L’insaisissable qualité de la relation :
ce que promet et permet une fondation

Résumé

Cet article porte sur une fondation indépendante intervenant dans les quartiers pauvres et ségrégués de Boston (Massachusetts). Celle-ci est pensée comme un instrument susceptible de dépasser les formes de travail social ou même le cadre associatif. Une attention particulière est portée aux réunions publiques que la fondation organise. Elles visent à créer une égalité entre les différents participants (donateurs, salariés, habitants bénévoles). Dans cette optique, un travail sur les dispositions et sur les relations avec les populations visées est engagé. Le dispositif produit bien une forme de dignité au sein des populations, mais au prix d’une occultation des inégalités.

Abstract

“The elusive quality of social bonds : promises and outcomes of a foundation”.
This paper studies the public meetings staged by an independent foundation in a poor and segregated neighborhood of Boston (Massachusetts). These public meetings, seen as a device allowing the foundation to overcome the limits of traditional social work and nonprofit initiatives, are elaborated in order to produce a feeling of equality amongst the participants (donors, workers and inhabitants-beneficiaries). To produce this feeling, the foundation’s staff performs emotional work on the institutional forms as well as on their relations with the targeted populations. While admittedly these efforts produce a form of dignity for the inhabitants of these neighborhoods, they also conceal the reality of ongoing inequalities.

Sommaire

Introduction

Dans le contexte états-unien, l’aide sociale est soupçonnée par une large partie de l’opinion (Somers et Block 2005) de produire une dépendance morale et financière des personnes visées. Cette tendance est particulièrement nette depuis plusieurs décennies et s’est concentrée sur une prestation pour les familles monoparentales, associée par l’opinion publique aux Afro-Américains. Cette prestation (Temporary Assistance for Needy Families – TANF, anciennement Aid to Families with Dependent Children – AFDC), conçue à l’origine pour les veuves de guerre et ensuite, de fait, destinée à aider les familles monoparentales vivant dans la pauvreté, a fait l’objet d’une réforme en 1996 qui a promu l’intermédiation des acteurs associatifs et philanthropiques dans la prise en charge des problèmes sociaux aux États-Unis (Watkins-Hayes 2009). Ce contexte permet de comprendre pourquoi il est si important pour les acteurs du secteur philanthropique (et associatif) de se démarquer, dans leurs objectifs mais aussi dans leurs manières concrètes d’agir, des pouvoirs publics accusés par une large partie des experts (O’Connor 2002) de piéger les pauvres et de les enfermer dans des trappes à inactivité. D’un point de vue très opérationnel, la question se pose, pour les acteurs privés impliqués dans la résolution des questions de pauvreté urbaine, des modalités par lesquelles il est possible de développer une relation d’aide qui évite la dépendance prêtée aux pouvoirs publics. Au cœur de cette dépendance supposée se tiennent l’impuissance et la passivité qui affaibliraient les capacités d’autonomie des personnes et des groupes pris en charge. Éviter la dépendance supposerait donc d’éviter la relation asymétrique, caractéristique du travail social.

Aider sans rendre dépendant. Aider tout en véhiculant un sentiment d’égalité et de capacité. Tels sont les enjeux auxquels la Fondation pour le rêve américain (FRA, nom fictif) cherche à répondre en investissant un quartier pauvre et ségrégué du sud de la ville de Boston. Elle le fait en mobilisant des instruments proches de la tradition du « community organizing » (« organisation communautaire » ; Alinsky 1976 ; Talpin 2016). Cette tradition est porteuse d’une critique des formes traditionnelles du travail social. Elle trouve un cadre particulièrement propice, aux yeux de ceux qui l’investissent, dans la FRA.

La FRA correspond, par son histoire et ses modes d’action, presque idéalement aux caractéristiques du secteur qui s’autoprésente comme une « nouvelle philanthropie », plus scientifique, plus rationnelle [1] et gérée selon les principes de l’entreprise privée. Fondée par un millionnaire issu des strates les plus élevées du monde de la finance, dotée d’un financement initial (10 millions de dollars) sans commune mesure avec celui des autres associations (« nonprofits ») présentes dans les quartiers pauvres même si elle n’atteint pas la taille des très grandes fondations américaines dotées de centaines de millions, voire de milliards de dollars, elle se dénomme « start-up », multiplie l’usage des termes renvoyant au monde de l’économie. Incubateur de projets («  catalyst  ») devant susciter des initiatives, des prises de risque et un sens de la responsabilité chez les habitants, son action principale est d’apporter un soutien aux initiatives locales par le biais d’appels à projets financés par des bourses (« ‪ ‬grants‪ ‬ ») et la création d’un fonds contrôlé par des membres de la communauté du quartier pour en superviser l’octroi. À la manière d’un investisseur en capital risque, elle se veut ainsi à l’avant-poste des évolutions de son secteur (l’expression «  cutting-edge » – « à la pointe » – ne cesse de revenir dans le discours des salariés lorsqu’ils désignent leur organisation). De plus, elle met en œuvre de manière stricte les principes de la doctrine de la soutenabilité (Swidler et Cotts 2009) : dans les documents internes comme à travers le discours de ses membres, elle affirme que les habitants ont une meilleure connaissance de leurs besoins que des acteurs extérieurs ; que les actions entreprises doivent pouvoir se soutenir d’elles-mêmes, grâce à leur appropriation par les habitants, dans une phase ultérieure. Enfin, par rapport aux autres fondations indépendantes, deux caractéristiques la singularisent. La première est d’avoir un personnel nombreux, de plus de quinze salariés, répartis entre un président (CEO), des cadres dirigeants («  partners  ») et des acteurs opérationnels répartis autour de quatre pôles : la promotion du développement économique ; la communication et la levée de fonds ; les relations avec les habitants ; l’évaluation. La seconde caractéristique est que la fondation brouille la frontière qui sépare traditionnellement ce type d’acteur des associations (« nonprofits ») : ces dernières conçoivent et mettent en œuvre, généralement, les actions financées par les fondations philanthropiques. La FRA met en œuvre directement un certain nombre de projets. Dotée de 10 millions de dollars, la FRA se situe dans la moyenne haute des fondations en termes de dotation (Foundation Source 2013 : 8). Avec 15‪ ‬salariés (le nombre moyen de salariés pour les fondations indépendantes est de 5 [Council on Foundations 2010 : 2]) dont une moitié issue des minorités ethno-raciales, elle adopte les modes de recrutement caractéristiques des grandes fondations. Le fait qu’elle mette en œuvre directement une partie des programmes la rattache également au mode de fonctionnement des fondations les plus dotées et l’inscrit près du pôle de celles qui interviennent directement, dans un continuum opposant les fondations distributrices et les fondations directement impliquées dans la conception et la mise en œuvre des programmes [2]. De ce fait, la relation instaurée avec les habitants est directe.‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬

