Venir dans le Haut-Atlas et revenir à la ruralité. Voyages et quêtes d’un idéal au Maroc

Résumé

Je questionne dans cet article les expériences de voyageurs de France métropolitaine revenant de façon régulière dans une région berbérophone et agropastorale du Haut-Atlas au Maroc connue dans le cadre touristique et avec laquelle aucun lien a priori n’est pensé. Il s’agit d’interroger le revenir comme projet de constitution d’un lien particulier avec un lieu et ses habitants, projet qui prend forme et s’actualise par les retours effectifs et les démarches qu’ils impliquent. Analyser les trajectoires et pratiques de ces voyageurs permettra de relever en quoi les investissements (pratiques et affectifs) dans la région s’inscrivent dans une quête plus longue d’un modèle de ruralité, au-delà des intérêts pour les particularités socioculturelles locales. Revenir (de façon régulière) s’apparente à un processus complexe et parfois coûteux de familiarisation avec un lieu qui répond à des attentes forgées avant sa connaissance. Ainsi, en contextualisant le venir et ses motifs, on peut se demander dans quelle mesure il n’est pas déjà un revenir.

Abstract

Coming to the High-Atlas and Returning to Rurality. Travels and Quests for an Ideal in Morocco

In this paper, I question the experiences of travellers from metropolitan France who regularly visit a Berber-speaking, agro-pastoral area of the High-Atlas in Morocco. All of them became acquainted with this area through tourism and none had any former relation to it. I analyse this “return” as a project of setting up a particular tie with a place and its inhabitants. This kind of project is formed and actualized by repeated voyages returns and what they imply in terms of preparation. The analysis of travellers’ trajectories and practices underlines how these (practical and emotional) investments in the area take place within the context of a more general quest for a model of rurality that goes beyond an interest in local sociocultural particularities. Returning with regularity involves a complex and sometimes costly process of familiarization with a place that is associated with expectations formulated before the initial visit. By contextualizing these visits and the motivations that underpin them, one can examine to what extent they are not a “return” to something that has its roots elsewhere.

Sommaire

Introduction : du tourisme au revenir

Le Haut-Atlas au Maroc est le théâtre de pratiques touristiques diverses constituant une économie basée sur la circulation de personnes, de biens et d’informations. Ces montagnes constituent par exemple le territoire d’un tourisme sportif visant notamment la randonnée. Il est cependant difficile de réduire ce type de mobilité à un projet unique. La randonnée telle qu’elle se pratique dans le Haut-Atlas peut être aussi l’occasion d’un tourisme que l’on peut qualifier de « culturel » (Doquet et Le Menestrel 2006) axé sur la découverte des modes de vie des habitants berbérophones de ces milieux agropastoraux de montagne. À l’instar des migrations, ces mobilités s’inscrivent dans des projets (Rosental 1999) parfois complexes dans le cadre desquels elles prennent sens pour les personnes qui se déplacent. Ces motifs au voyage sont également les cadres des représentations qui, en partie, « font » les territoires (Debarbieux et Rudaz 2010), les cadres de la production de discours et d’images spécifiques qui circulent dans des réseaux ainsi constitués (Fontaine 2003, Chamboredon et Méjean [1985] 2016). C’est dans ce contexte qu’une économie du tourisme s’est développée localement à partir de la venue d’allochtones, en grande partie européens, dans le cadre de projets touristiques divers et de réseaux au sein desquels circulent les informations et les représentations.

Dans le cadre d’une étude ethnographique, j’ai observé entre 2011 et 2014 les structures, les acteurs et les pratiques de ce tourisme de montagne du Haut-Atlas au village de Zagoya et dans ses alentours [1]. Tandis qu’à Zagoya l’activité touristique semblait connaître un déclin notable par rapport à l’essor des années 2000, au dire des acteurs locaux, j’ai été amené à rencontrer et à suivre, dans la région et chez elles, quatre personnes revenant de façon régulière dans le village ou ses alentours après un premier séjour touristique. J’ai pu observer les formes de leurs investissements dans la région, par les séjours répétés, mais également par la mise en place de projets associatifs de type humanitaire – autre motif de voyage – ou par des formes plus personnelles de relations et d’échanges (dons ou prêts) avec un ou plusieurs prestataires locaux. L’analyse des voyages répétés vers le lieu – forme du revenir – permet de saisir les évolutions et les imbrications des cadres, des logiques et des enjeux de ces mobilités vers le Haut-Atlas. Surtout, elle donne à voir un certain nombre de similarités dans les trajectoires, discours et pratiques de ces voyageurs qui reviennent en un lieu avec lequel le lien motivant les séjours n’est pas pensé comme préexistant mais construit au fur et à mesure de ces retours. Ils intégraient leur première venue à Zagoya dans des trajectoires touristiques longues caractérisées par la connaissance de diverses régions du monde. Ils racontaient ainsi leur découverte d’une région considérée comme un ailleurs-autre avec lequel ils n’avaient aucun lien et dont les particularités distinctives ont motivé leur souhait d’y revenir : ces projets d’investissement par les retours répétés semblent en effet s’inscrire dans des quêtes plus anciennes.

Des travaux d’anthropologie sur le tourisme transnational vers les pays du « Sud » ont questionné les motivations, les quêtes des voyageurs et les enjeux de l’« authenticité », catégorie de représentation et de présentation de soi dans le cadre de telles rencontres (MacCannell 1976, Doquet 2009, Cravatte 2009). J’ai moi-même pu observer les enjeux de l’authenticité dans les pratiques d’accueil et d’accompagnement de randonneurs ou autres voyageurs dans la région, qui exprimaient eux-mêmes des attentes en ce sens. Le concept, cependant, tel qu’il émerge dans cette littérature, implique la représentation d’une forme d’altérité radicale entre visiteurs et visités, sur la base d’une distinction des aires culturelles et des particularités socioculturelles locales [2]. L’analyse de ces pratiques de voyages répétés et d’investissement des lieux permettra de questionner la notion d’authenticité à la lumière des projets de retour et des quêtes qui les motivent. Quels sont les enjeux de tels investissements et des recherches qu’ils sous-tendent ? Le venir qui précède le revenir s’inscrit dans une quête et une recherche plus anciennes si l’on s’intéresse à des trajectoires touristiques considérées dans le long terme et aux discours des voyageurs sur leurs pratiques et enjeux du voyage et sur leurs rapports à cette région en particulier. Revenir (de façon régulière) s’apparente à un processus complexe et parfois coûteux de familiarisation avec un lieu qui répond à des attentes forgées avant sa connaissance. En ceci, ces démarches s’apparentent aux formes de mobilité de « retour » (De Gourcy 2010), autre forme du revenir, vers des lieux quittés par les ascendants des voyageurs : tourisme diasporique (Leite 2005), tourisme des racines (Fourcade 2010), ou encore tourisme généalogique (Legrand 2002, 2006, Bidet 2009). Ces types de mobilité sont caractérisés par le fait que l’« ailleurs » de destination est pensé comme un lieu déjà fréquenté (par les voyageurs ou par leurs ascendants), un lieu qui a été un « ici », un lieu familier, dans un passé avec lequel il s’agit de renouer ou qu’il s’agit de ressentir, le temps du séjour. Ainsi, les auteures citées relèvent chez les voyageurs la volonté de connaître des lieux qui ont déjà été connus et évoquent des sentiments de lien particulier avec ces lieux, voire d’un « chez-soi » retrouvé. Cette quête de familiarité semble s’opposer au tourisme culturel caractérisé par la quête d’altérité dans l’« ailleurs » visité. Dans quelle mesure alors peut-on parler d’un « retour » et d’une quête de familiarité à propos des expériences de ces voyageurs rencontrés dans le Haut-Atlas ?

