La langue galicienne :
entre moyen de communication et signe d’identité (éléments d’une recherche de terrain)

Résumé

La situation du galicien illustre de manière exemplaire l’étroite corrélation que la langue entretient avec les sphères sociale, politique, identitaire et idéologique. Le processus de normalisation linguistique de cette langue, initié dans les années 80, a en effet suscité de nombreuses polémiques et débats au sein de toute la société. Dans cette atmosphère chargée, d’importants décalages entre le “dire“ et le “faire” des personnes interrogées sont ressortis de ma recherche de terrain sur l’évolution des représentations linguistiques en Galice. L’application de certains outils conceptuels développés par des sociolinguistes, notamment par le Professeur Py de l’Université de Neuchâtel, m’ont permis d’esquisser des explications sur la nature des représentations linguistiques et leur relation avec le comportement de certains habitants de Santiago de Compostela.

Sommaire

Table des matières

Introduction

La fin de la dictature de Franco a donné lieu à une formidable émergence de revendications régionales dans plusieurs zones de l’Espagne. Tel a aussi été le cas de la Galice [1] où les partis nationalistes, qui existaient déjà de manière plus cachée pendant la vie de Franco, ont acquis un impact social important dès la fin des années 70. Dans leur discours et leur programme politique, la langue galicienne a pris une place prééminente et est devenue le véhicule de toute une série de messages de type politique, social et identitaire. Le galicien, qui avait joui pendant le Moyen-Âge d’un grand prestige dans tout le territoire de la péninsule ibérique, avant d’avoir été réprimé sous l’influence croissante du castillan, constituait en effet pour les nationalistes un exemple et un symbole idoines de l’injustice que le “peuple galicien” aurait selon eux subi pendant les derniers siècles.

Leurs revendications ont eu tellement de répercussions parmi les habitants de la Galice que le gouvernement local de la Communauté Autonome a dû céder à cette pression en élaborant une politique linguistique qui vise à rehausser le prestige du galicien, ainsi que son usage dans tous les domaines de la vie publique et privée. Outre les mesures institutionnelles et juridiques introduites, tout un discours sur la langue et l’identité galiciennes a été créé, afin de légitimer et d’expliquer aux citoyens les nouvelles démarches du gouvernement, qui ne s’était jusqu’alors pas spécialement intéressé aux particularités régionales de la Galice. Ce discours provenant du parti de droite qui se trouvait et se trouve toujours au pouvoir, il est évident qu’il diffère considérablement de celui que les partis nationalistes de gauche émettent au sujet du galicien. En effet, chaque groupe utilise le thème de la langue pour souligner ses convictions idéologiques et pour légitimer et justifier son programme politique. Dans ce contexte, le galicien s’est vu attribuer des caractéristiques et des qualités qui dépassent de loin son caractère de langue au sens strict du terme.
La situation décrite ci-dessus met en évidence de manière exemplaire l’étroite corrélation que la langue entretient avec les sphères sociale, politique, identitaire et idéologique. Cette complexité du terrain galicien m’a incité à y mener une petite recherche de tendance interdisciplinaire dans le cadre d’un travail de mémoire en ethnologie.

Dans cet article, je présente d’une part la politique linguistique et les débats qu’elle a suscitée parmi la société galicienne et, d’autre part, je développe quelques aspects de mon étude qualitative, qui a porté sur l’évolution des représentations linguistiques de trois familles galiciennes sous l’influence des discours dominants.

Présentation de la situation linguistique et de ses enjeux

Politique linguistique du gouvernement autonome

La politique linguistique du gouvernement autonome de la Galice s’inscrit dans son programme de promotion culturelle de la région. Ses dirigeants n’ayant aucunes aspirations indépendantistes, ils visent plutôt à valoriser les traits distinctifs de la Galice à l’intérieur de l’Etat espagnol en tant que patrimoine culturel important qu’il s’agit de sauvegarder et de revaloriser parmi la population galicienne, ainsi que de les présenter à un public étranger. La langue galicienne constituant un élément fondamental de cette culture et identité régionales, le but de la politique linguistique est de la promouvoir et de normaliser son usage, afin que les habitants de la Galice s’en servent à nouveau avec aisance et fierté, tant dans des situations formelles qu’informelles.

Sur le plan juridique, la Constitution espagnole de 1978, qui confère aux langues des Communautés Autonomes d’Espagne le statut de coofficialité, ainsi que le Statut d’autonomie de la Galice de 1981 ont créé les bases nécessaires pour l’élaboration de cette politique de promotion linguistique. Ses dirigeants ont par la suite rédigé la “Loi de Normalisation Linguistique [2] qui fixe les démarches initiales du processus de planification linguistique. Celui-ci se décompose normalement en deux phases successives de standardisation puis de normalisation.
Il s’agit, pour commencer, d’établir une norme prescriptive qui définisse la phonologie, le lexique, l’orthographe et la grammaire de la langue, autrement dit, d’élaborer un standard qui détermine l’écriture et qui vise à unifier et à constituer la langue comme telle. Le plus souvent, c’est un corps de linguistes, de philologues et d’historiens qui se chargent de la création de cette langue-étalon, qui constitue donc une construction assez artificielle [3].
Dans le cas de la Galice, le corps d’experts chargé de la création d’une norme pour le galicien se constituait en majorité de philologues hispanistes et d’autres spécialistes qui avaient été éduqués en castillan. Au vu de leurs bonnes connaissances de cette langue et du prestige dont elle jouissait, ils se sont surtout basés sur la grammaire castillane dans leur travail. La norme qu’ils ont élaborée et qui a, par la suite, été déclarée norme officielle du galicien présente donc des analogies avec la grammaire et la phonologie castillane. Elle élimine cependant tous les castillanismes qui se sont introduits dans le galicien suite au contact de ces deux langues. Ce standard ne constitue cependant pas la seule norme en vigueur en Galice et il a suscité des critiques véhémentes de plusieurs groupements politiques (voir ci-dessous).
Toutefois, après avoir achevé le processus de standardisation, les dirigeants de la politique linguistique officielle ont pu passer à la seconde phase qui est celle de la normalisation linguistique. Elle consiste en la réinsertion de la langue dans tous les domaines de la vie publique et privée, tout en rehaussant son prestige parmi la population et en mettant un terme au complexe d’infériorité ressenti par ses locuteurs. Un des moyens est la diffusion et la promotion de la norme élaborée afin de la faire connaître et reconnaître par la population. Pour ce faire, les organismes impliqués dans la promotion linguistique du galicien ont élaboré de nombreuses mesures parmi lesquelles l’instauration de cours de et en galicien dans l’école publique, la création d’une chaîne de radio et de télévision, ainsi que d’un journal quotidien en galicien, l’octroi de subventions pour les entreprises privées qui publient leur publicité et d’autres documents en galicien et l’introduction de différentes lois déterminant l’usage du galicien dans de nombreux secteurs de la vie publique. Toutes ces démarches visent dans un premier temps à familiariser la population avec le standard galicien et, en un second temps, à rendre son usage normal dans toutes les sphères de la vie sociale.
En outre, le gouvernement autonome s’est mis à diffuser un discours assez influent dans les médias dans le but de modifier les représentations des gens en faveur de la politique linguistique et du nouveau standard. Les dirigeants de la promotion du galicien se sont en effet rendu compte que leurs efforts pour augmenter la pratique de cette langue dans la société par des mesures coercitives ou incitatives n’auraient pas de succès aussi longtemps que les attitudes et opinions de la population ne seraient pas favorables à ce changement. Ils ont de ce fait élaboré tout un discours sur la valeur de la langue galicienne et le prestige du standard officiel. En diffusant toutes les nouvelles et informations concernant les organismes et institutions du gouvernement en galicien standard et en soulignant que celui-ci jouissait d’une autorité consolidée parmi l’élite intellectuelle galicienne, ils espéraient que la population reconnaisse cette nouvelle langue standard et aspire également à l’apprendre et à l’enseigner à ses enfants.
Un effet pervers de cette normalisation et en même temps un signe que le standard a été accepté comme langue d’autorité par la population est que des personnes qui utilisaient le galicien depuis toute leur vie ont commencé à considérer qu’elles ne parlaient pas bien leur langue puisqu’elles ne maîtrisaient pas sa variété standard. En effet, la standardisation du galicien a provoqué une hiérarchisation des différents accents et dialectes du galicien qui étaient auparavant uniquement divisés selon les différences géographiques puisque la seule langue de prestige était le castillan.
Il importe toutefois de préciser que la hausse de considération du galicien ne s’est pas faite aux dépens du castillan. Les promoteurs de la politique linguistique provenant pour une grande partie de l’élite hispanophone traditionnelle, ils n’avaient aucun intérêt de minimiser le prestige de leur langue maternelle. Leur objectif était au contraire que le galicien, en tant que langue co-officielle de la Galice, coexiste avec le castillan, de manière que les deux aient la même valeur et soient utilisés sans aucune distinction fonctionnelle. Ils ont ainsi élaboré et diffusé le concept de “bilinguisme harmonique” qui prône la présence de deux langues dans la Communauté Autonome, sans aucun conflit ni diglossie. M. Regueiro-Tenreiro, un des concepteurs et défenseurs de cette idée a expliqué :

