Introduction
L’accumulation d’archives d’enquête conduit de plus en plus de chercheurs à s’interroger sur l’utilisation qui peut en être faite [1] : revisite, réfutation ou critiques visant la redéfinition de la position sociale des chercheurs, études du changement historique dans les sociétés ou dans les groupes étudiés (Burawoy, 2003), analyse des effets du collectif dans les sciences sociales (Cahiers du Centre de recherches historiques, 2005), contribution à l’histoire des sciences sociales (Pasquali, 2012) ou « volonté scientiste » de « fixer » les pratiques de l’ethnographie ou de la sociologie (Laferté, 2006 : 33). On peut également considérer les archives comme « une documentation permettant de saisir dans le détail les activités concrètes des chercheurs » (Chapoulie, 1991 : 322) et ainsi, à travers leur description, dégager les caractéristiques d’un métier [2]. C’est ce que nous avons voulu faire avec L’œil à la page, une enquête collective réalisée en 1978 par le Groupe interuniversitaire de documentation et d’enquêtes sociologiques (GIDES) sous la direction scientifique de Jean-Claude Passeron, coordonnée par Michel Grumbach et qui portait sur l’implantation de matériel audiovisuel dans huit bibliothèques municipales. Travail de commande, l’enquête n’a pas eu une large audience mais fut et reste une référence pour les milieux de formation des bibliothécaires et en sociologie de la culture et des médias où elle est régulièrement citée [3]. Les archives de cette enquête consistent en 20 cartons qui contiennent un manuscrit (tapuscrit) du rapport, des cassettes d’entretiens, des questionnaires et bulletins de recensement quotidiens des documents audiovisuels consultés classés par type et par ville [4], des feuillets d’observation, des notes d’entretiens, des brouillons et des notes de préparation du rapport d’enquête et des questionnaires ainsi que des chemises de préparation des analyses statistiques (tri croisé, analyse factorielle des correspondances, etc.). Mais dans ce lot, rien n’est vraiment précisé des aspects concrets de l’enquête, de la manière dont elle a été conduite ou des difficultés rencontrées par les enquêteurs. Figeant la recherche en une succession de phases, ces archives ont d’abord été utilisées comme modèle, c’est-à-dire comme un patron susceptible d’être adapté à d’autres recherches ou à des enseignements dont elles ont aussi permis d’illustrer les contenus [5]. Grâce aux témoignages des chercheurs qui ont accepté de répondre à nos questions [6] et à la mobilisation d’un second jeu de documents composé de notes prises au moment de l’enquête [7], grâce à l’étude documentaire aussi, il a ensuite été possible d’en esquisser l’histoire.
Considérant qu’une enquête « ne peut se comprendre indépendamment des itinéraires de ceux qui la conduisent, dans le cadre d’une division du travail scientifique qu’on ne saurait postuler et qui met en jeu d’autres acteurs que les signataires d’une œuvre savante » (Pasquali, 2012 : 133), nous inscrirons L’œil à la page dans l’itinéraire de Jean-Claude Passeron. Puis dans une logique descriptive, nous présenterons l’association porteuse du contrat, ses membres enquêteurs et la commande, préciserons l’organisation du travail et la répartition des tâches au sein de l’équipe avant d’insister sur l’usage combiné des instruments de collecte des données. Pointant le rééquilibrage instrumental au profit de l’observation, nous reviendrons enfin sur le bilan et sur le statut des archives de cette enquête collective conduite à la fois pour (re)former à l’enquête ou « se revivifier » à la recherche et pour répondre à une commande.
Comment se « revivifier » et former à l’enquête
L’œil à la page est une enquête charnière dans le parcours de Jean-Claude Passeron puisqu’elle se situe dans le temps entre Le métier de sociologue (Bourdieu, Chamboredon et Passeron, 1968 et 1973), ouvrage de méthode et de pédagogie, et Le raisonnement sociologique (Passeron, 1991), ouvrage d‘épistémologie. Normalien, agrégé de philosophie, Jean-Claude Passeron « quitte la philosophie pour le terrain, l’enquête, le chiffre même » et la sociologie (JCP) [8]. Dans les années 1960, il dirige le département de sociologie de l’université de Nantes tout en co-dirigeant de nombreuses enquêtes du Centre de sociologie européenne (CSE) [9] en « étroite association » avec Pierre Bourdieu (Moulin, Veyne et Passeron, 1996 : 300). Cette collaboration qui dura dix ans donnera lieu à plusieurs publications, telles que Les héritiers (1964) ou La reproduction (1970), qui furent déterminantes pour la sociologie de cette époque. Avec Pierre Bourdieu et Jean-Claude Chamboredon, il publie aussi Le métier de sociologue (1968 et 1973), un ouvrage « de pédagogie de la recherche » (Moulin, Veyne et Passeron, 1996 : 323) tiré de leurs enseignements. En 1968, il participe à la création du Centre universitaire expérimental de Vincennes dont il créera et dirigera le département de sociologie. Ne fréquentant plus que sporadiquement le CSE au début des années 1970, il est détaché au CNRS en 1977 et crée le GIDES, association au sein de laquelle sera réalisée l’enquête L’œil à la page [10]. Il soutient sa thèse d’État sur Les mots de la sociologie en 1980 (Passeron, 1980), est élu à l’EHESS en 1983 et fonde à Marseille le SHADYC (Sociologie, histoire, anthropologie des dynamiques culturelles), aujourd’hui devenu Centre Norbert Elias. Il publie ensuite Le savant et le populaire (1989) avec Jean-Claude Grignon puis Le raisonnement sociologique (1991), livre dans lequel il questionne le sens épistémologique de la pluralité théorique des sciences historiques.
