Exhiber les malades et susciter les dons.
La générosité médiatisée à l’attention des enfants atteints par le cancer au Cambodge

Résumé

Cet article décrit et analyse les pratiques philanthropiques ayant lieu au sein du service d’oncologie d’un hôpital public à Phnom Penh, au Cambodge. Il s’intéresse aux particularités du “donner” lorsqu’il entend agir sur la maladie – et plus largement sur la vie – d’enfants atteints par le cancer. Il retrace l’histoire d’une petite fille qui a été prise en charge financièrement après qu’un Nord-Américain fit circuler sur les réseaux sociaux une photographie où l’on discernait distinctement sa tumeur. Il montre comment les pratiques et les stratégies philanthropiques de certains acteurs suscitent “l’impulsion du don” chez d’autres acteurs, puis, comment elles modifient le dispositif formel d’aide aux plus démunis.

Abstract

“Exhibiting disease to generate donations. Mediated generosity to the benefit of children suffering from cancer in Cambodia”.
This article describes and analyzes the practices of philanthropy that take place within the oncology department of a public hospital in Phnom Penh, Cambodia. I focus on the characteristics of “donations” when they are intended to cure a disease – and more broadly to save the lives – of children affected by cancer. I retrace the story of a little girl who was supported financially after a North American circulated a photograph on social media where one can clearly see her tumor. I will show how philanthropic practices and strategies of actors involve “the desire to give” on the part of others actors, and then examine how these practices impact health care policy.

Sommaire

Introduction

Au sein des hôpitaux nationaux cambodgiens circule un certain nombre d’acteurs qui ne sont ni des soignants, ni des proches d’une personne malade. Parmi ces acteurs, on trouve des anonymes de nationalité cambodgienne ou étrangère, des personnalités publiques, des membres d’organisations non gouvernementales (ONG) et des bonzes. Ils se rendent à l’hôpital dans l’objectif de transmettre des biens matériels (denrées alimentaires, mobiliers, équipements médicaux, billets de banque). Parfois, les donations sont adressées à l’hôpital ; souvent, elles sont octroyées à un ou plusieurs individus directement, de la main à la main. Les récipiendaires sont les malades, les pauvres et les médecins. Ces transmissions peuvent être formelles ou informelles, prédéfinies ou spontanées, ordinaires ou atypiques… La plupart sont visibles au sein de l’établissement et participent, en amont et en aval, d’une autre forme de visibilité dans les médias.

Ainsi, cet article décrit et analyse les pratiques philanthropiques ayant lieu au sein du service d’oncologie d’un hôpital public à Phnom Penh, au Cambodge. Il questionne les pratiques du “donner” lorsqu’elles entendent agir sur la maladie – et plus largement sur la vie – d’enfants atteints par le cancer. En l’occurrence, ces pratiques s’appuient sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). Une pléthore d’acteurs [1] ayant des motivations variées établit des continuités (et des entrelacements) entre les environnements numériques et physiques, internet contribuant « à la production de nouvelles réalités » (Selim 2012 : 3). L’approche adoptée ici prête attention aux manières dont les interactions en ligne engendrent des activités dans le monde hors ligne (Robinson et Schulz 2009 : 692) et, réciproquement, aux résonances sur internet des activités produites à l’hôpital. Internet ne constitue pas « un “terrain électronique” en soi […] sans prise avec les constructions sociales et culturelles que les acteurs élaborent à propos de leurs environnements » (Cros et Mégret 2011 : 8 ; Selim 2012). Cet article vise donc à restituer les relations entre ces acteurs, par les biais d’internet et des actes de générosités, ainsi que de décrire comment la mobilisation de quelques protagonistes – sur les réseaux sociaux et dans le monde physique – génère, modifie et transforme les dispositifs de l’aide (institutionnels, non gouvernementaux et privés).

Pour ce faire, je propose de retracer l’histoire d’une petite fille, Sorya [2], qui a bénéficié de plusieurs modes de financement, après qu’un Nord-Américain – à la fois horrifié par la tumeur de l’enfant et scandalisé par le système de santé cambodgien – a lancé un appel aux dons sur internet. Il fit circuler sur les réseaux sociaux des photographies où l’on discerne distinctement la tumeur cérébrale déformant l’orbite oculaire de la fillette. L’internaute se trouve face à des visuels qui exposent un visage monstrueux et le Nord-Américain présente les parents comme totalement démunis, sans ressources financières ni aides sociales (gouvernementales ou autres). L’exhibition sur internet met en exergue la dimension sociopolitique de la situation. Sorya n’est pas seulement une malade (gravement atteinte d’un cancer), c’est aussi une victime (laissée-pour-compte des institutions sanitaires et sociales). Le processus de visibilité révèle – ou produit – une forme de « souffrance sociale [3] » (Kleinman et al. 1997) : d’une part il souligne les liens étroits entre les problématiques individuelles et sociétales (Kleinman et al. 1997 : IX), d’autre part il implique un engagement émotionnel et moral (Kleinman et Kleinman 1997). Le spectacle de cette « souffrance à distance [4] » (Boltanski 1993) sert l’appel à donation, si bien que les soins ont été payés dans leur intégralité et que l’enfant a été prise en charge jusqu’à sa mort.

L’humanitaire et les médias entretiennent de multiples rapports qui peuvent être retracés historiquement (Lavoinne 2002). Dès la seconde moitié du XXe siècle, la presse écrite a été un opérateur puis un acteur de la solidarité, elle transmet des informations afin de susciter la générosité des lecteurs. C’est ainsi qu’en 1984, « Le Parisien libéré titre à la une : Elle doit être opérée avant six mois et seuls les Américains ont les moyens d’intervenir. 100 000 DOLLARS POUR SAUVER CAROLE » (Lavoinne 2002 : 64). Dans les années quatre-vingt-dix, les photographies et les images télévisées deviennent des supports médiatiques procédant d’une « sensibilisation aux situations de détresse » (Lavoinne 2002 : 73). Souvent, ces visuels jouent sur un double registre affectif, ils associent le drame et le secours via « le couple horreur-solidarité » (Lavoinne 2002 : 79). Ce procédé participe au processus de sollicitation qui déclenche le don (Dessinges 2008).

Concernant la présente étude, les pratiques et les stratégies philanthropiques de certains acteurs ont suscité « l’impulsion du don » (Bornstein 2009 : 632) chez d’autres acteurs. Cette impulsion, qualifiée de philanthropique par Erica Bornstein, est une réponse viscérale et émotionnelle, un besoin immédiat de donner à un autre en situation de détresse, un désir de mettre fin à la misère et à la souffrance. La dimension affective semble « constitutive du don [humanitaire] » (Dessinges 2008 : 209). L’acte de donner revient à témoigner « d’un état affectivo-émotionnel spécifique et collectivement partagé » (Dessinges 2008 : 209).

