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L
a
maison fonctionne comme une véritable
entreprise familiale dont le principal gestionnaire est le couple formé
par le Prince Raleva et Clairette qui interviennent à tour de rôle
selon les problèmes posés en se complétant pour leur
résolution.
Grâce à sa
vocation de "généraliste",
l'esprit
représente la principale source de revenus. Si le prix de la
consultation reste très faible et à la portée de tous, y compris des
plus démunis, l'offrande en alcool, en argent, en biens divers faite à
l'esprit qui a pu satisfaire la demande, est laissée à l'initiative du
consultant.
On attend cependant d'autant plus d'une personne qu'elle dispose de
ressources importantes. En plus de vingt ans de métier, le couple
Raleva/Clairette a pu acquérir de cette manière une maison dotée d'un
confort moderne, eau courante, électricité, ventilateur, télévision,
frigidaire... De plus, ce couple a également pu réunir le capital
nécessaire à l'installation d'une épicerie dans la cour de la maison, à
la mise en exploitation d'une plantation de maïs et de manioc à la
périphérie de la ville, à la constitution d'un stock de bois de
chauffage destiné à la vente, à l'acquisition d'une pirogue et de son
équipement pour la pêche.
La grande
diversification de ces activités
appartenant
au secteur informel est indispensable en raison de leur précarité et de
leur faible rentabilité et suppose le contrôle réel d'une main d'½uvre
importante, tous membres de la parenté élargie de Clairette, constamment disponible et assignée à des tâches précises. Le
couple Raleva/Clairette assume justement cette
responsabilité :
suivi de la comptabilité, distribution des tâches, règlement des
conflits, mise au point de règles internes destinées à améliorer la
rentabilité du travail, modulation des activités selon l'évolution de
la conjoncture économique.
En plus de
son travail de possédée qui
l'occupe 4 ou 5
après-midi par semaine et quelquefois une partie de la nuit, Clairette
se charge personnellement de certaines des activités parmi les plus
rémunératrices de l'entreprise dont l'épicerie et la vente du bois de
chauffage. Seuls la remplacent dans ce travail, sa fille ou son mari,
sans doute plus faciles à contrôler que les autres parents. Les plus
jeunes s'occupent de la vente des boissons associée aux divertissements
payants, jeux de cartes, de dominos, club vidéo..., organisés dans la
cour de la maison. Les hommes adultes se consacrent à l'activité
familiale traditionnelle à savoir la pêche en mer et se chargent de
différentes tâches, tels la collecte ou l'achat de plantes médicinales,
le transport en charrette.
L'esprit qui est traité comme un maître exigeant à l'intérieur de la
maison dispose d'un serviteur, sorte de valet de pied chargé de
multiples tâches, entretien des objets du culte, nettoyage de ses
costumes, approvisionnement en cigarettes et boissons habituelles,
assistance au moment du rituel notamment pendant les entrées et les
sorties de transe et la préparation des médicaments et des talismans...
Cette fonction subalterne mais néanmoins délicate est assumée par une
cousine éloignée de Clairette ou par une de ses soeurs ou à défaut par
son propre mari. Serviteur, il doit alors en adopter la posture
classique qui signale les relations hiérarchiques entre les différents
ordres de la société, s'agenouillant aux pieds de son seigneur, dans
une pose pleine d'humilité et marquant son attention constante.
Le budget familial est géré en fonction de la part de capital ou de
travail apportée par chacun. Les revenus de Raleva lui appartiennent en
propre et personne ne peut en disposer sans l'avoir dûment consulté en
tant que seigneur craint et respecté, qui n'admet pas qu'on le trompe
et peut deviner ce qu'on lui cache et ainsi apparaître comme le
meilleur confident ou le plus redoutable ennemi s'il veut favoriser ou
empêcher la réalisation d'un projet.
Le capital
du Prince constitue ainsi l'épargne la plus sûre, à l'abri
de toutes les convoitises. Cette organisation originale confère une
totale liberté de gestion et d'initiative à Clairette qui en serait
bien évidemment privée en tant que simple épouse de son mari réel.
Ainsi, peut-elle choisir qui elle veut aider ou nourrir d'une manière
ou d'une autre.
