les instruments de musique figurés dans l’art plastique de l’Inde » (1939) et diplôme de l’École pratique des hautes études, section des sciences religieuses, avec un mémoire sur « la musique de l’Inde et de l’Indochine ancienne » (1941), sans oublier les certificats obtenus dans l’intervalle à l’Institut de civilisation indienne et des hautes études chinoises, à l’Institut d’ethnologie (1935-1936) ainsi qu’à l’Institut d’art et d’archéologie en histoire de la musique (1936). Source : AN, fonds du MNATP, 20130147/151, 20 juin 1944, exposé des titres scientifiques.

[21Après avoir envisagé en 1944 (AN, fonds du MNATP, 20130147/151, 15 avril 1944, exposé des travaux scientifiques) de présenter l’ouvrage qu’elle prévoyait de « tirer de la mission de folklore musical en Basse-Bretagne » comme « thèse de doctorat d’université » dirigée par Marcel Griaule, CMD annonce en 1957 (ibid., notice de titres et travaux en date du 23 février) qu’elle prépare une thèse de doctorat d’université « avec une étude d’ethno-organologie comparée sur les instruments de musique populaire des Français ».

[22D’un bien moindre prestige qu’un premier prix dans une classe d’instrument du même CNSM. Alice Sauvrezis, la professeure de piano de Maguy Andral, ne pouvait pas davantage rivaliser, en termes de notoriété, avec Marguerite Long, l’amie de Ravel et celle à qui Samson François, parmi bien d’autres, devait sa formation. Il n’y a par ailleurs nulle trace, dans le dossier de carrière de MPA, d’une velléité d’inscription en thèse de doctorat.

[23MPA, âgée de 14 ans, est présente à Hambourg en 1936 avec son groupe folklorique, pour le congrès mondial des loisirs. Or la délégation française compte comme membre autrement en vue Guy Le Floch avec qui CMD travaille alors étroitement pour les Archives internationales de la danse. On fait donc l’hypothèse, mais sans pouvoir produire de preuve, qu’il aurait pu contribuer à leur mise en relation.

[24Jusqu’à la fin des années 1950, CMD et MPA forment tout l’effectif du « département », nonobstant le concours occasionnel du photographe attaché au musée (Pierre Soulier), principalement pour les missions sur le terrain. Au cours de la décennie suivante, un maigre renfort est apporté par des agents non titulaires recrutés pour des vacations ; un autre, plus substantiel, provient de l’affectation d’un technicien « son » (Robert Dubuc). L’équipe s’étoffe enfin dans les années 1970, sans jamais dépasser la dizaine de collaborateurs, pour la plupart non fonctionnaires ; tant qu’elles sont en activité, CMD et MPA restent les seuls agents de statut CNRS.

[25La première occurrence de la formule, avec la précision « de tradition populaire française », figure apparemment dans le compte rendu des activités scientifiques et techniques du Centre d’ethnologie française pour 1966, en date du 10 juin 1967 (AN, fonds du MNATP, 20120299/9). Elle revient avec régularité dans les rapports annuels suivants, tant du laboratoire que des chercheuses.

[26Note CMD du 10 juin 1945, « sur l’équipement d’enregistrement sonore du laboratoire d’ethnographie française » (AN, fonds du MNATP, 20130147/151, dossier individuel CMD).

[27Notice des titres et travaux (NTT) de Maguy Andral, 1969 (AN, fonds du MNATP, 20130147/134, dossier individuel MPA).

[28Dans sa NTT précitée de 1969, MPA parle expressément du « glas sonné par les folkloristes depuis la fin du siècle dernier » (AN, ibidem).

[29Ibidem.

[30Rapport annuel CMD 1957-1958, 28 février 1958 (AN, fonds du MNATP, 20130147/151, dossier individuel CMD).

[31Rapport de GHR pour la promotion de CMD au grade de directeur de recherche, novembre 1964 (AN, ibidem).

[32Le qualificatif de « paramusical » revient constamment dans les écrits de CMD à partir du début des années 1960 : entre d’innombrables citations possibles, on se réfère ici au rapport d’activité janvier-novembre 1967 en date du 1er décembre 1967 (AN, ibidem).

[33Rapport annuel MPA 1963-1964, 20 février 1964 (AN, fonds du MNATP, 20130147/134, dossier individuel MPA).

[34Rapport annuel MPA 1965, 3 février 1966 (AN, fonds du MNATP, 20130147/134, dossier individuel MPA).

[35Rapport annuel CMD 1957-1958 (AN, fonds du MNATP, 20130147/151, dossier individuel CMD).