Interroger ces voyages au prisme de la notion de familiarité permet de rompre avec la dimension géographique du « retour » et de « réintroduire de la proximité dans l’éloignement » (De Gourcy 2007). Sans rompre avec les analyses de l’anthropologie du tourisme sur l’authenticité et l’altérité, je propose de questionner ces quêtes comme étant celles de l’expérience d’une « ruralité » ailleurs mise à mal, au-delà d’un intérêt pour les particularités socioculturelles locales. La ruralité du Haut-Atlas s’apparente à une survivance protégée et à protéger, à une destination privilégiée pour des retours vers un idéal de ruralité qui fait fi des frontières nationales et « culturelles ». Ces projections et expériences prennent sens par rapport à la construction ancienne et réactualisée d’un imaginaire dont sont investis les milieux ruraux et plus encore les « hauts lieux » (Fontaine 2003 : 5). Dans un premier temps, je présenterai ces voyageurs et le contexte de leurs séjours dans le Haut-Atlas, à savoir les structures locales de l’économie du tourisme comme cadre de la production d’une « authenticité » forgée sur une valorisation des conditions socio-économiques locales. Dans un second temps, j’aborderai les trajectoires, discours et pratiques de ces voyageurs qui reviennent. En présentant les quêtes et enquêtes visant à la familiarisation avec le lieu et ses habitants, je questionnerai les motifs de ces projets d’investissement d’un lieu que l’on peut considérer, dans certains cas, comme destination pour un retour à une ruralité protégée en ces montagnes nord-africaines.

Venir dans le Haut-Atlas

C’est dans le cadre de ma recherche doctorale sur la polyactivité économique du Haut-Atlas et sur les processus de constitution des lieux et des territoires que je me suis intéressé aux activités touristiques et aux structures et interactions de l’économie ainsi mises en place. J’étais moi-même impliqué dans cette économie du tourisme puisque je louais la chambre que j’habitais dans un gîte du village de Zagoya durant mon étude de terrain [3]. J’ai observé et questionné les pratiques de l’activité du tourisme comme partie d’une économie locale plus complexe, au même titre que les activités agropastorales, commerciales, migratoires, ou de gestion du domestique, notamment. L’intérêt pour l’activité touristique m’a amené à prendre en compte les structures et les acteurs locaux, mais également les voyageurs, qui participaient à cette économie tout autant qu’à la construction et à la catégorisation du lieu dans le cadre de circulations transnationales de personnes, de monnaies, de biens et d’informations. Ainsi, c’est d’abord depuis le lieu que j’ai observé cette économie du tourisme, ses entrepreneurs, leurs investissements et leur bâti, leurs attentes, ou encore leurs interactions avec les voyageurs. C’est également lors de leurs venues que j’ai pu prendre connaissance des attentes et expériences de ces derniers. Parmi ceux-ci, Michel et Martine, impliqués dans des structures sportives en France, avaient créé une association d’aide au village de leur guide. Pierre, qui se présentait comme « un montagnard », avait essayé de monter un projet de tourisme alternatif dans la même vallée. Christine, fille de paysans basques, évoluait en dehors des milieux et des logiques associatifs.

Avant de questionner plus en détail leurs expériences de voyage, je présenterai le cadre dans lequel elles avaient lieu. Je montrerai ainsi comment ce tourisme à la fois sportif et culturel repose largement sur l’idéal d’une « authenticité » dont il s’agira de relever les particularités. Je m’intéresserai au contexte des voyages effectifs vers le lieu au prisme de l’analyse des cadres matériels et cognitifs de cette économie du tourisme.

Le contexte du venir : une économie du tourisme

Les mobilités de tourisme constituent un type spécifique parmi l’ensemble des circulations qui caractérisent les territoires du Haut-Atlas. La vallée de Zagoya, contrairement à d’autres régions du Maroc, n’a pas été le théâtre d’une migration de travail organisée vers la France métropolitaine durant le XXe siècle. L’économie y est cependant constituée en partie par les mobilités de travail de jeunes hommes vers les chantiers du plat pays, au sein du royaume. Par rapport à ces migrations, le tourisme consiste en un déplacement d’allochtones vers le lieu où ils s’impliquent dans des relations polymorphes avec leurs hôtes, sur la base d’un ensemble de relations marchandes d’échanges de services (hébergement, alimentation, accompagnement, transport, par exemple) contre monnaie. Irréductible à ces seuls échanges marchands, l’économie du tourisme se joue sur un vaste registre significatif : ces voyages peuvent aussi être l’occasion de dons, en nature ou monétaires, plus ou moins codifiés, dont les enjeux sont complexes en termes de construction des relations [4].

La fréquentation sportive et touristique du Haut-Atlas est un projet qui prend naissance avec la colonisation et l’implantation des troupes françaises sur le territoire. Les montagnes “pacifiées” [5] et pensées comme territoires ouverts à la circulation deviennent de potentiels espaces de pratique de la randonnée ou du ski par des aménagements à réaliser permettant le développement de cette économie. Ainsi, selon Nadir Boumaza (1996 : 27), « la société coloniale a développé, dès les années [19]20, une fréquentation sportive de la montagne, notamment grâce à la section de Casablanca du Club alpin français qui réalisa ses premiers gîtes et refuges dans le massif du Toubkal ». L’économie contemporaine du tourisme a été formalisée et développée à partir de 1984 et de la mise en œuvre du projet Haut-Atlas Central dans le domaine de l’agropastoralisme, de l’artisanat et du tourisme dans le cadre de la coopération franco-marocaine. Dans le domaine du tourisme, le projet a consisté dans le développement de structures permettant un « tourisme doux » (ou « tourisme intégré ») par trois modes d’intervention, sur la base des expériences montagnardes alpines : mise en place d’une Grande Traversée des Atlas marocains (GTAM), formation des accompagnateurs et développement d’un réseau de gîtes d’étape labellisés (Boumaza 1996 : 25). Il s’agit là des fondements de l’organisation locale de l’économie du tourisme que j’ai observée lors de mon étude de terrain.