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Clairette |
Le
Prince |
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Une chronique
familiale |
Nous
avons choisi un ensemble d'histoires concernant l'unité domestique
extraites d'une série de consultations qui se sont déroulées de juillet
à septembre 1991.
On
découvre alors que le duo Raleva/Clairette
alimente, le plus souvent à leur insu, une dynamique subtile dans les
relations qui se déploient entre les membres de la famille. Ainsi,
Clairette demeure la seule personne vérita- blement avertie des
affects,
des enjeux, des projets, des désirs inavouables. D'un regard
l'autre, de Clairette au Prince Raleva, c'est une rencontre faite avec
chaque protagoniste qui dans la relation intime à l'être incarné
découvre une image de lui, se dévoile, se dit, s'entend dire, parle
franc, étonnamment. Au moment de ces échanges intimes, les
membres de
la famille qui consultent le Prince Raleva ignorent alors la personne
qui l'incarne au point de ne plus reconnaître leur parente ou leur
épouse. |
Mardi
2 juillet 1991 |
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Claudine,
une nièce de Clairette, âgée de 26 ans, titulaire du BEPC, consulte le
Prince Raleva à propos de ses relations conjugales qui se sont
sensiblement détériorées et de la manière dont elle est traitée par sa
belle famille. Son mari a récemment contracté une blennorragie que le
Prince Raleva soigne à l'aide de plantes médicinales. Claudine vient
l'informer que sa belle famille l'accuse d'en être la cause et menace
de la répudier. Le Prince lui confirme qu'on peut effectivement la
répudier à condition de le faire dans les règles : |
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Le Prince
-
On ne t'a pas trouvée dans la rue mais on est venu te prendre dans les
mains de ta famille et on doit te rendre à elle de la même manière.
Ils sont dangereux ces gens-là, ils ne veulent jamais être
responsables de ce qui ne va pas. Quel homme peut dire n'avoir jamais
été
touché par cette maladie ? Est-il
normal d'accuser sa femme quand on se retrouve malade ?
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Claudine
est préoccupée par
l'attitude de
son mari qui
se montre de plus en plus indifférent et irresponsable. Il n'apporte
plus d'argent à la maison alors qu'il le faisait au début de leur
union. Claudine se dit malheureuse. Le Prince Raleva ordonne la
confection d'un philtre d'amour qu'Il "amorce" en le déposant dans un
petit van à riz sanctifié par la fumée d'encens pendant qu'Il prononce
une invocation adressée aux esprits royaux.
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Le
cas de Claudine souligne à sa manière le problème posé par le statut
d'étrangère accordé le plus souvent à la femme, fiancée, épouse,
compagne, dans la famille ou le lignage allié. Souvent soupçonnée de
vouloir accaparer au profit de sa seule personne, de son couple et pire
de sa propre famille, les biens ou les avantages qu'elle peut retirer
de l'alliance, la femme se trouve ainsi placée au coeur des conflits
familiaux. Le Prince traite également ici une situation qu'Il rencontre
très fréquemment dans les consultations et qui représente la première
des maladies féminines, l'angoisse née de la peur de l'abandon avec des
enfants par un mari volage ou définitivement en rupture et, dans tous
les cas, irresponsable vis à vis de ses obligations familiales. |
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Jeudi
4 juillet 1991 |
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Ernestine,
belle-mère de Jeanne, la fille de Clairette, se présente comme une
femme qui depuis longtemps veut consulter le Prince. Elle est partie de
chez elle sans avertir son mari qu'elle décrit comme un homme coléreux
qui sous l'emprise de l'alcool n'hésite pas à l'apostropher en public.
Le Prince demande à Ernestine des nouvelles de sa fille Jeanne et de
son futur gendre Rily et s'inquiète de ne pas les voir car Il doit
soigner Rily victime d'un ensorcellement. Rily aurait raté ses examens
de gestion pour cette raison. Ernestine, très bavarde, raconte les
mille et une nouvelles de sa maison, tout en parlant de ses difficultés
d'argent, du coût élevé de son voyage, de la grêve des étudiants qui a
commencé à Tamatave. Gérard, son fils cadet qui l'accompagne souhaite
également consulter le Prince parce qu'il voudrait s'engager dans
l'armée mais n'a pu obtenir jusqu'à présent aucune réponse.
