Ostana : une capitale pour les vallées occitanes d’Italie ?

Résumé

L’édification d’Ostana en tant que capitale des vallées occitanes d’Italie passe aujourd’hui par la construction et le cumul de différentes primautés. Laboratoire d’architecture alpine contemporaine, modèle de développement pour les territoires alpins et symbole de la renaissance économique et culturelle de la montagne occitane, ce village se signale comme un haut lieu d’occitanité au Piémont et un important foyer de l’occitanisme transnational.

Abstract

Ostana : a capital for the Italian Occitan valleys ?

This article discusses the building of Ostana as the capital of Italian Occitan valleys by analysing the construction and the combination of various primacies. Representing at the same time a laboratory of contemporary alpine architecture, a model of development for the alpine territories and a symbol of the economic and cultural revival of the Occitan Mountains, this village stands out as a hotbed of “occitanity” in Piedmont and as an important centre of transnational occitanism.

Sommaire

Introduction

Les vallées occitanes d’Italie sont constituées d’un ensemble de vallées alpines comprises au sein des provinces piémontaises de Turin et de Cuneo (et débordant marginalement sur la province ligure d’Imperia) formant la partie la plus orientale du territoire de diffusion de la langue d’oc, lequel englobe le Midi français et s’étend jusqu’au val d’Aran espagnol [1]. Diffusée depuis les années 1970 par les acteurs de la revendication occitaniste, la dénomination de « vallées occitanes d’Italie [2] » s’impose de façon croissante depuis la promulgation en 1999 de la loi nationale dite « 482 » reconnaissant douze minorités linguistiques en Italie dont celle de langue occitane [3].

Figure 1
Carte du territoire d’enquête.
Cartographie : Silvia Chiarini et Vincent Duez, 2016.

La nécessité d’établir une capitale pour ces vallées a été exprimée à plusieurs reprises par les acteurs du régionalisme d’oc italien. La proclamation d’une capitale constitue en effet un acte militant majeur, susceptible de contribuer efficacement au processus de construction et d’affirmation d’une identité et d’un territoire occitans. La capitale paraît capable – par un procédé métonymique – de représenter le territoire dans son ensemble, d’en devenir l’expression simplifiée, d’incarner et de véhiculer les traits saillants de la culture et de l’identité du groupe humain qui l’habite. Au même titre que le drapeau ou l’hymne, la capitale constitue donc une composante essentielle de la grammaire nationale pouvant prétendre figurer en bonne place dans la célèbre liste identitaire fondatrice de nations proposée par Anne-Marie Thiesse (1999 [4]).

Comment Ostana, petit village de moins de cent habitants situé dans la haute vallée du Pô, a-t-il pu émerger en tant que lieu symbolique et capitale possible des vallées occitanes d’Italie ? J’examinerai tout d’abord les différentes propositions capitulaires élaborées jusqu’ici par le monde militant ainsi que les projets régionalistes et les représentations territoriales qui les sous-tendent. J’aborderai ensuite l’émergence d’un nouveau concurrent – Ostana – qui, s’il n’a jamais été explicitement proposé en tant que capitale par les acteurs de la revendication, « veut aujourd’hui trouver sa vocation [5] » et se signale comme un haut lieu d’occitanité [6] grâce à la construction et au cumul de différentes primautés, phénomène que j’analyserai sous trois angles : un projet de développement local basé sur la restauration du patrimoine bâti et la promotion de l’identité occitane ; le rôle des symboles et de l’action culturelle dans l’édification d’un village occitan ; l’inscription d’Ostana au sein de réseaux nationaux et internationaux, susceptible d’élargir l’espace de sa reconnaissance.