« Nous définissons ce bilinguisme harmonique comme un encouragement à l’usage social des deux langues présentes dans la communauté (galicien-castillan) afin que la compétence dans ces deux langues et leur liberté d’usage soient un objectif général de la communauté » [4].

Avec ce modèle d’une société complètement bilingue, les dirigeants de la politique linguistique du pouvoir local avaient de grandes chances d’obtenir l’approbation du gouvernement espagnol, de l’élite hispanophone traditionnelle de la Galice, ainsi que d’une grande partie de la population galicienne qui a toujours vécu en présence des deux langues. Pourtant, leur politique, ainsi que le discours diffusé au sujet de la langue ont suscité des protestations et des critiques parmi certains groupes de la population.

Critique et opposition : Le “Bloque Nacionalista Galego”

Le “Bloque Nacionalista Galego” [5] (BNG) a formulé les attaques les plus virulentes contre la politique linguistique du gouvernement autonome. Il s’agit d’une coalition de différents partis et groupements nationalistes de gauche, qui se sont unis au début des années 80 afin d’acquérir plus de force face au Parti Populaire dominant [6]. Le discours commun qu’ils ont formulé et diffusé concerne surtout la revendication de devenir une nation indépendante (ou en tout cas une région autodéterminée) et vise les masses populaires qui seraient écartées du pouvoir de décision concernant ses propres ressources. Il met l’accent sur l’identité et les traits culturels spécifiques de la Galice, car il s’agit de montrer à la population qu’elle fait partie d’un ensemble territorial différent de celui de l’Etat espagnol. C’est pourquoi la coalition nationaliste procède à une véritable construction (à leurs yeux une reconstruction) identitaire de ce qui constitue l’essence galicienne. Ce « processus d’invention culturelle » [7] touche surtout l’histoire et les coutumes galiciennes. En effet, les historiens nationalistes remontent le plus possible dans le temps afin de retracer la création de la Galice en tant que territoire délimité et d’enraciner le sentiment identitaire national dans le passé. Ils convertissent, pour ce faire, des notions modernes, par exemple celle de nation, d’identité linguistique et de culture, en des principes universels qui auraient toujours existé dans la conception des êtres humains. En outre, ils mettent en évidence et exagèrent même certaines périodes de l’histoire de la Galice, pendant lesquelles cette région aurait vécu des répressions marquées et des sanctions injustes. Selon B. Giblin, ce « sentiment, vrai ou faux, d’avoir été méprisé ou injustement traité à un moment ou à un autre par le pouvoir central » constitue en effet le dénominateur commun de tous les nationalismes régionaux en Europe. Outre le fait d’aviver le mécontentement de la population, les récits sur ces époques de domination permettent d’expliquer aux personnes réticentes les raisons pour lesquelles leur sentiment identitaire régional ne serait plus si marqué.
En ce qui concerne les coutumes et la culture, le discours nationaliste souligne toutes les traditions et usages typiques du Nord-Ouest de la Péninsule Ibérique qui ne se pratiquent pas dans le reste de l’Espagne. Il s’agit de composer le patrimoine culturel propre à la Galice en réunissant des danses, des rites, des plats culinaires, des chansons et des héros nationaux. Les nationalistes soulignent et exaltent surtout les traits culturels d’origine celte, avec le but de se rapprocher d’autres régions comme la Bretagne ou l’Irlande du Nord. Il convient cependant de préciser que les Celtes ne se sont pas seulement établis en Galice, mais aussi dans certaines régions de Guadalajara, de Teruel et de Zaragoza, et qu’ils sont loin d’être le seul peuple qui ait occupé le territoire de la Galice actuelle au cours de l’histoire.
En outre, les nationalistes insistent sur les liens culturels et économiques que leur région a toujours entretenu avec le Portugal, ce qui leur permet une fois de plus de se distancier de l’Etat espagnol. A ce sujet, ils mettent surtout l’accent sur le Moyen-Age, époque pendant laquelle le galicien formait une seule langue avec le portugais (le “galego-portugués”).
La langue détient en effet une place capitale et remplit une fonction essentielle dans tout le discours des nationalistes. En tant que signe distinctif très visible, le galicien est devenu le symbole par excellence de la culture et de l’identité régionales. Il constitue pour les nationalistes l’essence et la forme de transmission exclusive de la propre culture, de telle manière qu’ils vont jusqu’à identifier les notions de langue et de nation. En effet, V. Risco, le principal théoricien du nationalisme galicien, a dit : « A fala galega é Galicia » [8]. Cette équation, qui est un concept répandu dans beaucoup de pays depuis le romantisme allemand, constitue cependant plutôt une construction idéologique qui sert à souligner et justifier d’autres fondements politiques et qui a, notamment, été exploitée par les mouvements nationalistes du XIXe et du XXe siècle dans toute l’Europe.
Ainsi en Galice le thème de la langue a été intimement lié avec le reste du programme politique des différents partis, de manière que le galicien est devenu un instrument pour transmettre et défendre toutes sortes d’opinions et de revendications. Les nationalistes considèrent en effet qu’il est impossible de s’engager pour le thème de la langue sans également défendre des problèmes d’ordre social et politique. Etant donné que l’histoire de la langue galicienne est, à leurs yeux, étroitement liée avec celle des masses populaires, qui étaient pendant une époque les seuls à utiliser encore le galicien, il serait pour eux impossible de les traiter séparément, ainsi que de dissocier ces deux thèmes de la revendication pour plus d’indépendance et d’autodétermination. Dans leur discours, ils insinuent que chaque personne qui parle le galicien devrait automatiquement ressentir un sentiment d’appartenance à une nation distincte. Le fait de ne pas parler le galicien représente pour eux la négation de sa propre identité et de ses origines. Cette affirmation crée une pression, tant sur les habitants galegophones de la Galice, incités à joindre naturellement leur voix au discours indépendantiste, que sur les personnes plutôt hispanophones, qui se trouvent confrontées à l’accusation de nier leurs propres origines ou de ne pas véritablement faire partie de la population galicienne.