En 1977, ayant rompu avec la pratique de l’enquête depuis qu’il assurait la direction du département de sociologie de Vincennes, Jean-Claude Passeron voulut, pour écrire Les mots de la sociologie, se « revivifier » (JCP) en réalisant une recherche qui lui aurait permis de s’appuyer sur une base empirique. Pour mieux comprendre sa position épistémologique à ce moment de sa carrière, on doit évoquer le rapport qu’il entretient avec Le métier de sociologue, tiré de son expérience de chercheur et référence « emblématique » d’une partie des enseignements de sociologie à Vincennes [11]. En effet, comme La reproduction, cet ouvrage est le fruit d’une écriture à plusieurs mains dont les « compromis entre co-auteurs […] soldaient diplomatiquement les négociations théoriques en ajoutant inévitablement les restrictions mentales aux circonlocutions » (Moulin, Veyne et Passeron, 1996 : 310) ou, dit autrement, en « écrasaient l’épistémologie » (JCP). Dans ce contexte, L’œil à la page apparaît alors comme une application du Métier de sociologue qui lui sert de préalable et dont les limites sont, en quelque sorte, empiriquement testées pour devenir l’un des matériaux du Raisonnement sociologique [12]. Mais selon Jean-Claude Passeron (JCP), L’œil à la page avait aussi une « finalité pédagogique » puisque tout en contribuant à préciser la position épistémologique qui était la sienne, la commande lui permettait de « solder une dette pédagogique envers Vincennes » et envers une génération de chercheurs qu’il connaissait tous et qui étaient tous volontaires pour participer à l’enquête.
Enquête de « revivification » pour le directeur scientifique et de reformation professionnelle ou de formation pour des étudiants et enseignants entrés à l’université après 1968, enquête de commande, L’œil à la page mêle donc des dimensions personnelles, pédagogiques (former à l’enquête par l’enquête) et institutionnelles. Elle apparaît ainsi comme la réponse à une situation où, pris dans l’environnement politique complexe de Vincennes, il avait longtemps été difficile de faire de la recherche et de l’enseigner.
Le Groupe inter-universitaire de documentation et d’enquêtes sociologiques
Espace de contestations, d’oppositions politiques et pédagogiques, espace de tensions théoriques et de conflits entre générations, en prise à une « agitation mécanique » (JCP), Vincennes n’offrait pas « des conditions très favorables à la recherche comme au travail d’équipe » (Soulié, 2012 : 328). En 1977, tout juste détaché au CNRS, Jean-Claude Passeron fonde le GIDES, une association de loi 1901 « pour pouvoir travailler à quelque distance de Vincennes » (JCP) – et ce même si, comme l’écrit Raymonde Moulin, un certain calme y revenait :
« Et quand les choses semblent se calmer et laisser espérer un retour vers les préoccupations de la recherche chez la plupart des jeunes enseignants gauchistes prêts à se rallier à votre modérantisme pédagogique et à votre relativisme épistémologique, vous partez en détachement au CNRS. Là vous préférez lancer des recherches appliquées sur les bibliothèques, la lecture et les nouvelles technologies informatiques du texte et de l’image, en fondant une association (le GIDES), que de rejoindre un laboratoire canonique » (Moulin, Veyne et Passeron, 1996 : 317).
