Une grande famille d’une vingtaine de personnes vit dans une maison en bois et en tôle où s’organise une multiplicité d’activités marchandes (épicerie, vente de bois, préparation et vente de plats cuisinés...). Cette maison est également un cabinet de consultations tenu par Clairette, une femme de 45 ans qui incarne de façon répétée des ancêtres royaux.
Les personnes Le personnage
Clairette

Janus à double face, femme du peuple et Prince de renom, Clairette passe insensiblement d'un rôle à un autre selon les circonstances et pour répondre à tout problème, déclinant au fil des jours une gamme de regards, postures et paroles qui s'inscrivent dans l'ordinaire du quotidien.

Pendant la transe, l'espace de la maison est redécoupé pour faire place au Prince Raleva dont la personnalité bien connue peut alors s'exprimer au mieux. Car c'est Lui, impressionnant, dominateur, menaçant parfois mais toujours poli, attentif, de bon conseil et réputé pour ses dons de guérisseur que l'on vient consulter.

Clairette est possédée par 12 esprits masculins, appartenant à quatre familles royales, décédés à des âges différents et ainsi elle peut devenir à loisir un vieillard, un jeune homme ou un enfant. mais c'est avec son premier esprit et son premier “époux”, le Prince Raleva, “celui qui l'a tuée” alors qu'elle avait vingt ans, provoquant de cette manière une transformation irréversible de sa personne, que les relations sont les plus intenses.

Mamabé
La mère de Clairette, ancienne possédée, se rend utile de mille manières, prépare le café, s'occupe de ses petits-enfants, garde la maison.
 
Papabé
Le père de Clairette, gendarme à la retraite.

Paul
L'époux humain de Clairette, chauffeur de son métier, serviable et jovial mais pris dans un jeu de cache-cache avec une épouse qui, via son esprit, le surveille sans répit s'octroyant le droit d'intervenir chaque fois que quelque chose lui déplaît alors qu'elle ne pourrait le faire en tant qu'épouse.

Alexandre et Jean
Les frères de Clairette, le premier, chômeur et le second, pêcheur et factotum de la maisonnée.

Berthine
La femme d'Alexandre.

Noro, Claudine et Anna
Les nièces de Clairette, élevées par cette dernière et âgées de dix-huit à trente ans.

Jeanne
Une vingtaine d'années, fille unique de Clairette, née d'un premier mariage et considérée comme la fille du Prince Raleva.
Le Prince Raleva

Contrairement à l'un de ses frères aînés, de la même lignée, considéré comme un redoutable conservateur, le Prince apparaît comme un esprit ouvert sur le monde contemporain, réceptif à tous les problèmes nés des changements actuels et capable d'apporter lui-même des réponses originales.

Les interventions du Prince Raleva sont d'autant mieux acceptées qu'Il est accueilli comme un membre de la famille à part entière même s'Il est “par nature” tout à fait différent d'un être humain comme Il se plaît d'ailleurs à le répéter à la moindre occasion. En tant qu'époux de Clairette, Il joue tous les rôles correspondants : Il est le père de la fille de Clairette, le gendre des parents de Clairette, le frère de son mari humain..., et s'Il s'adresse à chacun des membres de la famille avec les expressions habituelles, tous, par contre, doivent s'adresser à Lui avec un même terme de respect, Seigneur. Ainsi Clairette, qui, dans la vie quotidienne, est une épouse, une fille, une soeur, une tante ..., peut aussi incarner grâce au Prince plusieurs rôles masculins et donc personnifier à elle seule l'essentiel des relations possibles à l'intérieur du groupe domestique.

Le Prince Raleva incarne un mari idéal, vaillant, fidèle, toujours amoureux, amant comme au premier jour, exigeant en retour les mêmes qualités et la même disponibilité. Paul, le mari “humain”, arrivé en second, occupe la place du second mari et Clairette vit de la sorte une situation de bigamie qui, selon les besoins, lui permet de monter un mari contre l'autre et, de manière unilatérale, l'esprit contre l'humain, éternellement coupable de frivolité, d'in- constance, d'irresponsabilité. De même, en tant que père, l'esprit se montre soucieux de l'éducation de “son” enfant (la fille de Clairette) et s'intéresse de très près à son avenir. Dans tous ses rôles masculins, Clairette, par l'intermédiaire de Raleva, impose le modèle d'un être humain irréprochable, responsable, économe, avisé, détenteur d'une véritable autorité, capable donc de prendre toutes les décisions nécessaires, jouant de cette manière, dans les familles éclatées des villes, le rôle, souvent manquant de l'aîné, du sage, du chef de lignage, du mari affectueux.


Une pièce de la maison, la plus grande, destinée aux séances de consultation et aux grandes fêtes rituelles sert aussi de salle à manger, de salon et éventuellement de chambre à coucher pour les parents de passage. Le matériel rituel est disposé dans la partie est, orientation de l’orant qui s’adresse aux ancêtres et point de sacralisation de l’espace, selon les règles de la divination qui régissent les êtres comme les événements. Le mobilier se compose d’un grand bureau un peu déglingué qui sert d’autel, d’un fauteuil en cuir rouge réservé au Prince et de plusieurs buffets où sont précieusement rangés, propres et repassés, les costumes des différents esprits et le matériel rituel, assiettes, récipients pour les bénédictions et les bains de purification, plantes médicinales, kaolin pour le maquillage. Enfin, sur un panneau posé sur le mur au dessus de l’autel, sont accrochés une douzaine de chapeaux, les coiffes des esprits de Clairette qui soulignent ainsi son importance et ses qualifications comme la plaque de cuivre d’un médecin particulièrement titré. Un certain nombre d’objets rituels restent en permanence sur le bureau-autel notamment une assiette creuse remplie d’eau où baigne une pièce d’argent de l’époque de Napoléon III et un brûloir à encens, symboles de la relation avec le monde surnaturel qui s’établit dans ce lieu. Mis à part les musiciens, présents au moment des grandes fêtes rituelles, qui se tiennent au nord, tout le public s’installe à même le sol derrière l’autel, à l’ouest. Seul le Prince assis dans son fauteuil trône au-dessus du commun.
La transe est plus ou moins forte, spectaculaire, dramatique selon la nature du “travail” à tel point qu’elle peut apparaître dans certain cas très rapide, neutre, presque invisible quand l’esprit doit répondre “au pied levé” à une question urgente ou impromptue ou bien peut durer des heures et laisser Clairette abattue et épuisée après le départ de l’esprit. Chaque esprit s’installe à sa manière qui doit rappeler les principaux traits de sa personnalité humaine. La préparation à la transe par le maquillage, le grimage, l’enfilage du costume fait penser au comédien dans sa loge et se conclut par un élément dramatique, le rappel symbolique des circonstancesClairette attend le Prince, juste avant de tousser - 10.9 ko de la mort de l’esprit en tant qu’être humain qui constitue le premier signe de son arrivée. Dans l’exemple du Prince Raleva, il s’agit d’une toux de poitrinaire, gutturale car Il serait mort d’une maladie pulmonaire dans les années 1920. Ensuite, Clairette déploie en l’agitant de la tête au pied un voile blanc, symbole de la transition entre les deux mondes introduisant le Prince Raleva. Il finit alors de s’habiller, ferme son ceinturon, met son chapeau et allume une cigarette. Sa sortie de transe s’effectue également sous ce voile, allongée dans les bras de son serviteur, par une procédure inverse, avec la même toux mais atténué qui annonçait l’arrivée du Prince Raleva.