[36On relève auparavant trois années sans mission : 1960, 1971, 1975. Mais la fin des années 1970 marque une rupture puisque se succèdent trois années sans mission (1979-1981) avant une timide reprise en 1982-1983, suivie, après une nouvelle interruption, par un ultime rappel en 1986.

[37Marius Fabre, facteur de galoubets et de tambourins, a reçu CMD et MPA dans son atelier de Barjols (Var) en 1954 et en 1970. Il a également été mis à contribution en 1980 pour la programmation de concerts associée à l’exposition « L’instrument de musique populaire, usages et symboles », présentée au MNATP de novembre 1980 à avril 1981, et dont elles ont co-assuré le commissariat.

[38NTT MPA 1981 (AN, fonds du MNATP, 20130147/134, dossier individuel MPA).

[39Jusqu’au début des années 1960, CMD et MPA incarnent à elles seules le combiné Département-Phonothèque et ne bénéficient du renfort du photographe du musée que pour certaines missions. Des crédits de vacations leur sont ensuite régulièrement alloués, grâce auxquels elles peuvent recruter et rémunérer des collaborateurs occasionnels qui interviennent à temps partiel, aussi bien au siège que sur le terrain, pour moins d’un équivalent temps-plein en moyenne annuelle. L’installation au nouveau siège, peu après 1968, et la mise en service d’équipements de haute technologie dans un véritable laboratoire de traitement et de conservation du document sonore, justifient l’affectation d’un technicien qualifié, relevant des Musées de France, qui est donc le premier fonctionnaire titulaire intégré à l’équipe. Puis le nombre d’agents croît très modérément : en 1981, seuls Jacques Cheyronnaud (personnel DMF) et Tran Quan Hai (temps partiel CNRS) assistent CMD et MPA, même si Donatien Laurent figure encore, pour mémoire car il est depuis longtemps basé à Brest, sur une liste de personnels annexée au rapport d’activité du CEF (Segalen, 2005 : 338-339).

[40Il est perceptible dans la lettre que Francine Lancelot adresse le 6 février 1976 à tous les membres du conseil de laboratoire du CEF, sous le titre éloquent de « La danse traditionnelle et le MNATP, ou cahier de doléances (...) », pour se plaindre de l’indisponibilité des films d’enquête qu’elle avait réalisés et déposés (AN, fonds du MNATP, 20130147/148).

[41Notamment en Corse et en Bretagne. On peut lire aux Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, dans le fonds de la direction régionale des affaires culturelles, un dossier de correspondances mettant aux prises, en 1978, le président de Dastum, Patrick Malrieu, et le délégué régional à la musique, Émile d’Agon de la Contrie, avec le directeur des musées de France et le conservateur en chef du MNATP (1323W 50), les premiers se plaignant que « les documents déposés aux ATP soient interdits de consultation à quiconque » et que « même la consultation des fichiers soit impossible » (lettre de P. Malrieu au DRAC, 2 février 1978). L’affaire est montée jusqu’au cabinet du ministre de la culture, sans que satisfaction soit donnée aux requérants...

[42Publié par le CNRS en quatre tomes, parus entre 1957 et 1963.

[43Emprunt au titre d’un livre, paru en 1943 chez Gründ, de l’humoriste et illustrateur Gus Bofa.

[44Selon la formule rituellement employée par CMD dans ses lettres de terrain à GHR, qui ne les y accompagnait jamais et dont elles n’ont jamais été les intimes.

[45Par les archives écrites et spécialement par les correspondances échangées avec lui (AN, fonds du MNATP, 20130043/53).

[46Ibidem, 20130043/92.

[47Ibidem, 20130043/114.

[48Ce dont témoignent quelques photos prises lors des « campagnes » de la RCP Aubrac, qui rassemble dans le cadre Maguy Andral et Bernard Lortat-Jacob.

[49Quoique le terme de « vacataires » corresponde plus exactement au régime de rémunération auquel ils ont été assujettis.

[50Dans la mythologie romaine, la déesse Junon a un rôle voisin de celui de Janus bifrons, le dieu romain à deux têtes dit aussi Januspater. L’un et l’autre président à l’enfantement, de même que CMD et MPA sont indissolublement liées dans l’engendrement de l’ethnomusicologie du domaine français.

[51Giorgio Nataletti (1907-1992) a fondé en 1948 le Centro nazionale di studi di musica popolare, placé sous la double tutelle de la RAI et de l’Accademia nazionale di Santa Cecilia. Ottavio Tiby, né en 1891 à Palerme, est décédé accidentellement peu de temps après l’enquête.