Groupe de travail autonome, « organisé à partir du séminaire de Jean-Claude Passeron » [13], le GIDES émane de l’association Fédor Pisanelli (nom fantaisiste à notre connaissance) dont l’existence est attestée à partir de 1977 et qui avait pour but « de procurer aux chercheurs qui en sont les membres un lieu de discussion et de collaboration ainsi que de favoriser par la gestion des crédits – publics ou privés – qu’elle est susceptible d’obtenir la conduite d’enquêtes sociologiques dans les domaines les plus divers » [14]. Les réunions de l’association s’apparentaient à des séminaires où étaient abordés des sujets tels que « l’autorité pédagogique », « personnel politique et profession » (par Michel Grumbach), « les animateurs culturels » (par Jacques Szmadjer) ou encore les aspects financiers ou les difficultés relatives aux pratiques de la recherche : captation de crédits de recherche non affectés, séminaire de Nicolas Herpin venant en appui aux étudiants de DEA et de 3e cycle de Vincennes, création d’une cellule de prospective. On voit dans les notes de l’une de ces réunions de Fédor Pisanelli (le 14/12/1977), l’esquisse des statuts du futur GIDES (document 1). Dès cette esquisse puis dans les statuts définitifs, le GIDES apparait comme un « groupe de réflexion et d’enquête sociologique ». Bien que pensé comme un « atelier technique » où les chercheurs travailleraient « à l’élaboration de questionnaires, de plans d’observations ou de protocoles d’enquêtes, codage, programmation, analyses de tableaux et de données, etc. », il se voulait aussi un « lieu de discussion » et de mise au point de recherches collectives ou individuelles. Bref, le GIDES apparaît aujourd’hui comme un groupe doté, selon les témoignages, d’une véritable dynamique de travail. Comme le rappelle Jean-Pierre Martinon (2005), il existait à Vincennes d’autres groupes de recherche orientés vers d’autres directions (justice, santé, culture, éducation nationale, architecture, urbanisme, etc.). Toutefois, bien que le GIDES ait été proche du département de sociologie de cette université puisqu’une partie de ses membres en provenait, ses statuts exprimaient clairement la visée d’autonomie de l’association :
« 3.2. Le GIDES n’est rattaché à aucune institution de recherche constituée. Il décide librement de ses options scientifiques. Il faut l’accord de l’ensemble du groupe pour que se transforment ses relations avec les institutions universitaires ou de recherche » (Statuts du GIDES ; fonds Parmentier).
Les membres du GIDES
Une note de février 1978 précise que le GIDES rassemblait, outre Jean-Claude Passeron, une dizaine de chercheurs : Michel Grumbach, Aïssa Kadri, Jean-Pierre Martinon, Martine Naffrechoux, Patrick Parmentier, Fernando Porto-Vasquez, François de Singly et Jacques Szmajer [15]. Presque tous étaient enseignants à Vincennes (sauf François de Singly qui enseignait à Nantes) ou terminaient une thèse de 3ème cycle. Monique Bénard viendra rejoindre ce groupe. Ces enseignants ou étudiants chercheurs composaient une équipe largement masculine, d’âges différents (les dates de naissance oscillent entre 1941 et 1948), de statuts et de spécialités également différents.
Pour ce qui est des statuts, on y trouvait des maîtres assistants et des assistants (François de Singly à l’université de Nantes ; Michel Grumbach, Jean-Pierre Martinon, Martine Naffrechoux à Vincennes), une chargée de cours (Monique Bénard) et deux étudiants (Fernando Porto-Vasquez et Patrick Parmentier, normalien et, au moment de l’enquête, professeur agrégé dans un collège de Bagnolet) ainsi qu’Aïssa Kadri à propos duquel nous n’avons pas pu obtenir d’informations. Certains avaient déjà soutenu leur thèse (Michel Grumbach, Jean-Pierre Martinon, François de Singly) quand d’autres ne la soutiendront qu’après avoir participé à L’OAP (Monique Bénard (1989), Martine Naffrechoux, Patrick Parmentier). De même, tous n’avaient pas la même expérience de l’enquête et de ses outils : François de Singly était, de l’équipe, le mieux formé aux méthodes quantitatives ; Martine Naffrechoux avait suivi un parcours en psychologie expérimentale qui l’avait amenée à collaborer avec Serge Moscovici [16] et avait participé à des enquêtes commerciales et « alimentaires » ; Monique Bénard avait notamment contribué à la collecte des données d’une enquête sur Le divorce et les Français dirigée par Louis Roussel (1975) [17] ; Patrick Parmentier ne s’était que peu frotté à l’enquête de terrain. À ce moment de leur carrière, les spécialités des chercheurs étaient elles aussi différentes : théories marxistes (Michel Grumbach) ; art, culture et sociologie urbaine (Jean-Pierre Martinon) ; famille (Monique Bénard, François de Singly) ; psychologie (Monique Bénard, Martine Naffrechoux, François de Singly). Après leur participation à L’œil à la page, plusieurs chercheurs ont continué à travailler sur la sociologie de la lecture [18].
La théorie de « l’amalgame » (Moulin, Veyne et Passeron, 1996 : 324 ; JCP) revenant à « constituer un corps d’enseignants basé sur le mélange entre des choses socialement différentes » et à « mêler des générations différentes » (Soulié, 2012 : 320) s’appliquait donc en partie aux enquêteurs de L’œil à la page mais sur un mode qu’il est toutefois difficile d’apprécier quarante ans plus tard et alors que toutes et tous avaient en commun d’avoir été à la fois volontaires et rassemblés par Jean-Claude Passeron.