Les nationalistes insistent donc sur le fait qu’à une nation (que ce soit un Etat-nation ou une nation-région [9]) correspond une seule langue, qui constitue un signe distinctif important de cet ensemble territorial [10]. Ils revendiquent l’usage exclusif, ou du moins majoritaire, du galicien dans toute la Communauté Autonome et rejettent catégoriquement le concept de “bilinguisme harmonique” proposé par le gouvernement local. Pour eux, la promotion du galicien ne peut se faire qu’aux dépens du castillan et un bilinguisme sans conflit constitue une impossibilité pragmatique. Les adhérents du BNG accusent le parti politique au pouvoir de vouloir masquer l’inégalité linguistique existante et d’avoir créé un discours qui leur permettrait de continuer à parler le castillan puisque, dans le modèle bilingue élaboré, chacun peut choisir librement la langue qu’il veut utiliser, sans encourir de sanctions. Ils reprochent en outre au gouvernement local d’avoir élaboré une politique linguistique de facto, hautement institutionnalisée et politisée, qui manquerait d’efficacité sur le plan pragmatique. Le BNG, qui s’oppose idéologiquement au Parti Populaire et qui aspire à un changement des rapports de forces, prétend que ce dernier n’a jamais vraiment été intéressé à mener des changements profonds dans la société et qu’il a uniquement mis en place une série de mesures en faveur de la langue galicienne afin de garder des électeurs et d’étouffer les revendications linguistiques grandissantes. Etant donné que les dirigeants du Parti Populaire proviennent en grande partie de la bourgeoisie hispanophone et qu’ils séparent le thème de la langue d’autres problèmes de type social, il paraît invraisemblable aux nationalistes qu’ils souhaitent véritablement s’engager pour le galicien, qui est, à leurs yeux, si étroitement lié au sort des couches de la population moins favorisées.
Dans le même sens, les militants nationalistes critiquent la norme officielle du galicien qui a été élaborée par le gouvernement autonome. Elle présenterait beaucoup trop de traits en commun avec le castillan et perpétuerait la subordination du galicien par rapport à cette langue. Etant donné que les nationalistes conçoivent l’influence du castillan sur le galicien comme une évolution historique anormale et qu’ils aspirent à une majeure séparation politique entre l’Espagne et la Galice, ils ont élaboré d’autres règles normatives pour le galicien. Pour ce faire, ils sont remontés jusqu’au Moyen-Âge époque pendant laquelle le galicien ne subissait pas encore l’influence du castillan. Les adeptes de cette norme, qui sont nommés “lusistas” ou “reintegracionistas”, plaident de ce fait pour une (ré-)intégration complète du galicien dans la norme écrite du portugais, sans trop tenir compte de la pratique actuelle du galicien (qui présente beaucoup d’interférences avec le castillan). A leur avis, le galicien constitue un dialecte du portugais et ils proposent donc d’accepter la norme officielle de cette langue. De cette manière, les galegophones réaliseraient qu’ils parlent une langue d’importance mondiale, ce qui les libérerait de leur complexe d’infériorité linguistique et qui assurerait la sauvegarde du galicien. Une des conséquences de cette mesure serait en effet le gain d’un potentiel de 200 millions de lecteurs dans différents continents, ce qui augmenterait de manière considérable l’importance et le marché du galicien. Un autre argument des “lusistas“ pour leur proposition est que l’adoption d’une norme déjà existante rendrait superflue toutes les discussions et efforts pour la création d’une langue standard. Dans leur aspiration de se distancier de l’Etat espagnol, les nationalistes préfèrent donc que le galicien soit annexé par le portugais pour empêcher qu’il ne se rapproche encore plus du castillan.
Il faut cependant encore distinguer entre les “maximalistas” et les “minimalistas” à l’intérieur de cette tendance. Alors que les premiers s’engagent pour une adoption intégrale du code écrit portugais, les seconds intègrent dans leur norme quelques particularités du galicien, qui constituerait une langue indépendante de toute autre. Ils considèrent que cela permettrait aux personnes galegophones de mieux s’identifier avec le galicien normatif.

Depuis l’introduction de la politique linguistique en Galice et le début de la phase de standardisation, les débats concernant la norme du galicien sont très présents dans la société galicienne, dans les médias, ainsi que dans les cercles politiques. Bien que le gouvernement ait déclaré en 1983 ses propres règles comme la seule norme valide et le débat comme terminé, les protestations et critiques des contestataires se poursuivent jusqu’à aujourd’hui. Cette persévérance laisse supposer que des enjeux très importants sont impliqués dans cette “guerre de la norme”. En effet, les discussions sur la langue en Galice se sont convertis en une plate-forme où des questions d’ordre politique, social et idéologique sont également traitées. Les nationalistes intègrent de ce fait le débat sur la politique linguistique dans leur lutte pour s’approprier le discours dominant dans la société et pour transformer les rapports de pouvoir. Dans ce contexte, la langue en tant que moyen de communication n’est pas uniquement devenue un symbole du peuple galicien, mais aussi un moyen de manifester ses propres convictions politiques. Actuellement chaque personne opte en effet pour la norme linguistique qu’elle préfère pour écrire et même parler le galicien. En particulier, celles qui ont un engagement politique effectuent ce choix en fonction de leur adhésion idéologique et du discours que chaque norme implique. En utilisant une phonétique et un vocabulaire correspondant à un code précis, elles peuvent implicitement donner des informations à leurs auditeurs sur leurs convictions ou leur engagement politiques et faire allusion à un certain discours. Comme le dit C. Álvarez-Cáccamo :

« L’idéologie s’infiltre, pénètre et envahit tout le comportement verbal, elle se manifeste dans la conversation la plus immédiate : le fait de parler ne peut plus être politiquement neutre ; parler c’est prendre parti ; c’est un acte de positionnement idéologique, politique, culturel » [11].