[52Né en Alsace en 1903 et mort en Allemagne en 1982, M. Schneider a enseigné successivement à Barcelone, Cologne et Amsterdam ; ses recherches musicologiques et ethnomusicologiques ont surtout porté sur le symbolisme.

[53Musicien et musicologue (1891-1989), fondateur, avec Suzanne Clercx-Lejeune, des colloques de Wégimont (Liège) qui furent, de 1954 à 1960, le lieu d’échange intellectuel et de sociabilité académique pour les ethnomusicologues d’Europe occidentale (Gérard, 2014 : 284-287).

[54Juin 1955 (AN, fonds du MNATP, 20130147/151, dossier individuel CMD).

[55Giuseppe Pitrè (1841-1916), fondateur en 1880 de l’Archivio per lo studio delle tradizioni popolari, a édité en 1871 deux volumes de Canti popolari siciliani.

[56Ce qui pose le problème, à ce jour irrésolu, de la conservation de la correspondance scientifique de CMD, a priori distincte des courriers administratifs regroupés dans les « chronos » du MNATP et qui a dû être plus fournie que ce que laissent entrevoir trop parcimonieusement les dossiers d’enquêtes.

[57Aujourd’hui Musée canadien de l’histoire (précédemment Musée des civilisations), implanté à Gatineau (Québec), ville-jumelle d’Ottawa (Ontario), la capitale fédérale.

[58Rapport MPA sur les missions 1962-1963, p. 2 (AN, fonds du MNATP, 20130043/86).

[59Pour lesquelles Maguy Andral a été engagée à titre de contractuel par le musée d’Ottawa. Nous remercions Benoît Thériault, archiviste au Musée canadien de l’histoire où il a classé le fonds Carmen Roy, de nous avoir communiqué cette information.

[60Rapport d’activité 1961-1962, 28 février 1962 (AN, fonds du MNATP, 20130147/151, dossier individuel CMD).

[61Rapport d’activité 1963-1964, 20 février 1963 (AN, fonds du MNATP, 20130147/134, dossier individuel MPA).

[62Conservées aux AN, les archives écrites sont cotées 20130043/86 à 90 et les bandes originales (dont le contenu a été numérisé) 20130007/28 à 30.

[63CMD et MPA ont maintenu le contact avec Carmen Roy au moins dans la décennie suivante, comme l’attestent les archives de cette dernière qui sont conservées au Musée canadien de l’histoire. Toutefois les lettres échangées avec Maguy Andral qui figuraient dans le fonds ont été, à sa demande, retournées à C. Roy en 2004-2005, quelques mois avant sa disparition (courriel de Benoît Thériault en date du 22 janvier 2016).

[64Cet « appel » qui figure dans un rapport préparatoire de CMD en date du 10 décembre 1964 (AN, fonds du MNATP, 20130043/124, p. 4), énumère « les représentants de : linguistique, littérature orale, ethno-choréologie, coutumes et croyances, techniques d’expression (cinéma et éventuellement dessin), les chargés d’études spécifiques des équipes ethnologie globale (thème B : les hommes du buron), agronomie (thème C : comportement du troupeau), le chargé d’étude des Aubraciens de Paris (…) ».

[65Conservées aux AN, les archives écrites de la RCP Aubrac, du moins pour son versant ethnomusicologique, sont cotées 20130043/118 à 127 et les bandes originales des enregistrements réalisés par CMD et MPA (dont une copie numérique a été déposée au Centre occitan des musiques) 20130007/41-43, 46-47 et 61.

[66Ce qu’attestent les quittances de remise et de restitution, minutieusement datées et co-signées par les bénéficiaires, qui figurent dans les archives écrites de la RCP (AN, fonds du MNATP, 20130043/119).

[67Il s’agit de Pierre Soulier, qui les a accompagnées dans de nombreuses missions, et de Jean-Dominique Lajoux, auteur de plusieurs livres et films sur l’Aubrac.

[68Des signalements de cette nature figurent parmi les documents cotés AN, fonds du MNATP, 20130043/119.

[69Note CMD du 20 juin 1966, « Rcp Châtillonnais, année 1967, Ethnomusicologie » (AN, fonds du MNATP, 20130043/128).

[70Si leurs « observations des cérémonies des ténèbres et du cycle de Pâques » (compte rendu de mission, 21 juin 1967, AN, fonds du MNATP, 20130043/130) les amènent à Minot, elles n’y rencontrent pas leurs collègues qui ont fait le choix de l’immersion, comme l’a confirmé Françoise Zonabend (conférence SAHIEF du 17 décembre 2015). Elles n’enquêtent pas davantage avec Francine Lancelot-Coursange qui observe, notamment à Châtillon-sur-Seine, les pratiques de danse et les bals.