L’œil à la page, un travail de commande
Dans les années 1970, les capacités financières des différents ministères provoquaient une « boulimie scientifique et idéologique » qui assignait à la sociologie (et l’économie plus encore) un rôle de « caution scientifique des décisions politiques » (JCP) et offrait de nombreuses opportunités de contrats de recherche. C’est dans ce contexte que la Bibliothèque publique d’information (BPI) de Paris a lancé une série d’enquêtes, dont fait partie L’œil à la page. Répondant à une commande de la Direction du Livre, L’OAP portait sur les modalités de réception, les usages et la réaction du public devant l’introduction de matériel audiovisuel (diapositives et vidéos) dans les bibliothèques de Caen, Cambrai, Castres, Chaville, Evry, Grenoble, Toulouse-Empalot et Villé. L’expérience était alors innovante puisque seule la toute nouvelle BPI offrait ce type de services. Souvent citée en interne au milieu des bibliothécaires ou dans le cadre des travaux de sociologie de la lecture, L’OAP se voulait aussi une contribution « aux problèmes généraux de la sociologie de la culture » (BPI, 1981) et peut apparaître comme la genèse d’un programme dédié à la sociologie de la réception (Fleury, 2006 : 109-110) [19]. Ses questions principales étaient les suivantes :
« Diapo et vidéo entrent dans les bibliothèques : sont-elles perçues et utilisées de la même manière ? Par les mêmes publics ? Pour quels documents ? Dans quelles logiques culturelles ? Et quelle part doivent-elles au pouvoir de l’image ? Aux dispositions les plus générales propres à un groupe social ? À son rapport à la bibliothèque ? » [20].
Dans les notes de Patrick Parmentier du 22 mars 1978, le projet est présenté comme « une enquête sur les bibliothèques municipales ». Prévue pour octobre-novembre 1978, l’étude devait durer 15 mois « environ » (note du 24/05/78) (document 2). L’OAP fut ainsi le premier contrat du GIDES, conclu par Jean-Claude Passeron avec la Direction du Livre le 4 octobre 1978. Le GIDES ou certains de ses membres conclurent ensuite d‘autres contrats, comme par exemple le second qui fut passé avec la Direction du Livre pour la réalisation d’une enquête sur la sociologie des faits de lecture (Passeron, 1981). D’autres crédits de recherche furent encore obtenus, comme ce fut le cas par exemple pour Monique Bénard sur la pédagogie de sourds-muets ou encore pour Jean-Claude Passeron et Fernando Porto-Vasquez pour une tâche d’expertise à l’EHESS, portant sur un contrôle de travail statistique et informatique [21].
Organisation du travail, ateliers et répartition des tâches
Selon les témoins, dans l’esprit de Vincennes, le style de direction n’était ni managérial, ni mandarinal et la division du travail était plus pratique que hiérarchique. Cette libéralité est attestée par les notes de Patrick Parmentier comme par les statuts du GIDES. Des réunions furent programmées de janvier 1978 à l’automne 1979 (document 3). On y abordait les différents modes de recueil et de traitement des données, les concepts et la programmation des actions. Le travail était organisé en « modules atelier » (document 4), espaces d’analyse de la documentation, des entretiens, des observations, de la presse et aussi d’analyses quantitatives consacrées au codage, à la mécanographie, au traitement informatique ou à l’analyse des tableaux. Ces séances de travail étaient animées par Jean-Claude Passeron et Michel Grumbach. Elles s’achevaient par une reprise « magistrale » de ce qui y avait été dit, la libéralité s’effaçant devant l’auctoritas de Jean-Claude Passeron, en sa qualité de directeur scientifique et d’enseignant [22]. Les décisions étaient prises, les consignes données et le calendrier posé. On note par ailleurs que les responsabilités de villes ou d’instruments étaient partagées entre les chercheurs (document 5 ; document 6). Le rapport expose dès le début cette division du travail :
« Certaines responsabilités de ville ou d’instruments ont été plus particulièrement assurées par M. Bénard (Caen et Entretien), M. Grumbach (Castres et Questionnaires), J.-P. Martinon (Cambrai et Villé), M. Naffrechoux (Evry et Observation directe), P. Parmentier (Bulletin de recensement quotidien), F. Porto-Vasquez (Chaville et Questionnaires), F. de Singly (Questionnaires) ».