Ernestine consulte aussi pour la stérilité
supposée de
Jeanne. Un possédé interrogé dans une autre ville lui a révélé que la
jeune fille est peut-être élue par un esprit qui cherche à l'habiter.
Elle serait prête à accepter que sa bru devienne une possédée si cela
ne l'empêche pas d'avoir des enfants. Le Prince lui affirme qu'il
s'agit là d'une erreur de diagnostic et révèle une promesse faite par
Clairette, la mère de Jeanne. Devant le Prince, incarné par une autre
possédée, Clairette avait demandé que sa fille unique ne puisse avoir
d'enfant qu'à la condition de se marier selon le rite traditionnel.
Ernestine tente alors de convaincre le Prince d'obtenir de Clairette la
levée d'interdit, en raison des difficultés financières rencontrées par
son fils chômeur et de la situation de crise dans laquelle est plongé
le pays. |
Ernestine
-
Peut-on respecter la coutume avec une pièce de cinq francs ? La
coutume, Seigneur, c'est peu de chose, je serais triste si mon fils ne
peut pas épouser une fille originaire d'ici.
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Belle démonstration dans ce cas du pouvoir de Raleva/Clairette agissant
comme un véritable chef de lignage et donc comme maître des alliances
contractées par les membres de la famille puisqu'Il peut en contrôler
l'enjeu principal, la fécondité de la femme. En privant Jeanne, à son
insu, de sa capacité de procréation, Il s'oppose de fait à toute
décision
prise en dehors de lui. Tirant les leçons de nombre d'expériences
féminines comparables, le Prince devient une sorte d'expert, non pas
tant dans les affaires de c½ur, que dans la tentative de résolution des
faits de société qui conjuguent chômage, absence de qualification,
pauvreté, fragilité psychologique et vulnérabilité des femmes. |
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Puis
le Prince s'entretient
avec
Claudine, lui demandant si son mari va mieux et lui confie une tâche à
faire. Ernestine questionne alors le Prince à propos de Claudine. Le
Prince lui apprend qu'elle a été élevée dès l'âge de 6 mois par
Clairette car sa mère rejetait ses enfants. La conversation se porte à
nouveau sur le mari d'Ernestine dont le Prince rappelle le caractère
difficile tout en l'informant qu'un projet de rupture se trame contre
elle : quelqu'un qu'elle connaît bien a fabriqué un talisman pour se
venger d'elle parce qu'elle aurait "saboté" une relation amoureuse
concernant cette personne. |
Vendredi
5
juillet 1991 |
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Il
est midi, Mamabe vend du manioc et des patates douces achetés au marché
avec l'argent du Prince. Clairette souligne ses difficultés pour réunir
chaque jour l'argent nécessaire au ménage. Pour gagner de l'argent,
elle achète des tortues à 750 francs malgaches la pièce pour les
revendre le double de ce prix. Malgré cela Clairette se plaint de ne
pouvoir vivre sans problème d'argent. Des clients arrivent. Clairette
confie l'épicerie à Paul et se retire pour prendre une douche. La table
autel est prête.
Les
consultants ont apporté une bouteille de bière, un paquet de
cigarettes, un demi litre de rhum, des petites sommes d'argent.
Alexandre et Jean préparent les bains de purification qui précèdent
chaque cure. Clairette revêt avec soin le costume du Prince. Il descend. Il
est seul, sans serviteur. Alexandre, frère de Clairette, est le premier
client. Le second est Gérard, le frère de son gendre et la troisième
cliente, sa nièce Noro. |
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Dimanche
7
juillet 1991 |
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Ce
matin, Clairette fait la lessive, aidée par Berthine, l'épouse
d'Alexandre. Mamabé vend des plats cuisinés dans la cour et Paul est de
permanence à la Jirama, société nationale d'électricité où il travaille
comme chauffeur. Après la lessive, elle s'occupe de l'épicerie. Parmi
les clients du jour, Hélène, ancienne possédée et membre de sa
communauté.
Vers 11h,
Le Prince arrive :
Anna, sa
nièce, vient se plaindre d'être toujours accusée quand quelque
chose ne va pas dans la maison.
- Si un objet disparaît, c'est
moi qui l'ai volé, si des cuillères sont abîmées, c'est de ma faute, si
les tortues ne sont plus dans la cuisine, c'est que je les ai emportées
ailleurs ...