Dans le contexte cambodgien, où une partie des acteurs présents à l’hôpital sont bouddhistes, cette pratique du don s’inscrit dans les principes du theravada [5]. En effet, elle est le meilleur moyen “d’accumuler des mérites” afin de s’assurer un karma favorable (Forest 2008 ; Guillou 2001 ; Hours 1981 ; Condominas 1968). La charité et l’aumône permettent d’acquérir « des mérites pour l’au-delà », mais ils confèrent également « du prestige pour ici-bas » (Condominas 1968 : 88). Mais la conversion du mérite en prestige ne s’applique qu’aux plus riches, « ceux qui ont du pouvoir renforcent leur pouvoir, et l’illusion de la redistribution collective à la communauté morale recouvre une plus-value accaparée par les classes dirigeantes » (Hours 1981 : 109). C’est pourquoi « il y a une équivalence réelle entre mérite, prestige et pouvoir » (Hours 1981 : 109).

Le don bouddhique – permettant l’accumulation de mérites – est aussi présent sous une forme laïque où le donateur endossera le rôle de bienfaiteur, « ce rôle, traditionnellement défini, consiste pour le “riche” à fournir des dons au “pauvre” » (Guillou 2001 : 430). Ces initiatives de générosité doivent être produites par la couche sociale aisée de la population envers les nécessiteux. Cet aspect légitime les interventions de particuliers et d’ONG à l’hôpital, même si des tensions peuvent apparaître lorsqu’un acteur (“occidental”) ne se cantonne pas à son rôle de bienfaiteur (Guillou 2001 : 430). Le don s’inscrit dans un jeu d’obligations – donner-recevoir-rendre – où l’importance ne se situe pas au niveau du contre-don comme l’a analysé Marcel Mauss (1973), mais au niveau du don, tel que l’a remarqué Maurice Godelier. Ce dernier soutient que « ce qui oblige à donner est précisément que donner oblige » (1996 : 20). Au Cambodge, le don possède « cette triple importance d’honorer le donateur, de lui permettre l’accumulation de mérites bouddhiques et de bénéficier matériellement au donataire » (Guillou 2001 : 431). L’acte de donner et les offrandes profitent autant – si ce n’est plus – au donneur qu’au receveur.

Les données de terrain sur lesquelles repose ce travail s’appuient sur une enquête ethnographique menée entre 2013 et 2015 dans les services de cancérologie de deux hôpitaux de la capitale cambodgienne. Au sein de l’un d’eux, l’histoire de Sorya m’a été racontée par sa mère, par trois oncologues cambodgiens ainsi que par un thérapeute dit traditionnel ; de plus, une dizaine de personnes à l’hôpital (malades et aidants) y ont fait référence durant des entretiens conduits entre mars et septembre 2015. Par ailleurs, des fragments et des versions de cette histoire sont accessibles sur internet. Une des versions est contée par Tom, le Nord-Américain surnommé Cowboy qui a été l’acteur clé de la prise en charge biomédicale de Sorya. Il est le président d’une ONG spécialisée dans l’aide aux enfants “en danger” au Cambodge. L’histoire de Sorya est résumée sur le site internet de l’ONG et elle peut être retracée au fil des publications et des commentaires produits par Tom sur son compte Facebook (ouvert au public).

Les parents de Sorya sont âgés d’une trentaine d’années. Ils sont originaires d’un village de la province de Koh Kong, qui est située au sud-ouest du Cambodge. Leurs activités génèrent de faibles revenus, le père exerce en tant que coupeur de bambou et la mère est vendeuse de poisson au marché. J’ai aperçu le père à cinq reprises dans les couloirs du service d’oncologie. À chaque fois, il m’a salué avec respect (en baissant la tête et en détournant le regard) sans engager la conversation. Par contre, j’ai eu plus d’une dizaine d’échanges avec la mère. Nos discussions portaient sur la santé de l’enfant, sur les autres malades ou sur des aspects du quotidien (l’alimentation, le déroulement des traitements à l’hôpital, etc.). La plupart du temps, elle était à l’extérieur du bâtiment d’oncologie en compagnie de quelques personnes (des malades, des aidants, des membres du personnel peu qualifiés). Sorya était dans ses bras ou en train de jouer à proximité.

Ainsi, je propose de restituer la mobilisation et la médiatisation philanthropique dont Sorya fut l’objet du mois de janvier 2015 au mois de février 2016.

« Une vie peut être sauvée »

De la quête de soin à la rencontre du “sauveur”

À mon arrivée au sein du service d’oncologie en mars 2015, la mère de Sorya est spontanément venue me présenter sa fille, qui était âgée de deux ans et huit mois. La mère était souriante, elle n’arborait pas un sourire fugace ou un sourire figé, au contraire, elle était chaleureuse et expressive. La petite avait la partie droite du visage déformée et des ecchymoses au niveau de la paupière inférieure. Elle avait un gonflement de l’orbite et du lobe temporal qui provoquait une déviation de son globe oculaire et qui laissait percevoir la paroi interne de son œil. La mère estimait que Tom, le Nord-Américain, avait sauvé la vie de son enfant puisqu’il lui avait permis de se rendre dans un grand hôpital à Phnom Penh.

Sorya avait à peine deux ans lorsque son visage commença à se déformer, après qu’elle eut chuté en jouant avec sa sœur. La mère acheta des médicaments à la pharmacie, la plaie diminua puis enfla légèrement sans cicatriser. Quatre mois après, au début du mois de décembre 2014, l’œil gonfla. Elle et son mari se rendirent à l’hôpital de référence de sa province. Ils vendirent leur moto afin de payer les frais liés à l’hospitalisation. Ils s’endettèrent. D’après la mère, les médecins provinciaux jugèrent leurs ressources financières insuffisantes et leur dirent de rentrer chez eux. Ensuite, les parents – n’arrivant pas à payer leurs créances – quittèrent leur domicile et séjournèrent temporairement chez les parents maternels. Parallèlement, la tumeur continuait d’évoluer. Ils finirent par consulter un thérapeute dit traditionnel, un grū khmaer [6]. C’était un ancien bonze dont la prestation n’était pas tarifée, il fonctionnait sur des donations libres et non systématiques. L’enfant séjourna à temps complet chez ce thérapeute, qui la soignait avec un cataplasme à base de plantes et d’insectes.

Ce grū khmaer était spécialisé et reconnu pour ses compétences en traumatologie orthopédique. En janvier 2015, Tom le consultait pour des douleurs à l’épaule. Les deux hommes entretenaient une relation depuis plus de huit ans, le Nord-Américain vouait une admiration sans commune mesure à celui qui lui avait permis de recouvrer l’usage de ses membres inférieurs. Tom consultait le grū khmaer environ deux fois par an. Il le rétribuait financièrement sur une base de 20 dollars par séance. De plus, il lui donnait du matériel médicalisé (vibromasseurs [7], chaises roulantes, béquilles, etc.) et des denrées (sacs de riz, boissons lactiques, jus de fruits conditionnés, etc.) à l’attention de ses patients.

Tom est un célibataire d’une soixantaine d’années, originaire de la côte est des États-Unis d’Amérique. Il voyage en Asie du Sud-Est depuis la fin des années 1980. Il séjourne régulièrement au Cambodge depuis 2008, où il prodigue une aide humanitaire par l’intermédiaire d’une ONG, dont il est le fondateur. Il est adepte des NTIC. Il se sert surtout du réseau social Facebook pour promouvoir les missions qu’il mène au sein de son ONG. Ainsi, il diffuse de nombreuses photographies qui le mettent en scène en train de procéder à des dons de nature variée (consommable, matériel, financier).