Cette relation directe est développée dans le cadre d’une véritable unité de lieu très propice à une enquête en profondeur. En effet, le deuxième intérêt spécifique de cette fondation est qu’elle centre son action sur un quartier : celui-ci a été retenu après une analyse approfondie des besoins sociaux dans la ville et de la densité des associations susceptibles d’y répondre. Après avoir eu recours à l’expertise d’un universitaire, la FRA a décidé d’allouer l’ensemble des moyens dont elle dispose à un microquartier d’environ 100 000 habitants, parmi les plus isolés spatialement et paupérisés socialement de la ville. Celui-ci, très excentré au sud de la ville, se caractérise par le cumul des formes de désavantage social caractéristique des inner cities (quartiers pauvres et ségrégués des grandes villes états-uniennes) : concentration des minorités, pauvreté, prégnance des familles monoparentales, criminalité, etc. Et une de ses spécificités tient à la faiblesse de la densité du tissu associatif, au contraire d’autres quartiers défavorisés de Boston. En cherchant à agir directement sur le quartier, la FRA s’intègre dans un ensemble d’initiatives, à la fois publiques et privées, qui font du territoire défavorisé la catégorie dominante de l’intervention [3]. Enfin, la dimension d’investissement (Salamon 2014) est très affirmée, même si les modèles de mesure du retour sur investissement des actions n’étaient pas stabilisés au moment de l’enquête. Les bourses (grants) distribuées avaient tous pour vocation d’aider telle ou telle initiative au sein du quartier : animation artistique pour lutter contre la délinquance, délimitation d’une zone sécurisée pour fêter Noël, financement des acteurs associatifs implantés localement. Au-delà de ces financements à des associations existantes, la FRA conduisait, directement, des ateliers de formation pour monter des entreprises (small businesses), des rencontres entre les principaux acteurs du secteur éducatif et les parents d’élèves, enfin, des rencontres sur lesquelles nous reviendrons en détail.

Cet ancrage territorial revêt un intérêt double pour la recherche : d’une part, il permet, en participant aux actions de la fondation, d’entrer en contact avec un ensemble d’interlocuteurs institutionnels, religieux, associatifs et de comprendre, par leur entremise, la réception d’une intervention extérieure par les strates notabiliaires d’un quartier défavorisé. Le tissu social organisé du quartier a pu être reconstitué, par capillarité, grâce à ces contacts subventionnés par la fondation. Il a également été possible de participer, pour des périodes ponctuelles, aux activités diverses de ces associations associées à la FRA. Enfin, cet ancrage territorial m’a permis d’élire un microquartier et d’y développer une interconnaissance plus étroite avec ses habitants.

Le dernier aspect (qui fut, chronologiquement, parmi les premiers) a été la possibilité d’assister aux réunions publiques organisées par la FRA avec les habitants, dans une salle municipale du quartier. L’organisation de ces réunions est l’élément fédérateur où tous les acteurs impliqués convergent. Ces réunions publiques organisées à intervalles réguliers pendant 8 mois ont constitué une mine inépuisable d’informations dans la mesure où elles ont permis de suivre la dynamique de l’évolution des relations entre les différentes parties prenantes à partir de l’observation d’un même rituel, répété à intervalles temporels réguliers. L’observation, in situ, et donc la participation régulière à des réunions réunissant entre vingt et quarante personnes, a permis d’identifier, en pratique, la manière dont était définie la situation d’interaction par la FRA.

Cet article se penche ainsi sur les investissements dont fait l’objet le type de réunions qui tient la place centrale dans l’action de la fondation observée et s’interroge, centralement, sur le lien entre les modes opératoires et l’observation d’un certain nombre d’effets constatés lors de l’enquête. La promesse de transformation sociale de la FRA, qu’il conviendra dans un premier temps de cerner et de décrire, recouvre-t-elle une réalité ? Pour répondre à cette question, nous procéderons en trois temps. En montrant d’abord que le type d’action qu’elle met en œuvre est issu d’une critique de la bureaucratisation des fondations et de leur rapprochement avec des bureaucraties étatiques ; en montrant ensuite comment se déroulent, concrètement, les réunions qui tiennent une place centrale dans la construction communautaire souhaitée par la FRA ; et en délimitant les effets produits sur les parties de la population du quartier ciblé qui se mobilisent autour de la fondation.

Animer la communauté

Investir un quartier n’a rien d’évident. Avant même d’y entrer, il faut d’abord pouvoir penser que le quartier peut, en tant que tel, être l’objet d’une intervention spécifique. Cette stratégie prend à revers les principaux modes d’action destinés à lutter contre la pauvreté urbaine. En effet, de manière traditionnelle, la mobilité des habitants est organisée pour permettre à ceux qui le veulent de quitter, sur une base individuelle, les environnements les plus dégradés et les plus porteurs de menaces – pour leurs enfants notamment – et ainsi assurer que l’égalité des chances, très liée au contexte spatial, n’est pas remise en cause. Souhaitant s’implanter dans un champ philanthropique déjà très dense dans la ville de Boston, ville dont les élites sont, de très longue date, investies dans le soutien aux institutions culturelles notamment, c’est en promouvant une action portant les traces d’une critique des modes d’action les plus stabilisés du monde philanthropique que la FRA a cherché à se faire une place. C’est pourquoi elle a recruté des consultants, porteurs de conceptions de la relation avec les populations et de modes d’action qu’elle considérait comme innovants. Ainsi le fondateur a-t-il confié à son conseil d’administration le soin de recruter, dans les premières étapes du développement de la FRA, soit trois ans avant le début de l’enquête, un consultant qui avait travaillé auprès de villes en difficulté pour retisser le lien social dans des communautés fragilisées. Bruce a ainsi été recruté comme consultant pour aider la FRA à élaborer une approche qui aide les habitants à valoriser les ressources – matérielles mais surtout cognitives et morales – dont ils disposent.

