Jeux de captivité.
Transactions ludiques animales et humaines dans les zoos d’Europe occidentale

Résumé

Pour les zoos d’Europe occidentale, le jeu est une solution problématique. Il cherche en effet à articuler trois éléments difficilement conciliables : la captivité, la « nature sauvage » et la présentation au public. Trois types de situations ludiques sont ici analysés. L’enrichissement vise à améliorer l’environnement des animaux captifs. L’entraînement, ou training, consiste à leur apprendre des mouvements par association. Enfin, les jeux officieux désignent des activités plus informelles. Privilégiant le concept deweyien de transaction, cet article souligne le caractère constitutif de relations ludiques qui sont à la fois associatives et dissociatives : le jeu ne se passe pas entre les joueurs, ce sont les joueurs qui sont des aspects du jeu.

Abstract

Play in captivity. Animal and human play transactions in Western European zoos

For zoos in Western Europe, play is a problematic activity. It seeks to articulate three elements that are difficult to reconcile : captivity, wildness, and public presentation. Three types of play situations are analysed here. “Enrichment” aims to improve the environment of captive animals. “Training” consists in teaching them movements by association. Finally, “unofficial play” refers to more informal activities. Focusing on the deweyan concept of transaction, this article emphasizes the constitutive nature of playful relationships, which are both associative and dissociative : play does not happen between the players, it is the players who are aspects of play.

Sommaire

Le pneu et le gorille : le rapport problématique des zoos au jeu

Il y a un peu plus de trente-cinq ans, deux jeunes soigneurs de la ménagerie du Jardin des plantes sont convoqués par la direction. Leur faute : avoir donné un pneu à un gorille qui s’ennuyait et s’était amputé d’un doigt. « Ici on n’est pas dans un cirque, les animaux ne sont pas là pour jouer », leur rappelle-t-on. Gérard Dousseau, l’un des deux animaliers réprimandés, devint par la suite chef soigneur. Lorsqu’il raconte cette anecdote, il décrit ce pneu comme un jouet, « un joujou ». Aujourd’hui, relève-t-il, c’est lui qui sanctionnerait le soigneur qui refuserait de procéder à cet « enrichissement ».

Pour les zoos modernes, le jeu apparaît comme une solution problématique [1]. Ces établissements présentent au public des animaux « sauvages » en captivité [2]. Or, comme le souligne Gérard Dousseau, « le problème principal de la captivité, c’est qu’elle génère de l’inactivité », ce qui peut engendrer à son tour des pathologies. Heini Hediger, alors directeur du zoo de Zürich, indiquait déjà que cette inaction, « contraire à la nature » (1955 : 241), peut être compensée par une « thérapeutique d’activité » organisée autour du jeu : « le jeu est, sans aucun doute, le meilleur moyen et le plus naturel pour compenser d’une manière sensée et biologique le manque d’activité dû à la captivité » (1955 : 245 [1925) avait déjà (…)" id="nh2-3">3]). De nos jours, les soigneurs mentionnent souvent le jeu, notamment lorsqu’ils évoquent deux pratiques qui ont pour objectif de remédier à ce manque d’occupation : l’enrichissement et l’entraînement (training). Cette activité ludique est parfois partagée par les animaliers. Situés dans un cadre professionnel, les soigneurs la justifient par autre chose que le simple plaisir humain. Ils évoquent deux aspects du maintien en captivité : le divertissement des animaux et l’établissement d’une relation de confiance.

Si la place du jeu paraît centrale, elle est pourtant relativisée de plusieurs manières. Face aux préjugés de certains visiteurs ou aspirants soigneurs, les animaliers rappellent souvent qu’ils ne passent pas leur temps à jouer avec les animaux. D’abord parce que l’essentiel de leur tâche est consacré au nourrissage et au nettoyage. Ensuite parce que la dangerosité potentielle et le caractère souvent craintif de ces animaux « sauvages » limitent fortement les possibilités de jeu. D’autre part, en cherchant à se distinguer du cirque et de l’artifice, le personnel des zoos est conduit à évincer certains jeux jugés trop peu « naturels », que ce soit du point de vue du « stimulus » (un objet, une structure) ou de la « réponse » comportementale animale. Ce manque est évalué à partir d’une « norme » (Hediger 1969 : 1 ; Hancocks 1980) : « la nature », ou « la nature sauvage », telle qu’elle existerait en dehors de la captivité. Ainsi l’Association mondiale des zoos et aquariums (WAZA) préconise de favoriser au maximum l’expression de « comportements naturels » (Barongi et al. 2015 : 59). Dans un mémoire d’activité (Cebrián 2011 : 88), le zoo de Barcelone affirme qu’il cherche à enrichir l’environnement des animaux de manière à ce qu’ils développent « des comportements et des capacités propres à leur espèce », « similaires à ceux qu’ils auraient dans leur habitat naturel ». À cet égard, la temporalité propre au zoo constitue une difficulté. En effet, le jeu est sensible au contexte environnemental et à l’état physique du joueur (Burghardt 1999) : on a observé qu’une situation difficile en termes d’alimentation, de prédation ou de conditions météorologiques diminue le niveau d’activité ludique chez plusieurs espèces (Baldwin et Baldwin 1974 ; Lee et Moss 2014). Comme le soulignait Roger Caillois ([1958] 1967 : 24), le jeu semble impliquer un temps libéré des nécessités liées à la nourriture et à la sécurité. Or, ce temps libre est beaucoup plus important en captivité, et des animaux qui joueraient trop longtemps seraient tout aussi peu « naturels » que des animaux inactifs. Autrement dit, si le jeu peut rapprocher l’animal captif de son agir « naturel », il doit néanmoins lutter contre sa tendance à l’artificialisation.

Ceci est d’autant plus important que le zoo se différencie d’autres lieux de captivité par le fait qu’il présente des animaux « sauvages » à un public, ce qu’il a en commun avec le cirque, et qui le distingue du laboratoire. La finalité de cette exposition est double : il s’agit à la fois de divertir et d’éduquer (Kreger et al. 1998 ; Cebrián 2011 : 88). Or, l’objectif d’éducation passe par la conformité à un archétype naturel puisqu’il s’agit d’informer sur « la vie sauvage ». Quant à l’objectif de divertissement, il est idéalement subordonné à l’objectif éducatif et associé à la présentation du naturel afin de distinguer le zoo du cirque. On verra pourtant que cette distinction n’est pas sans poser problème dans certaines situations. Quoi qu’il en soit, du point de vue du personnel des zoos, les jeux en captivité doivent être rapportés à un modèle naturel qui est aussi celui d’une nature exposable, ou présentable [4].

Les jeux ont donc un caractère central puisqu’ils cherchent à articuler trois éléments qui participent à la définition des zoos : la captivité, les animaux « sauvages » et la présentation au public. Cet article consistera à examiner ces tentatives de conciliation en analysant trois situations ludiques : l’enrichissement, l’entraînement et les jeux officieux.

L’enrichissement

Le personnel des zoos [5] souligne la spécificité de l’environnement des animaux captifs : l’espace est restreint, la nourriture et l’eau sont fournies, le milieu est contrôlé, les groupes sociaux sont relativement stables, la lutte pour la dominance et la reproduction est moindre, et les possibilités de prédation sont quasiment nulles [6]. Selon lui, c’est l’impossibilité de satisfaire un besoin d’activité de manière « naturelle » qui conduit les animaux captifs à rediriger cette énergie vers une manière d’agir « anormale » (coprophagie, agressivité ou toilettage excessifs, stéréotypies). Or, si une passivité totale n’est ni dans l’intérêt des animaux, ni dans celui des hommes (qu’il s’agisse du personnel ou du public), toute activité n’est pas pour autant souhaitable. L’enrichissement consiste à « améliorer » l’environnement des animaux captifs de façon à augmenter leurs « opportunités comportementales » (Shepherdson et al. 1998 : 1 ; Cebrián 2011 : 88). Ses objectifs sont multiples (Shepherdson et al. 1998 : 2 ; Cebrián 2011 : 90). Il cherche d’abord à améliorer « le bien-être psychologique et physiologique » des animaux et à réduire la fréquence des comportements anormaux. Il s’agit ensuite de conserver des espèces en favorisant leur reproduction et en maintenant leurs comportements « typiques », comportements qui pourraient être utiles pour la survie lors d’une éventuelle réintroduction. Enfin, il cherche à augmenter l’intérêt et l’éducation des visiteurs en leur présentant des animaux agissant « comme dans leur habitat naturel ». La théorisation et la mise en pratique de l’enrichissement apparaissent dès la première partie du XXe siècle (Yerkes 1925 ; Hediger 1953 ; Kortlandt 1960 ; Reynolds et Reynolds 1965), mais elles ne se développent véritablement qu’au début des années 1980 (Markowitz 1982). Mis à part quelques exceptions, les animaliers rencontrés mentionnent un début de systématisation de ces pratiques à partir des années 1990. Les origines de ce changement sont multiples : à l’intérêt croissant pour le bien-être animal au sein des sociétés occidentales, on peut ajouter la fin de l’hégémonie hygiéniste (« Avant c’était nettoyage et basta »), la baisse du nombre d’animaux par soigneur et la moindre crainte qu’un objet constitue un danger pour la santé animale.