Il s’agit néanmoins de préciser que seule une petite partie de la population participe vraiment activement à cette polémique des différentes normatives. Les personnes qui sont moins engagées en politique utilisent en général le galicien dialectal pour les conversations orales et la normative officielle pour la rédaction de textes, puisque cette dernière est la plus diffusée à l’école. Il importe de plus de ne pas oublier que le castillan continue à être très présent dans la société galicienne et que les locuteurs doivent d’abord se décider pour une des deux langues, avant de déterminer quelle norme du galicien ils veulent utiliser.
Un autre aspect intéressant de cette “guerre pour la norme”, comme les Galiciens ont tendance à appeler ce débat, est que même les différentes universités de la région y sont impliquées. Chacune a une autre position et fournit des explications scientifiques pour défendre un courant plutôt que l’autre. De ce fait, toutes les œuvres publiées à ce sujet par l’Université de Santiago de Compostela s’expriment en faveur de la politique du gouvernement, alors que le département de sociolinguistique de A Coruña, en tant qu’institution plus jeune et moins traditionnelle, soutient le courant des “lusistas”. Les chercheurs engagés depuis quelques années par l’Université de Vigo ont quant à eux une préférence pour la voie des “minimalistas”.
L’Université de Santiago de Compostela, qui a dès le début été engagée dans le projet de promotion linguistique du gouvernement, a dans un premier temps effectué de vastes enquêtes linguistiques, afin de connaître la langue vivante et de pouvoir élaborer un standard correspondant. Après quoi, elle a été chargée de surveiller la phase de normalisation en procédant à des travaux de type sociolinguistique qui analysent d’éventuelles évolutions des attitudes et du comportement linguistique parmi la société. La plupart de ces études se prononcent très positivement sur le développement de la situation linguistique et louent les progrès considérables qui ont été faits sur le plan de la pratique du galicien et des représentations par rapport à cette langue. Selon leurs auteurs, la société galicienne est en train de se transformer en une communauté complètement bilingue dans laquelle les deux langues jouissent d’un prestige et d’une utilisation égales. C’est probablement suite à ces échos positifs qu’une sensible diminution des efforts du gouvernement pour la normalisation linguistique a pu être observée vers la fin des années 90.
Cependant, d’autres études, en particulier le “Mapa Sociolingüístico de Galicia”, arrivent à des résultats quelque peu divergents. Elles mettent en évidence que l’usage du galicien est toujours en forte diminution et que le danger d’une substitution linguistique du galicien par la langue dominante persiste. Ces travaux ont beaucoup contrarié les défenseurs du galicien et ont à nouveau intensifié le débat entre contestataires et adeptes de la politique linguistique officielle.
Le point le plus discuté a été le fait que le “Mapa Sociolingüístico de Galicia” [12] relève que les jeunes ont le taux d’usage de galicien le plus faible, alors que leurs attitudes par rapport au galicien et à la politique de promotion linguistique sont parmi les plus positives. Il y a donc une importante contradiction entre le discours des jeunes interrogés et leur comportement effectif. Le décalage entre le “dire” et le “faire” constituant un des terrains de recherche et de réflexion important de l’ethnologie, je présenterai, dans la seconde partie de cet article, deux outils conceptuels utilisés pour mon enquête qui m’ont aidé à mieux le comprendre.

Enquête et concepts

Etant donné que Santiago de Compostela constitue le centre des débats politiques concernant la langue galicienne, j’ai choisi cette ville pour mon travail de terrain effectué vers la fin de l’année 2000. L’objet principal de cette étude portait sur les représentations qui étaient attribuées aux différentes langues présentes en Galice et sur l’influence des discours politiques dominants sur les déclarations, ainsi que le comportement linguistique des personnes interrogées. Pour ce faire, je me suis principalement basée sur seize entretiens semi-directifs menés avec différents membres de trois familles galiciennes. Ce choix des interlocuteurs m’a permis de connaître les points de vues et perspectives sur la réalité linguistique de personnes de plusieurs générations et vivant dans des contextes linguistiques et socio-économiques différents. En effet, une des familles utilise, pour des raisons politiques et idéologiques, exclusivement le galicien dans sa vie quotidienne (famille A), les membres de la seconde famille utilisent le galicien ou le castillan, suivant la situation et leurs interlocuteurs (famille B), et la troisième famille vit dans un entourage essentiellement castillanophone (famille C).
Les entretiens ont porté, dans un premier temps, sur la pratique linguistique de la personne interviewée dans la vie privée et publique, sur son évolution et sur la valeur attribuée à chaque langue présente en Galice. Dans un second temps, les membres des familles se sont exprimés sur la politique linguistique et les différents débats qui se sont créés à son sujet [13].
Pour l’évaluation des entretiens, qui s’est faite selon le principe de l’analyse de contenu, je me suis principalement servie de deux outils de travail empruntés à la sociolinguistique.

Différentes dimensions des représentations linguistiques

Il s’est agi, dans un premier temps, d’appréhender les différentes représentations linguistiques que les interlocuteurs ont révélées lors des entretiens et d’examiner en quelle mesure elles déterminent leur comportement. Pour ce faire, j’ai repris la grille de lecture que J.E. Hofman a utilisée dans son étude sur les attitudes linguistiques en Rhodésie. Il a procédé à une classification des attitudes d’après deux critères, de sorte qu’il a obtenu quatre catégories différentes [14] :

Pour mon étude, j’ai repris tels quels les concepts proposés par J.E. Hofman et je les ai appliqués à l’analyse de toutes les représentations contenues dans le discours de mes interlocuteurs, sans me limiter aux attitudes.
L’orientation sentimentale constitue ainsi la dimension de la représentation qui se rapporte à la préférence personnelle pour une certaine langue, c’est-à-dire aux émotions et à la satisfaction procurées par son usage. La langue maternelle et les dialectes régionaux sont souvent objets de telles représentations.
Quand les représentations linguistiques renvoient à des aspects culturels, historiques, identitaires et symboliques de la langue, il s’agit de la dimension de valeur.
L’orientation instrumentale concerne le choix d’utiliser une certaine langue selon des critères de bénéfice personnel et d’utilité pratique. Par exemple, si une personne apprend une langue avec le but de trouver plus facilement un emploi, elle aura été motivée par les avantages instrumentaux qu’elle attribue à la connaissance de la langue en question.
S’il est considéré comme étant plus avantageux, pratique et prestigieux de parler une certaine langue dans le domaine public, il s’agit de la dimension des représentations qui concerne la communication. Les représentations attribuées aux langues standard sont souvent de ce type.
Cette classification comprend naturellement aussi les représentations contraires ou négatives, qui apparaissent quand aucune valeur sentimentale, culturelle, instrumentale ou communicative n’est attribuée à une certaine langue ou variété, ce qui provoque souvent leur rejet ou des complexes d’infériorité des locuteurs.

En appliquant la grille de lecture de J.E. Hofman au corpus des entretiens menés en Galice, il a été possible de mettre en évidence une grande palette de représentations divergentes que les interlocuteurs attribuaient aux différentes langues, selon leur contexte familial, leur âge et leur vécu personnel. Dans cet article, je vais me limiter à présenter les résultats les plus importants, afin de montrer dans quelle mesure la séparation en différents types de représentations m’a permis de mieux comprendre la situation sociolinguistique en Galice. En ce qui concerne le galicien, dont la récente division en différents registres socio-économiques a créée de nouvelles représentations linguistiques, je distingue le galicien dialectal du galicien standard. Le galicien dialectal englobe les différentes variétés linguistiques utilisées traditionnellement à la campagne et attribuées à des locuteurs provenant de différentes régions de la Galice (les régiolectes). Sous le terme de galicien standard, il s’agit de comprendre le code élaboré pour l’usage écrit qui est également appliqué à la langue parlée avec, selon chaque personne, plus ou moins de rigueur. En effet, certains linguistes, intellectuels, représentants du gouvernement local et fonctionnaires du domaine public utilisent un galicien qui est très fidèle au standard, alors que d’autres habitants des villes qui ont également appris la norme du galicien infiltrent certaines caractéristiques du galicien dialectal dans leur langue afin de la rendre plus familière et quotidienne. Il existe ainsi une séparation en différents sociolectes qui passe d’un galicien très standardisé jusqu’aux variantes qui se rapprochent beaucoup des dialectes régionaux traditionnels. Quant au castillan, je ne vais pas tenir compte des différentes variétés ou registres existants puisque leur analyse ne contribuerait pas à une meilleure compréhension de l’évolution de la situation linguistique des dernières années à Santiago de Compostela. En outre, les habitants de la Galice utilisent tous une variante régionale du castillan semblable qui présente des interférences avec le galicien, notamment en ce qui concerne la prononciation et certaines constructions morphosyntaxiques.