Quelle capitale pour quel territoire ? Candidatures et concurrences dans la quête capitulaire

Le choix de la ville la plus à même d’assumer le rôle capitulaire a occupé le monde militant à différentes périodes et n’a pas abouti pour l’instant à un consensus. Dans un ouvrage publié en 2003 qui constitue une sorte de précis contenant l’ensemble des ressources identitaires qu’il a mobilisées depuis sa naissance, on peut lire, au chapitre intitulé « Nòstras capitalas » (Nos capitales) :

Les Vallées, disposées en éventail, n’ont pas de centre géographique. Il manque aux Occitans d’Italie une capitale comme en ont beaucoup de minorités et de peuples. Un centre comme Aoste pour les Valdôtains, Bolzane pour les Sud-Tyroliens, Lubiana pour les Slovènes, Rome pour l’Italie. Les nombreux villages, dont certains sont magnifiques, ne peuvent convenir. Une capitale est une ville, un lieu sentimental dans lequel on peut se reconnaître, un lieu où se trouvent des choses qui ne peuvent exister ou être imaginées ailleurs. Dans les Vallées, il y a des hameaux et des villages ; Turin est la capitale régionale ; Cuneo, Pignerol, Saluces, Mondovì, bien qu’elles se soient développées grâce à des siècles d’immigration occitane, ne peuvent être considérées comme occitanes.
(Valla 2003 : 104.)

L’auteur pointe deux difficultés majeures qui entravent la proclamation capitulaire. La première résulte de la conformation d’un territoire constitué par une douzaine de vallées parallèles qui ne communiquent pas entre elles et convergent vers la plaine du Pô. Cette compartimentation a suscité le développement de lieux de référence administratifs et symboliques dans chaque fond de vallée, dont aucun ne semble en mesure de constituer un centre de rayonnement culturel et linguistique pour l’ensemble du territoire. La seconde difficulté tient au fait qu’il s’agit d’un territoire rural dépourvu de communes suffisamment grandes et urbanisées, caractéristiques qui semblent être pour l’auteur indispensables à la promotion capitulaire. Dès lors, puisqu’« une capitale peut être dans le cœur et dans les expériences passées, certains voudraient que la capitale des Occitans des Vallées soit au bord de la mer. Ils imaginent Nice ou Marseille » (Valla 2003 : 104). La proposition d’une capitale « hors les murs », si elle peut paraître surprenante, a l’avantage d’affirmer une appartenance occitane se jouant des frontières nationales. Ces deux villes constituent par ailleurs deux anciennes destinations privilégiées de l’émigration piémontaise et font partie à ce titre de l’imaginaire et de la mémoire de beaucoup d’habitants des vallées occitanes. La proclamation d’une capitale des vallées dans les vallées demeure néanmoins une préoccupation pour le monde militant : deux bourgs sont pressentis, Torre Pellice et Dronero, mais aucun ne peut convenir. Le premier est déjà connu comme capitale des vallées dites « vaudoises [7] », dans lesquelles le sentiment d’appartenance religieuse prime sur l’identification ethnolinguistique occitane. Quant à Dronero, il se situe dans ce qu’on appelle la « zone grise », c’est-à-dire la zone de transition entre langue d’oc et piémontais et c’est son occitanité même qui est contestée par une partie du monde militant et scientifique.

Le régionalisme d’oc italien comprend une mouvance, le provençalisme, qui s’oppose à l’occitanisme et formule un projet concurrent porteur d’une autre proposition capitulaire. Ce courant n’établit de filiation linguistique et culturelle qu’avec une seule région du domaine d’oc, la Provence, à la différence de la mouvance occitaniste pour qui la mère patrie est une Occitanie regroupant tous les pays d’oc des Alpes aux Pyrénées. Par conséquent utilise-t-il l’appellation « provençal » pour désigner le parler local et « vallées provençales d’Italie » pour son territoire de diffusion. Ses représentants limitent ce territoire aux hautes et moyennes vallées et accusent les occitanistes d’abaisser exagérément la frontière entre langue d’oc et piémontais (qui correspond aussi approximativement à celle entre montagne et plaine) afin de « grossir » artificiellement le nombre de locuteurs. Les provençalistes proposent comme « petite capitale de la Provence d’Italie [8] » Santa Lucia di Coumboscuro, un village de la haute vallée de la Grana qui jouit d’une certaine notoriété liée à l’importance et à l’ancienneté de son rôle dans le développement de la revendication d’oc au Piémont. Le village est par ailleurs reconnu comme un « haut lieu incontournable de la provençalité [9] » par les acteurs du mouvement provençaliste d’outre-Alpes. Il a été défini par l’un d’eux comme « le Katmandou des Provençaux [10] » en référence à un pèlerinage, le Roumiage de Setembre, qui depuis 40 ans voit des Provençaux de France cheminer à pied à travers les anciennes routes de migration jusqu’au village de Santa Lucia afin d’y rejoindre leurs « fraire de lengo » (frères de langue).