L’enrichissement alimentaire

Il s’agit de l’enrichissement le plus utilisé en captivité. Il fait varier deux aspects : le type d’aliment et sa présentation. Certains aliments (fruits, légumes) peuvent donner lieu à des jeux si leurs caractéristiques propres sont conservées (Rémy 2007 : 50). Si donner des carcasses à des vautours (Gyps fulvus) ou à des dragons de Komodo (Varanus komodoensis) ne semble pas donner lieu à une activité ludique, selon les soigneurs certains félins jouent à lancer des carcasses en l’air. Cet exemple se situe à la limite des deux aspects : si une carcasse est un type d’aliment, elle est aussi une manière de présenter de la viande (en ne la découpant pas).

La présentation d’un aliment n’est pas non plus toujours synonyme de jeu. Celui-ci n’est pas mentionné par les soigneurs lorsqu’un dragon de Komodo doit déterrer un morceau de viande, ou lorsque la nourriture est éparpillée dans l’enclos d’un takin (Budorcas taxicolor), « histoire qu’il s’agace un peu ». À l’inverse, un soigneur indique que Pablo, un cheval de Przewalski (Equus ferus przewalskii), « aime bien jouer avec son ballon ». Celui-ci est constitué d’une boule creuse dans laquelle de la nourriture peut être déposée. L’animal doit alors la faire rouler pour faire sortir les aliments par les ouvertures prévues à cet effet. Le jeu est aussi associé au fait de placer de la nourriture dans des chaussettes nouées, ou au labyrinthe des capucins (Cebus apella) de la ménagerie du Jardin des plantes qui, suspendu à hauteur de l’animal, doit être incliné dans différentes directions afin d’en faire sortir une noix.

Figure 1
Enrichissement alimentaire pour chameau de Bactriane (Camelus bactrianus). Zoo de Barcelone, 2011.
Photographie : Bastien Picard.

Ici, le plaisir est une condition du jeu (Rémy 2007 : 50 ; Haraway 2008 : 241 ; Bekoff 2013 : 163). Une seconde condition réside dans la complication du chemin menant à une fin, en l’occurrence l’aliment. On retrouve au cœur de l’enrichissement l’un des aspects essentiels du jeu : il s’agit dans les deux cas de différer l’atteinte d’un but grâce à des « retardateurs, [des] complicateurs de l’action, [ce qui expose] les joueurs à l’alternative de la réussite ou de l’échec » (Chauvier 2007 : 51). Cette association du plaisir et de l’empêchement fait écho aux deux pôles antagonistes évoqués par Roger Caillois ([1958] 1967 : 48) : la paidia, « principe commun de divertissement », et le ludus, principe qui rend plus difficile la satisfaction du désir. On retrouve ici la combinaison de deux significations du jeu : un comportement ludique subjectif (plaisir, joie) se conjugue avec un dispositif ludique objectif (la complication de l’accessibilité). Or, comme le rappelle Stéphane Chauvier (2007 : 14), ces deux significations ne sont pas nécessairement liées. Un chimpanzé qui joue avec une brindille manifeste une attitude ludique sans qu’il y ait nécessairement un dispositif ludique. Inversement, un singe capucin qui serait contraint de jouer au labyrinthe s’inscrirait dans un tel dispositif, mais s’il n’éprouvait que stress et souffrance, son attitude serait loin d’être ludique. En ce sens, le jeu n’est pas nécessairement synonyme d’amusement (Hamayon 2012 : 14). L’association de ces deux significations du jeu par les soigneurs montre qu’ils ne définissent pas le jeu comme un simple divertissement, d’autant plus que celui-ci, au sens large, n’est pas nécessairement synonyme de plaisir (l’agression par un congénère peut aussi sortir de l’ennui).

L’enrichissement occupationnel

Si tous les enrichissements constituent « une thérapeutique “d’occupation” » (Hediger 1953 : 205), le personnel éprouve le besoin de distinguer ceux qui peuvent se faire sans alimentation [7]. Certains ont ainsi pour fonction de favoriser les comportements d’exploration. D’autres consistent à fixer une structure métallique à un mur, ce qui permettra à certains oiseaux de construire leur nid en réunissant eux-mêmes les matériaux nécessaires. Mais pour qu’un enrichissement occupationnel soit « ludique » (Pérez Artero 2008), ou « ludico-occupationnel » (Cebrián 2011 : 99), il faut de nouveau que les soigneurs perçoivent la présence d’un certain plaisir chez l’animal [8].

Parmi les nombreux exemples, on peut citer :

  • Pour les félins, l’usage de bouées suspendues ou de ballons. En suspendant deux bidons solidarisés par une corde (figure 2), les lions peuvent jouer en attrapant, griffant, ou mordant les objets en plastique, y compris à deux.
Figure 2
Enrichissement ludique pour lions d’Afrique (Panthera leo leo). Zoo de Barcelone, 2012.
Photographie : Bastien Picard.
  • Pour les éléphants, l’emploi de ballons, de pneus, ou de troncs, qui sont soulevés et déplacés, notamment avec la trompe.
  • Pour les primates, l’utilisation de draps, de sacs, de morceaux de tissu, qui sont manipulés et placés sur différentes parties du corps (la tête, l’oreille, le cou, le dos).
Figure 3
Enrichissement ludico-occupationnel pour chimpanzés (Pan troglodytes). Zoo de Barcelone, 2012.
Photographie : Bastien Picard.
  • Les mammifères marins tels que les dauphins et les otaries sont sans doute les espèces à propos desquelles le jeu est le plus souvent évoqué. On peut citer : l’usage de bouées, de bidons et de ballons, qui sont poussés, tirés ou jetés en l’air ; un cercle de caoutchouc placé au fond du bassin et dans lequel les animaux passent ; une douche, l’enrichissement devenant ici sensoriel ; et un miroir, qui permet aux dauphins de jouer avec leur reflet.
  • Les mammifères n’ont pas l’exclusivité de l’enrichissement ludique puisque ce dernier est aussi pratiqué avec certains oiseaux. Il s’agit le plus souvent d’espèces appartenant à l’ordre des Psittaciformes (kéa (Nestor notabilis), aras…). Divers objets de différentes formes sont manipulés avec le bec et les pattes.
  • Certaines espèces de reptiles (les crocodiliens par exemple) se voient aussi proposer des objets qu’ils peuvent mordre, ou des jets d’eau (Dinets 2015).

Plusieurs enrichissements sont à la fois alimentaires et ludiques, non pas simultanément, mais consécutivement : ce qui était à l’origine le réceptacle de la nourriture (cône, chaussette, morceau de tissu) devient un objet ludique. Ces jeux ne sont pas entièrement prévisibles, la créativité des animaux dépassant parfois le cadre disposé intentionnellement par les soigneurs. Ainsi, de jeunes mangabeys (Cercocebus atys lunulatus) tiennent un récipient qui accueillait la nourriture avec leurs dents. Celui-ci, en plastique semi-translucide, constitue alors une sorte de visière partiellement occultante. À tour de rôle, ces jeunes [9] primates s’amusent à parcourir les cordes et plates-formes de leur installation, leur vue brouillée donnant lieu à de nombreuses chutes et cascades. Au zoo d’Amnéville, les orangs-outangs (Pongo pygmaeus) vivent en cohabitation avec des loutres (Aonyx cinerea) et s’amusent parfois à les enfermer dans des sacs. Ces « sorties de cadre » ne sont évidemment pas sans inquiéter les soigneurs, qui peuvent craindre une blessure ou des dégâts matériels.