En revenant aux différentes dimensions des représentations, il ressort de mon étude que le galicien dialectal engendre surtout des représentations de type sentimental. En particulier les interlocuteurs plus âgés qui ont grandi et vécu à la campagne éprouvent beaucoup d’affection et d’attachement pour cette variante linguistique. Pour la plupart d’entre eux, le galicien constitue la langue initiale qu’ils ont appris dans leur village et la langue habituelle qu’ils utilisent avec leur famille et leurs amis. C’est dans cette langue que toute leur vie sentimentale, affective et personnelle se déroule, ce qui les amène à s’y référer en des termes très sentimentaux. En effet, en parlant du galicien dialectal, ils ont souvent utilisé des formules telles que celui de chez nous, le nôtre, ou celui du foyer. Cependant, les interlocuteurs galegophones plus jeunes et même les personnes qui ne parlent pas cette variante lui ont également attribué des représentations de type sentimental. Pour eux, le galicien dialectal constitue la langue qu’ils utilisent avec les grand-parents ou pendant leurs vacances dans leur village d’origine. Et les membres de la famille castillanophone que j’ai interrogés l’aiment bien parce qu’il évoque la vie traditionnelle, authentique et sereine de la campagne galicienne.
Bien qu’ils ne parlent pas cette langue, elle a pour eux aussi une valeur identitaire importante. Il la conçoivent comme un élément important de leur culture, ainsi que de l’histoire et des traditions de leur région. Un des membres de la famille C a dit à ce sujet :

« le galicien est la langue de ma région et probablement la langue de mes ancêtres.mes arrière-grands-pères...ce sont mes origines.mes racines..je conçois le galicien comme quelque-chose qui m’appartient mais que j’utilise ou je n’utilise pas sans que personne ne m’oblige à l’utiliser » [15]

Cet extrait montre que l’interlocuteur confère une valeur symbolique importante au galicien dialectal, mais qu’il opte tout de même pour le castillan en ce qui concerne la langue de communication.
Bien que les interlocuteurs galegophones avouent que le galicien dialectal n’a pas beaucoup d’utilité en dehors du territoire galicien, il a pour eux une valeur identitaire et une fonction communicative importantes. Ils utilisent en effet cette langue quotidiennement, que ce soit à la campagne ou en ville avec leur famille et leurs amis. Chacun s’identifie en outre avec le dialecte local qu’il a appris dans son village et il est fier de reconnaître les spécificités linguistiques des autres régions. Le galicien dialectal les ramène à leur enfance, leurs origines et ils le lient intimement avec la vie à la campagne, les fêtes traditionnelles, les coutumes culinaires, et les rituels typiques de leur région.
Cette valeur identitaire de la langue galicienne a fortement été exaltée par les mouvements nationalistes. Les militants nationalistes que j’ai interviewés accordent en effet une place primordiale à la langue galicienne dans la construction de leur identité. Ils ont, par exemple, affirmé :

« c’est NOTRE langue/.c’est NOTRE pays/. c’est NOTRE culture/.c’est :..ce n’est pas une langue importée/ »

ou :

« C’est (le galicien) la langue d’ici.la culture d’ici..je pense que pour les parents c’est beaucoup mieux de parler le galicien que le castillan parce qu’il appartient à ta culture. »

Le galicien constitue pour eux un symbole important de leur culture et de leurs revendications politiques pour plus d’autonomie. Ils ont de ce fait décidé de ne plus parler que le galicien, afin de pouvoir manifester leur sentiment d’appartenance à la culture galicienne, mais aussi de transmettre un message politique précis à leurs interlocuteurs.
Il résulte de ces considérations que le galicien dialectal génère surtout des représentations qui se réfèrent à des caractéristiques intrinsèques de la langue, c’est-à-dire à l’orientation sentimentale et à l’orientation de valeur. En effet, son utilité communicative est considérée comme étant bien inférieure à celle du castillan et les personnes interrogées n’attribuent pratiquement pas d’avantages instrumentaux à cette variété. Toutefois, certaines d’entre elles ont attesté que le galicien dialectal a quelque peu profité du prestige que la variante standard est en train d’acquérir et que son usage est actuellement moins rejeté par la population castillanophone.

Le galicien standard est surtout apprécié sur le plan instrumental et communicatif, cependant presque tous les interlocuteurs se sont exprimés négativement sur ses connotations sentimentales. En particulier les personnes qui parlent un dialecte régional du galicien, jugent la variante standard comme étant impersonnelle, artificielle et dépourvue de tout repère identitaire. Comme le standard officiel possède, d’une part, une prononciation très castillane, et qu’il propose, d’autre part, beaucoup de néologismes pour remplacer les interférences lexicales du castillan, auxquelles les galegophones étaient habitués, ceux-ci ne peuvent pas s’identifier avec ce nouveau code et ils ont souvent même de la peine à le comprendre. Le père de la famille B m’a affirmé à ce sujet :

« moi/..le galicien galicien (le standard), je ne comprends absolument rien/.. je suis habituée à l’autre (le dialecte) »

et la mère de la famille A :

« il y a des expressions dans la normative officielle que je n’ai jamais entendues..et moi.j’ai parlé le galicien toute ma vie/..mais je ne les ai pas entendues/. pour moi ce sont des expressions inventées....alors :...il s’agit du type d’expressions qui s’utilisent même beaucoup à la télévision..c’est-à-dire...par exemple pour “ careteira ” [16], ils disent “ estrada ” [17]. .en galicien. en tout cas dans la zone d’où vient ma famille. on n’a jamais dit “ estrada ”/..on a toujours dit “careteir ”/ »