Dans le Haut-Atlas et à proximité, un réseau de professionnels et d’entrepreneurs aux statuts divers formaient le cadre de la venue d’allochtones qui pouvaient recourir à des services marchands d’accompagnement, de transport et d’hébergement. La vallée de Zagoya était quelque peu en marge de ce tourisme de montagne, dont le développement a été concentré sur quelques vallées relativement réputées. Au sein même de la vallée, l’activité touristique était marginale à Zagoya même par rapport à deux villages voisins qui concentraient les flux de voyageurs et comptaient un nombre plus important d’entrepreneurs. J’ai observé l’activité touristique comme partie d’une économie plus complexe de certains groupes domestiques de la vallée. Par exemple, celui du gîteur auquel je louais la chambre que j’habitais était engagé dans un grand nombre d’autres activités : commerce, maçonnerie, agriculture, apiculture, élevage, notamment. Tandis que l’hébergement et l’accompagnement nécessitent certains investissements (construction d’un bâtiment homologable et obtention d’un diplôme post-baccalauréat) et impliquent la possession de capitaux, l’activité de muletier est relativement accessible aux hommes possédant ou sachant conduire une mule, dans cette région où la force animale est utilisée pour la production agricole. Ainsi, alors que beaucoup de villageois avaient eu au moins une expérience dans le tourisme du temps où la demande était importante, les entrepreneurs locaux de l’économie du tourisme étaient relativement peu nombreux. Aucun n’avait investi dans la création d’une agence de voyages spécialisée dans l’organisation de ce type de séjour et dans la communication auprès de la clientèle en ville, par exemple à Marrakech, où les flux de voyageurs sont importants. À Zagoya, les entrepreneurs les plus spécialisés étaient alors relativement dépendants des flux de voyageurs passant par le village. La communication par courriel ou par le biais d’un site Internet nécessite des compétences rédactionnelles et informatiques inégalement réparties et aussi un accès régulier au réseau Internet, inexistant dans la vallée durant mon étude de terrain. Le fils d’un hébergeur m’avait raconté avoir manqué des opportunités du fait de l’impossibilité de se rendre dans la ville du piémont (où l’on trouvait des cybercafés) à cause de la neige bloquant la route en hiver.

Durant mon étude de terrain, selon mes interlocuteurs, l’activité touristique était en déclin, particulièrement à Zagoya, par rapport à des années de forte fréquentation. Malgré cette forte baisse en termes de flux et en termes économiques, le tourisme constituait un cadre cognitif important dans les représentations des mobilités vers la région.

Sur les attentes et l’image d’authenticité

Les réseaux d’entrepreneurs et de clientèle ainsi créés constituent également le cadre de la circulation d’informations, de représentations et d’images mobilisées comme motifs à l’organisation de séjours dans la région. Ce tourisme de montagne n’est pas réductible à la catégorie de tourisme « sportif » : la dimension « culturelle » des voyages est fortement valorisée dans la mise en place des structures d’accueil de touristes en très grande majorité européens et états-uniens. Au-delà des sites investis pour les activités sportives, l’attractivité de cette région repose sur des particularités culturelles que les voyageurs sont amenés à découvrir durant leurs séjours. Si les aspects culinaires (le tajine, le « thé berbère », le méchoui, par exemple), architecturaux et patrimoniaux constituent des éléments importants d’une culture à visiter, celle-ci semble reposer en grande partie sur les caractéristiques socio-économiques et sur la marginalité du lieu par rapport à des circuits touristiques plus développés dans le Haut-Atlas. Pierre évoquait auprès de moi son impression d’« arriver au bout du monde » dans la vallée de Zagoya et avoir ressenti dans ce village « un côté plus authentique dans l’accueil [6] » par rapport à d’autres destinations du Haut-Atlas. Cette question de l’authenticité, enjeu majeur du tourisme culturel, relève autant d’une problématique relationnelle que d’une question économique visible dans la matérialité du lieu. Des voyageurs exprimaient auprès de moi leur gêne à la vue des travaux de goudronnage de la piste, des paraboles sur les toits des maisons du village ou encore de pylônes électriques traversant la région. Des professionnels locaux pouvaient reprendre à leur compte de telles attentes [7]. Par exemple ce gîteur de la vallée qui construisait de nouvelles chambres d’un standing relativement élevé : il vantait auprès de moi la qualité de vie locale et valorisait l’idéal d’une vie simple faite de la conduite de quelques bêtes dont la vente serait suffisante pour vivre.

Ces exemples discursifs n’épuisent pas la diversité des formes de la mise en œuvre de l’authenticité dans l’économie du tourisme. Dans le modèle mis en place pour la randonnée en montagne, l’accompagnateur joue un rôle sur le plan technique de la randonnée, mais aussi un rôle de « pivot de la relation visiteurs-visités » (Doquet 2009), du fait de sa position et des capitaux dont il dispose, notamment le multilinguisme comme forme particulière de capital linguistique (Bourdieu et Boltanski 1975). Les muletiers, employés pour le transport des bagages à dos de mule durant les randonnées, jouent un rôle « culturel » apparemment secondaire mais important dans la quête d’authenticité. Un habitant d’un village de la vallée me racontait, alors que nous discutions :

Il a été muletier pendant huit ans et, il dit en rigolant, il ne sait pas le français, si ce n’est « couscous », « salade », « bien dormi ? » Il dit que c’est crevant : il faut marcher vite, décharger, faire la cuisine [8]

Comparativement aux muletiers, un guide doit mobiliser ses capitaux et valoriser une hexis corporelle comme signum social (Bourdieu 2002 : 116), comme « façade » (Goffman 1973 : 29) évoquant le sérieux et les compétences techniques de la randonnée, au risque de ne plus apparaître comme « un authentique représentant de sa culture supposée » (Cauvin-Verner 2008). Dans ce contexte, les muletiers peuvent être investis de ce rôle, voire de celui de représentants de la figure locale du « paysan empaysanné » (Bourdieu 2002 : 114). Dans le système hiérarchisé de l’organisation des randonnées en montagne, le muletier peut représenter la figure du paysan non francophone, et n’est pas censé développer de lien particulier avec la clientèle, que ce soit pour des raisons pratiques (les muletiers ne marchent généralement pas avec les clients), économiques ou statutaires (constitution d’un capital social et protection d’un réseau de clientèle).