L’enrichissement structurel ou physique

Ce troisième type d’enrichissement consiste à modifier la configuration spatiale d’une installation : rochers, troncs, branches, poteaux, morceaux d’écorce, sable… Les jeunes primates s’adonnent souvent à des courses-poursuites dont le niveau de ludicité dépend de la présence de cordes, de filets et de plates-formes.

Figure 4
Enrichissement structurel et jeux sociaux géladas (Theropithecus gelada). Cerza, 2017.
Photographie : Bastien Picard.

Un autre exemple est le bassin de boue situé dans l’enclos des éléphants d’Afrique (Loxodonta africana) du zoo de Barcelone. Le plus souvent, les animaux s’aspergent en restant debout. Mais il arrive parfois qu’ils s’allongent dans ce substrat d’une manière qui peut faire penser au jeu. En effet, de longues pauses s’intercalent entre des roulades spectaculaires accompagnées de larges mouvements de trompe. Le jet n’étant pas orienté vers son corps, l’animal arrose essentiellement ce qui l’entoure. On ne peut donc écarter l’hypothèse selon laquelle les éléphants s’adonnent ici à un « jeu tactile » (Lee et Moss 2014).

Figure 5
Enrichissement structurel et jeu tactile éléphantin (Loxodonta africana). Zoo de Barcelone, 2011.
Photographie : Bastien Picard.

Trois équilibres de l’enrichissement ludique

Afin de devenir ludiques, les enrichissements alimentaires, occupationnels et structurels doivent être agencés d’au moins trois manières. Pour rompre l’ennui, ils doivent être modifiés régulièrement. Il s’agit alors de trouver un premier équilibre, l’excès de nouveauté pouvant être synonyme de stress. Un second équilibre concerne la difficulté de la tâche à accomplir. Dans une lettre à Mersenne du 18 mars 1630, René Descartes (1897 : 133) défend l’idée que le caractère agréable d’une œuvre varie en fonction de la perception : alors que la sensation d’une trop grande facilité fera perdre tout intérêt, celle d’une trop grande difficulté sera synonyme de fatigue. Les soigneurs se retrouvent face à un problème analogue. Afin de ne pas engendrer ce qu’il est chargé de chasser, l’enrichissement doit éviter deux extrémités qui, bien qu’opposées, ont pour point commun de mener à l’ennui. Cet ajustement du jeu dépend autant des capacités d’actions animales que des capacités humaines à appréhender ces dernières. En ce sens, les enrichissements constituent des « dispositifs d’intéressement actif » (Despret et Galetic 2007) qui participent de l’élaboration d’un monde commun.

Il importe d’abord de s’accorder avec les capacités de l’espèce, et notamment avec ses aptitudes motrices et comportementales. Les enrichissements des éléphants doivent s’adapter aux possibilités de la trompe ; ceux des félins doivent intégrer le fait que les mouvements de leurs pattes antérieures sont plus limités que ceux d’un ours. Un second élément à considérer est la force physique. La résistance proposée pourra ainsi varier lorsqu’il s’agit d’ouvrir un réceptacle. Une compétition entre forces animales et forces humaines peut alors s’engager indirectement, notamment lorsqu’il s’agit de serrer les nœuds que des grands singes devront dénouer. La force de ces derniers, comme celle des éléphants, réduit sensiblement la marge de manœuvre des soigneurs puisque tout élément introduit dans l’installation devra non seulement être suffisamment solide, mais surtout ne pas pouvoir servir à détruire son environnement. Enfin, un troisième élément réside, selon les soigneurs, dans l’« intelligence ». Parmi les primates, les grands singes et les capucins se démarquent par la complexité des tâches auxquelles ils peuvent s’appliquer sans renoncer.

Les enrichissements doivent aussi être adaptés aux individus. Au-delà des différences de force et d’intelligence, l’âge peut avoir d’autres conséquences. Un soigneur explique par exemple que si « les enrichissements ne fonctionnent pas trop » avec un couple de cercopithèques diane (Cercopithecus diana roloway), c’est parce que leur âge avancé fait qu’« ils sont moins patients ». La facilité sera donc augmentée. Certains individus se singularisent par leur niveau de curiosité. Au zoo de Barcelone, Pedro, un mâle rhinocéros (Ceratotherium simum simum), désespère les soigneurs par son indifférence à l’égard de tout ce qui lui est proposé. À l’opposé, Matjo, un ours (Ursus arctos) dont l’intérêt ne faiblit jamais, reçoit tous les éloges.

Pour que l’enrichissement devienne un jeu, un troisième équilibre, entre nature et artifice, est recherché par le personnel des zoos. L’usage récurrent de cette opposition témoigne d’une forme de naturalisme (Descola 2005 ; Servais 2012 ; Estebanez et Staszak 2012), même si celui-ci passe parfois au second plan lorsque les soigneurs entrent dans des relations plus directes avec les animaux (Picard 2013). Les soigneurs cherchent ainsi à produire les jeux les plus « naturels » possible tout en utilisant des moyens « artificiels ». Cette recherche de la naturalité peut se faire de deux manières. Il s’agit d’abord de susciter des jeux que les animaux présentent en dehors de la captivité. Un bassin de boue ou des troncs pour les éléphants d’Afrique donneront lieu à des jeux tactiles et d’objet (Lee et Moss 2014). Des bouées remplaceront les objets à la dérive avec lesquels jouent certains dauphins en dehors des zoos. La seconde manière consiste à faire naître des jeux qui ne sont pas présents « dans la nature », mais qui font appel aux « capacités naturelles » des animaux. L’enrichissement occupationnel vise ainsi à « renforcer les capacités physiques et psychologiques des animaux » (Cebrián 2011 : 99). Le labyrinthe des capucins mobilise par exemple leurs capacités cognitives. Ici, l’évidence du caractère « artificiel » du dispositif matériel n’est pas jugée gênante car elle est dite correspondre à des caractéristiques mentales « naturelles ». L’un des procédés considéré comme le plus « naturel » consiste à composer des groupes sociaux qui amènent les animaux eux-mêmes à jouer entre eux. Cet enrichissement social permet de développer aussi bien les jeux intragénérationnels (comme les luttes ludiques entre jeunes primates) que les jeux intergénérationnels (entre parents et enfants par exemple). Comme on a pu le voir avec l’exemple des orangs-outangs s’amusant avec des loutres, certains groupes sont pourtant propres à la captivité.

L’acceptation de l’apparence artificielle est en réalité une question de degré. Un soigneur préfère par exemple les plates-formes rondes parce qu’« elles font plus naturelles » que les plates-formes rectangulaires. Or, ce degré d’acceptation dépend aussi des points de vue, et notamment des points de vue (des différents personnels) sur les points de vue (du public et des animaux). Alors que les soigneurs ont le sentiment que certains objets correspondent à la nature ludique de leurs animaux, ceux-ci sont parfois considérés comme trop artificiels : « On a déjà eu des remarques de la direction à propos des enrichissements qui ne faisaient pas assez naturels. » Un soigneur note que cette préoccupation pour le naturel n’est pas présente partout :

Au zoo de Pékin, ils ne s’embêtent pas : ils mettent des jeux pour gamins (un cheval rouge, etc.) pour les macaques et les pandas. Les zoos asiatiques sont très différents des zoos européens. […] Les enrichissements, ils s’en fichent. Après, dans ces pays, ils ont sûrement autre chose à penser. Le cheval rouge, ici, ça ne passerait pas. On a déjà eu des remarques avec les orangs, à propos des draps, avec les cartons, etc. À la direction, ils nous ont déjà dit que ça faisait penser aux clochards, ce genre de dérive anthropomorphique. C’est vrai que si tu arrives au moment où ils sont dans un carton, avec un drap… Après, le budget est limité, on fait de la récup.

En réalité, le rejet de l’apparence artificielle par le public n’est pas si évident (McPhee et al. 1998). De plus, le personnel estime parfois que certains enrichissements « trop » naturels (carcasses, prédations) feraient tout autant fuir le public (Markowitz et Aday 1998 ; Roth 2017).