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Mamabe,
la mère de Clairette,
entre
ensuite et demande à parler au Prince pour lui soumettre un grave
conflit familial. |
-
Me voilà, Seigneur, ici nous vivons en famille, adultes et enfants et
il me fait peine de voir mon gendre se plaindre de ne pas avoir de
cuillère
pour manger. |
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Suite
à ce préambule, elle lui explique que beaucoup de choses disparaissent
dans la maison, vêtements et ustensiles ménagers. Ma fille Clairette se
demande si Anna n'est pas la coupable mais celle-ci se plaint d'être
toujours la première soupçonnée et dit qu'elle viendra Vous raconter ce
qu'on lui fait subir ici. Le Prince Raleva lui répond que l'accusée est
déjà venue se plaindre. |
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Le Prince
-
Je
sais quant à moi qui a pris les choses, que la personne soit un adulte
ou un enfant, je la vois faire. Sachez qu'un jour, je finirai par
réunir
toute la famille et je dénoncerai alors le véritable coupable.
|
La
mère renchérit et stigmatise l'attitude de sa petite-fille Anna qu'elle
accable de tous les maux. Elle la décrit comme une personne sans
scrupules, auteur de rapines et aussi très paresseuse, juste capable de
soulever le couvercle de la marmite de riz et n'assumant aucune des
tâches domestiques qui lui reviennent. Son reproche le plus grave est
que la jeune fille lui manque de respect. Elle la soupçonne même des
pires vilenies et de la haïr au point de vouloir sa mort. Elle informe
le Prince qu'elle a déjà parlé de tout cela à sa fille Clairette et
qu'elle craint beaucoup les réactions de sa petite fille : |
Mamabe
-
Lorsque je la réprimande, elle se moque de moi et me traite comme une
femme quelconque et non comme sa grand-mère. Je ne sais pas comment le
dire mais elle oublie que c'est moi qui ai mis sa mère au monde.
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Puis Mamabé, la mère de
Clairette soulève un
dernier
problème : |
-
Les gens de la famille me reproche de préférer celle que le Prince
Raleva habite (c'est à dire sa fille Clairette) mais j'affirme que ce
n'est pas vrai. |
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Le Prince
- Mais
qu'est ce qui pousse donc les enfants à avoir une idée pareille !
|
Puis, le Prince lui demande si
elle en a parlé avec son mari (le père de Clairette) et quelle a été sa réaction. Ce dernier aurait dit qu'il ne faut pas y accorder trop d'importance « car de toutes façons on ne sait plus comment
s'y prendre avec les jeunes ». |
Il
est sûr que les gens âgés ont bien du mal à supporter l'insolence et le
manque de respect, attitudes maintenant fréquentes en ville chez les
jeunes. Chacun veut tenter seul sa chance en bénéficiant d'une manière
exclusive des ressources ainsi acquises. Les jeunes ne veulent plus
travailler comme autrefois pour les aînés sans en percevoir les revenus
ou les avantages et ceux qui, vieillissant, ont beaucoup travaillé pour
leurs propres aînés sont souvent désemparés de constater que la machine
est cassée, qu'ils ne pourront plus eux-mêmes ou difficilement obtenir
de leurs cadets ce que leurs aînés avaient pu obtenir d'eux.
Ces
conflits de génération révèlent en fait la maturation chez la jeunesse
urbaine d'une conception de l'individu en contradiction avec celle
héritée des anciennes organisations lignagères. Cette situation est
tellement complexe et explosive que seuls certains possédés sont
capables d'en maîtriser les effets.
On comprend que la mère ne
confond nullement le Prince avec sa fille ; bien au contraire, elle est
absolument persuadée qu'elle s'adresse au Prince et le tient informé en
confidence de ce qu'elle a pu dire à sa fille. Il est clair que
Clairette, de cette manière, contrôle l'ensemble des informations qui
circulent à l'intérieur de la famille. Ce que Clairette saura et ne
pourra dire, le Prince le dira. Ce que le Prince dira et ne pourra
faire, Clairette le fera et vice-versa.