Quelle capitale pour quel territoire alors ? Si l’absence de consensus, à la fois au sein de l’occitanisme et entre mouvances revendicatives, ne permet pas d’apporter une réponse définitive, cette concurrence est le signe que l’établissement d’une capitale demeure un enjeu crucial pour les acteurs de la revendication occitano-provençale au Piémont : « Tant qu’il est disputé et convoité, le titre de première, quelle que soit la nature de la primauté qu’il recouvre, fait encore sens » (Saidi et Sagnes 2012 : 24). La question reste donc ouverte, ce qui permet aujourd’hui à un autre candidat de se frayer un chemin dans la course capitulaire : Ostana.

Ostana « oltre il mondo dei vinti [11] » : architecture, occitanisme et développement local

Ostana est un village de haute montagne qui diffère des autres prétendants au rôle de capitale proposés jusqu’ici par l’occitanisme, tournés vers la plaine et nettement plus grands et urbanisés. Il marque donc un retour vers les hauteurs et représente en quelque sorte le village idéal-typique occitan, tel que l’ont imaginé les premiers acteurs de la revendication. Pour ces derniers en effet, le monde social des hautes vallées devait fournir les éléments nécessaires au façonnement d’un imaginaire collectif et c’est autour de la figure du montagnard – dépositaire d’une culture « authentique » trouvant son expression principale dans la langue – que s’est articulé le discours revendicatif. La variété occitane locale, qui a été l’une des premières à avoir fait l’objet d’une étude scientifique [12], présente d’ailleurs certains archaïsmes qui en font l’un des conservatoires linguistiques du territoire. Ostana bénéficie également d’un positionnement stratégique : relativement central au sein des vallées occitanes, il est en mesure de constituer une sorte de trait d’union entre les provinces de Turin et de Cuneo qui scindent les mondes militant et politique ainsi que les sentiments d’appartenance des valléens. Situé dans une vallée assez courte, le village n’est pas loin de Turin, la capitale régionale, et donc de ses institutions, de ses commodités et de ses habitants, qui constituent un réservoir de touristes de proximité pour qui la montagne occitane représente depuis quelques années un ailleurs exotique aux portes de chez soi [13]. D’autres éléments naturels semblent jouer en sa faveur. Le village est en effet dominé par l’une des plus grandes cimes des Alpes méridionales – le mont Viso – et il se trouve au cœur d’une vallée qui prend son nom du plus grand fleuve d’Italie – le Pô – dont les sources (situées à quelques kilomètres du village) sont un lieu symbolique de la « renaissance d’oc » au Piémont. C’est ici qu’en 1961 est fondée Escolo dóu Po, la première association de promotion de la langue d’oc en Italie [14]. Ostana est aussi un village au charme évident – « Le site est extraordinaire, peut-être l’un des plus beaux des Alpes cottiennes [15] » –, recensé parmi les « Borghi più belli d’Italia » (homologues italiens des « Plus Beaux Villages de France »). La conservation de son patrimoine bâti a sans doute joué un rôle majeur dans l’obtention de ce titre, le village ayant échappé à l’implantation de grandes infrastructures touristiques, supports et symboles d’une consommation effrénée de la montagne. C’est à partir de ce patrimoine que la municipalité d’Ostana, représentée par le maire Giacomo Lombardo et l’architecte Renato Maurino, tous deux liés au militantisme occitan, lance en 1985 un ambitieux projet de développement conjuguant la restauration du patrimoine bâti et la promotion de l’identité occitane afin d’impulser la résurgence de la communauté villageoise. L’ensemble des vallées occitanes est en effet touché par un phénomène massif de dépeuplement qui culmine entre les années 1950 et 1970. Les industries de la plaine y puisent alors une grande partie de leur main-d’œuvre. Mais « une irrésistible volonté de renaître distingue ce village occitan » (Valla 2007) déterminé à « outrepasser le monde des vaincus ». En 2004, à partir du second mandat de Giacomo Lombardo, le projet de développement prend un tournant décisif : des personnages illustres de la vie politique piémontaise intègrent le conseil municipal [16] ; un partenariat est établi avec l’université de Turin représentée par l’architecte Antonio De Rossi afin de poursuivre les interventions architecturales ; une collaboration étroite est amorcée avec Chambra d’Òc, association phare de l’occitanisme italien dont Giacomo Lombardo devient par ailleurs le président. C’est à travers la notion de « nouvelle architecture occitane [17] » qu’Antonio De Rossi établit un lien entre architecture et occitanité en considérant cette dernière comme un élément capable de produire de nouveaux processus d’identification chez les habitants, de dynamiser le développement du lieu et de contribuer à sa reconnaissance : l’édification symbolique d’Ostana en tant que haut lieu d’occitanité s’avère étroitement liée à sa reconstruction matérielle.