Jouer avec : action, interaction et transaction

Le plaisir et le jeu sont parfois partagés par les animaliers. Le défi de créer de nouveaux jeux pour les animaux peut être vécu comme une activité ludique, le plaisir s’associant à la complexité de la tâche (Rémy 2007). Une soigneuse s’enthousiasme à propos d’un de ses animaux favoris : « On interagit beaucoup plus. Tu lui fais tous les jouets que tu peux ! » Elle ajoute, non sans ironie : « C’est une thérapie, c’est un enrichissement pour nous [les soigneurs]. » Mais l’enrichissement est parfois vécu comme une tâche ingrate. Un soigneur fatigué par trente ans d’ancienneté déclare :

On s’inquiète du bien-être animal, mais on ne s’occupe pas du bien-être du soigneur. L’enrichissement c’est bien, mais ça fait beaucoup plus de travail qu’avant. […] Il faudrait un enrichissement pour le soigneur. […] Il me faut un enrichissement pour mon dos.

Ici, il semble qu’il s’agisse moins de jouer avec que de faire jouer. Il y a pourtant une raison de soutenir que les hommes jouent avec les animaux, y compris dans ce dernier cas. L’enrichissement comme jeu pourrait d’abord être décrit comme une manipulation : l’homme joue avec (manipule) les animaux pour les faire jouer. La manipulation se distingue en effet de l’opération dans la mesure où elle est un « faire faire », et non un « faire » ou un « faire être » (Ferret 2012). Elle implique ici des actions humaines et animales. Le premier paradoxe est que l’enrichissement fait faire un « faire » qui n’équivaut pas à une simple exécution. Il s’agit pour les hommes de contrôler l’environnement des animaux afin qu’ils puissent eux-mêmes le « contrôler » (Markowitz et Aday 1998). Il s’agira par exemple de préparer les conditions pour que l’animal soit lui-même à l’origine de l’apparition de sa nourriture, ou pour que les jeux sociaux intraspécifiques se développent d’eux-mêmes. Le second paradoxe est que le manipulé agit lui-même sur la nature des manipulations. Le manipulé fait lui aussi faire des choses au manipulateur. En adaptant les enrichissements aux espèces et aux individus, les actions des soigneurs sont déjà des effets.

Comment décrire ces relations ludiques ? Dans Knowing and the Known (Dewey et Bentley 1949 : 132-133), John Dewey distingue trois « niveaux » : l’auto-action (self-action), l’interaction et la transaction. Une approche actionnelle souligne ou l’agentivité humaine ou l’agentivité animale ou les agentivités animale et humaine. Ce qui est ici perdu, c’est la relation réciproque : comment rendre compte du fait que le soigneur doive modifier le dispositif ludique parce qu’il y a un risque que l’animal se blesse ? Une approche interactionnelle semble ici plus adéquate. Elle comporte pourtant un risque qui conduira Dewey à introduire le concept de transaction. En effet, l’interaction est encore compatible avec « un atomisme ou un substantialisme » (Steiner 2010) dans lequel les interactants préexisteraient aux relations. L’approche transactionnelle consiste au contraire à décrire et à expliquer un phénomène « sans postuler l’existence d’entités ontologiquement séparées » (Steiner 2010). Loin d’être donnés dans l’expérience, les relata, les agents, les acteurs et les interactants ne sont que les aspects d’une situation de transaction dont ils ont été distingués de manière fonctionnelle, et non ontologique. Évidemment, rien n’interdit d’abstraire des actions ou des interactions afin de les ériger en objets d’étude. Seulement, il s’agit de ne pas oublier que ces « portions de transaction font partie d’un processus plus large, et qu’elles ne permettent que des descriptions partielles et provisoires » (Dewey et Bentley 1949 : 142). Une description transactionnelle conduira certes à une forme d’abstraction liée à l’usage de mots et de concepts, mais cette segmentation restera moins importante que dans les autres approches. Une situation de transaction ludique ne peut donc être réduite à un échange d’actions, les protagonistes devenant alternativement agents et patients. Au contraire, l’agent est patient, et le patient est agent, dès le départ [10].

L’approche transactionnelle permet de comprendre pourquoi un soigneur qui se plaint de préparer un enrichissement ludique joue, malgré tout, avec des animaux. En adaptant son dispositif, ses actions deviennent des effets produits en partie par ces animaux, ses actions sont un peu animales. De même, les comportements ludiques animaux induits par l’enrichissement sont un peu humains. « Faire jouer », c’est aussi « jouer avec », au sens où le « jouer » animal entretient une relation constitutive avec les actions préparatoires humaines. Les transactions ludiques anthropozoïques sont des intra-actions (Barad 2007) qui donnent lieu à une co-constitution (Haraway 2008 : 32, 242) des participants. Le jeu ne se passe pas entre les joueurs, ce sont les joueurs qui sont des aspects du jeu.

Un dernier aspect de l’enrichissement confirme son caractère transactionnel. En effet, si son efficacité dépend de savoirs humains sur les animaux, elle provient tout autant de savoirs animaux accumulés auprès des hommes. Après avoir évoqué le danger potentiel de tout enrichissement, une soigneuse ajoute : « Ils [les animaux de zoo] s’habituent. Après tu peux tomber sur un individu… Le mâle [cercopithèque de] l’Hoest [Cercopithecus lhoesti] qu’on a perdu, il venait d’ailleurs. » La réussite d’un jeu ne découle pas uniquement de sa conformité à la constitution innée des animaux. Elle a ici pour condition l’acquisition d’habitudes qui sont liées au fonctionnement particulier d’une institution zoologique. Beaucoup d’animaux de zoo apprennent à s’adapter à la routine, à des classes d’objets, voire à la nouveauté elle-même. L’ignorance est dangereuse pour l’animal, qui peut paniquer, s’étouffer ou s’étrangler avec les objets qu’on lui présente. Dans les savoirs humains et animaux, il s’agit toujours d’organiser le monde de manière fiable afin de faciliter des transactions dans des circonstances données (Rorty 1995 : 100).

L’entraînement

Le « training », ou « entraînement », est parfois considéré comme une forme d’enrichissement. Il consiste à apprendre des mouvements à un animal par association (Ramirez 1999) et peut avoir différentes fonctions : médicale, enrichissante, éducative, ou divertissante. Le personnel de zoo affirme s’appuyer sur le conditionnement opérant : le comportement de l’animal est modifié par les conséquences de son comportement. Si l’animal accomplit ce qui est désiré, il obtient une récompense. On parle alors de « renforcement positif » (Pryor 2002 : 1). Dans le cas contraire, il est ignoré par l’entraîneur.

Plaisir, liberté et captivité

Le training est parfois décrit comme un jeu pour les animaux. À propos de deux femelles éléphants (Loxodonta africana), un soigneur déclare : « Pour elles, c’est amusant, c’est un jeu. » Un autre soigneur confirme : « Pour elles, c’est un jeu. Elles sont impatientes de s’entraîner. » Ici, le training divertit, stimule et est associé au plaisir et au désir des animaux. Ce n’est pas toujours le cas : comme pour l’enrichissement, le niveau de difficulté doit être ajusté pour qu’il y ait jeu. Au zoo de Barcelone, les femelles éléphants apprennent à se coucher sur commande. « Comme ça, s’il y a une anesthésie, on est sûr qu’elles se couchent de la bonne manière. Les séances durent une dizaine de minutes : deux ou trois essais, pas plus. Car c’est fatigant, et alors ça les ennuie. » L’achèvement du training doit avoir une tonalité positive (exercice réussi, abondance de récompenses) afin que l’animal ait le désir de s’entraîner lors de la prochaine séance. Cette fin constitue alors « une sorte d’embrayeur ludique, un dispositif qui arrête la situation, à un moment donné, puis lui permet de repartir » (Descola 2017 : 75).

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Entraînement de Yoyo, une femelle éléphant d’Afrique (Loxodonta africana). Zoo de Barcelone, 2012.
Photographie : Bastien Picard.