C’est dans ce cadre d’un maillage complexe de structures d’accueil et d’une organisation de professionnels aux capitaux et aux statuts divers que venaient les voyageurs que j’ai rencontrés dans la région de Zagoya. La dimension sportive de ce tourisme de montagne n’est pas la seule motivation du voyage depuis les régions du « Nord » vers cette région de montagne en Afrique. La dimension « culturelle » des séjours donne lieu à la mise en valeur de particularités culturelles et socio-économiques locales. L’altérité radicale du lieu de destination par rapport aux lieux de provenance de ces voyageurs en France métropolitaine semble relever d’une forme d’authenticité comme objet de quête des touristes et objectif du travail des professionnels locaux. De ce point de vue, l’ailleurs géographique est un ailleurs culturel et socio-économique qui fait la particularité de ce type de voyages vers les montagnes du Haut-Atlas. Cette forme de quête de l’ailleurs-autre, du dépaysement, peut aussi être couplée avec des stratégies complexes et coûteuses de familiarisation avec le lieu et avec ses habitants. C’est ce que j’ai pu observer dans le cas de voyageurs qui revenaient et s’investissaient localement, par des démarches impliquant des recherches et enquêtes visant à saisir le sens que prenaient les rencontres et retrouvailles. L’analyse de ces voyages répétés vers le lieu permettra de voir dans quelle mesure le Haut-Atlas constitue pour ces voyageurs le territoire d’une altérité recherchée.

Quatre voyageurs et leurs retours réguliers dans la région

Dans ce contexte de l’économie locale du tourisme, les voyageurs que j’ai rencontrés circulaient de façons différentes et avec des motifs différents. La diversité des modes de mobilité dans le Haut-Atlas est corrélée à une diversité des projets de voyage. J’ai discuté de ces motifs, de leurs pratiques, de leurs représentations de la région, de leurs conceptions du voyage avec certains de celles et ceux qui revenaient et s’investissaient dans le village et ses alentours.

J’ai rencontré Michel et Martine lors de l’un de leurs séjours à Zagoya en 2011, alors qu’ils étaient venus avec leur propre véhicule et logeaient dans le gîte d’Ahmed, un guide dont ils étaient proches. Michel, né en 1941, était retraité de l’enseignement dans le secondaire et le supérieur, et impliqué dans plusieurs associations et fédérations de sports dits « de nature » en France. Martine, sa compagne, d’une dizaine d’années plus jeune que lui, était retraitée de l’enseignement primaire et sportive également. C’est dans le cadre associatif et de séjours de randonnée organisés par Michel qu’ils avaient rencontré Ahmed, le guide affecté au groupe par l’agence de tourisme à laquelle ils avaient fait appel. Michel m’a raconté lui avoir proposé de se mettre à son compte pour encadrer d’autres groupes qu’il organiserait. C’est à la suite de cette expérience d’accompagnateur qu’Ahmed, soutenu par Michel et Martine, a construit son gîte à Zagoya. Parallèlement, ces derniers ont mis en place une association en France visant à réunir et transférer des fonds destinés à des projets pour le village. Michel m’expliquait :

Tous nos muletiers arrivaient de là, venaient de là. Alors même si on passait pas tout le temps dans les randos par ce village, on savait qu’ils étaient de là. Et on s’est dit… Ben tiens, comme on était venus plusieurs fois, on avait vu qu’il y avait plein de problèmes dans ce village, donc il y avait des choses qui allaient pas trop bien, quoi. Alors on s’est dit : « Peut-être qu’on pourrait faire quelque chose. » [9]

C’est dans cette optique que Michel et Martine revenaient régulièrement dans la région. Ils y organisaient des randonnées et, au village, suivaient les projets associatifs et les travaux du gîte d’Ahmed.

Pierre est un autre voyageur, que j’ai rencontré dans la vallée de Zagoya, en 2011 également. Il est né en 1958 et a grandi près de Barrieux, une ville située dans le piémont des Pyrénées. Enfant d’instituteurs, Pierre se présentait à moi comme étant « issu d’une famille de montagnards » : « on a toujours fait de la montagne, des camps en montagne » [10]. Titulaire d’un brevet d’État d’accompagnateur de moyenne montagne, il a connu le Haut-Atlas à la fin des années 1990 lors de repérages en vue d’une éventuelle organisation de séjours de randonnée pour des groupes de clients. Cependant, alors qu’il travaillait dans sa propre entreprise en région parisienne, il avait abandonné l’idée de faire de l’accompagnement une source de revenus. C’est par la suite qu’il a connu la vallée de Zagoya, dans laquelle il se rendait régulièrement, généralement accompagné de proches ou d’un groupe de randonneurs formé pour l’occasion. Il y a rencontré Mustafa, à qui il faisait appel pour former des équipes de muletiers et qui apportait sa connaissance du terrain et de la langue. Lorsque je l’ai rencontré, Pierre s’investissait localement dans la mise en place d’un projet qui, en 2014, n’avait pas abouti. Il s’agissait de constituer une association locale réunissant les guides, les muletiers et les gîteurs de la vallée, afin de développer un tourisme en rupture avec les modèles des agences de voyages et de mutualiser les opportunités de travail. L’association montagnarde dans laquelle évoluait Pierre à Barrieux devait jouer le rôle de relais vers une clientèle potentielle en France, et de soutien en apportant matériel et savoir-faire nécessaire à la communication. Ce projet a, pendant plusieurs mois, constitué le motif de plusieurs déplacements de Pierre et de certains de ses proches.

J’ai également rencontré Christine lors d’un de ses séjours à Zagoya, en 2011. Elle est née en 1961 au Pays basque, dans une famille paysanne. Héritière de l’exploitation, elle ne s’était pas dirigée vers l’agriculture mais vers le travail social, dans le domaine de l’insertion professionnelle. Elle a néanmoins, dans les années 1990, suivi une formation agricole afin de reprendre l’exploitation à laquelle elle se disait « très attachée », avant de reprendre son activité salariée. Elle était alors, lorsque je l’ai rencontrée, cheffe d’une exploitation sans activité. C’est peu avant notre rencontre qu’elle s’était rendue pour la première fois dans le Haut-Atlas, lors d’un séjour de randonnée organisé par des amis. En 2014, le groupe est revenu dans la région pour une autre randonnée. Entre-temps, Christine était revenue plusieurs fois au Maroc, principalement en montagne. Voyageant alors seule, elle faisait systématiquement appel aux services du guide qu’elle avait connu lors du premier séjour. Elle avait notamment fait deux séjours de randonnée et trois séjours auprès d’éleveurs transhumants, dont deux dans le Haut-Atlas en campement.

Ces différents modes de revenir vers le Haut-Atlas s’inscrivent dans des quêtes d’altérité et d’authenticité qui sont des motivations au voyage. Pour Christine, voyager, « c’est d’emblée une déconnexion avec le quotidien. Je quitte un bain pour rentrer dans un autre bain. » Pierre aussi évoquait le besoin d’un ailleurs pour « se préserver » du milieu professionnel dans lequel il évoluait :

— Ne serait-ce que le fait d’aller là-bas et d’avoir d’autres choses dans la tête.
—  Là-bas ?
—  Au Maroc. Ou en montagne. Moi, le fait de me confronter régulièrement à comment vivent d’autres populations, d’autres gens, etc., ailleurs [11].