Bruce, un consultant au cœur de la FRA

Au sein de la FRA, Bruce est le seul consultant engagé pour une période longue, puisque son contrat le lie pour plusieurs années à la fondation. Si certains consultants sont sollicités pour poser des diagnostics organisationnels, la présence de Bruce est tout à fait singulière puisqu’il a pour vocation de concevoir et de mettre en œuvre une relation spécifique avec les habitants. Il doit donc véhiculer, au travers de l’action quotidienne des salariés de la fondation, un mode d’être spécifique, celui qui doit permettre la réussite du programme – ce qui donne à Bruce un statut spécifique au sein de la FRA. Il n’appartient pas à l’organigramme de la fondation et peut pourtant intervenir sur tous les aspects ayant trait à la production d’une dynamique relationnelle avec les populations cibles : il a donc un droit de regard sur les opérations de recrutement au sein de la FRA, sur l’organisation, la préparation en amont, le déroulement et le debriefing sur les réunions publiques qui sont au cœur de la stratégie de la FRA. Il organise des séances de formation des habitants sélectionnés comme de potentiels leaders. Reconnue à l’échelle nationale, son approche a déjà fait l’objet de mises en œuvre dont la direction de la FRA souhaite s’inspirer. Il revendique donc une forme de propriété intellectuelle sur l’approche mise en œuvre par la FRA, qu’il assiste dans l’appropriation. Du fait de sa notoriété, il dispose de ressources relationnelles bien plus étendues que les salariés de la FRA. Il jouit également d’une position spécifique ; extérieur au personnel de la fondation et protégé par sa réputation, il ne dépend pas de la fondation pour vivre ou assurer le rayonnement de ses initiatives. Il peut donc critiquer et remettre en cause les salariés, voire les cadres. En interne, cette position de surplomb est arrimée au fait que la fondation lui a délégué une fonction nodale puisque l’ensemble de son action vise à changer la réalité matérielle et l’état d’esprit des populations d’un quartier pauvre de la ville de Boston et que c’est par l’intermédiaire de l’approche de Bruce qu’elle entend y parvenir. En même temps, la fondation n’étant qu’un de ses clients, sa présence dans les locaux et lors des réunions est occasionnelle. Au cours de l’enquête, des différends sont apparus entre Bruce et la direction, cette dernière ne voyant pas les effets de l’approche qu’il avait développée, et celui-ci l’accusant d’empêcher, par son organisation, la mise en œuvre des principes qu’il préconise.

La présence de Bruce dans les locaux et dans les réunions publiques est presque continue pendant la période de l’enquête. Il n’est pas rare de le voir pousser tel ou tel salarié, au détour d’une conversation, à la machine à café par exemple, à expliciter la raison d’être de telle ou telle attitude adoptée publiquement, rabrouer tel autre à l’occasion, rappeler en permanence l’esprit qui doit présider à la mise en œuvre de « l’approche » qu’il a conçue et insister sur la précision de ses exigences.

Formé à l’école du travail social dans sa version radicale (dans la lignée de Saül Alinsky, fondateur du « community organizing » à Chicago, de la réformatrice sociale Jane Adams ou de l’activiste critique des programmes de planification urbaine Jane Jacobs), il dit avoir été marxiste dans sa jeunesse ; il est devenu critique de l’intervention de l’État qui, pour lui, a d’abord vocation à faire des pauvres une main-d’œuvre docile pour les employeurs. De ce point de vue, sa perception du monde des associations et des fondations ne diffère guère de celle des autres interlocuteurs rencontrés : une frontière symbolique extrêmement nette est tracée avec le monde de l’appareil d’État et des pouvoirs publics, et ce même si les ressources matérielles dont jouissent associations et fondations proviennent en très large partie des exemptions d’impôt que les dons qu’elles reçoivent occasionnent (grâce au statut fiscal 501(c)3). Le rapprochement objectif au sein du champ de l’action publique décentralisée et privatisée conduit, chez lui, à exacerber la frontière symbolique avec le monde étatique ou para-étatique. Celle-ci est illustrée par l’usage du terme « approche » pour désigner les modèles d’intervention philanthropiques. Un point qui est revenu sans cesse dans les entretiens est la distinction entre le vocable d’approche (« ‪ ‬approach‪ ‬ ») et celui de « programme » (« ‪ ‬program‪ ‬ »). Autant le premier est valorisé pour l’inventivité qu’il recèle et le caractère volontaire de sa mise en œuvre, autant le terme « programme » suscite un rejet marqué pour sa proximité avec l’action de l’État.‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬

Bruce est un homme blanc d’une cinquantaine d’années, se présentant volontiers comme issu d’un milieu populaire. Dans les interactions, Bruce peut jouer, grâce à un regard gris perçant, d’une force d’entraînement et, pour le dire simplement, d’une forme de charisme construite au cours d’années de pratiques du « community organizing » dans différents États. Il a notamment mis en place dans une ville désindustrialisée du nord-est des États-Unis un programme de revitalisation communautaire travaillant sur la mobilisation des gens et non sur les aspects plus traditionnels de rénovation du bâti (sur cette distinction entre « community organizing » et « community building », voir Talpin 2013) qui a été reconnu dans les cercles de formation en intervention sociale et qui avait reçu le soutien de fondations philanthropiques, ce qui lui a permis d’être connu dans ce secteur. Vu la proximité géographique entre Boston et la ville où il a piloté ses initiatives, les réseaux d’interconnaissance au sein du monde philanthropique ont joué pour qu’il soit sollicité très tôt dans la conception des actions de la FRA. Il jouit d’une reconnaissance pour son expertise dans le développement des scénographies d’interaction désignées comme « transformatrices » des quartiers où elles sont mises en œuvre. Sa place de consultant témoigne de la difficulté et de la centralité de ce rôle de « mise en scène » des projets philanthropiques. En effet, ceux-ci font très étroitement dépendre la réalisation de leurs objectifs d’une bien impalpable « qualité » des relations instaurées. C’est en effet la qualité de la relation qui doit changer l’état d’esprit des pauvres puisqu’elle doit leur faire sentir qu’ils ne sont pas stigmatisés mais au contraire soutenus. Les récits que nous avons pu recueillir convergent pour faire de ce rôle d’élaboration de la scénographie des réunions publiques, à la fois moyen et signe de la promotion des habitants, une tâche si délicate et stratégique que la nécessité de l’externaliser s’est fait sentir. Les salariés, recrutés parmi les jeunes activistes locaux les plus dynamiques de la ville et de la région, sont alors les acteurs de cette pièce.