L’association du jeu et du plaisir conduit parfois à une seconde association, le degré de ludicité étant alors fonction du degré de liberté [11]. Les soigneurs identifient ainsi plusieurs niveaux de ludicité et de liberté. Au plus bas degré se trouve la punition, abhorrée par le personnel, qui consisterait par exemple à frapper un animal ou à lui jeter des objets. Un second cas de non-jeu résiderait dans l’utilisation d’un filet pour déplacer par la force un dauphin récalcitrant. À un troisième niveau, la contrainte exercée sur l’animal modifie sa « volonté ». Un soigneur qui doit apprendre à un dauphin (Tursiops trincatus) à accepter un tubage gastrique [12] précise, désabusé : « L’objectif est que ça apparaisse comme un jeu. Mais pour le tube de Tumai, j’ai une semaine. Je n’ai pas le temps. Ça n’apparaît pas comme un jeu. “Tu le fais, tu manges ; tu ne manges pas jusqu’à temps que tu le fasses.” » L’urgence médicale contraint alors le soigneur comme le dauphin. Ce dernier peut pourtant quitter l’entraînement à tout moment. Le jeu commence à partir d’un quatrième niveau, lorsque les animaux veulent s’entraîner parce qu’il y a des récompenses alimentaires, mais sans que la faim soit une contrainte. De la nourriture peut déjà être disponible en dehors du training, et si les dauphins ou les éléphants ne veulent pas s’entraîner, ils seront nourris de façon classique. Enfin, pour les soigneurs, le jeu atteint son plus haut degré lorsque les animaux s’entraînent sans récompense alimentaire. Un entraîneur de dauphins précise : « Le jeu peut se faire sans poissons, un certain temps : les sauts, la vitesse, ça leur plaît. »

Le fait que l’entraînement soit synonyme de jeu lorsqu’il y a un degré suffisant de liberté et de plaisir ne signifie pas l’absence d’efforts. Un certain niveau de difficulté est nécessaire pour éviter l’ennui. On comprend alors pourquoi certains soigneurs peuvent le qualifier de travail. Ce terme est parfois utilisé comme une métaphore, et le personnel de zoo reste souvent prudent à l’égard de son usage. Il n’en reste pas moins que le training est parfois considéré à la fois comme un jeu et comme un travail, contrairement à une opposition classique (Caillois [1958] 1967 : 35 ; Oden et Thompson 1992 ; Poole 1998 ; Savalois et al. 2013) mais parfois contestable (Bekoff 1972 ; Wendling 2002 : 35). Il s’agit bien de s’appliquer à modifier une matière – le comportement animal – les efforts étant partagés par les hommes et les animaux. Qu’il s’agisse de ces derniers ou des soigneurs, le travail de l’entraînement devient un jeu (Haraway 2008 : 232) lorsqu’il manifeste un certain degré de plaisir et de liberté. Comme le remarque un entraîneur d’éléphants, le niveau de ludicité peut alors différer : « C’est plus un jeu pour elles que pour le soigneur. »

Un « jeu discipliné »

Pour que le training soit un jeu, il faut qu’il stimule l’animal qui doit répondre correctement. Ce caractère stimulant tient à l’imprévisibilité des ordres donnés. « Tu dois toujours avoir un pas d’avance sur l’animal. Il faut que l’animal se demande : “Qu’est-ce qu’on va faire ?” », explique un soigneur. Mais cette variabilité a aussi une autre fonction, non ludique : « On varie les exercices pour que ce ne soit pas mécanique, pour qu’on ait toujours le contrôle, pour qu’ils fassent ce que l’on demande. Sinon il y a le risque qu’ils exécutent une séquence sans qu’on l’ait demandé. » Le contrôle humain permet d’obtenir le comportement adéquat en cas de nécessité médicale : « S’ils faisaient tout[e la séquence] à la suite quand vient le vétérinaire, alors qu’on a besoin d’une prise de sang, ce ne serait pas pratique. »

Ceci n’est pas sans rappeler l’observation de Hediger (1955 : 246), selon laquelle le dressage peut parfois devenir un « jeu discipliné » : le plaisir que l’animal éprouve lors de ces « exercices d’activité » est alors une conséquence de son obéissance. Hediger établit néanmoins une continuité entre les zoos et les cirques, la différence entre les deux n’étant pour lui qu’une question de degré artistique du dressage. Or, aujourd’hui les soigneurs opèrent une distinction entre l’« entraînement », propre au zoo, et le « dressage », caractéristique du cirque. Seul le premier est considéré comme ayant une « fonction », ou un « sens », en ce qu’il a un objectif enrichissant, médical, éducatif, ou de sécurité. Une soigneuse qui vient de demander à un ours de s’asseoir remarque :

Il sait aussi s’allonger, mais je ne vois pas la fonction. C’est du pur cirque. S’asseoir, oui. Parce que comme ça, il est tranquille. Je peux manipuler la porte sans qu’il pousse avec ses pattes, etc. Plutôt que de s’allonger, je préfère qu’il se mette debout, comme ça, je vois tout son corps [ce qui permet de contrôler son état de santé].

La distinction n’est pourtant pas sans poser quelques difficultés, notamment lorsqu’il s’agit des « shows » effectués avec des dauphins (Tursiops trincatus) ou des otaries (Zalophus californianus) (Mullan et Marvin [1987] 1999 : 18). Pour les soigneurs, la fonction éducative n’est pas toujours présente : « L’idéal pour les dauphins ce serait une installation […] plus naturelle. […] Pour moi c’est le futur : faire quelque chose d’éducatif. Car là les gens sont assis, à attendre. C’est du cirque et du théâtre. C’est totalement du cirque. »

Il reste que l’entraînement peut lui aussi être qualifié de « jeu discipliné ». Cette discipline signifie l’obéissance à des règles. Si les plus générales d’entre elles peuvent être explicitées, un soigneur insiste sur le fait qu’« il n’y a pas une manière écrite d’entraîner » : « C’est au jour le jour, c’est très difficile d’expliquer. […] L’expérience n’est pas dans les livres. » Il ajoute : « Ça dépend de chaque animal. » De ce point de vue, « ce n’est pas la règle en soi qui importe, mais sa réalisation par les joueurs » (Wendling 2002 : 45). La mise en œuvre des règles résulte des transactions entre les protagonistes du jeu. Ces règles sont d’abord liées aux caractéristiques de l’espèce entraînée (Mellen et MacPhee 2010) : son Umwelt (von Uexküll [1934] 1965) et ses capacités cognitives par exemple. Un soigneur souligne ainsi que la variation doit être plus importante avec les dauphins car « leur esprit est plus actif ».

Le training est aussi ajusté à l’individualité des animaux. Tandis que l’âge rend plus lent, la jeunesse favorise la rapidité de l’apprentissage : « c’est comme les enfants », remarque une soigneuse. Le caractère, la motivation et le don sont aussi évoqués. Au zoo de Barcelone, Yoyo, une femelle éléphant d’Afrique, est plus curieuse que Susi, davantage intéressée par la nourriture. Jouer avec cette dernière nécessitera plus de récompenses alimentaires, augmentant ainsi le gain du jeu. L’agressivité rendra plus difficile le jeu, que ce soit pour l’amorcer ou pour le maintenir, et modifiera les gestes à accomplir. Le caractère est souvent lié au passé de l’animal. Un soigneur déclare, à propos d’Anak, une femelle dauphin : « Elle a 27 ans, je crois. Ça fait 24 ans qu’elle est ici. Elle vient de la mer. C’est pour ça que c’est plus difficile [de l’entraîner], car elle se dit : “Tu vas m’apprendre comment sauter ?” Elle a beaucoup de caractère. » Les transactions sociales interspécifiques entre les humains et les animaux sont aussi liées aux transactions sociales intraspécifiques animales :

Parfois un dauphin, ça [le training] le dérange, ou c’est le jour où il ne veut pas. Il faut beaucoup jouer avec leur caractère. Ça dépend du dauphin. Blau est un mâle dominant : s’il ne touche pas la boule et que tu ne lui donnes pas [la récompense], il va se dire : “les autres ne mangeront pas non plus”, et il les en empêche.

Les jeux réglés varient aussi en fonction des individualités humaines. Comme le souligne un soigneur de dauphins, le système d’entraînement, « c’est comme une loi : chaque juge l’interprète différemment ». Certains entraîneurs sont stricts, d’autres sont moins exigeants, ce qui n’échappe pas aux animaux, qui s’adaptent en conséquence.