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Mercredi
17
juillet 1991 |
|
Le père de Clairette vient
consulter
le
Prince Raleva à
cause d'une histoire dont il n'a pas pu parler en famille et qui le
rend très soucieux. Il Lui demande de bien vouloir garder cette
consultation très secrète et le serviteur présent est prié de se
retirer de la pièce. Il vient annoncer au Prince qu'il a vendu la
charrette de l'entreprise familiale par les soins de son fils François
car il a besoin de cet argent pour réparer la vieille automobile qu'il
vient d'acheter et qu'il compte donner à ce dernier. |
|
Le Prince
-
Bonjour, Grand-père, quoi de neuf ? Prenez une
chaise
car le sol est bien trop froid.
|
Papabé
-
Je viens vous voir, Seigneur, pour vous entretenir de quelque chose.
J'ai vendu notre charrette.
|
|
|
-
Vraiment? |
-
Oui! Je l'ai vendue de mon propre chef parce que je vais faire réparer
une voiture. Je suis honteux car j'ai engagé une grosse somme dans
cette affaire. |
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|
-
Avez-vous acheté une voiture, Grand-père ? |
-
Oui! Mais je vous dis ceci en toute confi-
dence,
le
petit François dit
qu'il a vendu la charrette à 225.000F. J'en doute, mais je n'ose rien
lui dire car cet enfant a mauvais caractère. |
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-
En effet, c'est vrai , il est même suicidaire. |
-
Il serait capable de se suicider pour un rien. Mais moi, j'aime mes
enfants, ils font partie de moi. Je crois que si sa femme apprenait
cela, je serais très embarrassé car il risquerait de se suicider sur un
coup de tête. Je me suis alors dit que lorsque le Seigneur descendra,
je lui en parlerai, je lui dirai ce que mon fils et moi avons fait.
Alors, vous pourriez me dire - c'est vrai, Grand-père, il a vraiment
reçu 225.000F ou bien vous m'indiqueriez la somme exacte qu'il a
obtenue. Et moi, Seigneur, je garderai le secret au fond de moi, je
n'en parlerai à personne ni même à Clairette. |
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-
Oh! C'est un grand secret! Les biens s'épuisent
facilement mais
la vie ne s'achète pas. |
-
Mes enfants font partie de moi, je suis leur père,
mais
il y a des
gens qui ne m'aiment pas. Je ne le dirai à personne ni même à ma
femme. C'est pour cela que je suis venu vous voir. Si, Seigneur, vous
confirmez qu'il a reçu par exemple 225.000F, je
ne le
dirai à
personne, mais je penserai que mon enfant a été sage. Ou bien vous
pouvez me dire , voilà Grand-père, quelle somme il a effectivement
obtenue.
Aujourd'hui,
ma fille (Clairette) est venue chercher de l'argent mais ma femme lui
a répondu qu'il n'y en avait pas. Alors elle s'est étonnée
disant : et les 115.000F que j'avais donnés pour la nourriture? Ne
reste-t-il plus rien? C'est vrai, je l'avoue que je les fais rouler
pour en tirer des bénéfices. |
|
|
-
Vous continuez à prêter de l'argent avec
intérêt ? |
-
Je fais rouler l'argent, Seigneur, mais comment pourrais-je faire
autrement ? Clairette a l'intention d'acheter une pirogue pour le
transport des tortues mais ce n'est pas encore fait. Elle m'a expliqué
qu'elle n'avait pas encore assez d'argent pour ça et qu'elle attendait
que sa soeur lui en envoie. |
|
Pendant ce temps, le Prince se
livre
à une divination à l'aide d'un jeu de cartes et déclare : |
|
Le Prince
-
Beaucoup de gens se plaignent de vous, Grand- père. Ils sont tristes et
Dieu reçoit leurs doléances. La terre sacrée a enregistré leurs
plaintes. Vous voyez, Grand-père, François a gagné 250.000F tout rond
et vous a donc caché 25.000F et en plus il a reçu en cadeau de la part
de l'acheteur la somme de 15.000F. Ce qui veut dire qu'il a reçu en
tout 40.000F pour lui. C'est sa femme qui utilise cet argent pour
faire du petit commerce. Il y a bien des gens qui se plaignent de vous.