Etant donné que le galicien très standardisé a été créé et est essentiellement utilisé par un petit groupe d’intellectuels et de politiciens, mes interlocuteurs, ainsi que la société galicienne en général, désapprouvent en plus son caractère élitiste. C’est une des raisons pour lesquelles les personnes qui ont appris le galicien standard le mélangent en général avec des expressions ou une prononciation dialectales. En éliminant les traits très frappants du galicien standard et en les remplaçant par des éléments dialectaux, ils obtiennent une langue qui est considérée comme étant plus neutre. J’ai observé une tendance, notamment parmi les jeunes interlocuteurs qui ont une notion des deux variantes, à adapter le langage à la situation ou l’interlocuteur. Dans leur village d’origine, ils reprennent l’accent et le lexique typique de cette région, alors qu’en ville, dans des situations plus formelles, ils rapprochent à nouveau leur langue au code standard appris à l’école. Selon la nécessité, leur intention et leurs connaissances, ils peuvent donc rendre leur langue plus familière et amicale (solidarité) ou au contraire mettre en évidence leur formation scolaire et leur origine urbaine (statut [18]).
Bien que le galicien standard soit donc rejeté sur le plan sentimental, les entretiens que j’ai menés ont révélé qu’il a une certaine valeur symbolique en tant que représentant de la langue galicienne dans son ensemble et signe des efforts pour sa revalorisation. La plupart de mes interlocuteurs ont considéré qu’il était nécessaire d’élaborer un code écrit pour le galicien, afin de pouvoir l’enseigner, de promouvoir son usage et de hausser sa valeur en tant que langue de communication totalement fonctionnelle. Dans ce sens, le galicien standard est conçu comme symbole de toute la société galegophone, de ses institutions culturelles, politiques et sociales, et il rassemble les locuteurs des différentes variétés dialectales sous son autorité.
En ce qui concerne l’orientation instrumentale du galicien standard, certains interlocuteurs ont observé qu’il est maintenant utile ou nécessaire de savoir le parler ou l’écrire afin d’obtenir certains emplois dans le domaine public. Les personnes qui travaillent, par exemple dans l’administration, à la radio ou à la télévision galiciennes, doivent en effet passer un examen d’entrée de galicien. En outre, dans un petit cercle d’intellectuels et de politiciens il serait actuellement plus élégant, plus prestigieux et plus progressiste de parler le galicien standard. Toutefois, ces considérations ne concernent pas directement les personnes que j’ai interviewées puisqu’aucune d’elles ne s’est jamais trouvée dans une situation qui l’aurait motivée à ne plus parler que le galicien standard. Les parents très militants et nationalistes de la famille A qui se donnent la peine de parler dans la normative de “mínimas” afin de manifester leur position idéologique nationaliste, mais quelque peu modérée constituent l’unique exception. Pour le reste, les personnes plus âgées que j’ai interrogées ne voient aucune utilité au standard comme langue de communication dans leur entourage, dans lequel dominent le dialecte ou le castillan. Les plus jeunes ont tous appris les bases grammaticales et orthographiques de la norme officielle à l’école et peuvent utiliser ces connaissances en cas de besoin. Comme langue de communication ils préfèrent cependant, selon leur connaissances, ce mélange entre le standard et le dialecte mentionné ci-dessus [19], mais aussi très fréquemment le castillan.

Le castillan détient ainsi un rôle primordial en tant que langue de communication. Tous mes interlocuteurs, sans exception, ont suivi l’école entièrement ou en grande partie dans cette langue. Pour les personnes qui ont été scolarisées pendant le régime de Franco, le castillan constitue la seule langue qu’elles savent lire et écrire. Elles se sentent beaucoup plus à l’aise dans cette langue qu’en galicien standard. En ce qui concerne son usage oral, mes interlocuteurs ont relevé son importance comme langue de communication, non seulement dans la plupart des domaines de la vie sociale en Galice, mais aussi en Espagne et en Amérique Latine. Le castillan constitue pour eux un accès important aux moyens de communication et aux sources d’informations provenant de l’extérieur de la Galice. Cependant, dans le territoire de la Communauté Autonome, le castillan constitue également une langue de communication fondamentale, notamment en ville ou dans des entourages plus aisés et formels. Alors que le galicien est utilisé dans les milieux ruraux et populaires, ainsi que de plus en plus pour certaines situations formelles et parmi quelques personnes cultivées en ville, le castillan est la langue habituelle pour beaucoup de jeunes habitants urbains et pour des familles provenant de la bourgeoisie traditionnelle. Dans ces conditions, il convient aux habitants de la Galice d’avoir des connaissances des deux langues existantes. En effet, la plupart de mes interlocuteurs ont souligné qu’ils étaient parfaitement bilingues et qu’ils pouvaient changer d’une langue à l’autre sans aucun effort. Etant donné que non seulement le castillan mais aussi le galicien ont toujours été présents dans leur vie et que chacune de ces langues remplit une fonction précise, la plupart de mes interlocuteurs rejette le modèle monolingue proposé par les partis nationalistes en manifestant une nette préférence pour la conception bilingue du gouvernement. Même les enfants de la famille A, qui se disent de tendance politique nationaliste, ne pourraient pas s’imaginer que le castillan disparaisse de leur vie. Ceci se doit également au fait que le castillan a une valeur instrumentale nettement supérieure à celle du galicien. Il est de ce fait indispensable d’avoir de bonnes connaissances écrites et orales de cette langue pour trouver un emploi dans le milieu urbain. En outre, le castillan jouit toujours d’un prestige important dans beaucoup de domaines de la société galicienne, notamment parmi la classe traditionnelle et cultivée qui n’est pas devenue galeguiste.

En ce qui concerne la valeur attribuée au castillan, cette langue est appréciée par la plupart de mes interlocuteurs en tant que langue nationale, qui a une histoire et une littérature riches et importantes. En particulier les membres de la famille C sont fiers de parler une langue qui a une si grande influence sur le plan international. En revanche, les membres nationalistes convaincus de la famille A ne partagent pas du tout cette considération pour la valeur symbolique et identitaire du castillan. Au contraire, cette langue a pour eux uniquement des connotations négatives et elle est devenue un symbole de toutes les valeurs et phénomènes qu’ils veulent combattre dans leur programme politique. Ainsi, le castillan représente pour eux l’occupation de la Galice par une oligarchie étrangère et, à une date ultérieure, la dictature, l’oppression linguistique et politique, ainsi que le centralisme religieux et économique. Les parents de la famille A, qui étaient les plus militants parmi les personnes que j’ai interrogées, traitent le castillan comme une langue étrangère, qui peut bien avoir certaines valeurs et utilités, mais qui ne devrait pas avoir autant d’importance en Galice. La mère m’a en effet garanti :

« moi. j’enseignerais l’espagnol toujours/ comme langue étrangère.(...) pour moi/. l’espagnol n’est pas prioritaire à AUCUN moment..pour moi..le galicien et après..c’est-à-dire. oui. il peut y avoir des cours d’espagnol de portugais d’allemand de :..de ce que tu veux..mais. voyons/ pas DU TOUT prioritaire.. prioritaire est MA langue/ »

Les nationalistes rejettent également tout lien sentimental envers le castillan. Bien qu’ils aient tous grandi et toujours vécu en contact avec cette langue, ils prétendent ne sentir aucun lien affectif ou d’émotions positives envers elle. Les autres personnes interrogées montrent au contraire toutes une certaine inclination sentimentale pour cette langue. Pour les deux filles de la famille B, elle constitue la langue qu’elles ont apprise avec leur mère, qu’elles ont utilisé majoritairement à l’école et dans laquelle elles communiquent avec une grande partie de leurs amis. Plusieurs des interlocuteurs plus âgés l’aiment bien parce qu’ils ont été habitués au cours de leur vie à la comprendre, la lire et la parler et ils ressentent maintenant plus de liens affectifs envers cette langue qu’envers le galicien standard très récent auquel ils ne se sont guère accoutumés. Pour les membres de la famille C, qui ont toujours principalement parlé le castillan, cette langue remplit les mêmes fonctions sentimentales que le galicien pour les galegophones : c’est en castillan qu’ils ont été éduqués, qu’ils ont toujours parlé avec leur famille et leurs amis et qu’ils ont vécu tous les événements marquants de leur vie. Le père de famille m’a expliqué :

« nous avons toujours/ parlé le castillan à la maison..ce qui est normal pour nous. c’est le castillan. car c’est la langue maternelle que nous avons toujours utilisée à la maison..avec moi. mes parents et tout/ le monde..le galicien est arrivé plus tard. quand on sortait de Orense et qu’on allait passer l’été au village et ces choses là »