Bruce est le véritable metteur en scène des situations censées doter les habitants du quartier du sens de leur capacité sociale et, par-là même, produire les effets réels de cette reconnaissance de la volonté de s’en sortir des plus pauvres. Ces situations font l’objet d’une préparation minutieuse et la relation avec les habitants est l’objet d’une réflexivité permanente de la part des salariés. Un récit d’observation permet de l’illustrer, tout en montrant le rôle de Bruce dans le conditionnement des salariés pour ces tâches. Ainsi, une après-midi, une réunion est organisée au siège de la fondation. Trois habitants, John, Elma et Jacqueline, sont venus évoquer, avec Mario (un salarié à haut niveau de responsabilité) et Mercedes (une salariée chargée de la mise en œuvre des actions sur le terrain), les relations susceptibles de permettre à la fondation de faire connaître son action. John, Elma et Jacqueline s’assoient d’un côté de la table, Mario et Mercedes de l’autre. Je suis pour ma part installé sur un siège entre les deux groupes. La réunion donne lieu à des échanges d’informations où les trois habitants détaillent, à la demande de Mario et Mercedes, leurs réseaux de sociabilité et répondent aux questions qui leur sont posées : quels sont leurs soutiens ? Qui sont leurs interlocuteurs en cas de problème ? Quel type de problème rencontrent-ils ? John évoque l’absence d’emplois pour les jeunes. Elma évoque le fait que la bibliothèque du centre communautaire n’est pas assez connue ni fréquentée. Jacqueline, enfin, évoque le besoin de garde pour les enfants qui se fait cruellement sentir. Elle parle de sa propre situation et des difficultés qu’elle a eues à se libérer pour venir cette après-midi. Mario et Mercedes prennent des notes en acquiesçant quand Bruce passe soudain la tête par la porte, il dit bonjour aux présents, demande où il peut trouver du café et s’en retourne dans la pièce qu’on lui a indiquée. Quelques minutes plus tard, une fois les trois habitants raccompagnés après avoir été longuement remerciés par Mario et Mercedes et après que des rendez-vous ont été fixés avec chacun d’entre eux pour de futures rencontres, Bruce vient chercher Mario et Mercedes et leur demande de revenir s’installer à la place où ils étaient assis autour de la table. Il me demande de m’installer avec lui de l’autre côté. En procédant ainsi, Bruce cherche à recréer la situation d’interaction qui vient de se dérouler. Cette intention suffit à faire apparaître aux yeux de Mario et Mercedes l’erreur qu’ils ont commise et dont Bruce veut leur faire prendre conscience par eux-mêmes. Comment pensent-ils pouvoir créer de la confiance et de l’égalité s’ils se comportent comme des travailleurs sociaux face à leurs clients ? Se levant, il incite Mario et Mercedes à se déplacer autour de la table, les place le dos derrière la porte d’entrée dans la pièce comme l’ont été les trois habitants et leur fait sentir à quel point ils ne leur ont concédé qu’une permission temporaire de s’asseoir alors qu’ils auraient dû les accueillir autrement et, idéalement, leur faire sentir qu’ils étaient chez eux dans ces locaux du centre-ville. S’énervant progressivement, passant d’une place à l’autre, écartant les bras pour embrasser la salle, saisissant successivement Mario et Mercedes par les épaules et même par la taille, il cherche à leur faire sentir la force des positions (et des dispositions), de la circulation des regards, de la parole, etc. Il finit par une virulente mise en demeure : ils sont en train de ruiner l’esprit du projet qu’ils doivent conduire, et conclut sur une objurgation empreinte de menaces à se rappeler qui ils sont et pourquoi ils sont là. Il a évidemment profité de son passage en apparence accidentel dans la pièce pour observer la situation et saisir au vol une attitude, selon lui empreinte de complaisance, de la part de Mario et de Mercedes.

L’observation de cette scène a permis de donner un point d’ancrage vécu au questionnement lors d’un entretien avec Bruce. Interrogé sur ce qu’il avait « vu » lors de cette scène, il établit un lien immédiat avec le traitement ordinaire des pauvres par les services sociaux. De manière presque littérale, c’est l’habitus des intervenants qui fait des pauvres des individus « dépendants ». Ce qu’il y a vu, c’est :

Une disposition détachée, une façon de voir les choses très « eux-nous » qui vient de la professionnalisation de ce travail et qui vient aussi de l’idée que quand les gens sont pauvres, c’est qu’il y a quelque chose chez eux qui ne va pas et qui doit être réparé.

L’évocation de cette scène donna ensuite lieu à une esquisse de généalogie par Bruce de la « bureaucratisation » du secteur des fondations actives sur le territoire américain. Pour lui, il était d’autant plus problématique que les comportements qu’il critiquait aient lieu à la FRA que celle-ci constituait, par sa taille, un refuge, rare, vis-à-vis des contraintes spécifiques que les fondations de plus grande taille imposent au type de démarche qu’il souhaite voir mise en place. Pour lui, depuis les années 1990, le champ des fondations s’est transformé au point de connaître une forme d’institutionnalisation, notamment du fait de l’interpénétration des milieux professionnels avec l’administration :

Les fondations en Amérique étaient de relativement petite taille mais au cours des vingt dernières années, il y a eu beaucoup plus d’argent et elles ont explosé pendant les années Clinton. Les personnels ont été décuplés, les gens embauchaient des bureaucrates des États. Chaque État dispose maintenant de larges cohortes d’experts impliqués dans la vie des familles. Ces industries ont explosé avec les Masters en travail social et leur approche très clinique.

Pour Bruce, les fondations se sont ainsi professionnalisées, bureaucratisées et ont perdu de vue les principes qui doivent les régir : la volonté d’établir des relations volontaires sur la base de la capacité de tous les participants. Les effets de cette bureaucratisation sont tels qu’il en vient à dresser une critique du monde des associations qui s’est développé en réponse à l’augmentation des moyens des fondations [4]. Ces associations sont marquées par une normalisation de grande ampleur : professionnalisation, importance croissante des cadres et des responsables déconnectés du terrain, etc. Ses propos renvoient largement au constat dressé par les chercheurs qui ont constaté l’évolution du monde associatif dans le sens d’une forte professionnalisation (Skocpol 2003) d’une part et d’une dépolitisation de l’autre (Eliasoph 2011). Bruce évoque ainsi l’inadaptation croissante du cadre traditionnel de l’association à but non lucratif pour développer le type d’approche qu’il appelle de ses vœux et, en retour, valorise la souplesse des fondations indépendantes comme la FRA :

Nous essayons de vivre dans la forme appelée nonprofit qui est un vieux système aménagé pour accueillir un nouvel écosystème, mais il y a trop d’obstacles inhérents à cette forme pour avoir de vrais résultats […] Être ici, cela signifie que je crois vraiment qu’une fondation indépendante offre la meilleure forme pour créer un type d’écosystème différent.

Cette critique du monde des associations par des acteurs eux-mêmes engagés dans ce secteur est récurrente. En quoi consiste le travail réalisé par la FRA ? Il s’agit principalement d’organiser des réunions publiques, véritables cérémonies sociales dont nous proposons un extrait d’observation.