L’analyse plus détaillée de ces projets complexes mis en œuvre par ces voyageurs permettra de mettre en lumière les enjeux d’une telle fréquentation du lieu en termes de projet. Dans la partie suivante, je m’intéresserai au revenir comme forme d’investissement et de constitution d’un lien particulier avec le lieu et avec les personnes qui l’habitent. L’analyse de ces projets, qui prennent forme et s’actualisent par des quêtes et recherches spécifiques, permettra de voir que cette quête d’altérité n’est pas nécessairement contradictoire avec une quête d’identité et que ces projets peuvent relever d’une forme de retour vers une ruralité idéalisée.

Quelles quêtes pour quels retours ?

Ces projets de retour dans le Haut-Atlas s’inscrivent dans des trajectoires touristiques plus complexes dont je propose de questionner les logiques. En effet, c’est également en tant que destination parmi d’autres que la région est ainsi investie, et c’est par rapport à des conceptions et buts du voyage en général que prennent sens ces projets de retour. Revenir à telle région plutôt qu’à une autre prend sens par rapport aux quêtes des voyageurs et donc par rapport aux représentations de ces régions. Constituée comme territoire d’une authenticité socio-économique, la région de Zagoya s’apparente, dans certains cas, à une destination pour des retours vers ce qu’elle représente : une ruralité idéalisée ailleurs mise à mal.

Découvrir le Haut-Atlas

Michel et Martine ont voyagé dans plusieurs régions du monde pour leurs activités sportives et mécaniques. Michel m’expliquait :

Je suis allé partout dans le monde, mais je suis revenu souvent au Maroc, parce que le Maroc c’est un territoire d’aventure, qui est vierge, quasiment, qui continue d’ailleurs à l’être plus ou moins, tout du moins dans les endroits où on va [12].

On peut relever l’aspect comparatif de cette présentation de la région par rapport à d’autres de même que les enjeux des choix des destinations et des fréquentations en termes de quête. Le Haut-Atlas qu’il a ainsi investi avec Martine, c’est ce « territoire d’aventure qui est vierge, quasiment », également territoire d’une population caractérisée par son rapport à la nature. Au moment de notre rencontre, Michel m’avait longuement expliqué des notions de géologie, de cartographie informatique et d’utilisation d’un GPS. Selon lui, en effet, je ne pouvais pas mener ma recherche dans la région sans connaître les « voies de passage ancestrales » empruntées par les transhumants et les habitants « depuis la nuit des temps ».

Pierre, qui se présentait à moi comme étant « un montagnard », mettait également sa fréquentation du Haut-Atlas au regard de celle d’autres régions dans le monde :

« Par rapport à d’autres montagnes, j’ai développé un lien assez privilégié », me disait-il, en comparant le Haut-Atlas avec les Pyrénées, « les montagnes de mon enfance, de mon adolescence, […] des montagnes natives », les Alpes, qu’il n’avait « pas vraiment parcourues », et le Népal, qui « est loin » [13].

De sa pratique de la montagne, il me disait également aimer « faire des sommets », notamment un « huit mille » dans l’Himalaya où il n’envisageait pas de repartir et qu’il caractérisait aussi par le développement d’un tourisme de masse. L’intérêt de Pierre pour les régions de montagne n’était en effet pas seulement dû à leurs caractéristiques géomorphologiques d’un point de vue sportif, mais s’inscrivait aussi dans une perspective socio-économique qui motivait ses déplacements vers ce type de territoire. Il insistait sur le fait que la montagne est également un espace habité et exploité économiquement. Il s’intéressait aux pratiques et modes de vie qui pouvaient y être observables. C’est ainsi qu’en 2011, alors que nous nous rencontrions pour la deuxième fois dans la vallée de Zagoya, il me faisait part de son intérêt pour ma recherche et m’expliquait qu’il était intéressé par savoir s’il existe des formes d’alternative au capitalisme. Pierre, qui travaillait pour des grands groupes dans un domaine qu’il considérait comme « le must de la société de consommation », développait une critique radicale du système capitaliste. Son intérêt pour le Haut-Atlas s’inscrivait dans cette quête d’alternatives à ce système dont il connaissait les rouages, par une fréquentation à vocation non marchande de territoires éloignés des structures de l’économie capitaliste et relativement protégés de son processus d’expansion. Il m’expliquait ainsi, à propos de son premier séjour dans la région :

Là où c’était une découverte, pour moi, c’est vrai que c’était de voir des montagnes qui sont habitées, où il y a une vraie économie montagnarde qui est encore… qui existe. Tout cet aspect-là m’a beaucoup plu [14].

Le Haut-Atlas, cependant, n’est pas homogène et la vallée de Zagoya répondait plus que d’autres à ses attentes en termes de voyage.

Christine aussi développait en entretien un discours critique de la société contemporaine : « On est tellement dans une société qui nous uniformise, on mange la même chose partout, la même… Tu as la même chaîne de vêtements ou alimentaire partout… » C’est avec cette perspective sur le monde qu’elle donnait du sens à ses voyages, qu’elle inscrivait également dans une trajectoire personnelle et une identité faite à la fois d’« un attachement viscéral à [la partie rurale] du Pays basque, à la tradition, à la culture, aux racines… » et d’un besoin d’« extériorité », d’« une certaine forme d’originalité ». Malgré la diversité des régions du monde qu’elle avait ainsi visitées, Christine relevait une forme de cohérence dans ses pratiques de ce type de mobilité : « c’est toujours du côté des ethnies » et en priorisant la rencontre avec des gens « qui vivent encore très attachés à la terre, dans un milieu rural ». Elle développait de manière précise la façon dont ses pratiques touristiques s’inscrivaient dans une vision du monde (Cohen 1979) dans le cadre de laquelle elles prenaient sens :

Parce que je crois que finalement, ce qui me pousse à voyager ou à être curieuse de toutes les identités, c’est parce que je suis basque. Moi j’ai la conviction que mon intérêt sur ces questions identitaires, culturelles et de transmission, de traditions, c’est parce que je suis d’une culture qui n’a pas été très valorisée dans mon enfance, etc. Je pense qu’il y a de ça, dans mon cheminement, en tout cas [15].