D’une manière générale, en dehors des moments de passation où ils pouvaient se retrouver à deux ou trois, les chercheurs se croisaient rarement sur le terrain. Chacun d’eux était dans la bibliothèque dont il avait la responsabilité et se « débrouillait pour que l’enquête avance ». Néanmoins, comme les témoignages et l’avant-propos du rapport le précisent, « il est peu de tâches, depuis la récollection des données sur le terrain jusqu’à leur traitement, auxquelles chacun des membres du GIDES n’ait participé ». Par ailleurs, l’incipit du rapport laisse entrevoir une répartition du travail entre les hommes plutôt chargés des méthodes quantitatives et les femmes plutôt chargées des méthodes qualitatives. Sans qu’il soit possible d’aller plus loin faute d’informations, on peut faire l’hypothèse que cette division du travail apparemment liée au genre était aussi en partie imputable aux profils des enquêteurs qui, on l’a dit, n’étaient pas tous sur un plan d’égalité quant à leur formation à la sociologie, à leur expérience de la recherche, comme du point de vue de leur statut au sein de l’université. L’écriture du rapport fut, elle aussi, réalisée à plusieurs mains et synthétisée par Jean-Claude Passeron et Michel Grumbach :
« Le compte rendu a été élaboré et mis au point par M. Grumbach et J.-C. Passeron en s’appuyant sur des dossiers de synthèse réalisés par J.-P. Martinon (pour les entretiens), M. Naffrechoux (pour l’observation directe), P. Parmentier (pour les résultats du B.R.Q.), F. Porto-Vasquez (pour les analyses factorielles) et F. de Singly (pour l’analyse multivariée des données quantitatives) » (GIDES, 1981 : 4) ».
L’enquête se conclut par des séances de « bilan » les 11 juin et 3 juillet 1980. On voit rappelées dans les notes personnelles comme dans ce « bilan » quelques-unes des difficultés rencontrées par l’équipe, celles liées aux « rapports de caractères entre individus » ou à « l’équilibre entre contribution et rétribution de chacun » ou encore « le manque de temps » et les frais élevés de « confection » des trois volumes du rapport (CR réunion du GIDES, « bilan de L’OAP » ; fonds Parmentier). Mais ce qui apparaît dans les entretiens, comme à travers l’assiduité dans la prise de notes, c’est le plaisir des échanges intellectuels, celui de la découverte mais aussi la sensation de « ne jamais avoir autant travaillé » [23] qui, au bout du compte, font reconnaitre la « valeur du travail accompli par l’ensemble du groupe » (ibid). Au-delà de ce satisfecit associé à un véritable « plaisir d’objectiver » [24], on comprend que même si la division du travail et donc la répartition des responsabilités par ville ou par instrument répondaient à une exigence organisationnelle qui tend à diviser la démarche de recherche, le fait que chaque chercheur ait participé à toutes les opérations de L’œil à la page va bien dans le sens d’une attitude qui voudrait éviter « l’autonomisation d’opérations qui tiennent tout leur sens et leur fécondité de leur insertion nécessaire dans une démarche unitaire » (Bourdieu, Chamboredon et Passeron, 1973 : 81).
L’audiovisuel en question
Conforme aux « préalables » du Métier de sociologue, le rapport commence par un avant-propos titré « Les yeux et les oreilles » dans lequel l’expression « d’audiovisuel » est examinée. Fruit d’un travail collectif (document 7), cette discussion porte un regard critique sur ce terme polymorphe qui, faisant ici figure de prénotion, enferme le débat « sur l’opposition d’essence entre la "culture du livre" et la "civilisation de l’Image" » (GIDES, 1981 : 28). Avançant que, « au coup d’œil rétrospectif, il est peu de commencements qui ne s’estompent en continuité » et « régularités » (ibid. : 1) [25], l’auteur développe alors une argumentation qui s’appuie sur les apports de la philosophie (Platon, Derrida), de la linguistique (Buyssens), de la sémiologie (Barthes, Eco, Mounin, Prieto), de la sémiotique (Peirce) et de la théorie de l’image (Metz), de l’anthropologie (Goody), de la sociologie bien sûr, celle de Bourdieu, comme celle de Weber et de Morin, de l’histoire (Wittfogel, Groethuysen) et de l’histoire de l’art (Panofsky). Dans une logique critique très durkheimienne donc, l’avant-propos met l’accent sur la continuité entre le livre et ce qu’on appelle « audiovisuel ». Il montre ainsi que si l’audiovisuel est une évolution technologique qui permet de stocker davantage d’informations, du point de vue de la pratique, elle n’est jamais qu’une autre manière de mobiliser des canaux sensoriels déjà utilisés dans la lecture de livres ou d’images : la vue et l’ouïe. Cet examen du terme « audiovisuel » permet alors que la réception du message et les modes de visionnement soient approchés à partir d’indicateurs concrets pour être répertoriés et mis en relation. Bel exemple de rupture épistémologique dont Jean-Claude Passeron ne s’est jamais départi (Moulin, Veyne et Passeron, 1996 ; Baranger et Passeron, 2004), l’avant-propos rend ainsi empiriquement saisissables par les outils de l’ethnographie ou de la sociologie, les « pratiques », les « fonctions », les « modes d’appropriations », les « gammes de représentations différentes » qui caractérisent les groupes face à ce nouveau médium.