Observation : une cérémonie

Le hall d’entrée du centre communautaire est recouvert d’affiches d’informations, de services publics destinés à la population. Des informations sur le dépistage du VIH côtoient des affiches pour des programmes périscolaires, du soutien à la gestion financière ou des actions de lutte contre la violence. Une grande affiche noire annonce les peines fédérales et nationales pour la détention d’armes à feu. Parfois, ces affiches sont marquées par des graffitis ironiques. Derrière un comptoir, deux hommes dont l’âge est difficilement discernable du fait des cicatrices qui les couvrent, vêtus de maillots de basket-ball, jouent, en silence, devant l’écran de leurs ordinateurs. Ils ne font même pas semblant de se préparer à répondre aux éventuelles questions des personnes qui arrivent. Une grande animation règne dans le hall. Un bus scolaire fait entrer une trentaine d’adolescents, vêtus pour un match de football et qui traversent, impérieux, le hall pour sortir par la porte arrière qui donne sur un escalier conduisant aux installations sportives situées aux étages supérieurs.

Un autre accueil est prévu, par la fondation cette fois. Mario et Mercedes sont installés derrière ce bureau. À côté d’eux, un panneau invite à rejoindre l’événement en s’inscrivant et en retirant un autocollant sur lequel le prénom est inscrit au marqueur. Chacun doit inscrire son nom et renseigner son adresse électronique et son numéro de téléphone sur un registre. Les stagiaires, des lycéens du quartier, font l’accueil, parrainés par des membres de la fondation. Une ambiance de jeu est installée. On distribue un papier avec une question. Il faut la poser au plus grand nombre possible de personnes. Une carte de cinéma est offerte à celui qui a le plus de réponses à la question. Un panneau annonce les principes et les étapes de la cérémonie. Les participants sont invités à rejoindre la salle située au fond du couloir à droite. Là, un demi-cercle de chaises est installé face à un panneau où les étapes du déroulement sont annoncées. Des affiches colorées sont placardées sur les divers murs de la salle. Un buffet est installé. Derrière lui, deux ou trois jeunes femmes selon les moments, servent un plat fait de poulet, salade, banane plantain et riz. Chacun est invité à prendre une assiette. Les conversations s’engagent. Une atmosphère conviviale se développe. Une interconnaissance forte règne. Certains membres de la fondation se tiennent en retrait. D’autres parlent ensemble de musique. Deux jeunes hommes vêtus de tee-shirts colorés portant le logo de la FRA parlent ensemble, adossés au buffet derrière lequel les filles se tiennent, attendant que des habitants se présentent vers elles pour remplir leur assiette. Pendant que les habitants entrent, les membres de la fondation font des allers-retours entre le stand d’accueil de l’entrée et la salle désormais installée. Un panneau fait face aux chaises, qui se remplissent lentement d’habitants mangeant, leur assiette sur les genoux. En réalité, la réunion a déjà commencé. La première étape est indiquée : « manger et lier connaissance ». La mise à disposition de nourriture et de garde d’enfant constitue une incitation très forte à lier partie avec les autres.

Il est 18 heures, Mario fait des gestes, interpelle les participants pour qu’ils rejoignent le demi-cercle de chaises qui fait face à un grand tableau blanc. La réunion commence par le résultat du jeu. Le participant qui a eu le plus de réponses à la question qui lui a été donnée à l’entrée gagne une place de cinéma. Le fait d’être entré en contact avec le plus grand nombre de personnes reçoit ainsi une récompense matérielle. Des rires et des applaudissements saluent la distribution des gains. Une fois tous les habitants installés ensemble – ils sont plus d’une vingtaine ce soir-là –, les participants sont invités à participer à une séquence au cours de laquelle chacun annonce les bonnes nouvelles qui le concernent, lui, sa famille ou sa communauté. Les membres de la fondation comme les résidents présents alternent des nouvelles de type « naissance d’un enfant », ou « ma fille est entrée à l’université ». Ce dernier type d’annonce, témoignant d’un effort particulier, est soutenu par des applaudissements appuyés.

Après cette séquence, vient le moment central : les conversations qui se déroulent en petits cercles installés dans les quatre coins de la salle. Ceux qui souhaitent animer une conversation se lèvent et indiquent le thème dont ils souhaitent parler. Chacun se dirige, en fonction de son intérêt, dans un cercle ou dans un autre. Les conversations portent sur des questions organisationnelles relatives à la présence de la fondation dans le quartier, elles portent aussi sur la violence, sur le développement de petites entreprises ou tout simplement sur les relations nouées entre les habitants, sur le quartier, etc. Les tables portant sur la violence ont une fonction d’exutoire. Chacun raconte les traumatismes que représente le fait d’avoir assisté à un homicide, à des tirs, à une manifestation de brutalité policière, etc. Plusieurs membres de la FRA circulent d’un groupe à l’autre pour écouter, surveiller le temps, la qualité et l’intensité des interactions, intervenir et, au besoin, recadrer la discussion. Les groupes se forment au gré des relations d’interconnaissance mais aussi des informations que chacun espère recueillir des tables rondes.

Les ateliers sont levés après quinze à vingt minutes, chacun reprenant sa place dans le grand cercle. Un dernier tour de table vient clore la réunion. Il s’agit d’annoncer, de proposer, de demander tout type de services. Chacun est invité à échanger des informations, faire connaître des besoins ou proposer des services ou ressources. Les résidents sont incités à entrer en contact les uns avec les autres. Les contacts sont, là encore, valorisés par des incitations. Des cartes professionnelles avec le logo de la FRA sont offertes à ceux qui souhaitent entrer en contact avec les autres membres de la communauté présents. Des applaudissements scandent les contacts qui ont été noués entre membres. Il est 19 h 30. La séance se lève. Des conversations informelles se développent pendant que les membres de la FRA rangent la salle. Chacun se dirige vers la sortie.

Une représentation inversée des rapports sociaux

Ce type d’événement, s’il s’apparente à une cérémonie de la vie sociale ordinaire, est en réalité préparé avec soin dans chacune de ses étapes. Une scénographie complète est prévue, les déplacements de chacun des professionnels calculés, les réactions en apparence les plus spontanées sont réfléchies. La consultation et l’analyse de documents émanant de fondations ayant des objectifs proches permettent de faire apparaître les enjeux sous-jacents à l’organisation de ce type d’événements. En effet, des effets substantiels sont attendus de la qualité de l’atmosphère produite par la cérémonie ainsi que du comportement de chacun de ses participants. Pour rendre compte des effets attendus et du type d’élaboration en question, je vais désormais m’appuyer sur un mémoire rédigé par Annie Fulton et Audrey Jordan pour la Annie E. Casey Foundation (Jordan et Fulton 2008), brochure figurant parmi les références principales des influences revendiquées par la FRA et qui fait la synthèse d’expériences de création de réseaux sociaux à l’échelle des États-Unis. Ce document est particulièrement instructif dans la mesure où il apporte les éléments de « théorisation » dont les cérémonies publiques s’inspirent et qu’elles mettent en œuvre.