La recherche de l’« altérité » est également une recherche d’autres formes de « traditions » que la sienne, d’autres modèles d’un enracinement constitutif de son identité. Les voyages vers ces milieux ruraux, ainsi que le fait de « cultiver un ailleurs » par la lecture à ses retours de voyage, lui permettent de trouver un équilibre entre risque d’enfermement dans la tradition et risque d’uniformisation qui caractérise l’époque contemporaine selon elle. Elle m’expliquait à plusieurs reprises les liens ainsi tissés avec le guide professionnel auquel elle préférait faire appel plutôt qu’à un « vrai guide », un guide « plus francisé, plus européanisé, [qui aurait] une facilité de parole et de transmission plus grande » [16]. Elle me racontait également le plaisir qu’elle éprouvait à entendre le guide et le muletier discuter en berbère (qu’elle ne comprenait pas) tandis qu’elle marchait. Dans une perspective plus globale de représentation du monde, ces voyages permettent de valoriser les cultures et les identités marginalisées, d’en valoriser la persévérance, leur ancrage territorial, et même leur “marginalité”, dans un monde marqué par le processus d’uniformisation en cours.

Dans ces trois cas, le projet de revenir et de s’investir dans le Haut-Atlas s’inscrit dans une trajectoire touristique plus longue marquée par la découverte de la région et de ses caractéristiques. Le venir semble alors relever d’une quête plus ancienne dont j’ai relevé les enjeux : « territoire d’aventure qui est vierge, quasiment », territoire d’une alternative concrète au capitalisme, ou encore d’une culture qui résiste au processus d’uniformisation culturelle.

Une marge de l’économie-monde ?

Autant qu’une région berbérophone du Maroc, le Haut-Atlas ainsi fréquenté et construit est une région rurale pensée comme étant en marge de l’« économie-monde » (Braudel 1985 : 85) capitaliste, distante et relativement protégée par rapport à ses centres économiques, politiques et culturels. Cette représentation du monde forgée sur la dichotomie entre centre et marge, entre société « moderne » et sociétés « traditionnelles », n’est pas limitée aux rapports « Nord-Sud » et au grand partage (Latour 1988) comme schème des représentations savantes du monde. Si mes interlocuteurs pouvaient s’intéresser à l’anthropologie du Haut-Atlas, les schèmes qu’ils mobilisaient s’inscrivent également dans l’histoire de la construction des territoires ruraux, au-delà des dichotomies Nord-Sud. De ce fait, il est possible de questionner ces voyages comme étant ceux vers une ruralité idéalisée, au-delà des particularités locales propres à telle ou telle région du monde. À Zagoya, en milieu agropastoral de montagne en Afrique, cette ruralité semble protégée là où, en Europe, elle a été mise à mal par les processus d’« absorption de l’agriculture dans le mode de production capitaliste » (Servolin 1972).

Le XXe siècle colonial qui a vu l’émergence d’un intérêt pour le Haut-Atlas comme espace d’un tourisme de montagne est également la période de construction savante d’une dichotomie structurante entre « Maroc arabe » officiel des villes et des plaines et « Maroc berbère » tribal, territoire principalement montagnard (Michaux-Bellaire 1927). C’est alors qu’une importante littérature scientifique a été produite sur les sociétés montagnardes et leurs organisations sociales particulières présentées comme des survivances de l’histoire précoloniale de la région, d’autant plus que les montagnes protègent des processus d’expansion de la modernité représentée par l’État central au Maroc. Robert Montagne, un des principaux penseurs de la tribu au Maroc, écrivait en 1930, à propos des modes de vie des populations berbères : « Ces mœurs simples et anarchiques, qu’on n’observe plus à présent qu’au voisinage des sommets, étaient naguère celles d’une grande partie de la montagne » (Montagne 1930 : 133). Cette conception de spécificités tribales montagnardes a été reprise et développée par la suite dans la littérature savante (Gellner 2003 : 42, Pascon 1983).

C’est dans ce contexte que le Haut-Atlas peut constituer le territoire d’une « authenticité » particulière recherchée ou mise en œuvre dans le cadre d’un tourisme développé parallèlement à ces représentations savantes des modes de vie dans la région. Les particularismes socioculturels locaux doivent cependant être relativisés et considérés au regard de la production des savoirs savants sur la ruralité au-delà des frontières entre « aires culturelles », notamment pendant le XXe siècle. Les quêtes de Michel, Martine, Pierre et Christine s’inscrivent en effet dans un paradigme structurant des études sur les milieux ruraux, notamment en Europe et plus encore lorsqu’il s’agit de zones de montagne. La région qui m’est alors présentée ou qui est mise en discours dans le secteur associatif s’apparente à un modèle de milieu rural défini en opposition à des caractéristiques attribuées aux milieux urbains, industriels et techniques (Friedmann 1950). En d’autres termes, elle serait une part society (Redfield 1989) ou folk society (Redfield 1947), c’est-à-dire une « société paysanne » (Mendras 1967, 1976), un isolat par rapport à une « société englobante » (Mendras 1974 : 15) d’autant plus protégée qu’elle est montagneuse et ainsi isolée par rapport aux centres économiques, politiques et culturels. C’est aussi vers un tel lieu que reviennent les quatre voyageurs.

Distance et proximité, familiarisation et familiarité

Revenir, au sens de la répétition des retours effectifs, implique un certain nombre de travaux préparatoires et de recherches sur les modalités pratiques des retours, mais également sur le sens même du revenir comme projet. L’importance de ces projets pour les voyageurs s’observe notamment par l’analyse des modalités des engagements et des actes par lesquels ils les mettent en œuvre. Ces cas sont caractérisés par un fort investissement : économique (le coût des séjours, par exemple) et temporel (les recherches, les démarches). Cet investissement est également affectif, au sens d’illusio, « engagement dans le jeu qui est le produit du jeu et qui produit le jeu » (Bourdieu 1979 : 94). Cette implication est le cadre de la constitution des liens avec les lieux et leurs habitants. Les statuts de la personne qui revient sont ainsi objets d’un travail de construction et de questionnements qui portent sur le projet lui-même et le sens qui lui est donné. Le travail de familiarisation n’est pas tant un travail de connaissance du milieu visité qu’un travail de mise en forme du lieu et de recherche d’une familiarité latente. C’est dans le cadre de telles interactions entre les voyageurs et les acteurs locaux du tourisme que sont produites les représentations de cette région de montagne.