Tom rencontra Sorya chez le grū khmaer le 21 janvier 2015. Ce jour-là, il publia sur sa page Facebook : « Fini de me plaindre de mes épaules. Que dois-je faire des jours comme celui-ci ? Je me sens si petit et impuissant [8]. » Ces mots étaient accompagnés de trois photographies prises chez le thérapeute. Les visuels montraient un gros plan de Sorya dans les bras de sa mère, puis un plan rapproché de l’enfant avec ses deux parents.

Fig. 1. La rencontre de Sorya. Page Facebook de Tom, le 22 janvier 2015, chez le thérapeute à Koh Kong (floutage de l’auteur).

Se mobiliser dans l’urgence

Tom décida d’aider l’enfant. Il mobilisa un certain nombre d’acteurs sociaux (relations personnelles et professionnelles, médecins, médias, ONG, etc.), via internet, de sorte que la petite puisse être prise en charge à l’hôpital. Pendant une semaine, il diffusa quotidiennement des photos de Sorya, elle était exposée parfois seule, d’autres fois avec ses parents ou avec lui. Il demanda à ses contacts de « partager » les informations relatives à Sorya. Son réseau de relations était composé de Nord-Américains et de Cambodgiens, il y avait aussi quelques Thaïlandais et Occidentaux expatriés en Asie du Sud-Est. Parmi les Cambodgiens, Tom était en relation avec des personnes travaillant au sein du gouvernement ainsi qu’avec des personnalités publiques, riches ou influentes (une icône de l’humanitaire, des artistes, des hommes d’affaires et des politiques).

À travers l’interface numérique, Tom chercha avant tout à faire diagnostiquer la pathologie et à lever des fonds. En s’appuyant sur des photographies cadrées sur le visage de la petite, il demanda à des médecins américains d’identifier la maladie, d’évaluer la gravité de la situation et d’établir un pronostic. Ses contacts expatriés et cambodgiens l’orientèrent dans le choix de l’hôpital et le mirent en relation avec des médecins cambodgiens. Dans un même temps, Tom sollicita son réseau élargi afin qu’il contribue au financement des examens et des soins de l’enfant, ainsi qu’à ses besoins nutritionnels et d’habillement.

Les propos de Tom portèrent sur l’urgence vitale de la situation. Il fit des références à la religion chrétienne et à la figure du sauveur. Le 22 janvier 2015, il rédigea sur les réseaux sociaux : « Veuillez m’excuser si je ne réponds pas à vos messages mais cela me prend tout mon temps en ce moment. Espérons qu’une vie puisse être sauvée. » Cette déclaration était publiée avec une photographie de Sorya et sa mère. Le lendemain, il écrivit : « J’étais en train de me dire qu’un jour, quand je serai parti, je voudrais que quelques enfants devenus adultes se demandent : “Qui était cet Homme masqué ?” » Tom accompagna la fillette et ses parents à la capitale, il s’occupa de la prise en charge médicale et il procéda à toutes les démarches qu’il jugea nécessaires afin d’aider Sorya le plus efficacement et le plus rapidement possible. Le 25 janvier 2015, il publia une photographie du visage de la petite avec l’adresse du site internet de son organisation à la page réservée aux donations et le commentaire suivant : « S’il vous plaît, aidez-nous à aider cette enfant. »

Dans une certaine mesure, l’intervention de Tom peut être mise en relation avec la célèbre photographie prise par Kevin Carter durant la famine au Soudan et publiée dans The New York Times en 1993 [9]. Dans ces deux cas, les visuels (et leurs usages sociaux) évoquent l’idée que, comme le disent Arthur et Joan Kleinman (1997 : 7), « quelque chose doit être fait, et ce doit être fait rapidement, mais de l’extérieur du pays. L’autorisation d’agir résulte d’une requête pour une aide venant de l’étranger, l’intervention (ingérence) même étrangère, commence par l’évocation d’une absence locale, d’un effacement des voix et des actes indigènes. »

La même journée, le Nord-Américain ajoutera : « La famille est bien arrivée à Phnom Penh hier, elle a été accueillie avec surprise par Sovann. »

Sovann est âgé d’une cinquantaine d’années, c’est un acteur de cinéma cambodgien qui a fait fortune dans l’hôtellerie. Il a créé une fondation à son nom. Initialement, elle approvisionnait en fournitures scolaires les enfants des campagnes cambodgiennes. Mais, face à la réalité du terrain, la fondation réorienta ses objectifs ; actuellement, elle lève des fonds pour (ré)installer l’eau courante dans les écoles et prodiguer une aide (alimentaire et matérielle) aux familles les plus démunies. En janvier 2015, Sovann faisait la promotion d’un film dont la sortie au cinéma était prévue le mois suivant.

Une collaboration pour lever des fonds

Sur Facebook, Tom relaya une publication de l’acteur. Cette publication contenait deux photographies et une légende. La première photographie cadrait Sorya sur les genoux de sa mère qui posait face à l’objectif ; la seconde mettait en scène ces dernières entourées par Sovann, Tom et le père de l’enfant. Ces photographies étaient accompagnées du texte suivant :

Chers donateurs, nous avons besoin de votre aide pour sauver la vie de cette pauvre fille, elle a deux ans et sept mois et vient de la province de Koh Kong. Cette petite fille a une grosse TUMEUR à l’intérieur de l’œil droit. Mon ami américain Tom (fondateur de l’ONG [nom de l’ONG], Cambodge) l’a rencontré [sic] par hasard à Koh Kong récemment et l’a amené aujourd’hui à l’hôpital [nom de l’hôpital] pour se faire opérer… Pendant que sa famille séjourne à Phnom Penh, nous avons besoin de fonds pour subvenir à la nourriture des parents, aux allers-retours entre le domicile et l’hôpital, etc. Je vous prie de me répondre par mail ou de contacter Tom directement, PARTAGEZ.

L’acteur de cinéma cambodgien diffusa cet appel à donation sur sa page personnelle ainsi que sur celle de deux de ses relations. Cet appel fut “partagé” par 149 personnes (dont Tom). Tom et Sovann publièrent une dizaine de messages de ce type afin de lever des fonds.

Relations numériques

Réactions sur les réseaux sociaux

Les publications liées à Sorya donnèrent lieu à de nombreux commentaires élogieux, à forte connotation religieuse, à l’attention du Nord-Américain et de l’acteur. Par exemple, le 22 janvier 2015, une Cambodgienne écrivit : « J’admire vraiment votre amour pour mon peuple. Merci, que le SEIGNEUR DIEU continue à vous Bénir, Tom, vous êtes un ange que Dieu a mis sur terre. Je prie pour que nous nous rencontrions un de ces jours. »

Les commentaires ne comprenaient pas uniquement des compliments. Les internautes cambodgiens et américains réagissaient à l’histoire et aux photographies de Sorya : ils exprimaient leurs états émotionnels, ils répondaient à l’appel à donation, et ils proposaient de mettre en relation les protagonistes avec d’autres organismes caritatifs, institutions, médecins, personnalités publiques, etc.