Le premier point à souligner est que ce type d’événements s’appuie sur une réflexion sur la notion de “réseau social” (« social network »). Les travaux de Robert Putnam (2000) sont mobilisés dans la mesure où ils sont porteurs d’une vision du lien social susceptible d’une opérationnalisation à une échelle locale. Au-delà de leur portée et des discussions qu’ils ont lancées dans les cercles académiques, ces travaux font l’objet d’une diffusion très large auprès des cadres du secteur associatif et philanthropique qui y trouvent les éléments constitutifs d’une idéologie de justification de leur action. Malgré les limites théoriques soulignées par la littérature sociologique et notamment la circularité de la démonstration relative aux effets du capital social (celui-ci étant à la fois la cause d’une organisation sociale vertueuse et un indicateur susceptible de décrire un tel fonctionnement social ; Hamidi 2013), ces travaux sont porteurs d’une représentation des effets positifs du lien civique dont les associations peuvent aisément se saisir pour justifier l’apport, en termes de bien public, d’une action orientée vers la création de liens horizontaux au sein de la société civile. C’est à ce titre, comme support conceptuel à une élaboration théorique au sein des organisations et dans les mondes de la formation des acteurs du monde philanthropique et non comme théorisation sociologique susceptible d’éclairer, de l’extérieur, l’action de la FRA, que ces travaux seront ici mentionnés. Un système de références et une culture de l’expertise philanthropique sont perceptibles à la lecture de ces documents. La note de Fulton et Jordan fait référence à une formalisation par une autre consultante de la Annie E. Casey Foundation, Nilofer Ahsan, qui a « théorisé » les vertus des dispositifs de réunion publique.

Nilofer Ahsan expose ainsi l’enjeu de la création de réseaux sociaux (2006 : 22) :

Quand nous parlons d’un tissage intentionnel de réseaux sociaux dans le travail de transformation communautaire et social, nous parlons d’une nouvelle vision qui s’élève au-delà des limites du présent comme de celles du passé. Nous parlons de construire des réseaux à l’intérieur de nos communautés : ces réseaux sont gouvernés par un ensemble fort de principes qui guident notre vision du changement social. Ces réseaux :

A. se développent comme des environnements de choix où la participation est volontaire et repose sur des individus qui perçoivent des avantages de leurs réseaux ;
B. se concentrent sur la réalisation de buts qui font l’objet d’un accord commun, buts qui rencontrent les besoins des membres et permettent à chacun de s’imposer comme un leader ; ils établissent une infrastructure construite autour du soin (caring) et de la confiance ;
C. tissent des relations au-delà des lignes de race, de classe et de communauté ;
D. mettent l’accent sur la réciprocité et le partage plutôt que des relations de dons ou de bénéfices unilatéraux ;
E. promeuvent l’inclusion plutôt que l’exclusion – où les ressources sont investies moins dans le but de garder les gens à l’écart plutôt que d’assurer la diversité et de s’engager à atteindre ceux qui sont isolés.

Ce nouveau travail de construction des réseaux sociaux va au-delà de l’idée de tisser des réseaux sociaux dans quelques stratégies d’action. Il s’agit réellement de retisser de manière délibérée la construction de la communauté.

Un point particulièrement remarquable apparaît dans ces travaux qui ont influencé l’« approche » développée par la FRA : il s’agit du fait que la dimension d’asymétrie qui existe entre les salariés, issus des strates dirigeantes ou managériales du secteur philanthropique, les donateurs venant des élites économiques et sociales et les habitants des quartiers pauvres, loin d’être niée, est au contraire reconnue et utilisée. La FRA ne prétend pas instaurer un lien égalitaire à proprement parler entre ces différentes composantes mais bien plutôt créer un sentiment d’égalité et une complémentarité des apports entre des parties structurellement inégales. Les différences, de classe notamment, sont ainsi pensées comme utiles dans la perspective de leur dépassement au profit de l’avènement d’une communauté, au sens fort d’une participation d’individus aux origines diverses en vue de buts communs, à la fois autonome dans ses processus de décision et ouverte sur l’extérieur. Dès ce stade très abstrait, les différences sociales sont mises à profit plutôt qu’occultées ou dénoncées. Elles sont utilisées en vertu de la complémentarité supposée de leurs pôles opposés et par là même naturalisées. Les réseaux créés par le type de cérémonies déjà évoqué sont censés avoir des intérêts divers en fonction des participants. Pour Nilofer Ahsan, une consultante de la Annie E. Casey Foundation, tisser des réseaux est susceptible de rien de moins que « fabriquer la communauté ». La rhétorique qui soutient ce type de démarche se déploie par un jeu d’oppositions entre l’environnement subi du lieu de résidence et le lien électif développé dans le cadre des approches associatives. Ainsi, à l’exclusion liée à la ségrégation du territoire s’oppose l’ouverture liée au partage de moments par des individus issus des différentes parties de la ville ; à l’isolement s’oppose la confiance ; à la dépendance envers l’assistance s’opposent la réciprocité et l’égalité. Ainsi, loin de n’être qu’une réunion publique, le type d’événement organisé par la FRA a pour vocation de produire une déstigmatisation du quartier et de ses habitants et, par le biais de celle-ci, de produire une transformation progressive de leur situation. Cette déstigmatisation passe par une inversion des formes de catégorisation usuelles et péjoratives de l’environnement ciblé. Il constitue la matérialisation d’un projet politique qui vise à créer une « communauté imaginée » (Anderson 1991) d’individus responsables et reliés les uns aux autres par des liens d’échanges réciproques. Cette communauté a vocation à se constituer à côté de l’emprise de l’État, supposée dégrader ceux qu’il enferme dans la passivité alors même que, comme nous l’avons vu, l’ensemble du secteur associatif et philanthropique dépend de financements étatiques.