La création et la gestion de l’association d’aide au village par Michel et Martine constituaient un investissement en temps et en énergie dont l’un et l’autre évoquaient auprès de moi les différentes modalités. C’est dans le cadre de ce projet qu’ils revenaient régulièrement vers le lieu, œuvrant ainsi à l’activité et au développement de l’association “spécialisée” sur le village. Ces voyages relèvent alors d’enjeux de représentation, de pouvoir sur place, mais aussi de communication auprès des adhérents en France, dont les cotisations constituaient la majeure partie des ressources financières de la structure. Ceci d’autant plus qu’avait émergé une forme de concurrence lorsque l’association villageoise constituée pour recevoir les transferts s’était relativement autonomisée et avait reçu des fonds d’autres structures impliquées localement. Michel présentait leur action comme un long travail pédagogique commencé avant la création des associations dans le cadre même de la relation touristique, des rencontres pendant les randonnées et de la proximité avec les muletiers. Ce travail « humanitaire » (Becker 1985 : 172) portait notamment sur la gestion des déchets et la patrimonialisation du bâti local comme conditions du développement de l’économie du tourisme. Plus exactement, ce « développement » (Atlani-Duhault et Dozon 2011) pour le tourisme (améliorer le cadre de vie et normaliser certaines pratiques pour en faire la destination de voyages) est aussi un « développement » par le tourisme (développer l’économie locale). Au-delà des intérêts villageois pour la réalisation des projets, leur investissement pour la transformation du village a rencontré un certain écho localement, ne serait-ce qu’en la personne d’Ahmed qui partageait avec eux un certain nombre de représentations sur les enjeux imbriqués de l’authenticité et du développement dans l’économie du tourisme. Alors qu’un voisin avait construit un bâtiment en parpaings dans le village pour y garer un véhicule de transport, Ahmed m’avait exprimé son mécontentement : « ça dénature », m’expliquait-il.

Le projet de mise en place d’une structure alternative de tourisme porté par Pierre n’a pas abouti. Il a cependant constitué le motif de plusieurs déplacements vers la vallée, pour discuter avec les acteurs locaux du tourisme et voir comment ceux-ci se positionnaient par rapport à cette proposition. Pierre l’a mis en question lorsque Mustafa l’a sollicité pour un prêt monétaire afin de mettre en place un projet économique personnel : « Peut-être que ma demande était décalée avec ce qu’eux ont vraiment envie de faire », se demandait Pierre en janvier 2012. Christine également a dû gérer une demande de prêt monétaire que lui avait faite son guide. L’un et l’autre ont alors cherché à comprendre les enjeux et le sens de cette sollicitation avant d’y répondre. Pour les deux, étaient en jeu leur lien avec leur interlocuteur, leur lien au lieu et, finalement, leur projet de revenir. Ils y ont chacun répondu positivement, se permettant ainsi d’aller vers la constitution d’une plus grande proximité relationnelle dans le cadre de l’aide apportée. Par la suite, leur questionnement s’est complexifié du fait de la nécessité de gérer une créance dont les modalités n’étaient pour eux pas définies alors qu’ils continuaient à avoir recours aux services marchands de leur créancier. Le doute qui s’installait alors (Mulet 2018 : 183), tandis que leur interlocuteur n’évoquait plus la dette, portait sur le sens de la relation ainsi investie et donnait lieu à de nombreuses interrogations sur les enjeux de ces voyages. C’est ainsi qu’entre deux séjours dans le Haut-Atlas, les entretiens que nous réalisions pouvaient être pour eux des occasions d’interroger les enjeux, les cadres et l’avenir de ces relations complexes. Christine, de plus, s’était mise à négocier les tarifs proposés par son guide et à questionner leur normalité par des recherches sur les prix pratiqués par des agences. Hors des cadres associatifs mobilisés comme outils de « réduction de la complexité » (Luhmann 2010 : 67), ces recherches permettaient de donner du sens à ces projets de retour en un lieu considéré comme lointain et peu familier. Le doute, cependant, n’est pas contradictoire avec l’idée d’une proximité et d’une familiarité latentes qu’il s’agit de faire émerger.

Lors des randonnées en montagne, les muletiers, dépositaires d’une certaine « authenticité », deviennent pivots de cette quête de proximité. Alors que nous discutions, Pierre et quelques-unes de ses proches ont évoqué la question de la relation avec les muletiers lors d’une randonnée :

Ils racontent les soirées où ils ont dansé, ou chanté. Pierre dit qu’ils ont pu échanger par ça. Il dit que ce n’est pas tous les groupes comme ça, qu’eux avaient apporté des carnets de chants. Il dit que les muletiers chantaient tous, et des chansons gaies, et que parmi le groupe il n’y en avait que deux qui chantaient bien, et des chansons tristes. Ils voulaient leur apprendre des danses [de la région de Barrieux], mais n’ont jamais réussi (rires) [17].

Une telle proximité avait déjà marqué le premier séjour de Christine dans la région, alors même qu’une distance était présentée comme étant la norme par l’ami qui lui avait donné le contact du guide avec lequel il avait l’habitude de voyager :

[Il] nous avait dit : « Ils ne mangeront jamais avec vous, les muletiers, et… ça se fait pas. » […] Mais nous, ils ont systématiquement pris tous leurs repas avec nous d’emblée. Donc on était super contents, puisque lui [l’ami], qui semblait bien les connaître, il y avait une certaine distance. Et nous, dès le premier repas, le premier midi, les muletiers… c’était de manger avec nous [18].

Ce lien privilégié avec les muletiers est d’autant plus valorisé qu’il est présenté comme anormal dans le cadre de ces relations de service. Il semble connoter positivement un séjour sportif qui relève également du « tourisme culturel » et de la quête d’authenticité portée ici par les muletiers caractérisés par la simplicité et l’autochtonie.

Réduire cependant ce type de rencontre à la notion d’altérité ou à la différence culturelle ne permet pas d’en saisir tous les enjeux pour les voyageurs. Parmi ceux-ci, Christine m’expliquait, à propos de cette proximité avec les muletiers :

On leur a tout de suite dit qu’on était de la campagne, et que nous aussi on avait des brebis, des vaches et tout ça [19].

Elle met ainsi en avant une proximité avec les muletiers qui est non seulement occasionnelle ou situationnelle, mais également sociologique. De ce point de vue, Basques et Berbères ont aussi en commun l’importance de la montagne rurale, la minorisation de la langue vernaculaire au sein de l’État-nation [20] et la conscience de spécificités culturelles vivaces. Un autre voyageur basque qui avait fait plusieurs séjours avec le même guide me racontait ainsi les échanges avec les muletiers par le biais des chants et de l’explication des paroles. Il m’expliquait également la reconnaissance par ces derniers de leur proximité avec les Basques dans le cadre de la randonnée. Le guide lui-même semblait partager ce point de vue : selon lui, les Basques sont « de bons clients » qui se comportent en groupe de randonneurs « comme une famille ». Cette reconnaissance d’une proximité entre Basques et Berbères est valorisée localement, les Basques de citoyenneté française, voyageurs nombreux dans la région, pouvant être considérés comme « les Berbères de France » par des hommes de la vallée auxquels je disais venir moi-même du Pays basque.