Les ancêtres entendent ces doléances et ils sont bien tristes. Je vous
avoue que les autres frères et soeurs de François se sont réunis,
Clairette, Jean, Alexandre, etc. ont exprimé leur étonnement, François
serait-il un enfant unique? Lui seul est mis au courant des affaires
des
parents. Clairette a dit qu'elle s'étonnait de voir que certains
enfants sont aimés et d'autres écartés. Cependant , a dit
Clairette, ce sont leurs biens et nous devons veiller à recevoir
quelque chose pour pouvoir le laisser ensuite à nos enfants. Jean a dit
que les parents auraient du nous réunir tous les sept pour nous
informer de cette vente. Il vaut mieux être averti de ce genre
d'affaire même si on ne reçoit rien. Quant à Alexandre, il n'a
rien dit puisqu'il ne travaille pas, qu'il n'a pas droit à la
parole parce que la parole appartient à ceux qui travaillent. alors
vous voyez, Grand-père, vos enfants sont tristes non pas parce qu'ils
convoitent vos biens mais parce qu'ils n'ont pas été traités
équitablement.
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Papabé
-
Ceci est vrai Seigneur et même si je suis leur père, je dois
reconnaître
mes torts. Je ne saurai les abandonner, car ils font partie de moi.
|
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|
-
Hé
oui ! |
Dans
ce cas, l'inversion des rôles est complète. Raleva/Clairette tance le
père de Clairette qui a commis une double faute, confier cette vente à
l'un de ses fils sans prévenir ses autres enfants et ainsi aliéner un
bien qu'il ne possède pas en propre mais qui appartient à l'entreprise
familiale.
Le cas particulier
traité ici nous intéresse moins que la remarquable subtilité développée
par le couple Raleva/Clairette pour résoudre cette affaire. La
confidence
d'abord, dont nous avons déjà parlé, qui met le Prince dans le secret
des stratégies du père de Clairette qui exclut sa propre fille
Clairette en recommandant qu'elle n'en soit surtout pas informée.
Enfin, le rôle d'intermédiaire joué par le Prince entre les êtres
humains et le monde surnaturel. Les ancêtres, la "terre sacrée", "Dieu
créateur", entendent les plaintes des humains et c'est le Prince qui
transmet la réponse. On voit ainsi comment le couple Raleva/Clairette
peut entièrement maîtriser une situation.
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Mercredi 31 juillet 1991 |
En
définitive, Claudine vient
d'être
répudiée par son
mari et le Prince lui pose de nombreuses questions sur les intentions
de son nouveau prétendant. |
Mercredi
7 août
1991 |
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Clairette annonce qu'elle part chercher du
bois avec le camion d'un ami qui accepte qu'elle s'acquitte plus tard des frais de
transport. Elle a pris cette décision car il n'y a plus rien à vendre
dans l'épicerie et l'argent manque pour acheter la nourriture. Avant de
partir, Paul au nom de son couple avec Clairette, consulte le Prince
pour l'informer des buts de leur voyage et lui demander conseil ainsi
qu'ils le font chaque fois qu'il est question d'argent puisqu'une
partie revient au Prince.
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Vendredi
9 août
1991 |
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Clairette revient avec du bois
et du
charbon de bois. Epuisée, elle se repose. |
Lundi
12 août 1991 |
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Clairette a déjà vendu une
bonne
partie du
bois et remboursé le prêteur. Il lui reste à rembourser les frais
de transport.
Comme d'habitude, le couple Clairette/Paul a consulté hier soir le
Prince pour lui faire un compte rendu de l'état des dépenses. Paul, au
nom du couple, a donc expliqué en détail la vente du bois et le Prince
lui a conseillé de ne plus faire de crédit ou de don à quiconque, y
compris aux membres de la famille. Plus qu'un conseil, il s'agissait
d'un ordre. Le Prince se fâche quand les parents prennent du bois ou
des marchandises dans l'épicerie sans payer sous prétexte qu'ils n'ont
pas d'argent. Clairette trouve que le Prince a bien raison de réagir
ainsi car Il sait bien ce qui se passe mais dit-elle :
...ma
position vis à vis de ma famille n'est
pas
si facile et j'ai honte de leur refuser un service, de ne pouvoir les
satisfaire.