Même s’ils projettent, sur un mode imaginaire, une inversion des rapports sociaux réels [5], la capacité de ces modèles d’action à être opérationnalisés tient à leur prise en compte très précise des capitaux sociaux des différents participants et du type de satisfaction que la participation à un même événement peut corrélativement leur procurer. Les caractéristiques sociales des participants sont soupesées et utilisées grâce à une analyse fine de leur complémentarité potentielle : de riches donateurs peuvent trouver dans ces rencontres du sens tandis que des habitants démunis peuvent y trouver des ressources diverses. Le fait de créer des liens avec des individus et groupes différents renvoie ici explicitement au type de lien que Putnam désigne par « bridging » (« établir des ponts » ; Putnam 2000). Cette valorisation de la diversité a une portée qui dépasse les profits mutuels que les participants de différents horizons peuvent trouver à leur participation. Enfin, une capacité de maîtrise des individus sur le monde, un sentiment d’égalité et de réciprocité sont supposés être apportés aux démunis. Une fois ces personnes mises en relation avec des membres d’autres catégories, ce qui est identifié comme la source du mal principal affectant les populations pauvres est supposé en partie stoppé : celles-ci souffrent de leur isolement et de l’état d’esprit que celui-ci engendre.

Dans un contexte d’inégalités (de classe notamment) importantes entre les participants, la recherche d’une simplicité et d’une authenticité des interactions permet, dans une certaine mesure, de conférer aux différents participants le sentiment d’appartenance commune recherché. La qualité de la relation est supposée produire l’égalité. À travers cette qualité de la relation, ce n’est rien moins que la réintégration à la société des habitants des quartiers les plus défavorisés qui est visée. Tocqueville n’a-t-il pas évoqué, en son temps, la représentation égalitaire du lien social comme fondement anthropologique de la société américaine ? Les dispositions des salariés sont mobilisées de manière intense pour rendre crédible une position égale des participants. Ainsi, lors de la séance des questions et requêtes qui ouvre la cérémonie, il est d’usage que salariés et participants émettent, de manière symétrique, des demandes. Les habitants demandent des emplois, parfois, dans les cas les plus désespérés, des logements ou des solutions à des problèmes critiques affectant leur existence quotidienne. Parfois, ils proposent ou demandent plus simplement des services, de garde à domicile pour les enfants ou les personnes âgées par exemple. Si ces demandes ne faisaient l’objet d’une contrepartie de la part des salariés, l’inégalité de leur position serait apparue : n’ayant rien à demander alors que la parole circule, ils se seraient placés en dehors de la sphère de réciprocité élargie qu’ils cherchaient précisément à instaurer. Mais, sauf à travestir leur situation d’une manière qui pourrait immédiatement être démasquée, il ne leur est pas possible de faire des requêtes du même ordre que les habitants des quartiers pauvres.

Pour résoudre ce dilemme et sortir de l’alternative funeste que le rituel des « offres-demandes » semble créer, les salariés font part, de manière très systématique – trop systématique pour ne pas refléter une entreprise réfléchie et délibérée – de leurs besoins de conseils sur tel ou tel aspect de la vie quotidienne. Un salarié demande ainsi des conseils aux mères (et grands-mères) présentes pour maîtriser l’usage que sa fille, adolescente, fait d’internet. Comment éviter qu’elle n’y fasse de mauvaises rencontres ? Un jour, le caractère relativement futile de ces demandes a même fait l’objet d’une réflexion lorsqu’un salarié a fait part, avec une moue mi-gênée mi-amusée, de la nature superficielle (« shallow ») de sa demande au sujet de la meilleure manière d’organiser Halloween (demande qui succédait à celle d’une mère de famille, habitante du quartier, qui cherchait de l’aide pour son fils toxicomane). Pour atténuer l’effet du contraste, il fit un jeu de mots difficile à traduire en disant que sa question portait sur un « shalloween » : shallow renvoyant à la forme de son intervention et Halloween à son contenu. Les petits tracas du quotidien, les inquiétudes et les espoirs universels des parents (ma fille sera-t-elle choisie pour être la vedette du bal de son école ?) ou encore le sentiment d’être déconnecté par rapport au nouveau monde de la technologie sont évoqués par les salariés de la FRA et, à ces problèmes qu’ils mettent en avant, répondent les besoins matériels vitaux ou moins urgents des habitants et parfois à leurs cris d’alarme. Ces échos font certes apparaître une différence de classe qui, pour être ténue, n’en est pas moins réelle, mais ils la resituent en même temps dans un continuum et ont comme effet de placer, d’un point de vue symbolique, tous les participants sur un pied d’égalité. La circulation de la parole et de la demande assure une médiation destinée à combler l’écart entre des conditions objectivement (de par les statuts sociaux) et pratiquement (par les « rôles » conférés dans l’interaction en question) différentes.

Un ensemble de dispositions sont ainsi investies en situation par les salariés. Elles sont parties prenantes de leur rôle. Ceux-ci, quel que soit leur statut au sein de la fondation, ont, dès lors qu’ils sont en représentation – et idéalement, dans chacune de leurs interactions avec les habitants – un rôle qu’ils pensent et désignent comme étant celui d’un « tisseur » («  weaver  »). Ils sont des artisans de la création du lien social. On trouve ainsi dans un autre article de « théorisation » des pratiques du « community organizing », celui de Bill Traynor et Jessica Andors (2005), article dont il a été possible de relever des échos directs et explicites dans le discours de certains salariés, une définition du rôle des salariés comme « tisseurs ». Les salariés s’affirment dans ce rôle et dans leur capacité à transmettre même si, dans le même temps, leur vocation est de permettre aux habitants de devenir eux aussi des « tisseurs ». Il y a là une tension entre la position professionnelle des salariés, qui suppose une distance avec la population, et la finalité de leur action, qui prévoit l’abolition de celle-ci. La qualité essentielle de ces artisans d’un type particulier est précisément de mobiliser, en pratique, un sens de l’ouverture à l’autre susceptible de créer des liens qui pourraient s’avérer utiles à l’organisation.

Un réseau a besoin d’agents qui sont activement engagés et qui créent des liens entre les gens – ce sont des Tisseurs. Toutes les parties prenantes sont invitées à être des Tisseurs. Le travail du Tisseur est d’être intentionnellement curieux à propos des gens, de leurs centres d’intérêt, et de rattacher cette personne à leur organisation, et lier cette personne à des choses qui se passent dans le Réseau.
(Traynor et Andors 2005)

Ainsi, la dynamique relationnelle elle-même, les affections, rires, manifestations d’enthousiasme ou de désapprobation, attitudes corporelles émanant des membres de la FRA doivent-elles être comprises comme étant parties prenantes d’un ethos professionnel fait de curiosité, d’empathie et de capacité à créer des relations entre personnes d’horizons différents. L’ensemble de ces éléments sont scénarisés et font l’objet de commentaires. La place d’observateur, à l’arrière des voitures au retour de plusieurs de ces cérémonies, m’a permis de saisir la conscience et la critique aiguës du rôle des gestes, de la posture, de la capacité à être engageant, dynamique et à porter une dynamique relationnelle et communicationnelle « positive ». Les membres de la FRA évaluent ainsi sans cesse leurs relations avec les habitants et ce qu’elles véhiculent : respect, mépris, trop grande distance ou trop grande proximité, déséquilibre entre les attentes formulées à l’égard des habitants et leurs capacités à les remplir, frustration à l’égard de leur incapacité à se saisir des occasions fournies, etc. Pour conclure, cette réflexivité sur leur action par les salariés peut être mise en regard de la réception de celle-ci par les habitants.