Transactions et négociations

Loin de précéder les relations, ces individualités émergent lors des transactions qui composent le training. Pour qu’un soigneur soit tolérant, il faut qu’il pratique cette tolérance à l’égard de quelque chose. De même, pour qu’un dauphin soit récalcitrant, il faut qu’il oppose une résistance au soigneur, y compris si celle-ci a pour origine des transactions passées. C’est ainsi que les règles du jeu se constituent lors de ces transactions. Elles font l’objet d’une sorte de négociation (Bekoff et Allen 1997) qui va donner lieu à leur ajustement. En effet, tandis que les entraîneurs souhaitent, par exemple, augmenter la hauteur du saut d’un dauphin (pour exposer ses capacités « naturelles »), ou faire lever la patte d’un éléphant le plus longtemps possible (afin de faciliter les soins), l’un d’eux constate que du côté des animaux « c’est la loi du moindre effort ». En refusant d’accorder immédiatement une récompense, un soigneur peut améliorer la performance réalisée. Il doit néanmoins prendre garde de ne pas décourager l’animal. La résistance de celui-ci peut ainsi lui permettre d’être rétribué malgré l’“imperfection” du geste accompli. L’animalier accepte alors que ce soit le meilleur mouvement possible dans ces conditions : ce que doit faire cet animal avec lui et aujourd’hui. Entraîneurs et entraînés tirent ainsi dans des directions différentes jusqu’à une éventuelle stabilisation, provisoire et située, des règles. La négociation de chaque training dépend également des négociations antérieures. L’entraîneur adaptera les règles en fonction du caractère de l’animal dès le départ : son premier geste sera déjà un effet. De même, le premier saut d’un dauphin sera d’emblée moins haut s’il fait face à un soigneur accommodant. Les actions des hommes et des animaux sont toujours déjà les effets des actions des autres transactants.

Les négociations peuvent pourtant se rompre, lorsqu’un animal refuse de suivre les règles, ou lorsqu’un homme décide d’abandonner l’entraînement parce qu’il n’arrive pas à s’accorder avec l’animal. Un mouvement agressif de l’animal peut ainsi briser « l’humeur de jeu » (Bekoff et Allen 2002). Lorsqu’ils pratiquent un training ludique, les soigneurs cherchent donc à anticiper les réactions en étant attentifs aux signaux métacommunicationnels (Bateson 1977 : 248). De plus, certains animaux jouent sur les règles : alors qu’ils savent accomplir une tâche, ils l’exécutent incorrectement, tout en restant très proche de ce qui est requis. « T’as pas tourné, t’as juste triché ! », reproche une soigneuse à une femelle orang-outang (Pongo p. pygmaeus) qui n’est pas allée jusqu’au bout de l’exercice. De même, lorsque Nénette, une autre femelle orang-outang, rend un objet au mauvais endroit, « là où elle veut », malgré l’insistance de la soigneuse, celle-ci lui lance : « Tricheuse. Tu triches. »

Cette négociation inhérente au jeu social a pour condition le caractère volontaire du training, ce qui rend possible le plaisir. Les soigneurs répètent souvent que les animaux, mêmes captifs, s’entraînent s’ils le veulent : un éléphant peut toujours quitter le mur d’entraînement et un dauphin peut toujours partir à l’autre bout du bassin. Ainsi, Nénette, la célèbre femelle orang-outang de la ménagerie du Jardin des plantes, fait le training « si elle le veut », selon une soigneuse. La tentative de l’entraîner à la fin de l’année 2006 fut un échec parce que « Nénette n’en avait rien à faire et n’a pas voulu ». Ce n’est qu’en 2011, après la mort de son fils, qu’elle eut la volonté de s’entraîner. Le training se distingue alors du dressage compris comme un apprentissage contraint. Certes, l’animal reste captif. Mais l’animal n’est pas forcé d’entrer dans un espace d’entraînement, et l’usage de la faim, du fouet ou du crochet (« hook ») est proscrit. Dans le cas contraire, l’apprentissage n’a de training que le nom et il s’agit en réalité de dressage. Une fois que l’animal a accepté de s’entraîner, les soigneurs soulignent qu’il ne doit pas faire ce qu’il veut, mais ce qu’a décidé l’entraîneur. L’entraînement implique une hiérarchisation des volontés (Picard 2013). Si les règles deviennent alors des contraintes, on a vu qu’elles restent en partie négociables : ce que décide, et obtient, le soigneur est tributaire de la bonne (ou mauvaise) volonté des animaux.

Le training ludique est constitué de transactions animales et humaines qui manifestent une forme de socialité interspécifique (Guillo et Rémy 2016 ; Manceron 2016). Ceci ne signifie pas qu’il y ait nécessairement une compréhension mutuelle et transparente d’une part (Servais et Servais 2009), et symétrie et réciprocité d’autre part (Bekoff et Allen 2002). Tout comme l’enrichissement, le training est plutôt comparable aux jeux de rôles « sur table » (JdR), dans lesquels un « meneur de jeu » (MJ) organise le jeu auquel vont participer des « personnages-joueurs » (PJ). Le MJ joue avec ses PJ sans jouer leur partie, puisqu’il œuvre aussi en coulisses. En effet, il joue avec ses PJ dans la mesure où il les manipule lorsqu’il mène la partie (axe vertical), mais aussi au sens où il se divertit en leur compagnie (axe horizontal). En réalité, les deux axes agissent l’un sur l’autre : les actions des PJ modifient ce que va faire le MJ (celui-ci n’est pas qu’un conteur). Par conséquent, le processus ludique est ici plutôt spiral : le mouvement vertical s’accompagne de circonvolutions plus horizontales.

Par ailleurs, ces transactions ne sont pas nécessairement dyadiques. Au zoo de Barcelone, deux soigneurs entraînent un éléphant d’Afrique, et l’entraînement d’un dauphin nécessite de prendre en compte les autres animaux du bassin. Même dans les cas, majoritaires, où un entraîneur s’occupe d’un animal, les transactions sont en réalité polyadiques. En effet, elles impliquent toujours des artefacts (« target », sifflet) et le plus souvent des récompenses alimentaires. Certains artefacts ont pour effet de permettre la communication entre hommes et animaux. Un entraîneur de dauphins explique : « Le sifflet, c’est le lien, le pont, que tu as avec l’animal. Tu ne peux pas parler avec […]. Un claquement de mains, ça ne s’entend pas dans l’eau. […] Le sifflet, c’est pour entrer dans son milieu. » D’autres artefacts ont pour effet de clôturer les transactions ludiques (Huizinga [1938] 1988 : 26 ; Caillois [1958] 1967 : 37-38). Ainsi, le « mur » (ou la grille) de training participe de la délimitation d’un cadre spatio-temporel qui rend possibles des transactions sociales et ludiques. Le paradoxe du mur tient au fait qu’il sépare et ouvre à la fois : l’écart entre les barreaux autorise les transactions, et quelques ouvertures sont prévues pour faire passer certaines parties du corps de l’animal (patte, oreille). En éloignant tout en rapprochant, le mur clôture littéralement et ludiquement. En autorisant un contact sécurisé et apaisé, il ouvre une parenthèse (Wendling 2002 : 37) qui permet de jouer en évitant l’agression. On joue en s’entraînant ici, et non ailleurs dans l’installation. Ces objets donnent ainsi lieu à des transactions cadrées et situées (Latour 1994), mais qui sont ici interspécifiques. Si le cadre de jeu (Bateson 1977 : 254 ; Hamayon 2012 : 84) repose sur des règles et des signaux métacommunicationnels, il dépend aussi des artefacts.

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Clôture et ouverture du mur de training lors d’un lavage de trompe (Loxodonta africana). Zoo de Barcelone, 2012.
Photographie : Bastien Picard.

La clôture du jeu n’est pas absolue : il peut produire un effet sur ce qui lui est extérieur (Hamayon 2012 : 85). Un training ludique bien mené facilite les interventions médicales et instaure une relation de confiance qui simplifiera le quotidien des hommes et des animaux. Une soigneuse souligne que les orangs-outangs apprécient le training parce que « c’est leur moment » : un animalier se consacre entièrement à un individu.