[71Dont les AN conservent dans le fonds du MNATP les archives écrites (20130043/128 à 130) et sonores (20130007/68, 70, 74-75 et 77-78).

[72Rapport annuel CMD pour janvier-novembre 1967, 1er décembre 1967 (AN, fonds du MNATP, 20130147/151, dossier individuel CMD).

[73MPA, qui parle quant à elle de « musiques de village », évoque les crécelles et le « tape-chaudrons de Châtillon-sur-Seine, vestige acculturé d’une tradition ancienne » (16 février 1968, rapport d’activité 1967, AN, fonds du MNATP, 20130147/134, dossier individuel MPA).

[74« Propositions de thèmes spécifiques pour le programme OCCSC présentées par le CEF », s.d. (AN, fonds du MNATP, 20130043/110). L’action d’observation du changement devant s’exercer sur l’ensemble du territoire métropolitain, on trouve parmi ces premières propositions un projet de retour à Barjols (Var) que CMD et MPA ont pourtant déjà revisité en 1970.

[75Ce dont il n’a malheureusement pas été possible d’obtenir confirmation lors de l’entretien déjà mentionné avec Jean Cuisenier.

[76Projet formalisé dans le rapport d’activité 1966 de MPA (15 février 1967, AN, fonds du MNATP, 20130147/134, dossier individuel MPA) : « Nos enquêtes des deux dernières années dans les Landes, confrontées à nos expériences antérieures en Brière et en Vendée, nous ont fait pressentir l’existence d’une souche commune dans le répertoire musical de la côte Atlantique d’expression française qu’il nous semble important de vérifier (…) [en opérant] une jonction entre nos prospections de Brière-Noirmoutier-Landes, et de réaliser en quelque sorte un balayage de la zone côtière et des îles entre Loire et Gironde. ».

[77Réponse du GRS et du CEF à l’appel d’offres, octobre 1976, p. 19-20 (AN, fonds du MNATP, 20130043/110).

[78Conservées aux AN, les archives écrites sont cotées 20130043/46 et les bandes originales (qui ont été numérisées) 20130007/4.

[79Avec plusieurs missions en 1977 et 1978, celles de la seconde année présentant la singularité d’avoir été menées solitairement et alternativement par MPA (février, août) puis par CMD (mars, septembre).

[80Tous documents écrits regroupés aux AN sous la cote 20130043/110.

[81Si leur étude sur « Les voies de la musique en Brière » figure dans le volume II des Archives de l’O.C.S. (Marcel-Dubois & Andral, 1979 : 303-315), leurs noms ne figurent pas, en revanche, au sommaire de l’ouvrage de synthèse de l’ATP : 1983. L’Ouest bouge-t-il ? Son changement social et culturel depuis trente ans. Nantes, Reflets du passé.

[82C’est indubitablement le cas de ceux effectués les 5 et 6 octobre 1977 auprès de quatre informateurs.

[83Les bandes originales des phonogrammes, conservées par les Archives nationales, sont réparties entre les cotes 20130007/133 (« enquête Brière ») et 134-135 (« exposé CMD séminaire Ehess »).

[84Ainsi dans une note au directeur de la RCP Aubrac en date du 20 juin 1963 qui indique que « Ce programme [de recherches ethnomusicologiques] suppose (…) la coopération avec des disciplines voisines, par exemple l’acoustique, la zootechnie, la linguistique, la sociologie, la techno-économie » (AN, fonds du MNATP, 20130043/124).

[85Manifestation combinée à une exposition organisée au MNATP, dont le programme scientifique et le catalogue (multigraphié) ont été conjointement assurés par CMD, Martine Segalen, Jean-Claude Schmitt et Daniel Fabre.

[86L’indéniable volonté d’ouverture manifestée par les successeurs immédiats de CMD et MPA, Jacques Cheyronnaud, de 1984 à1993, puis Denis Laborde, n’a pas été facilitée par les réductions d’effectif qu’a subies le département Musique du MNATP. Après eux, la diminution des ressources humaines s’est poursuivie mais l’effet en a été atténué et même largement compensé par la mise en œuvre du plan de numérisation du ministère de la culture : au cours des années 2000, ont été intégralement traités dans ce cadre les enregistrements effectués lors des enquêtes ethnomusicologiques et les copies numériques ainsi réalisées ont été confiées aux principaux acteurs du réseau de la Fédération des associations de musiques et danses traditionnelles.

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Pour citer cet article :

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(https://www.ethnographiques.org/2016/Gasnault-Le-Gonidec - consulté le 19.03.2024)
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