La photographie de Sorya suscitait généralement stupeur ou tristesse. Ces émotions étaient illustrées par des émoticônes (représentant des yeux et une bouche béante ; une figure en larmes) ou par des personnages expressifs plus élaborés (représentant un personnage humain ou non humain dans son intégralité en train de pleurer). Là encore, les références au domaine du religieux furent fréquentes, surtout lorsqu’il s’agissait de personnes de nationalité états-unienne.

Les Cambodgiens formulèrent littéralement qu’ils éprouvaient de la « pitié » (aāṇit en khmer) envers Sorya, à travers des commentaires semblables à celui-ci : « J’ai tellement pitié d’elle » (le 27 janvier 2015). Selon Anne Guillou, « le spectacle de la souffrance d’autrui peut susciter diverses attitudes, comme la “pitié” (supposant deux classes inégales d’individus dont l’une, masse misérable, est soumise au regard de l’autre) ou la “compassion” qui, dans le vocabulaire de Hannah Arendt, ne s’applique qu’envers des êtres souffrants singuliers » (Guillou 2001 : 467-468). L’auteure explique que « l’économie affective cambodgienne » (Guillou 2001 : 468) repose sur le concept bouddhique de souffrance (dukkhḥ, terme khmer provenant du pali) et que ce dernier ne suppose pas une identification à autrui. À l’inverse, la compassion – telle qu’elle est définie en Occident – « consiste étymologiquement à “prendre part à la souffrance d’autrui [10]” donc à s’imaginer à sa place » (Guillou 2001 : 468). La volonté d’aider autrui est présente chez les Cambodgiens et chez les États-Uniens, mais elle n’appartient pas au même registre affectif.

Par ailleurs, Didier Fassin (2002) remarque que la souffrance exposée à travers les médias mêle les deux affects qu’opposait Hannah Arendt, à savoir la compassion (proximité) et la pitié (distance) ; ainsi, « la représentation imagée des scènes lointaines produit de véritables “politiques de la compassion” […] ce qui caractérise le régime affectif contemporain [des Occidentaux] c’est précisément l’abolition de la distance, ou plus exactement le fait que la compassion puisse désormais opérer à distance par l’incarnation et la personnalisation de la souffrance dans des êtres que les médias montrent et singularisent » (Fassin 2002 : 679).

Les réactions sur les réseaux sociaux témoignent de la communicabilité des états émotionnels. À ce propos, les travaux de Jean-Philippe Heurtin sur le Téléthon (Heurtin 2008) stipulent que la médiatisation produit un intense partage d’émotions où l’enthousiasme agit « par contagion » et transforme le spectateur en acteur. Ici, les internautes n’ont pas les mêmes expériences affectives (la compassion et la pitié) et, pourtant, elles renvoient à ce que Paul Dumouchel nomme « les émotions sociales », à savoir les « moments saillants d’un processus de coordination entre personnes » (Dumouchel 1995 : 93). À travers la mobilisation de l’affect, l’objectif principal de la publication de Sovann (citée ci-dessus) était de collecter des fonds. Elle suscita des réponses directes et instantanées, telles que : « Donnez-moi votre numéro de compte et je vous envoie 200 dollars. Merci ! »

Donation d’une organisation

Le réseau de relations de Sovann était composé de riches cambodgiens et certains étaient liés à la famille du Premier ministre Hun Sen. Ils firent circuler l’appel à donation. À la fin du mois de janvier, une association cambodgienne se proposa de prendre en charge l’intégralité des frais médicaux. Ces derniers comprenaient le coût d’une opération chirurgicale ainsi que celui du traitement de radiothérapie. Cette association s’autodéfinissait comme un « organisme communautaire [11] » qui regroupait des jeunes médecins bénévoles. Leur mission consistait à dispenser gratuitement des soins médicaux aux Cambodgiens démunis. L’association était présidée par le lieutenant général Hun Manet et son épouse Pich Chanmony. Hun Manet est le fils aîné du Premier ministre, il est à la tête du département de l’unité antiterroriste et, à l’instar des autres membres de sa famille, il dirige une organisation caritative.

Selon Pak Kimchoeun (2007), le système politique cambodgien est fondé sur des relations de (néo)patronage qui maintiennent les élites au pouvoir [12]. Ces dernières se considèrent elles-mêmes comme des personnes qui doivent prendre soin de leurs partisans (Kimchoeun 2007 : 54), d’où une tradition très ancrée d’actes de générosité envers les pauvres (qui procèdent à une consolidation de la relation de subalternité).

L’association présidée par Hun Manet est officiellement apolitique. Toutefois, son avatar sur le réseau social Facebook représente des Cambodgiens avec le Premier ministre Hun Sen et son épouse Bun Rany. Cette dernière est la présidente de la Croix-Rouge cambodgienne et le logo de l’association de Hun Manet symbolise aussi une croix rouge. Ces représentations visuelles soulignent la filiation parentale et, par là même, suggèrent l’appartenance politique de cet « organisme communautaire ».

Habituellement, l’association met en place des campagnes médicales au sein d’une localité ou d’un établissement public. Les médecins consultent un spectre assez large de la population ciblée (rurale, infantile ou paupérisée) et, si nécessaire, ils procèdent à des actes spécialisés tels que des soins chirurgicaux ou dentaires. L’association travaille en partenariat avec les autorités territoriales et elle collabore avec des bénévoles étrangers, mandatés par des financeurs extérieurs, provenant principalement d’Asie du Sud-Est.

Les actions de « l’organisme communautaire » font l’objet d’une importante médiatisation. Généralement, les médecins sont filmés et photographiés lorsqu’ils procèdent aux actes médicaux. De plus, des cérémonies de remerciement sont organisées, les preuves visuelles montrent les bénéficiaires (les pauvres cambodgiens) saluant leurs bienfaiteurs (financeurs et médecins) en courbant l’échine. Hun Manet et Pich Chanmony apparaissent très souvent au premier plan de ces évènements qui sont diffusés dans les journaux télévisés. Ils médiatisent les actions de bienfaisance du fils de Hun Sen et de son épouse.

Médiatisation

La collaboration entre Tom et Sovann fut décisive quant à la tournure que prit l’histoire de Sorya. Les contacts de l’acteur de cinéma permirent à l’enfant de bénéficier d’une visibilité médiatique (et d’une récupération politique) inhabituelle et sans précédent [13]. D’une part, un article de presse écrite fut diffusé en khmer sur le site internet d’une revue en ligne (revendiquant une neutralité politique). L’histoire de Sorya était exposée afin de solliciter des dons financiers. L’article stipulait l’âge de l’enfant et la gravité de son état de santé. Puis il mentionnait que la famille avait besoin d’aide parce qu’elle était pauvre et que Sorya devait subir un acte chirurgical. Enfin, le journaliste expliquait quand et comment était apparue la difformité et justifiait la démesure de la masse par le manque d’hygiène et les traitements traditionnels. Les deux hommes – Tom et l’acteur – diffusèrent simultanément cet article sur leurs pages personnelles Facebook le 26 janvier 2015. D’autre part, le lendemain, un reportage sur Sorya passa au journal télévisé de la chaîne nationale Cambodian News Channel (CNC) à 18 h 30. La vidéo de 4 minutes se déroulait dans le bureau du chef du service d’oncologie de l’hôpital. Le journaliste interviewait la mère de Sorya, la petite sur ses genoux. Des images les montraient toutes les deux en pleurs. Puis le chef du service présentait ses conclusions médicales et le traitement envisagé. Ensuite, le représentant de l’association des médecins expliquait que Hun Manet et son épouse s’étaient engagés à payer tous les frais médicaux. Enfin, le représentant et le commentateur mentionnèrent qu’une ONG (sans nommer Tom) s’occupait de prendre en charge des frais annexes de Sorya et ses parents. Durant le reportage, un encadré apparaissait à l’écran avec un numéro de téléphone à l’attention des donateurs potentiels.