Les jeux officieux

Au contraire de l’enrichissement et de l’entraînement [13], ces transactions ludiques plus horizontales ne font l’objet d’aucune scripturalisation : elles ne sont jamais mises en écriture afin de constituer un savoir explicite. Malgré le peu de temps libre laissé par l’accomplissement des tâches principales (le nettoyage et le nourrissage), soigneurs et animaux trouvent parfois le temps d’entreprendre quelques jeux spontanés. Ils se font le plus souvent sans récompense alimentaire. Une soigneuse va ainsi souffler des bulles qu’une femelle orang-outang s’amusera à gober. Le « jeu du poireau » peut quant à lui se faire après le training, alors que cette même femelle possède déjà des morceaux de ce légume. La soigneuse tend un poireau vers la grille de training. Il s’agit pour elle de retirer l’aliment avant que l’orang-outang ne le saisisse. La difficulté du jeu est réelle : « Elle [la femelle orang-outang] peut l’attraper avec ses quatre mains et sa bouche. Elle est très rapide. Elle semble ne pas faire attention, elle regarde ailleurs, et… Tac ! Elle l’attrape avec le pied droit ! »

Tous les soigneurs ne sont pas aussi joueurs. Tous les animaux non plus. Là aussi, tout dépend des espèces et des individus : l’âge, le caractère, le passé… Certains animaux sont trop agressifs, trop indifférents, ou trop craintifs, pour que l’on puisse jouer avec. Au contraire, un soigneur explique qu’il peut jouer avec un jeune mâle mangabey (Cercocebus atys lunulatus) du fait de sa relation particulière avec l’espèce humaine : « On peut jouer avec Loango car il a été élevé à la main. » La nécessité de le nourrir au biberon a eu pour effet d’établir une relation de proximité avec une espèce habituellement craintive. « C’est pas trop naturel », remarque un soigneur. Le risque d’une telle pratique est d’isoler l’animal de ses congénères. Alors que sa réintroduction dans le groupe a été un succès, un soigneur observe que sa réintégration est imparfaite : Loango « est toujours un peu à part ». Tandis qu’il facilite le jeu interspécifique, l’élevage à la main peut conduire à entraver les jeux sociaux intraspécifiques. Il n’est cependant pas une condition nécessaire du jeu spontané lorsqu’il s’agit d’espèces moins craintives. Son impossibilité peut tenir alors à l’agressivité des animaux. Lorsqu’une femelle orang-outang tend la main au passage d’une soigneuse, « ce n’est pas du jeu, c’est pour faire mal. Elle cherche à attraper les cheveux ». Reste l’hypothèse selon laquelle il s’agirait d’un jeu pour l’orang-outang, et non pour l’animalière.

Que ce soit du côté des hommes ou du côté des animaux, ces jeux sont toujours volontaires, et naissent parfois à l’initiative des animaux eux-mêmes : « Un jour une otarie a attrapé mon balai. On a commencé à jouer. On a créé un lien. […] L’idéal c’est de créer un lien sans utiliser de poisson. » Les jeux informels permettent d’établir un lien de confiance avec un animal. Un soigneur de félins va même plus loin : « Je suis pour que quand ils sont petits, on les sépare un moment de la mère pour jouer avec, comme ça ils sont très tranquilles, l’humain est seulement quelque chose de positif. » Bien que ce point de vue ne soit pas partagé par tous les soigneurs, cette remarque a le mérite de souligner que le jeu permet de diminuer l’agressivité potentielle des animaux et de renforcer la sécurité des hommes. La limite entre le jeu et l’agression reste cependant toujours ténue. Du point de vue des soigneurs, la relation idéale est à cet égard asymétrique : il s’agit de gagner la confiance de l’animal tout en restant méfiant (Rémy 2007).

Jouer avec et sans : le zoo comme communauté scissionnaire

Les trois situations de jeu décrites dans cet article associent des hommes et des animaux. Le zoo est aussi le lieu de jeux animaux “spontanés” qui semblent se développer sans les hommes : jeux intraspécifiques, jeux interspécifiques entre animaux de zoo, jeux interspécifiques entre animaux de zoo et animaux extérieurs (chimpanzé jouant avec un moineau capturé), jeux solitaires (chimpanzé jouant avec une brindille)… Comme le remarquait Hediger (1955 : 242), les animaux captifs n’attendent pas l’homme pour jouer. Doit-on, pour ce qui concerne le zoo, conclure à l’existence d’une frontière nette entre les jeux animaux sans les hommes et ceux avec les hommes ? Les exemples cités précédemment entretiennent pourtant une relation plus ou moins lointaine avec une situation fortement anthropisée : la captivité. Celle-ci a donné à ces jeux l’occasion d’advenir : constitution de groupes sociaux, cohabitation entre espèces, types de « jouets » accessibles, temps de jeu disponible… D’un autre côté, les jeux décrits dans cet article paraissent différer de ces jeux pratiqués en l’absence des hommes : le type de relation ne semble pas équivalent.

Le paradoxe est que ces jeux associant hommes et animaux entretiennent une relation privilégiée avec la séparation. L’objectif de l’enrichissement ludique est ainsi de permettre aux animaux de jouer seuls ou entre eux. En jouant « volontairement » ensemble lors du training ou des jeux officieux, hommes et animaux créent les conditions d’une vie en captivité (soins facilités, stress réduit) dont une large part se déroule sans les hommes. En effet, les soigneurs devant s’occuper de nombreux animaux lors de leur tournée, ils ne passent généralement que peu de temps avec chaque individu. De plus, la vie des animaux de zoo ne s’arrête pas lorsque les portes sont fermées au public, et beaucoup d’espèces sont nocturnes ou crépusculaires. Lors d’une expérimentation menée au zoo de Barcelone avec des gorilles (Gorilla gorilla gorilla) (Carrasco et al. 2009), on a observé qu’une session de training ludique avec un individu favorisait ensuite le jeu dans le reste du groupe : on suppose que la relaxation du gorille entraîné est à l’origine de cette contagion ludique. Mais si l’association des hommes et des animaux rend possible une vie séparée, l’inverse existe aussi. En s’interposant, le mur de training établit un « contact protégé » qui autorise le jeu interspécifique. La méfiance des hommes et des animaux peut générer une distance acceptable qui permet des jeux rapprochés. En effet, si la confiance éprouvée par les animaux « imprégnés » peut encourager le jeu, elle peut aussi avoir l’effet inverse en les rendant plus agressifs.

Les soigneurs et les animaux de zoo ne balancent donc pas seulement entre les deux pôles de l’attachement et du détachement (Rémy 2007), de la proximité et de la distance (Estebanez 2010) : c’est parfois la proximité et l’attachement qui rendent possibles la distance et le détachement, et inversement (Candea 2010). Les jeux au zoo ne cessant de produire de l’association et de la dissociation, ils ne peuvent être décrits adéquatement par les concepts de communauté mixte (Midgley 1983 : 112) et de communauté hybride (Lestel 1996 : 59), trop centrés sur l’association. La priorité ne pouvant être donnée à l’un des deux aspects, il serait préférable de considérer que ces jeux de captivité sont l’œuvre d’une communauté scissionnaire.

Cette relation entre association et dissociation existe aussi du côté des animaux qu’on a coutume de qualifier de domestiques (Ferret 2006 ; Stépanoff 2012 ; Savalois et al. 2013). Incarnée dans les jeux du zoo, elle est également une manière de concilier captivité, animaux « sauvages » et exposition. Au-delà du fait de chercher à compenser l’inactivité liée aux contraintes du zoo, ils contribuent à engendrer un agir autonome des animaux, composant par là même une sorte de « nature sauvage ». La présentation de cette dernière dans un environnement aussi anthropisé que le zoo passe nécessairement par sa constitution relationnelle. Un soigneur formule ainsi le problème : « Normalement, on n’est pas censés avoir des contacts avec les animaux, pour garder un comportement le plus naturel possible. Après, qu’est-ce qu’un comportement naturel en captivité ? Il faut voir aussi. » Ces « coulisses de la nature » (Descola 2007) sont parfois dissimulées au public : masquer l’artifice de l’enrichissement permettra, par exemple, de ne pas détruire l’« illusion de nature » (Kreger et al. 1998).

Le zoo se réduit-il pour autant à un « théâtre de l’illusion » (Mullan et Marvin [1987] 1999 : 78), « un animal acteur jouant le rôle d’un animal sauvage qui n’est pas présent, ou qui est présent ailleurs uniquement » (Marvin 2008) ? Certains animaux sont certes présentés comme des « ambassadeurs » (d’une espèce, d’un biotope, d’une zone géographique) par les parcs zoologiques. Par ailleurs, l’analogie du théâtre (Polakowski 1989 ; Baratay et Hardouin-Fugier 2002 : 13 ; Estebanez 2011) est assurément pertinente lorsqu’on centre son analyse des zoos sur le point de vue des visiteurs, notamment pour souligner le travail de mise en scène.

