Ce morceau porte le nom d'un hameau, Qullissat (entre Ilulissat et Uummannaq), qui fut le lieu de l'exploitation d'une mine de charbon. Lors de son ouverture, ce sont plus de deux mille personnes qui ont quitté leur village pour y travailler, brisant les liens avec leur familles. Les travailleurs groenlandais y étaient exploités; leur salaire était dérisoire comparé à celui des Danois effectuant le même travail. Mais il leur permettait d'acquérir entre autres trois "biens" importés par les Danois : l'alcool, le tabac et le sucre. Ces produits n'étaient pas des nouveautés pour les Groenlandais : les premiers missionnaires les échangeaient déjà contre des peaux de phoques ou de renards polaires. Mais un salaire, aussi misérable soit-il, leur permettait bien sûr de se les procurer beaucoup plus facilement. Au-delà de la dépendance qu'induisaient ces trois éléments en particulier, les importations danoises allaient également modifier les habitudes alimentaires des Groenlandais ainsi que certaines habitudes domestiques (par exemple en remplaçant les peaux des bêtes qu'ils chassaient par des textiles). Le système monétaire implanté par les Danois allait de plus faire naître un désir d'enrichissement, qui n'existait pas avant. Malik décrit donc l'argent comme un facteur de dépersonnalisation : maître absolu d'un monde nouveau au Groenland, il rend esclaves tous ses sujets. Le texte de cette chanson ne dénonce pas que les méfaits de l'argent : la politique danoise est également attaquée. Celle-ci ne respecte nullement l'égalité supposée entre Groenlandais et Danois : ces derniers “exploitent'' les premiers, puis les “abandonnent'' et les “déportent vers le malheur''. La fermeture de la mine en 1972, lorsqu'elle n'était plus rentable, a en effet été une véritable catastrophe sociale. La plupart des anciens travailleurs avaient perdu leur racines lors de leur isolement et se retrouvaient sans foyer ni travail, ayant probablement oublié la chasse comme la pêche. Beaucoup d'entre eux ont été placés dans des HLM, principalement à Ilulissat, devenant ainsi les premiers chômeurs d'une économie salariale encore toute fraîche. Il faut encore noter que la chanson s'adresse finalement à ceux qui sont conscients de ce qui se jouait là-bas mais restent muets; on peut donc la prendre comme un appel à réagir. La chanson se termine enfin sur une note positive, chuchotée, évoquant un possible "retour à la vie" suite à la libération certes non désirée de cette relation de dépendance.
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