Le montage audio opérait à l’anonymisation des petits donateurs, au profit de la médiatisation des plus importants. Ce processus était renforcé par une “personnalisation” du don, puisque ce n’était pas l’association des médecins qui aidait la petite mais Hun Manet et son épouse. Par ailleurs, les commentaires adressés à Tom et Sovann sur les réseaux sociaux participaient aussi de cette logique où l’institution permute avec l’homme détenant le pouvoir en son sein. La médiatisation (internet et télévisuelle) produit donc de la différenciation entre les acteurs de l’aide et elle (re)produit le prestige d’une élite.

En résumé, à la fin du mois de janvier 2015, Sorya était hospitalisée et elle disposait d’un lit hors de la salle réservée aux indigents. Un sarcome d’Ewing avait été diagnostiqué et un protocole thérapeutique, couplant irradiation et chirurgie, avait été établi par les médecins cambodgiens. Les dons financiers de Hun Manet et de son épouse couvraient l’intégralité des traitements et des actes médicaux prévus. Les donations de particuliers, qui furent collectées par Sovann et Tom, permettaient à la famille de pallier les besoins élémentaires. Les médecins prévoyaient un traitement qui astreignait Sorya à demeurer au sein du service d’oncologie pendant plusieurs semaines consécutives. La durée de l’hospitalisation induisait un investissement financier puisqu’elle contraignait le père à suspendre son activité salariée. Les parents séjournaient gratuitement à l’hôpital, mais ils devaient s’alimenter et acheter les produits de base qui n’avaient pas fait l’objet de donations matérielles de la part de l’ONG de Tom. Ce dernier avait chargé Sokhem, son chauffeur de tuk-tuk, d’acheminer un ventilateur, des changes, de la nourriture.

Une aide multiple aux enfants

« Aidez Sorya et Lena »

En février 2015, Sokhem suivait le déroulement des traitements à l’hôpital alors que Tom était en déplacement. Le conducteur de tuk-tuk lui transmit, via Facebook, deux photographies sur lesquelles une enfant présentait les mêmes caractéristiques que Sorya. Il mentionna : « C’est Lena, elle est à l’hôpital [nom de l’hôpital] chambre 105. Si quelqu’un veut aider en quoi que ce soit cette enfant, s’il vous plaît appelez sa mère [numéro de téléphone]. » Quelques jours plus tard, Tom rencontra Lena et sa mère. Dès lors, Sorya n’eut plus l’exclusivité des publications et des donations.

Par ailleurs, en juin 2015, une ONG allemande spécialisée dans l’aide aux enfants en Asie du Sud-Est eut connaissance de la situation de Sorya et Lena et mentionna sur son site internet : « C’est par [nom de l’ONG de Tom] que nous avons entendu parler de l’histoire de Sorya et Lena, nous avons été à la fois touchés et choqués. Dans certains entretiens Tom nous décrivait une position intenable qui amenait désormais sa petite association à atteindre ses limites. » C’est pourquoi l’ONG allemande mis en place un crowdfunding, autrement dit, un financement participatif sur internet. L’objectif de ce dispositif était de collecter 210 dollars, la somme que Tom avait jugée manquante afin de prendre en charge les coûts annexes. Cet appel à donation nommé « Aider Sorya et Lena » comportait six photographies parmi celles que Tom avait diffusées sur le réseau social Facebook depuis le début de sa mobilisation.

Preuves et remerciements

Les dons, de Nord-Américains et de Cambodgiens, qui transitèrent par l’intermédiaire de Tom, de quelque nature qu’ils soient, étaient instantanément photographiés et mis en ligne sous diverses formes.

Tom s’exposa en train de remettre des billets de banque. Des photographies montrèrent le Nord-Américain donnant un billet de 50 dollars à Sorya, sa mère et son père. Le couple était assis sur le lit d’hôpital, la petite sur les genoux de son père, avec Tom se tenant debout à leurs côtés. Le père exhibait le billet entre ses mains. En outre, une photographie fut prise le 28 mars 2015. Au premier plan, Lena était allongée sur son lit d’hôpital ; au second plan, le Nord-Américain faisait face à la mère de Lena. Ils avaient tous les deux les mains jointes au niveau de la poitrine, mais seul Tom tenait un billet de 20 dollars entre ses doigts. La photographie était accompagnée du commentaire suivant : « Soutien à Lena comme toujours. »

Cette pratique où l’argent offert est présenté dans la posture de l’offrande renvoie à un « court rituel (qui) s’apparente à celui du don bouddhique par lequel le donateur acquiert des mérites » (Guillou 2001 : 338). Tom semble donc s’inscrire dans le double registre de la charité chrétienne et bouddhique.

Durant les traitements de Sorya et de Lena, Tom se rendit à l’hôpital deux fois par mois environ. Il était accompagné de Sokhem, qui endossait le rôle de traducteur. Leur arrivée passait rarement inaperçue puisqu’ils avaient, la plupart du temps, les bras chargés de présents. Sorya et Lena eurent entre autres des ours en peluche, des vêtements, des boissons en cannettes et du lait. À chaque fois, le bienfaiteur s’enquérait de leur santé, il s’adressait directement à elles et à leur mère en anglais. Il leur parlait en les regardant droit dans les yeux, pendant que le chauffeur traduisait. Tom prenait les petites filles dans ses bras, les cajolait et leur tapotait la tête.

En mars 2015, les visites de donateurs affiliés à l’ONG de Tom s’ajoutèrent aux siennes. Lors de chacune d’elles, une ambiance inhabituelle régnait à l’hôpital. Ainsi, le 27 juillet 2015, une dizaine de personnes, des malades et leurs accompagnateurs, s’étaient figées devant le bâtiment d’oncologie. Elles regardaient en direction d’un attroupement qui était situé à une quinzaine de mètres. Au centre se trouvait un Nord-Américain. Il venait de distribuer des briques de jus de fruit et des biscuits sucrés à tous les enfants du service, ou, plus exactement, à leurs parents. Il était accompagné de Sokhem.

Cette situation se produisit à maintes reprises. Les différents bienfaiteurs prévoyaient des dizaines de lots afin que chaque enfant hospitalisé puisse en bénéficier. Toutes ces donations firent l’objet de photographies et d’une diffusion sur Facebook. Un seul acteur était constamment présent, Sokhem, le chauffeur de tuk-tuk et interprète. Il est l’instigateur de la prise en charge financière de Lena, il a contribué à étendre les donations à tous les enfants du service d’oncologie et il coordonne les actions des donateurs lorsque Tom est en déplacement.