Mais la figure du sauvage, au zoo, est en réalité protéiforme. Celle qui est exposée n’est pas nécessairement la même que celle à laquelle sont confrontés les soigneurs. Pour ces derniers, un animal « sauvage » est le plus souvent un animal dangereux et/ou craintif et/ou qui tend vers l’indépendance. Les animaliers sont les premiers à considérer que certains animaux de zoo n’ont aucune de ces trois caractéristiques. Ils sont pourtant confrontés quotidiennement à des animaux qui font preuve de cette « distance » évoquée par Marvin (2008). Car si celle-ci peut sembler s’effacer du point de vue des visiteurs, elle ne manque pas de réapparaître lorsqu’il s’agit de travailler dans les coulisses. Le « sauvage » est ici aussi relationnel : ses trois aspects émergent dans les rapports des animaux avec les hommes. Se séparer, c’est se séparer de. La séparation est un processus. Le zoo n’est d’ailleurs pas le seul lieu de constitution de la « nature sauvage » (Selmi et Hirtzel 2007 ; Marvin 2008 ; Knight 2009), même si la spécificité de sa captivité doit être soulignée.

Ce caractère relationnel ne fait pas pour autant de l’animal sauvage une illusion. Pour les soigneurs, il est bien présent, et non simplement représenté. En effet, comme on a pu le voir, les jeux décrits dans cet article sont les conditions d’une vie captive qui, en un sens, peut s’accomplir sans les hommes. De plus, ils ne se contentent pas de produire le « sauvage », mais l’intègrent. L’élaboration d’un enrichissement considère déjà l’indépendance des animaux puisqu’il s’agit de la produire. Le déroulement de l’entraînement inclut leur dangerosité, même en l’absence de mur de training. Les jeux officieux comportent souvent un minimum de distance et de méfiance.

Cette séparation, relationnelle, est donc aussi due à l’agir des animaux. Affirmer que les zoos sont des « mondes totalement artificiels » (Mullan et Marvin [1987] 1999 : XXII) revient à adopter une approche actionnelle qui se focalise uniquement sur l’agir humain. C’est négliger la puissance d’agir des animaux qui, même captifs, influent sur les actions humaines par leur résistance ou leur inertie. Si les jeux, et le « sauvage », ne sont ni entièrement naturels ni entièrement artificiels, sont-ils pour autant le résultat d’interactions entre une nature animale et un artifice humain ? Ce serait supposer que ces derniers préexistent aux relations. Or, on a pu voir que l’un était toujours déjà l’effet de l’autre, et réciproquement. Si le caractère sauvage des animaux de zoo est problématique (Marvin 2008), l’aspect artificiel du zoo l’est tout autant. Loin de se situer entre nature et artifice, ou entre hommes et animaux, les jeux de captivité sont donc plutôt des transactions qui font émerger ces différents aspects. Plus précisément, le jeu correspond ici à un processus (Hamayon 2012 : 21) relationnel complexe dans lequel des transactions associatives et dissociatives constituent la scission du « sauvage ».

add_to_photos Notes

[1Cet article s’appuie sur une enquête ethnographique menée au zoo de Barcelone et à la ménagerie du Jardin des plantes de 2011 à 2013. Il porte donc sur des zoos modernes d’Europe occidentale qui sont membres de l’Association européenne des zoos et aquariums (EAZA). Ceci exclut, d’une part, les zoos d’Europe occidentale qui ne satisfont pas aux critères de cette association et, d’autre part, les zoos non européens. Cependant, afin d’alléger le texte, le terme « zoo » sera parfois utilisé. Pour des travaux ethnographiques portant sur des zoos occidentaux et non occidentaux, voir Pellegrini (1995) ; Mullan et Marvin ([1987] 1999) ; Servais (1999 ; 2012) ; Rémy (2007) ; Chaumier (2008) ; Bondaz (2014).

[2Si la présence d’une majorité d’animaux « sauvages » semble être une condition nécessaire du zoo, cela n’exclut pas l’exposition de certains animaux « domestiques », le plus souvent dans de petites « fermes ». Cela signifie aussi que le caractère exotique des animaux n’est qu’un élément contingent. En effet, si on associe l’exotisme à l’étranger et au lointain, de nombreux zoos comprennent des animaux non exotiques. Ainsi, certains zoos d’Afrique de l’Ouest exposent principalement une faune « nationale » (Bondaz 2014 : 298). De plus, la faune européenne est très souvent représentée en Europe, et certains zoos s’y consacrent exclusivement. D’autres présentent des espèces régionales : en Espagne, la « faune ibérique » est souvent mise en avant et possède parfois sa propre section. Au zoo de Barcelone, une installation récente est entièrement consacrée à un triton catalan, le triton de Montseny (Calotriton arnoldi). Par ailleurs, si on élargit la définition de l’exotique afin de désigner tout ce qui manifeste « un mélange d’étrangeté, de distance et d’altérité » (Mullan et Marvin [1987] 1999 : XIX), le risque est de perdre la spécificité du zoo en intégrant dans cette catégorie tous les établissements qui présentent des animaux qui ne sont pas familiers à certains visiteurs (les fermes pédagogiques par exemple). Autrement dit, l’exotisme des animaux est un critère ou trop restreint ou trop large.

[3Robert M. Yerkes (1925) avait déjà mentionné que le jeu et le travail pouvaient améliorer les conditions de vie des primates captifs.

[4Les zoos choisissent parfois de ne pas satisfaire certains désirs des visiteurs, comme lorsqu’ils ménagent des espaces d’invisibilité pour les animaux, ou lorsqu’ils prennent le parti d’exposer des espèces peu spectaculaires. Il s’agit alors de trouver un équilibre entre satisfaction et frustration afin de maintenir un certain niveau de fréquentation.

[5La structure de ce personnel est variable selon les établissements. On peut néanmoins distinguer différentes catégories : la direction, l’administration, les services de gestion de la collection animale, de restauration, d’éducation et de communication, les agents de sécurité et d’entretien, les jardiniers, les vétérinaires et les soigneurs. L’étude menée a principalement porté sur ces derniers en raison des relations étroites qu’ils entretiennent avec les animaux.

[6« Quasiment » car il arrive parfois que des animaux de zoo soient attaqués par des animaux extérieurs, ou l’inverse. De plus, la prédation d’animaux exposés envers des animaux non exposés sans être extérieurs (des insectes par exemple) est parfois encouragée.

[7En réalité la classification des enrichissements est assez variable selon les acteurs, et l’enrichissement alimentaire est parfois classé dans la catégorie des enrichissements occupationnels.

[8C’est peut-être pourquoi la majorité des exemples de jeux animaux qui sont évoqués concerne des espèces de mammifères. Le plaisir semble plus difficile à discerner chez les reptiles et les amphibiens, les oiseaux occupant une position intermédiaire. Sur l’identification de la présence du jeu chez les reptiles, voir notamment Burghardt et al. (1996), Burghardt (2005) et Dinets (2015).

[9La présence de jeunes animaux accroît la présence du jeu, ce qui peut augmenter à son tour la fréquentation du public. À propos de la naissance d’un mangabey couronné, en 2012, un communiqué du Muséum national d’histoire naturelle déclare : « Joueur et espiègle, Loango fait le bonheur de tous les enfants en visite au zoo. »

[10Si on peut conserver le concept d’interaction, c’est donc à condition de s’éloigner de sa version classique (Hinde 1976 ; Hosey 2008). Une transaction correspond plutôt à la manière dont Nakamura (2009) comprend l’interaction sociale.

[11Sur les rapports entre jeux et liberté, voir la thèse classique de Caillois ([1958] 1967 : 36-37) et la contestation de son universalité (Wendling 2002 : 37 ; Hamayon 2012 : 107).

[12Le tubage gastrique est une intervention médicale qui consiste à introduire une sonde par voie buccale afin de recueillir le liquide gastrique.

[13Ces deux pratiques sont décrites, interrogées et rationalisées dans des ouvrages (Markowitz 1982 ; Shepherdson et al. 1998 ; Ramirez 1999 ; Pryor 2002), des revues (Zoo Biology ; AICAS) et des documents internes aux zoos (Cebrián 2011). Par ailleurs, leur planification peut être inscrite sur un tableau ou sur une affiche dans les différents locaux des soigneurs. Enfin, ceux-ci rédigent parfois des notes qui rendent compte de la progression d’un entraînement ou de l’efficacité d’un enrichissement.

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Pour citer cet article :

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Jouer avec les animaux [en ligne].
(https://www.ethnographiques.org/2018/Picard - consulté le 18.04.2024)
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