Une diversification des outils
Dans un style différent de l’avant-propos, l’introduction du tapuscrit déploie alors un faisceau de questions et présente les instruments de l’étude, tant qualitatifs que quantitatifs. Il y est ainsi précisé que les caractéristiques du terrain offraient la possibilité de combiner les apports de différents instruments de recueil des données :
« C’eût été négliger l’avantage d’avoir affaire à un terrain délimité et spécifié comme la bibliothèque que de ne pas conjuguer la description qualitative avec le traitement quantitatif des données, ou de négliger les possibilités de recensement exhaustif que procurait ici l’encadrement institutionnel des pratiques » (GIDES, 1981 : 28).
Les enquêteurs réalisèrent ainsi un travail d’observation directe au sein des bibliothèques, un lot d’entretiens portant sur les rapports à la lecture et à l’audiovisuel, sur l’accueil du nouveau service et sur les pratiques culturelles qui lui semblaient liées (10 entretiens préparatoires, 70 entretiens semi-directifs dont seuls 46 ont été retenus pour l’analyse) (ibid. : 29). Par ailleurs, ils recueillirent des informations par questionnaires et réalisèrent un sondage sur la fréquentation des bibliothèques en s’appuyant sur l’existence d’un bulletin de recensement quotidien qui permettait de connaître les documents audiovisuels consultés (diapositives et vidéos). Il est intéressant de remarquer qu’une tâche précise était assignée à chacun de ces outils. L’observation directe était destinée à ancrer la recherche dans un espace concret (déplacements, postures, gestes), ce qui était « d’autant plus nécessaire que les visionnements saisis par les instruments quantitatifs gardent un caractère abstrait » (ibid.). De son côté, l’entretien permettait d’accéder aux « catégories mentales », aux « schémas de raisonnement » et d’appréhender les catégories de pensée qui expriment la sémiologie spontanée des sujets à propos de la communication audiovisuelle et devaient, ensuite, être rapprochées des corrélations statistiques obtenues par questionnaires (ibid. : 30). Les deux types de questionnaires utilisés par les chercheurs – « côte à côte » (document 8 ; document 9) et « libre accès » (document 10) – avaient pour objectif de « recueillir les données nécessaires à la connaissance des caractéristiques des populations et celle de leurs pratiques » (ibid. : 31) et, « en autorisant la codification des caractéristiques des publics », de fournir « une base sûre pour le traitement des données en analyses multivariées et analyses factorielles » (ibid. : 29). Le bulletin de recensement quotidien (document 11) permettait de saisir la « circulation des documents » tandis que le bulletin de recensement quotidien « sociologisé » permettait de saisir « les caractéristiques de sujets, sexe, âge, profession et statut… » (ibid. : 35-36). Enfin, s’appuyant sur les statistiques administratives, les spécificités des bibliothèques de l’expérience furent saisies à travers les différences de composition du public par comparaison avec un échantillon témoin issu d’un tirage au hasard dans « une strate de l’ensemble des bibliothèques municipales » (ibid. : 33).
En somme, en multipliant les instruments, les auteurs de L’OAP ont pu constituer leur objet d’étude de façon complexe en l’éclairant sous des aspects différents. Critiques de la « connaissance sociologique omnibus qui fixerait une fois pour toutes, dans des formules – politiques ou mathématiques – la nature sociale des classes, des cultures, des régions ou des villes » (ibid. : 448), ils aboutirent à une sociologie de « l’engagement culturel », à une réflexion sur la transmission des dispositions aux usages de la culture (ibid. : 450-451) qui fut ensuite développée dans Le savant et le populaire (Grignon et Passeron, 1989).
De l’observation
Un format plus ample que celui de cet article permettrait de détailler les usages et le rôle de chacun des instruments conceptuels ou de collecte de données de L’OAP mais nous nous limiterons ici à la présentation de l’un de ses traits saillants c’est-à-dire la place que prend l’observation au sein du bouquet d’instruments utilisés. En effet, dans les années 1960 et au début des années 1970, en France et d’après l’expression de l’un des chercheurs ayant participé à l’enquête, l’observation était utilisée de façon un peu « honteuse ». Bien qu’un peu appuyé, ce terme résume tout à fait les constats de Jean Peneff (1995, 2009 et 2011) et de Jean-Michel Chapoulie (1991, 2000a) à propos de cet instrument qui, alors, « ne faisait pas partie du bagage des sociologues » [26] (Chapoulie, 2000b : 141). Coordonnées par Martine Naffrechoux, dans L’OAP, les observations ne constituaient pas une étape préliminaire de l’enquête. Bien évidemment, dans la mesure où la présence de l’audiovisuel dans les bibliothèques sélectionnées était une expérimentation, l’équipe ne pouvait pas s’appuyer sur des travaux antérieurs pour les préparer. Leur cadre a donc été mis en place à partir d’observations exploratoires menées à la Bibliothèque publique d’information qui était alors la seule bibliothèque à disposer de matériel audiovisuel [27]. Par ailleurs, les observations de L’œil à la page étaient « standardisées » et « pour partie quantifiées » (Passeron, 1982 : note 10). Dans le vocabulaire de Jean-Michel Chapoulie (2000a), elles seraient (au moins partiellement) « analytiques » plutôt que « diffuses » (document 12 ; document 13). En outre, « l’observation directe, supposant qu’on y consacre de longues séquences temporelles, de façon réitérée » (GIDES, 1981 : 85), la bibliothèque d’Evry apparaissait à l’équipe comme étant la plus adaptée et c’est là que furent réalisées la plupart des observations. Celles-ci ont cependant été étendues à d’autres bibliothèques, notamment les jours d’inauguration des services audiovisuels, ce qui est indiqué dans l’introduction du rapport :
« L’observation des comportements des publics du service A.V. [audiovisuel] précédée par une reconnaissance des lieux et des itinéraires des usagers des bibliothèques, la veille de l’ouverture du nouveau service, s’est déroulée dans 5 villes (Caen, Cambrai, Castres, Chaville, Evry), pendant les ouvertures et jusqu’en mai, à l’occasion des passages répétés sur le terrain. Dans les deux bibliothèques de la région parisienne Chaville et Evry, celle-ci a pris une forme quasi ininterrompue. Les observations les plus systématiques et les plus suivies concernent environ une centaine de sujets » (1981 : 30).