Les donations de particuliers, qui transitèrent par l’intermédiaire de l’association de Tom, firent l’objet de remerciements sur sa page Facebook personnelle. Tom pouvait exprimer sa gratitude de manière globale mais il pouvait aussi l’adresser à une personne en particulier. Dans ce cas, il nommait le donataire et indiquait le montant du don. Quelques bienfaiteurs eurent un remerciement spécifique, comme le montre une photographie où Sorya, sa mère et Tom posent en tenant une feuille de papier sur laquelle est inscrit le nom d’une donatrice (le 6 avril 2015). L’aide prodiguée par les donateurs étrangers souligne le contraste, évoqué par Arthur et Joan Kleinman (1997 : 7), entre « une impuissante victime autochtone et un puissant étranger professionnel ». La remise des dons et les remerciements valorisent le « statut moral » du donneur, alors que celui du receveur reste inchangé (Kleinman et Kleinman 1997 : 8). Le don engage un contre-don photographique (les remerciements) qui souligne la dette des récipiendaires.

Fig. 2. Remise de dons dans un hôpital cambodgien. Page Facebook de Tom, le 28 mars 2015 (floutage de l’auteur).

Des célébrités et des riches donataires

Les donataires qui rendirent visite à Sorya à l’hôpital ne furent pas uniquement des anonymes occidentaux, il y eut aussi des riches cambodgiens, des bonzes ainsi que des célébrités.

Les donateurs cambodgiens apportent régulièrement des denrées aux malades. Dans la majorité des cas, ils sont accompagnés d’un ou plusieurs bonzes et, ensemble, ils distribuent des consommables. Le don bouddhique ne se limite pas aux offrandes faites aux bonzes, cette pratique inclut également le don envers les nécessiteux, les pauvres et les malades. Ainsi, le 19 juin 2015, une femme et un bonze se rendirent au chevet de tous les malades du service d’oncologie qui ne bénéficiaient pas d’une chambre individuelle. Ils distribuèrent des packs de lait de soja vitaminé.

Il existe aussi une forme de « philanthropie diasporique [14] » (Peterson 2014 : 70) où les dons sont effectués sans la présence du donataire, par l’entremise des bonzes ou d’un mandataire. Par exemple, le 16 mars 2015, Tom, la mère de Sorya et un bonze enregistrèrent une vidéo pour remercier une bienfaitrice. Cette dernière vivait aux États-Unis, elle fit appel au bonze pour qu’il remette, en son nom, une donation de 50 dollars. Sur la vidéo, le bonze expliquait le but de sa présence et donnait l’argent à la mère. Ce support visuel fait office de preuve et de contre-don (par le remerciement). Parfois les dons sont d’un montant plus important, comme le montre une vidéo datée du 6 février 2015 où un mandataire expose une liasse de 500 dollars qu’un expatrié cambodgien remet, à distance, aux parents de Sorya.

Par ailleurs, le 3 mai 2015, l’épouse de Hun Manet (le fils du Premier ministre) se rendit à l’hôpital et fit la visite du service d’oncologie escortée par le chef et son bras droit. Elle rencontra Sorya ainsi que d’autres enfants malades. Pich Chanmony fit une donation de 100 dollars à la famille de la petite et de 50 dollars aux enfants que les médecins jugeaient dans un état grave. Selon la mère de Sorya, c’est parce que l’épouse du fils de Hun Sen eut très « pitié » de son enfant qu’elle lui fit ce don.

La femme de Hun Manet était accompagnée d’un médecin de sa propre organisation, qui prit des photographies et diffusa sept images sur le compte Facebook de l’association. Il fit deux montages photographiques. Le premier faisait se succéder verticalement deux photographies du visage de Sorya, il combinait l’avant et l’après-traitement, autrement dit, l’avant et l’après-intervention de la famille de Hun Sen. Le deuxième montage, sur le même principe, associait une photographie de Sorya dans les bras de sa mère avec une autre de l’enfant dans ceux de Pich Chanmony.

Trois jours plus tard, un chanteur cambodgien se rendit à l’hôpital afin de donner 150 dollars à la mère de Sorya. Ce chanteur avait subi une perte de popularité quelque temps auparavant et il était revenu sur le devant de la scène en médiatisant des collectes de fonds destinées à aider la population rurale cambodgienne. Lors de sa visite à l’hôpital, il fit un don de 100 dollars à un groupe composé de dix femmes, chacune ayant un enfant malade. Ces dernières avaient sollicité la générosité du chanteur en mettant en pratique une stratégie habituellement effectuée par les plus pauvres, « la technique d’appel à la “bienveillance universelle [15]” » (Guillou 2001 : 473) :

La gestuelle utilisée – le dos courbé en signe d’humilité, voire la prosternation, les mains jointes au niveau de la poitrine ou du front, le rythme incantatoire de la voix – est celle que l’on peut trouver, à quelques variantes près, dans d’autres situations sociales où le don bouddhique est sollicité […]. Au-delà de son aspect religieux sous-jacent, cet appel à la « bienveillance universelle » met profondément en œuvre, sur le plan social, les différences et les inégalités entre individus car le don rehausse le prestige de celui qui le prodigue.
(Guillou 2001 : 473).

L’aide des médecins

À l’hôpital, la politique sociale du service d’oncologie fut modifiée après la visite de Pich Chanmony. L’enfance devint un des critères d’exonération des frais médicaux. Les oncologues du service revendiquèrent être à l’origine de cette initiative qui permettait d’aider les enfants atteints du cancer.

Officiellement, les indigents disposent du Health Equity Funds, un fonds de solidarité mis en place à l’hôpital par le ministère de la Santé en 2007. Ce dispositif comprend l’exemption des frais hospitaliers et des médicaments disponibles à la pharmacie de l’hôpital, ainsi qu’un forfait journalier d’un dollar et vingt-cinq centimes. En théorie, les bénéficiaires sont identifiés avant ou après leur arrivée à l’hôpital, selon des critères d’éligibilité qui viseraient à prouver leur extrême précarité socioéconomique. En pratique, la décision finale revient aux médecins hospitaliers. Ils sont chargés de mener un entretien auprès de chaque bénéficiaire potentiel, afin d’évaluer leur demande d’exonération puis d’accorder ou refuser l’accréditation (Noirhomme et al. 2007). Concrètement, le fonds d’équité ne comprend pas l’intégralité des traitements anticancéreux. Les médicaments qui existent à la pharmacie de l’hôpital peuvent être considérés comme “de base” et non “de pointe” puisque les médicaments récemment mis sur le marché n’y figurent pas.

Les médecins du service revendiquaient d’aider les enfants, au même titre que les personnalités publiques et les acteurs des ONG. Selon un oncologue, « grâce à eux », l’hôpital prenait en charge le coût du traitement. Certains professionnels soutenaient que leur contribution était supérieure à celle de Tom et que les fonds de ce dernier étaient dérisoires face à ceux du fils de Hun Sen.

Exposer la guérison, la mort, les corps

Diffuser dans l’instant

Après la radiothérapie, Sorya fut opérée en juin et débuta la chimiothérapie deux mois plus tard. La masse monstrueuse avait disparu. Visuellement, il ne restait plus que la paupière inférieure noircie et légèrement distendue.