La grille de lecture de J.E. Hofman met donc en évidence que les représentations les plus diverses sont attribuées aux différentes langues et variétés linguistiques présentes en Galice, avec une certaine tendance majoritaire des interlocuteurs toutefois à se référer en termes sentimentaux au galicien dialectal, en termes de valeur symbolique au galicien standard et en termes de langue de communication au castillan. En comparant les différents types de représentations dont chaque interlocuteur m’a fait part avec la ou les langues qu’il parle effectivement, j’ai pu évaluer quelle est la dimension des représentations la plus déterminante pour son choix linguistique. J’ai observé que la majorité des locuteurs donne une grande importance aux qualités extrinsèques de la langue, c’est-à-dire aux fonctions communicative et instrumentale. De ce fait, les membres de la famille C parlent surtout le castillan puisqu’il s’agit de la langue habituelle dans leur entourage et qu’elle jouit de beaucoup de prestige dans la société galicienne. Toutefois, ils ont commencé à parler le galicien dans quelques situations de leur vie professionnelle dans lesquelles leur interlocuteur sollicite l’usage de cette langue. Les membres de la famille B ont toujours été habitués à changer entre le galicien et le castillan en s’adaptant à chaque interlocuteur et situation. De ce fait, ils parlent tous le galicien lorsqu’ils se trouvent au village et, en ville, ils utilisent l’une ou l’autre de ces deux langues selon leur activité et les personnes avec lesquelles ils s’entretiennent. Si les grand-parents et les enfants de la famille A ont adopté, dans une certaine mesure, le même comportement, ce n’est pas du tout le cas des parents. Bien qu’il soit dans de nombreuses situations plus facile pour eux de parler le castillan, ils refusent catégoriquement de le faire puisqu’ils ont décidé, pour des motifs idéologiques, de déterminer leur choix linguistique selon la valeur symbolique, identitaire et politique de la langue. C’est pourquoi, ils ne parlent plus que le galicien et font abstraction des avantages communicatifs du castillan. Ils sont en effet pratiquement les seuls chez qui le discours et le comportement linguistique coïncide complètement, puisqu’ils attribuent seulement des représentations négatives au castillan et des représentations positives au galicien, tout en optant pour cette langue-ci uniquement. Chez les autres interlocuteurs, certaines divergences entre le “dire” et le “faire” ont par contre pu être observées. En appliquant la grille de lecture de J.E. Hofman à leur discours il est à présent plus facile de comprendre cet écart. En effet, quand certains jeunes louent les connotations sentimentales et la valeur identitaire du galicien, et qu’ils utilisent par contre principalement le castillan pour toutes leurs interactions, ce n’est qu’un signe que leur pratique linguistique effective est motivée par d’autres dimensions des représentations. Bien qu’ils attribuent des représentations positives au galicien, le castillan l’emporte pour eux en ce qui concerne les avantages instrumentaux et communicatifs et c’est la raison pour laquelle ils optent le plus souvent pour cette langue.

Différents composants des représentations sociales

Dans ma recherche, je me suis encore servie de deux autres outils pour appréhender ces différences et contradictions dans le discours des interlocuteurs. Il s’agit de la représentation de référence et de la représentation en usage [2000)." id="nh3-20">20], deux concepts élaborés par le professeur Py, sociolinguiste à l’Université de Neuchâtel. Chacun constituent un aspect des représentations sociales, l’un étant sa manifestation plus individuelle et l’autre son expression plus collective. Ainsi, la représentation de référence est reconnue et utilisée comme référent commun par tout un groupe, même si les différents membres n’y adhèrent pas complètement. Elle constitue le noyau relativement stable et invariable de la représentation sociale, qui fonctionne comme point de repère dans une certaine collectivité. Les représentations de référence sont souvent créées par un discours dominant provenant d’une institution, d’un groupe de personnes influentes ou des détenteurs du pouvoir politique ou économique, et elles sont diffusées par les médias.
En revanche les représentations en usage sont déterminées par le contexte plus personnel des acteurs sociaux et elles peuvent varier ou être modifiées dans chaque situation ou interaction. Elles renferment les aspects des représentations sociales que l’individu a vraiment repris et intégrés dans son système de croyances et qui ont, de ce fait, plus d’influence sur son comportement que les représentations de référence. Malgré de continuelles adaptations personnelles, elles ne perdent pourtant jamais le lien qu’elles entretiennent avec les représentations de référence. La « valeur individuelle » et la « valeur conventionnelle » [2000 : 14)." id="nh3-21">21] constituent en effet deux éléments indispensables et interdépendants des représentations sociales. La représentation de référence ne peut ainsi se créer ou se modifier sans l’interaction de nombreuses représentations en usage dans un groupe et celles-ci se forment uniquement grâce à l’existence d’un référent commun.

Dans le contexte galicien, les habitants de cette région sont confrontés à de nombreuses représentations de référence au sujet de la langue, qui sont diffusées par des instances politiques, pendant des débats, et qui visent à influencer le comportement linguistique de chaque personne. Toutefois, ce dernier est finalement, et notamment en ce qui concerne la sphère privée, déterminé par les représentations en usage que chaque individu a intériorisées selon son vécu personnel. C’est ainsi que s’expliquent certaines contradictions et variations perçues dans le discours de mes interlocuteurs. Si à certains moments ils m’ont fait part d’un aspect du discours dominant d’un des acteurs principaux dans la politique de promotion linguistique, quelques instants plus tard, ils ont pu exprimer un avis beaucoup plus personnel et nuancé sur le même sujet. Puisque la situation et le choix linguistiques sont des thèmes très débattus et politisés en Galice, mes interlocuteurs ont souvent caché leur opinion personnelle sur une certaine question derrière une représentation de référence, communément admise. Le meilleur indice pour distinguer entre les représentations de référence et les représentations en usage de mes interlocuteurs a été leur comportement linguistique dans le milieu privé. De ce fait, lorsque certains membres de la famille C se sont exprimés favorablement au sujet de la valeur et de l’importance du galicien, ils ont souvent repris un discours dominant dans la société, n’osant plus manifester d’opinion négative au sujet de cette langue. Leur pratique linguistique effective ou une déclaration plus personnelle faite à un autre moment de l’entretien ont cependant montré que leur véritable estime pour le galicien n’était pas si importante.
Un autre indice de représentation de référence s’est manifesté lorsque l’interlocuteur commençait la phrase par des formules telles que « nous sommes une quantité de personnes qui sommes contre... », « entre notre cercle d’amis ce débat... », ou « je fais partie de ceux qui croient... ». Ces tournures montrent en effet clairement que l’interlocuteur parle d’une représentation de référence, créée et diffusée dans un certain groupe social. Dans d’autres extraits, une analyse soigneuse a révélé qu’il y avait un va-et-vient entre des représentations de référence et des représentations en usage, qu’il a fallu distinguer afin de saisir la complexité du système de représentations et sa relation avec le comportement linguistique de la personne en question. La mère de la famille B a par exemple dit à un certain moment de l’entretien :

« oui. moi je le vois bien cela...je ne le vois ni bien ni mal. c’est-à-dire :. pour moi. je le vois bien. c’est mieux pour moi. que le nôtre ne se perde pas. dans ce sens-là je le vois bien..mais ce que je ne vois pas bien c’est que beaucoup profitent de cela et qu’ils le font seulement pour eux.mais à part cela. je le trouve très bien. que ça ne se perde pas/..c’est très joli/. les cultures anciennes. comme c’était avant. ça me plaît beaucoup/.qu’elles ne se perdent pas/. qu’ils la récupèrent s’ils peuvent la récupérer. oui.ceci me plaît vraiment / »

Elle alterne donc entre un avis personnel favorable à la politique linguistique (représentation en usage) et des propos plutôt critiques sur ses dirigeants qu’elle a sans doute recueillis lors de conversations avec d’autres personnes (représentation de référence).
Sans procéder à une véritable analyse conversationnelle, les deux concepts développés par le professeur Py m’ont donc permis de mieux saisir la vraie nature des représentations linguistiques de mes interlocuteurs et d’étudier leur relation avec le comportement, ainsi que le contexte social et familial de ces derniers.