Du point de vue des enquêteurs, l’approche était pratique. En effet, ne pouvant pas diffuser de questionnaires pendant les inaugurations, ils mirent ces moments à profit pour réaliser les observations. Celles-ci ont ensuite été rassemblées dans un « corpus » selon un mode précisé au début de l’appendice II et qui constitue la base empirique raisonnée sur laquelle sont indexées les assertions du rapport [28] (document 14 ; document 15 ; document 16). Ils en tirèrent un ensemble de figures idéaltypiques [29], une morphologie des gestes et des postures, de la spatialisation de l’offre et de la consommation qui font la caractéristique du « Chapitre II. Le geste et le regard. Espace et instruments de l’offre, postures et itinéraires de la réponse » (GIDES, 1981 : 53-108). En restituant « son primat épistémologique » à « l’observation méthodique et systématique » (Bourdieu, Chamboredon et Passeron, 1973 : 65) [30], L’œil à la page tenait ainsi les exigences du terrain et celles de la pédagogie en pratiquant un style de recherche qui évitait de cantonner les « techniques classiques de l’ethnologie » à « un rôle d’adjuvant subalterne » ou à des « expédients » pour « trouver des idées » dans les premières phases d’une recherche (ibid. : 66) [31]. Le goût pour cet instrument ne quittera pas Jean-Claude Passeron puisque « l’ethnographie quantitative » (Passeron et Pedler, 1991 : 13) pratiquée au Musée Granet d’Aix-en-Provence dont les résultats seront publiés dans Le temps donné au tableau (Passeron et Pedler, 1991) reposera sur une campagne d’observations réalisée entre mai et juillet 1987.
Bilan scientifique et statut des archives de L’œil à la page
On l’a dit, L’œil à la page avait à la fois une visée de « reformation de jeunes chercheurs » et de « revivification » de son directeur scientifique qui retournait ainsi à l’enquête après les années passées à Vincennes. On comprend alors que d’un point de vue pédagogique tout autant que dans une visée de « revivification », cette diversification des instruments et ce rééquilibrage au profit de l’observation permettaient de tester les usages de chacun d’eux pour voir ce que voulait dire « faire preuve en sociologie » et saisir ainsi « les limites de la fiabilité empirique » (JCP).
On trouve la trace de cette recherche des limites de la fiabilité empirique dans le compte rendu des séances des 11 juin et 3 juillet 1980 qui furent consacrées au bilan de l’enquête et où, dans la partie « bilan technique et scientifique de L’OAP » (fonds Parmentier), les membres du GIDES revinrent sur l’étalonnage du questionnaire, la coordination des instruments, les enseignements qu’ils avaient pu tirer des questionnaires libre accès et côte à côte [32], le nombre d’entretiens préparatoires et leur usage, les phases de rédaction, le « rendu » des instruments, le travail collectif. Dans la partie « Le GIDES hors enquête », on lit que les participants à la réunion se proposaient de tenir un programme de lecture pour l’année 1980-1981, programme qui servirait de support aux séances de travail du groupe. Ces futures séances auraient pour objet « le questionnaire et son ethnographie » (relation établie durant la passation, formulation des questions, recueil et traitement de l’information « recollectable » hors questionnaires, liste des biais non détectés durant l’enquête) ou encore « le repérage des usages sociologiques de l’analyse factorielle » (comparaison des apports du chapitre de L’OAP consacré aux analyses factorielles des correspondances avec les autres chapitres), l’« ethnographie de la parole » (recueil de la parole, analyse de contenu, ethnographie des sources), etc. Il n’est pas étonnant alors que cette réflexion sur les outils et sur leurs bons usages, qui aurait dû constituer la troisième partie avortée du Métier de sociologue (Bourdieu, Chamboredon et Passeron, 1968 : 20), se retrouve partiellement dans Le savant et le populaire (Grignon et Passeron, 1989) – un ouvrage qui prend sa source dans trois séances de débat de février et mars 1982 qui furent d’abord éditées dans les Documents du GIDES (Grignon et Passeron, 1982) puis dans Les Cahiers du CERCOM (Grignon et Passeron, 1985). Cette réflexion se retrouve également dans Le raisonnement sociologique, par exemple dans le chapitre « Ce qu’on dit d’un tableau, ce qu’on en dit » (Passeron, 1991 : 111-133). À cet égard, l’étude de L’OAP nous permet de saisir l’une des bases empiriques sur laquelle s’appuient ces réflexions [33].