Les effets spectaculaires des traitements favorisaient les propos confiants vis-à-vis de l’avenir de l’enfant : « Quel merveilleux succès » pouvait-on lire sur la page Facebook de Tom, le 6 décembre 2015. Ces assertions étaient tenues par les parents de Sorya, Tom, les internautes sur Facebook, tout comme les médecins. Le conseiller médical de l’ONG de Tom publia le 28 décembre 2015 une affiche titrée « Sarcome d’Ewing » stipulant :

Découvert par [Nom de l’ONG] Adressé au Dr. [Nom du conseiller médical de l’ONG]. Envoyé au Dr. [Nom du chirurgien cambodgien]. Soumis aux traitements du cancer. A subi une chimiothérapie. A subi une opération. Maintenant, la patiente est en post-op et va bien.

À gauche du texte, l’affiche présentait deux photographies de Sorya prises avant les traitements biomédicaux, la première sur les genoux de sa mère, la seconde en plan rapproché. À droite du texte, une photographie récente de Sorya avec Sokhem. À cette même période, un oncologue cambodgien considérait Sorya comme un cas clinique qui prouvait l’efficacité des traitements dispensés dans le service. Toutefois, d’autres oncologues à l’hôpital produisaient un discours plus tempéré, ils constataient que Sorya « répondait aux traitements » plus qu’ils affirmaient qu’elle était guérie.

Cependant, le 5 février 2016, Tom déclara : « Chers amis, je suis au regret de vous annoncer que le cancer de Sorya est revenu. Elle a passé la semaine à l’hôpital mais les Médecins ne peuvent plus rien faire et l’ont renvoyée chez elle pour mourir. Bénie soit ta courageuse petite âme mon amie. J’aurais voulu que nous puissions te sauver, mais je te garderai toujours dans mon cœur. »

Sorya décéda le 11 février 2016. Sokhem publia deux photographies sur la page Facebook de Tom, l’une montrait la mère de Sorya pleurant dans ses bras à côté de la dépouille recouverte d’un linceul blanc ; la seconde était centrée sur le linceul, à gauche la mère de Sorya avait les mains posées sur le corps recouvert, à droite Tom était en position de recueillement, la tête baissée et les mains jointes au niveau de la poitrine. Le lendemain, Tom publia neuf photographies des funérailles de Sorya, puis le chauffeur “l’identifia” sur neuf photographies supplémentaires. Elles furent prises lors de la préparation du cercueil, de la cérémonie et de la mise en terre (Sorya ne fut pas incinérée mais enterrée, comme cela est souvent le cas pour les morts dites prématurées, et donnant lieu à la catégorie cosmologique des esprits de malemort – tāyhoṅ ; taihoṅ).

Une photographie montrait Sorya, le visage découvert, avec des offrandes ainsi que l’ours en peluche qui lui fut donné par Tom quelques mois auparavant. L’enfant était entourée de ses parents, de sa grand-mère, de ses sœurs, de Tom et de Sokhem. Ces deux derniers étaient agenouillés, les mains jointes avec trois bâtons d’encens entre les doigts. Sorya et l’ours en peluche apparaissaient sur une deuxième photographie, c’est pourquoi Tom précisa, sur chacune de ces photographies : « Si content de voir que Sorya voulait être enterrée avec l’Ours que je lui ai donné. Elle l’avait nommé Sena, du nom de sa sœur qu’elle aimait tant » (12 février 2016). L’altruisme de Tom est couplé d’une forme d’« ostentation abyssale de soi que permet internet » (Selim 2012 : 3) lorsqu’il souligne sa générosité sur les réseaux sociaux.

Le même jour, Tom publia sur internet : « La famille de Sorya a vendu sa maison et sa moto il y a quelques années pour lui apporter une aide médicale. Un voisin vient d’accepter de leur vendre la petite parcelle de terrain où Sorya est enterrée. La parcelle vaut seulement 250 dollars. Nous leur avons donné une caution de 100 dollars aujourd’hui. Qu’est-ce que vous en dites les amis, pourrait-on aussi leur construire une maison ? Cela ne coûterait pas plus de 1 500 dollars. » Pich Chanmony, l’épouse de Hun Manet, lui répondit : « Je suis vraiment désolée que nous n’ayons pu l’aider davantage mais notre équipe a fait de son mieux. J’ai déjà donné 500 dollars à sa famille avant que son corps ne soit rapatrié dans sa ville natale. Ma famille et moi sommes contents de l’aider en leur donnant 500 dollars de plus pour construire leur maison. Veuillez m’indiquer comment je peux leur transmettre cet argent. »

Agir contre la souffrance

Tom ne fit plus référence à Sorya ou à sa famille. Il est engagé dans des projets de construction de maisons pour les familles cambodgiennes de la région de Siem Reap. Il travaille aussi à Phnom Penh en partenariat avec une organisation qui opère gratuitement les enfants atteints de difformités faciales. Enfin, il soutient financièrement des victimes d’agression physique à l’acide, des enfants ayant des pathologies graves ou des anomalies physiques (cancers, amputations, difformités) et des familles ou des parents en situation de vulnérabilité et de précarité (qui généralement ont un handicap important, une maladie, etc.).

La mise en image des actions humanitaires de Tom ou les informations qu’il publie sur sa page Facebook heurtent la sensibilité de l’internaute, qui ne peut pas rester indifférent. Parmi les photographies qu’il diffusa entre mars et novembre 2015, certaines frôlaient la limite du supportable, comme celle d’un nourrisson ayant le visage violacé et déformé par une dizaine de tumeurs, la paupière gauche boursouflée et, à droite, l’œil, la pommette ainsi que l’aile du nez nécrosés.

Ces photographies montrent une situation humaine extrême. Elles exhibent les stigmates des enfants. Il s’agit principalement de pauvres dont l’apparence diverge d’une manière exceptionnelle de la norme. Ces mises en scène numériques confrontent l’internaute à la souffrance de personnes dans une double situation de vulnérabilité (précarité sociale et altération corporelle). C’est précisément la tension créée par ce double facteur qui rend légitime les appels à l’aide et à donation. La distinction entre une relation d’aide et une contribution financière ou matérielle n’est pas nettement définie.

Ces visuels suscitent la stupeur, l’indignation, la compassion ou la pitié… Le contexte diffère mais les sentiments provoqués par ces photographies s’apparentent à ceux décrit par Arthur et Joan Kleinman : « Nous nous retrouvons face aux limites affectives [the unsentimentalised limits] de la condition humaine – un silence en apparence sans sens, probablement sans consolation » (Kleinman et Kleinman 1997 : 7).

Conclusion

L’intervention de Tom apparaît comme le point de départ des dons à l’attention de Sorya. Il était confronté aux failles et aux inégalités du système public. Sa première action visait à « sauver une vie ». Le dispositif d’aide qu’il mit en place l’impliquait directement et couplait une assistance à autrui avec des dons d’argent et de matériels. Dans ses discours, les références à la religion chrétienne étaient présentes sans être systématiques, d’autant qu’il procédait aux donations selon les conventions bouddhistes.

Dès le départ, il diffusa des photographies de Sorya sur internet afin de lever des fonds. Ces visuels permirent d’enrôler un acteur de cinéma, Sovann, qui agit hors de sa propre fondation. Il mobilisa les médias de masse et une « organisation communautaire » de médecins. Cette dernière, présidée par le fils du Premier ministre, prit en charge l’intégralité des frais médicaux de l’enfant. Un reportage diffusé à la télévision mit en avant l’action philanthropique du fils du politicien.