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Mardi
13 août
1991 |
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Il est midi, Clairette se
repose et
ses
parentes, mère,
fille, s'occupent de l'épicerie et de la vente du café. Clairette
propose à une amie à elle d'être son intermédiaire pour informer le
Prince que Paul a reçu une lettre venant de sa soeur qui lui reproche
de ne plus envoyer d'argent à sa mère pour aider à la construction de
la maison familiale. La faute en retombe sur Clairette dont on dit
qu'elle est une méchante femme qui déteste sa belle-famille. Le Prince
est très étonné par cette lettre et par la querelle qu'elle a provoquée
entre Paul et Clairette. |
Mercredi
28
août 1991 |
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Le
Prince convoque tous les occupants de la maison pour redistribuer les
tâches, redéfinir les règles de conduite notamment pour ce qui concerne
les "souillures" dans son espace sacré. |
Lundi
9 septembre 1991 |
|
Clairette
explique que la veille au soir le Prince s'est fâché très fort car il
avait appris que sa nièce Anna avait dévoilé à la rivale d'une
consultante le contenu du dernier entretien de cette dernière avec le
Prince. Le Prince a fait venir les parents de Clairette ainsi que ceux
d'Anna pour les tenir au courant et a demandé aux parents de celle-ci
de reprendre leur fille.
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Mardi
10 septembre 1991 |
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Aujourd'hui, tout le monde est
très occupé et Clairette reconnaît que depuis le départ d'Anna, les choses à faire ne manquent pas car elle rendait bien service :
... j'en
suis
désolée mais je ne peux rien faire. Au fond le Prince a raison, Anna
n'aurait jamais du dévoiler le secret de cette consultante, c'est
triste et honteux. J'ai vraiment besoin de son aide mais je n'ose pas
aller contre la volonté du Prince.
|
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Mercredi
11
septembre
1991 |
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A
cause de la pénurie de sucre, Clairette est obligée d'acheter le sucre
au détail et la vente du café dont elle ne veut pas augmenter le prix
ne lui rapporte presque plus rien. |
Samedi
14
septembre
1991 |
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Paul, le
mari de
Clairette, vient consulter
le Prince Raleva l'appelant Seigneur, comme n'importe quel consultant. |
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Il vient d'abord l'informer
que sa femme, Clairette, souffre d'un
furoncle sur la jambe à tel point qu'elle n'a pu venir elle-même le
consulter. En son nom, il demande au Prince de lui prescrire un
médicament et ce dernier lui indique alors une pommade à base de cinq
plantes.
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|
Le Prince
-
Comment marche l'épicerie ? Le marchand de bois est-il venu livrer ?
Avez-vous, cette année, l'intention de confier vos terres aux mêmes
métayers
? Avez-vous pu acheter le terrain que vous guigniez ?
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Le
Prince entre alors dans le
vif du
sujet
pour
rappeler qu'il ne supporte pas de le voir se disputer avec sa femme
Clairette au sujet de l'épicerie, de la vente de bois ou de toute autre
activité : |
|
-
C'est déjà assez difficile de gagner sa vie et mieux vaut éviter de le
faire le coeur serré. |
Le
Prince reproche à Clairette de se
mettre trop vite
en colère mais constate que Paul fait souvent tout ce qu'il faut pour
cela. Contrairement à ce qui avait été convenu dans le couple
Paul/Clairette, Paul continue de vendre à crédit à l'épicerie et ne
respecte pas toujours les règles de fonctionnement de leur entreprise
(respect des horaires de travail, assiduité notamment aux heures
d'affluence). Puis le Prince le remet à sa place avec cette
remarque : |
|
-
Ne te prends pas pour un prince à qui on ne peut rien dire ! |
Finalement, Il lui donne un
talisman
qui
permet
d'attirer davantage de monde à l'épicerie et donc de rehausser sa
réputation. Il doit en asperger toutes les marchandises et les trois
vendeurs, lui, sa femme Clairette et Jeanne, la fille de cette
dernière. Le Prince insiste encore une fois auprès de Paul pour qu'il
ne confie à personne d'autre la charge de l'épicerie ou de la vente de
bois.
Avant de clore la consultation, le Prince aborde le sujet
délicat des relations conjugales. Clairette fait souvent à Paul le
reproche d'être infidèle et dépensier et de distraire les revenus
familiaux avec d'autres femmes. Le Prince juge son comportement
inadmissible. S'Il peut comprendre ses passades, Il ne peut tolérer par
contre qu'il gaspille l'argent du couple et le sien qui vient de la
même caisse, en particulier l'argent de l'épicerie. |
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