Conclusion : revenir à la ruralité

Les retours répétés de ces voyageurs dans le Haut-Atlas s’inscrivent dans des projets différents. J’ai cependant montré les similitudes dans les pratiques, discours et trajectoires de ces quatre voyageurs revenant régulièrement vers ce lieu connu lors d’un voyage touristique et avec lequel aucun lien a priori n’est pensé. Il apparaît que, ce faisant, ils s’engageaient dans des processus complexes et parfois coûteux de familiarisation avec cet ailleurs-autre dont les particularités distinctives ont motivé leur souhait d’y revenir et de s’y investir. La vallée de Zagoya répondait en effet à leurs attentes en termes d’« authenticité » et d’altérité par rapport à leurs lieux du quotidien, l’une et l’autre étant l’objet de quêtes plus anciennes. Si l’on considère les schèmes de perception et de représentation de la région et les circulations entre représentations savantes et non savantes (Doquet 1999), les retours répétés des quatre voyageurs semblent s’inscrire dans d’anciennes quêtes d’une « marge de l’économie-monde », un idéal généralement associé aux milieux ruraux – et plus encore de montagne – au nord comme au sud de la Méditerranée.

De ce point de vue, on peut considérer ces expériences comme étant celles d’une « ruralité » ailleurs mise à mal, au-delà de l’intérêt que portent les voyageurs pour les particularités socioculturelles locales. Elles s’apparentent alors aux formes de mobilité de « retour ». À propos du rôle des sensations dans l’expérience de tourisme diasporique, Naomi Leite traite de la remémoration (remembering) lors de séjours touristiques en des destinations de substitution offrant des combinaisons sensorielles similaires (vues, sons, saveurs et autres sensations corporelles) à celles du territoire quitté devenu inaccessible (Leite 2005 : 283). Dans les cas que j’analyse ici, les logiques et enjeux des séjours semblent différents et relever d’un autre type de quête. Par rapport aux cas cités par Leite, les expériences de Michel, Martine, Pierre et Christine sont en effet caractérisées par l’importance donnée à la particularité (et non à la similitude) des sensations vécues, qu’elles soient liées à des caractéristiques culinaires, architecturales, linguistiques ou sociétales, par exemple. Il apparaît cependant que ces quêtes peuvent aussi être celles d’une familiarité, de traits communs avec les lieux de leur quotidien ou de leur enfance. C’est le cas de Christine et Pierre, qui mettaient en avant une certaine similitude entre les lieux de leur enfance et ces montagnes au Maroc. Christine évoquait clairement le lien qu’elle faisait entre le Haut-Atlas qu’elle fréquentait et le Pays basque rural qu’elle habitait. Pierre également considérait la région au regard de son expérience des Pyrénées et au prisme des perceptions ainsi forgées de la montagne comme type de territoire dans le monde. Ces représentations des lieux et de leurs habitants constituent d’importants motifs au voyage. C’est en cela que certains de ces retours vers le Haut-Atlas s’apparentent à des projets de retour vers un idéal de ruralité.

add_to_photos Notes

[1Dans un souci d’anonymat, le nom du village et les prénoms des personnes ont été modifiés, ainsi que certains éléments de leur présentation, en veillant à ne pas altérer le sens de mon analyse.

[2Voir par exemple les titres des numéros thématiques de revues francophones consacrés au tourisme : Cahiers d’études africaines 2009 : « Tourismes. La quête de soi par la pratique des autres », Civilisations 2008 : « Tourisme : mobilités et altérités contemporaines », Ethnologie française 2002 : « Touriste, autochtone : qui est l’étranger ? ».

[3J’ai mené cette recherche au Centre Maurice-Halbwachs (CNRS, ENS, EHESS) entre 2010 et 2015. Elle a consisté en une étude de terrain entre 2011 et 2013, suivie d’un retour durant l’été 2014. Localement, j’étais affilié au groupe domestique du gîteur auquel je louais une chambre et j’utilisais principalement le chleuh – langue berbère de la région – avec mes interlocutrices et interlocuteurs. Cette affiliation, mon statut de « quasi-villageois » (Mulet 2018 : 31) et de aclḥi (« chleuh », terme désignant un berbérophone ou un Berbère) constituaient le cadre de mes déplacements parmi les groupes domestiques du village et hors du village. Mon propre « retour » en 2014, après une année consacrée à la rédaction de ma thèse, a été pour certains l’occasion de rappeler que ce statut n’était aucunement acquis : « Tu n’as pas oublié le chleuh ? » était la question que l’on me posait lors des retrouvailles.

[4Je parle donc de voyageurs entrant localement en interaction dans le cadre de cette économie du tourisme, et non pas de « touristes ». Prendre comme point de départ ces échanges me permet de ne pas présupposer ni figer le statut de ces personnes, qui peuvent refuser ce statut ou alterner entre plusieurs positions liées aux motifs de leurs voyages. C’est par exemple le cas de celles impliquées dans des projets associatifs de type humanitaire.

[5Daniel Rivet (2004 : 49 et suiv.) traite de l’usage du terme « pacification » à propos de la guerre coloniale au Maroc.

[6Entretien, janvier 2012.

[7Par rapport à cette valorisation d’une simplicité « authentique », un jeune enseignant en poste à Zagoya, venu d’une autre région, m’expliquait également qu’« il n’y a rien ici, comme économie », alors que je lui expliquais le thème de ma recherche. Des jeunes de Zagoya pouvaient tenir des discours similaires, à l’instar de ce jeune migrant qui m’expliquait qu’« ici il n’y a pas de travail, pas d’argent, il faut partir ». Le même jeune homme s’était néanmoins installé au village quelques mois plus tard, au moment de son mariage. Depuis 2011, plusieurs couples de migrants sont également « revenus » au village après des expériences de plusieurs années de migration au sein du Maroc visant à l’emploi des hommes sur des chantiers de construction.

[8Journal de terrain, mars 2012.

[9Entretien, juillet 2011. Lors de cette rencontre, Michel tenait le rôle de représentant de l’association auprès de l’ethnographe. Après son décès, quelques mois après, l’association a connu une baisse d’activité, relancée ensuite par Martine, notamment, avec laquelle j’ai discuté de leur investissement du lieu et du fonctionnement de l’association.

[10Entretien, janvier 2012.

[11Entretien, janvier 2012.

[12Entretien, juillet 2011.

[13Entretien, janvier 2012.

[14Entretien, janvier 2012.

[15Entretien, janvier 2012.

[16Entretien, octobre 2012.

[17Journal de terrain, octobre 2011.

[18Entretien, janvier 2012.

[19Entretien, janvier 2012.

[20Une forme de la langue berbère, le tamazight, a été officialisée en 2011 lors de la promulgation de la nouvelle constitution du Maroc. Standardisée et co-officielle à l’échelle de l’État-nation, elle était considérée à Zagoya comme différente du chleuh.

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Pour citer cet article :

Pascal Mulet, 2019. « Venir dans le Haut-Atlas et revenir à la ruralité. Voyages et quêtes d’un idéal au Maroc ». ethnographiques.org, Numéro 37 - juin 2019
Revenir. Quêtes, enquêtes et retrouvailles [en ligne].
(https://www.ethnographiques.org/2019/Mulet - consulté le 19.03.2024)
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