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[Document issu de l'article :  Standardiser des monographies de familles. Une enquête par questionnaire en milieu d'interconnaissance », par Agnès Gramain, Emmanuel Soutrenon & Florence Weber]

Annexe 1
Référent du service de sélection et aidant principal

On a retrouvé tout au long de l'enquête, la distinction que Benoît Trépied (2003) établit entre différents aspects de la prise en charge d'une personne dépendante, qui n'incombent pas aux mêmes personnes au sein d'une famille. Il distingue l'aide quotidienne et routinière, assurée dans la famille qu'il décrit par le conjoint de la personne malade, des « postes à responsabilité » de la prise en charge, en particulier dans son aspect médical, qui sont occupés dans cette famille par les personnes qui occupent les positions sociales les plus élevées. Il semble que cette division du travail au sein des familles soit assez fréquente. Une personne au statut social plus élevé est désigné ou se désigne pour être l'interlocuteur des professionnels de la santé, tandis que d'autres sont chargés de l'aide quotidienne et concrète, plus coûteuse en temps et moins reconnue socialement. De fait, l'enquête MEDIPS elle-même participe de cette reconnaissance sociale supérieure du « référent médical », puisque c'est à lui que l'enquête s'adresse d'abord pour parler de l'aide apportée à la personne dépendante, comme s'il était l'aidant principal. Cela peut avoir plusieurs conséquences sur la situation d'enquête. En particulier, c'est par le « référent médical » que les autres membres de la famille apprendront souvent l'existence de l'enquête, et ils sauront que c'est lui qui a d'abord été contacté. Dans la mesure où les enquêteurs n'ont pas le droit de révéler que ce premier contact a été obtenu parce qu'il est référent d'un patient d'une consultation médicale, cela peut poser problème. Un membre de la famille qui apporte une aide plus importante à la personne âgée, contacté dans un deuxième temps seulement, peut se demander pourquoi c'est le « référent médical » qui a été contacté en premier. C'est ce qui est arrivé avec Mme Royer, la soeur aidante de Mme Dumesnil. Elle ne parvenait pas à comprendre que, si sa soeur avait été « tirée au sort comme personne âgée », ce que l'enquêteur lui disait pour ne pas mentionner la clinique de Guermantes (et donc la maladie de sa soeur), nous ayons d'abord eu les coordonnées de son frère. La dissociation entre l'« aidant principal » et la personne de référence du dossier médical, « premier contact » de l'enquête, qui relève parfois d'une division du travail au sein des familles, pose donc plusieurs problèmes qu'il a fallu résoudre pour que les enquêteurs sachent à qui faire remplir les différents volets du questionnaire, et pour que la simple identité du premier contact ne suffise pas à révéler le caractère médical de l'entrée sur le terrain.