Application des résultats

Suite à l’examen du discours de mes interlocuteurs et de son influence sur leur comportement linguistique on peut être tenté d’en tirer certaines conclusions pour la situation linguistique générale et pour les deux acteurs principaux dans la politique de promotion linguistique du galicien, qui ont été présentés dans la première partie de cet article. En reprenant le discours diffusé par ces deux instances, il est possible de constater que celui des dirigeants de la politique linguistique officielle vise surtout les dimensions extrinsèques à la langue, alors que le BNG met plutôt l’accent sur les atouts intrinsèques du galicien. Cette différence peut être expliquée par les moyens et les intentions divergentes de chaque groupe. Ainsi, le gouvernement autonome essaie de convaincre un public surtout urbain que la pratique du galicien apporte des avantages intrinsèques et communicatifs non négligeables. Etant donné qu’il peut, par son discours et des mesures juridiques ou institutionnelles, exercer plus d’influence sur le comportement linguistique des citoyens dans la sphère publique, c’est sur celle-ci qu’il se concentre. Il en résulte que sa politique parvient surtout à modifier les représentations de référence, qui peuvent avoir une certaine influence sur le comportement des personnes dans la sphère publique, mais qui ne changent pratiquement pas le choix linguistique dans le contexte privé et familial, ce qui serait pourtant très important pour garantir la transmission du galicien d’une génération à l’autre. Tout en étant en principe assez efficace d’essayer de changer le comportement linguistique des citoyens en mettant l’accent sur les avantages communicatifs et instrumentaux de la langue, cette entreprise est rendue plus difficile par le fait que le castillan est déjà très apprécié précisément pour ces qualités extrinsèques et qu’il est, par conséquent, plus difficile pour le galicien de concurrencer le castillan à ce niveau.
En ce qui concerne le BNG, son discours concerne plutôt les valeurs intrinsèques de la langue galicienne. Ses membres envisagent d’obtenir des locuteurs de galicien convaincus, qui ont choisi de parler cette langue, tant dans le domaine privé que dans la vie publique, pour des raisons idéologiques et identitaires. Pour avoir du succès, ils doivent donc parvenir à influencer les représentations en usage des personnes qui ont cessé de parler le galicien pour des raisons liées aux avantages instrumentaux et communicatifs du castillan. La chance qu’ils ont est que le galicien est déjà principalement porteur de représentations de type intrinsèque, mais l’inconvénient est que les personnes ont plutôt tendance, comme exposé ci-dessus, à orienter leur choix linguistique selon leurs représentations de type extrinsèque. En outre, à travers un discours public et politique, il est beaucoup plus difficile d’influencer les représentations en usage des locuteurs, qui dépendent aussi beaucoup du vécu et des expériences personnelles. Cependant, une fois qu’ils ont accepté et incorporé le discours du BNG, ils vont certainement parler le galicien avec conviction dans tous les domaines de leur vie, et l’enseigner à leurs enfants, comme le montre l’exemple de la famille A.
Ces précisions étant faites, il ne serait pas possible de prévoir, sur la base des résultats de ma recherche, quelle stratégie va finalement avoir plus de succès pour sauvegarder le galicien. La seule certitude que j’ai acquise tout au long de mon travail de recherche ethnographique est qu’il ne peut être qu’enrichissant et révélateur de mener des travaux interdisciplinaires de type qualitatif afin de mieux comprendre des phénomènes complexes de la vie sociale.

Références de documents électroniques

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A Mesa pola Normalización Lingüística. A Mesa pola Normalización Lingüística, [En ligne]. http://www.amesanl.org/inicio.html (consulté le 01.10.2002)

add_to_photos Notes

[1Province au nord-ouest de l’Espagne qui a en 1978 acquis le statut de Communauté Autonome d’Espagne, de même que le Pays Basque, la Catalogne et l’Andalousie.

[2Il est intéressant de noter que la Cour constitutionnelle de Madrid a interdit l’introduction d’un paragraphe dans cette loi qui concernait l’obligation de chaque citoyen galicien de connaître sa langue régionale et que l’article a par la suite été réduit au simple droit d’utiliser les deux langues officielles en Galice.

[3R. Roseman dit à ce sujet : « Just as nation must be “imagined” rather than experienced, languages as idealized standards rather than localized dialects are also constructed first in the imagination of linguists and other experts. » (1995 : 11).

[4M. Regueiro-Tenreiro (2000 : 121)

[5Bloc Nationaliste Galicien.

[6Pour plus d’informations, voir sur : www.bng-galiza.org.

[7B. Giblin (1999 : 14).

[8« La langue galicienne est la Galice. »

[9B.Giblin (1999 : 11).

[10Il est intéressant de noter qu’ils se basent donc exactement sur les principes sous-jacents à la création des Etats Nations comme l’Espagne, qui ont mené à la répression de beaucoup de langues régionales.

[11Traduit de C.Álvarez-Cáccamo (1987 : 148) : « ...a ideologia política inça, penetra, invade todo o comportamento verbal, transluze-se na comunicaçom mais imediata : falar já nom pode ser politicamente neutral ; falar é tomar partido : é um acto de posicionamento ideológico, político, cultural. »

[12Cet ouvrage, qui consiste en 3 volumes, représente une des recherches macrolinguistiques les plus vastes au monde sur une langue minoritaire.

[13voir le questionnaire utilisé comme canevas lors des entretiens semi-directifs.

[14Ce schéma est tiré de J.E. Hofman (1977 : 279).

[15Cliquez ici pour voir les conventions de transcription utilisées.

[16“Carreteira” est un castillanisme dérivé du mot castillan “carretera” qui signifie “rue”.

[17“ Rue ” en galicien standard.

[18Pour l’utilisation de ces deux concepts voir K.A. Woolard et Bambi B. Schieffelin (1994)

[19Cette variante est mentionné par J. Kabatek (1996), ainsi que par X.L. Regueira (1999), qui l’appelle « nouveau galicien urbain » (novo galego urbano).

[20Voir à ce sujet B.Py (2000).

[21B.Py (2000 : 14).

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Pour citer cet article :

Carole Berthoud, 2002. « La langue galicienne : entre moyen de communication et signe d’identité (éléments d’une recherche de terrain) ». ethnographiques.org, Numéro 2 - novembre 2002 [en ligne].
(https://www.ethnographiques.org/2002/Berthoud - consulté le 19.04.2024)
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