Enfin, les comptes rendus des séances du GIDES auxquels nous avons eu accès ne disent rien de l’archivage des données, sinon qu’il « serait intéressant que chaque membre apporte sa collection de questionnaires » (CR des séances des 11 juin et 7 juillet 1980 ; fonds Parmentier) en vue de faire « la liste des biais non détectés durant l’enquête », ce qui dut être fait puisque la collection des questionnaires est complète dans les cartons. Aujourd’hui, ces cartons de comptes rendus d’observations et d’entretiens, ceux des différents types de questionnaires, des dossiers de synthèse et de rédaction ont le statut d’archives. Toutefois, elles réduisent l’enquête à une suite de tâches découpées selon la logique d’un classement par instruments qui ne se confond pas avec son déroulement. Mais à bien y regarder, ces cartons renferment plus que les moments d‘une enquête. Soigneusement conservés par Jean-Claude Passeron, indissociables du rapport, ils contiennent en effet la preuve de ce que les sociologues avancent, celle de leurs constats empiriques et de leurs argumentations et constituent une dimension de ce que « faire preuve en sociologie » voulait dire pour les membres du GIDES.
Conclusion : archives, pédagogie et métier de sociologue
Inscrites dans leur époque, les archives de L’œil à la page figent une attitude pratique souple qui, associée à une recherche d’efficacité, facilitait l’articulation des apports de chaque instrument. Associées à des archives complémentaires qui permettent d’en esquisser une histoire, elles nous font approcher aussi les contours d’un métier, c’est-à-dire, rappelons-le, d’un ensemble de savoir-faire concrets qui, ici, s’expriment à travers les tâches journalières des chercheurs (Bloch, 1974 ; Mills, 1997 ; Becker, 2002 ; Weber, 1996) : déplacement de la commande, auctoritas du directeur scientifique, division du travail de terrain et de rédaction, discussion collective des prénotions, usage d’un bouquet d’instruments, mise en corpus des résultats permettant l’administration de la preuve, etc. Et c’est précisément ce métier dont l’apprentissage ou le réapprentissage était l’un des buts de l’enquête qui permit aux chercheurs du GIDES d’obtenir des résultats à coup sûr pour répondre à la commande et qui fait écho aux ouvrages de son directeur scientifique.
Le premier intérêt de cette approche par les archives est pédagogique. Dans les universités et les écoles, les cours et les séminaires, l’apprentissage de l’enquête est à la fois théorique et pratique. Apprentissage sur le tas, il se fait aussi par la lecture d’ouvrages dont les résultats et les commentaires méthodologiques servent d’exemples. Il se fait enfin par la lecture de manuels méthodologiques qui viennent présenter, le plus souvent après coup, l’expérience de chercheurs ainsi formalisée [34]. À ce titre, l’étude et la présentation d’archives peuvent ajouter une dimension supplémentaire et précieuse à la formation à l’enquête. Le deuxième intérêt concerne la recherche ou plutôt le chercheur qui voudrait comprendre comment les autres ont fait pour faire ce qu’ils ont fait. Si, en effet, les archives de L’œil à la page peuvent apparaître comme une épistémologie figée par le classement, encartonnée, leur étude a toutefois une portée heuristique non négligeable en ce qu’elle montre ce qui ne l’est habituellement pas : les traces matérielles du raisonnement sociologique dans ses hésitations sémantiques et ses efforts de mise en adéquation des outils avec la théorie, les travaux de préparation, la patience et l’assiduité au travail de celui qui saisit les données – la liste peut s’étendre. Le troisième intérêt, c’est qu’à travers cette enquête collective, on peut saisir un peu de la trajectoire de son directeur scientifique – un format plus large que celui de cet article permettrait de faire la même chose avec les autres chercheurs de l’équipe. On y voit ainsi l’intrication entre les questions pédagogiques, collectives et la visée de recherche personnelle : les liens avec l’université et la façon dont celle-ci peut contraindre la recherche, le sentiment de « dette pédagogique » que peut ressentir un enseignant et qui le pousse à collaborer avec de jeunes collègues ou étudiants aussi bien que la réflexion qu’il porte sur sa pratique de recherche – toutes choses qui en caractérisent le métier.