De la promesse à la réalité d’une transformation sociale ?

Plusieurs éléments permettent d’interpréter les effets des actions précédemment décrites, sans prétendre saturer la description de ceux-ci ni pouvoir les « mesurer », pas plus que la FRA n’a elle-même pu le faire, après avoir cherché à identifier des indicateurs pour établir l’efficacité d’une action destinée à améliorer la vie d’un quartier. L’écart entre les moyens déployés et les résultats obtenus se conjugue avec celui entre les habitants visés et ceux effectivement touchés. Alors que la FRA présente ses investissements comme étant destinés à aider les habitants les plus pauvres et les plus isolés de la ville, ce sont en réalité (et même s’il existe des contre-exemples), des strates relativement stabilisées des quartiers qui sont présents aux réunions. Certains habitants sont introduits par des associations locales ; d’autres viennent pour ainsi dire par hasard ou pour profiter du repas offert. Les habitants mobilisés disposent cependant presque tous de ressources : que ce soit un travail, une voiture et, pour certains d’entre eux, des réseaux au sein du secteur associatif voire de l’appareil politique municipal.

Ce positionnement, qui accrédite l’idée que la mobilisation de la société civile ne peut se faire sans l’appui de médiateurs professionnels (Gilli 2007), permet de comprendre ce que retirent les habitants de leur participation. D’abord, les techniques de verbalisation, de gestion des émotions sont fortement appropriées. Elles dessinent les contours d’une communauté qui se construit, en partie, autour de la mise à distance de son environnement. Actualisant un trait moral très caractéristique de la bourgeoisie noire (Frazier 1955 ; Patillo 2007), cette petite bourgeoisie du ghetto se retrouve au sein de la FRA et trouve des outils pour mener des initiatives associatives ou communautaires de plus petite échelle. L’appel à la responsabilité individuelle et collective trouve ainsi un fort écho au sein des populations concernées. Valoriser son quartier en s’en démarquant, dire sa peur d’y vivre tout en souhaitant l’améliorer, témoigner de la force de celui-ci tout en recevant l’aide venue d’autres parties de la société, telles sont les contradictions que résout, de manière très ponctuelle, la participation à des réunions. De manière très ponctuelle car si la scénographie des réunions produit des effets de mobilisation subjective sur les participants, qui manifestent leur désir de poursuivre leur collaboration entre eux et avec les salariés de la FRA, le type d’actions mises en œuvre par celle-ci n’offre pas de débouchés pérennes à la volonté de transformation sociale affichée, sauf à considérer que la mobilisation subjective est, en soi, un objectif. Les habitants gravitent, de fait, entre différents acteurs auprès desquels ils trouvent des ressources leur permettant d’améliorer, à la marge, une situation mais sans changer la place subalterne de ces quartiers et de leurs populations dans les rapports de pouvoir locaux.

Cette individualisation des différentes inégalités n’empêche cependant pas des déplacements et des formes de réversibilité des relations entre habitants et salariés mais ceux-ci sont contenus dans des limites très étroites et qui ne remettent pas en cause le cadrage très individualisant de la résolution des problèmes sociaux qu’elle a défini. Dans l’ensemble, ce processus contribue à produire une vision de la société dans laquelle les oppositions et conflits sociaux et raciaux font l’objet d’une dénégation (Fassin 2006) au profit d’une volonté, supposée commune à tous, de s’élever. C’est dans ce processus qui, d’une part, occulte les rapports de force, médiatisés par l’État, et qui, de l’autre, opère une évaluation morale implicite des pauvres, en invisibilisant les « autres », ceux qui ne participent pas, qu’un processus de généralisation du don singulier s’opère. Une fondation singulière agissant dans un quartier spécifique véhicule un discours de portée générale sur la reconstruction du lien entre riches et pauvres dans une ville inégalitaire et ségréguée. Ce discours, ainsi que les pratiques et les acteurs qui sont engagés dans sa mise en œuvre, structure une représentation de l’appartenance à la société reposant sur la mobilisation, par les pauvres, des ressources dont ils disposent. Celle-ci s’impose comme un cadre d’interprétation partagé. À travers la mise en lumière de cette opération, l’observation microsociologique réalisée dans le cadre de cette enquête ethnographique se relie à la constitution matérielle et symbolique de la société dans son ensemble. Le don singulier légitime et structure un système de représentation général. Une occultation des inégalités sociales se produit à l’occasion d’échanges construits sur un modèle égalitaire.

add_to_photos Notes

[1Cette prétention n’est en rien nouvelle : la philanthropie de la fin du XIXe et du début du XXe siècle affirmait également rompre avec la charité au nom d’une action rationnelle. Sur cette opposition, voir Gross (2003).

[2Les caractéristiques des grandes fondations ont été mises en lumière par Weaver (1967) et ont été actualisées dans le rapport de l’OCDE (2003 : 17).

[3On peut citer, par exemple, le programme Harlem Children Zone conduit par Geoffrey Canada à Harlem à New York et qui a inspiré le programme Promise Neighborhoods de Barack Obama ou, sur un autre plan, on peut noter l’importance des effets de quartier dans la littérature sociologique américaine sur les inégalités et les problèmes sociaux. Sur ce dernier point, voir Sampson (2012).

[4Du fait de la division du travail existant, en général, entre ces deux types d’institutions : les fondations financent par le biais de bourses et d’appels à projets, les nonprofits conçoivent les actions et, une fois les financements obtenus, les mettent en œuvre.

[5Et ce, sur plusieurs plans : coopération entre les classes vs exploitation des unes par les autres ; appartenance au « champ bureaucratique » de l’État vs autonomie de la « communauté », valorisation des ressources des quartiers vs stigmatisation de ceux-ci, etc.

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Pour citer cet article :

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Philanthropies [en ligne].
(https://www.ethnographiques.org/2017/Duvoux - consulté le 06.12.2024)