L’histoire de Sorya fut rendue publique par les médias et par les internautes. Les photographies commentées de l’enfant se sont propagées sur la toile en partant de Tom et de ses « amis » Facebook, puis de Sovann et de ses contacts (dont des personnalités cambodgiennes), ainsi que de l’organisation des médecins et de leur réseau… Cette diffusion entraîna de multiples dons : des internautes effectuèrent des virements bancaires à Sovann, à Tom, puis au père de Sorya ; des donateurs nord-américains affiliés à l’ONG de Tom se rendirent à l’hôpital pour faire directement des dons (denrées alimentaires ou billets de banque) ; une ONG allemande entreprit une levée de fonds ; et des personnalités cambodgiennes s’impliquèrent personnellement. Pich Chanmony, l’épouse du fils du Premier ministre, œuvrait déjà au sein de « l’organisme communautaire », mais elle se déplaça à l’hôpital afin d’adresser directement une contribution financière, en son propre nom.

Initialement, ces dons étaient réservés à Sorya, puis ils se sont étendus, de manière ponctuelle ou individuelle, à d’autres enfants du service d’oncologie. D’une part, le chauffeur de tuk-tuk de Tom l’incita à aider un second enfant hospitalisé. D’autre part, les donateurs se rendant à l’hôpital furent confrontés aux sollicitations des parents. Ensuite, l’aide aux enfants s’est formalisée et pérennisée lorsque les médecins décidèrent d’étendre le Health Equity Funds, le fonds réservé aux indigents, à tous les enfants du service d’oncologie. Ces dons et ces aides ont été impulsés par l’élan philanthropique de Tom à l’attention de Sorya.

L’enquête ethnographique menée dans les hôpitaux cambodgiens ne pouvait pas me permettre de saisir le réseau de relations sur lequel s’étayent les dons. Il est partiellement visible via les dispositifs contemporains de communication, qui ébranlent « la rupture entre vie privée et vie publique » (Selim 2012 : 3). Mais la médiatisation des dons participe aussi d’un processus d’invisibilité qui renforce le prestige des élites. Elle met en avant les actions de bienfaisance des personnes de pouvoir. L’attention est attirée sur les personnes influentes, ce qui produit un effacement des autres donateurs (bien qu’ils puissent avoir une position cardinale). Lorsqu’il s’agit de donner la parole aux récipiendaires, ils se trouvent dans une posture de soumission visant à faire appel à la « bienveillance universelle » des plus riches ou à les remercier solennellement. C’est pourquoi ce récit décrit les manières dont les parents de la fillette agissent publiquement, mais il mentionne rarement leur point de vue. Paradoxalement, ils sont à la fois au centre et absents.

Les connexions des acteurs au sein de ce réseau [16] reposent sur des motivations hétérogènes, qu’elles soient humanitaires, politiques ou religieuses. D’où la coexistence de logiques de don distinctes, procédant d’un engrenage qui semble parfois concurrentiel. En effet, l’initiative du Nord-Américain a occasionné la « mobilisation numérique » (Selim 2012 : 4) qui a contribué à impliquer des élites cambodgiennes et qui eut des répercussions sur la politique sanitaire locale. Les pratiques des donateurs montrent que la philanthropie est parfois couplée d’une forme de philotimie [17], ou « l’amour et la recherche des honneurs, la soif de reconnaissance et de notoriété » (Baffie 2013 : 71). La générosité des élites cambodgiennes demeure au service du patronage qui, paradoxalement, en palliant la relative absence de l’État, tire profit de la situation à des fins familiales.

Dans cette étude, les pratiques des donateurs sont exercées la plupart du temps hors des fondations, elles ne renvoient pas aux nouvelles formes de la philanthropie contemporaine (Hénaff 2003). Les dons transitent souvent de la main à la main, ils impliquent un rapport direct entre le riche et le pauvre (malade). Ces pratiques concordent avec celles des philanthropes décrites par Erica Bornstein (2009), les acteurs élaborant des formes hybrides entre les secteurs formel et informel. Cette histoire pionnière au sein du service d’oncologie a circulé parmi les familles d’enfants malades, si bien qu’elles reproduisent aujourd’hui le même dispositif sur Facebook.

add_to_photos Notes

[1Ces acteurs sociaux sont de nationalité états-unienne, européenne et cambodgienne ; on trouve des élites, des membres d’ONG, des médecins, des internautes, etc.

[2Les noms figurant dans cet article ont été modifiés, à l’exception de ceux de deux personnalités publiques ayant une relation de parenté avec le Premier ministre du Cambodge.

[3« Social suffering » est un concept défini par Arthur Kleinman qui regroupe les souffrances humaines résultant des pouvoirs institutionnels, politiques et économiques ; ces souffrances impliquent simultanément des enjeux moraux, légaux, sanitaires et sociaux (Kleinman et al. 1997 : IX).

[4Cette expression fait référence au traitement médiatique (télévision) des actions humanitaires lorsqu’il renvoie « au spectacle d’un malheureux souffrant au loin » (Boltanski 1993 : 91).

[5Le theravada (« doctrine des anciens ») est la plus ancienne des écoles bouddhistes actuelles. Ce courant, originaire d’Inde, est pratiqué par une majorité de la population au Sri Lanka, au Myanmar, en Thaïlande, au Laos et au Cambodge.

[6Les verbatim cambodgiens ont été translittérés en suivant le système d’écriture proposé par Lewitz Saveros (1969).

[7Le grū khmaer utilise des vibromasseurs dans une visée thérapeutique afin de soulager les douleurs musculaires de ses patients.

[8Les traductions des citations extraites de la page Facebook sont le fait de l’auteure.

[10REY Alain, 1995. Dictionnaire historique de la langue française. Paris, Le Robert, art. « Compatir », p. 458.

[11Écrit en anglais sur leur page Facebook.

[12Pour une analyse de la politique cambodgienne depuis 1993 (des stratégies politiques, du patronage et du pouvoir des élites), voir Grégory Mikaelian (2008) et Markus Petersson (2015).

[13À ma connaissance, il n’y a pas d’autre enfant ou adulte, traité contre le cancer au Cambodge, qui ait bénéficié d’une exposition médiatique avant Sorya.

[14Glen Peterson étudie la philanthropie de la diaspora chinoise du XIXe siècle au début du XXe siècle. Ici, il s’agit de la philanthropie des expatriés cambodgiens vivant principalement aux États-Unis, en Australie et en France.

[15Il s’agit du concept bouddhique de Karuṇā, habituellement traduit par « compassion bouddhique », auquel Anne Guillou préfère l’expression de « bienveillance universelle » (Guillou 2001 : 467-471).

[16Dont je ne prétends pas avoir rendu compte de toutes les ramifications.

[17Jean Baffie emploie ce terme à propos des entrepreneurs sino-thaïlandais et de leur épouse. Ils visent un contre-don en « capital symbolique » lorsqu’ils procèdent à des œuvres de bienfaisance puisqu’elles leurs permettent d’acquérir des décorations royales (équivalent au titre d’uknñ̎ā au Cambodge).

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