L’architecte met en place une série de projets – concernant la restauration mais aussi la construction ex novo – visant principalement l’accroissement de la réceptivité touristique et la création d’emplois. L’emploi exclusif de la pierre, du bois et de la lauze pour les toitures va de pair avec la refonctionnalisation des espaces (comme la transformation d’une grange en une chambre à coucher) et la recherche de solutions écologiques qui traduisent « une seule et simple idée, celle de la continuité dans la transformation [18] ». Ces modes de restauration et de construction ont rencontré une large adhésion auprès de la population locale et, de manière inattendue, ont été récupérés par les entreprises de construction de la vallée du Pô (et ponctuellement par d’autres vallées). On constate une homogénéité architecturale certaine et grandissante au sein de cette vallée qui, n’étant pas la réponse à une contrainte venant d’« en haut », paraît constituer le signe d’une conscience patrimoniale diffuse. Ostana dispose donc aujourd’hui d’un pouvoir disciplinateur de l’espace, d’une certaine capacité à modeler le territoire à son image qui constitue un atout important en vue de son accès au statut de capitale.

Grâce à ce projet décennal de revalorisation architecturale, le village est devenu une référence incontournable sur la question du patrimoine bâti dans les Alpes, au point qu’il est souvent qualifié de « laboratoire d’architecture alpine contemporaine ». Comme le souligne Antonio De Rossi, c’est la première fois que dans les Alpes piémontaises « la qualité architecturale d’un lieu constitue un élément de promotion et de marketing local » engendrant de « nouvelles modalités d’usage et de consommation de la montagne […] alternatives au modèle du grand développement touristique [19] ». Ostana est en effet considéré par beaucoup comme « un modèle de développement » (Giuliano 2010 : 10) pour les territoires de montagne, en mesure de se multiplier « en contaminant les différentes réalités qui, de la même manière, recherchent une voie pour retrouver leur propre identité culturelle et sociale » (Giuliano 2010 : 14). Certains parlent même de « miracle [20] », confortés par les déclarations du maire concernant la dynamique démographique du village. Selon celui-ci, Ostana comptait plus de 1 000 habitants au sortir de la seconde guerre mondiale, puis a chuté à cinq en 1985, date de sa prise de fonction. Une inversion de tendance s’opère alors avec une accélération significative en 2011, due à l’arrivée de dix nouveaux résidents qui porte à 90 habitants la population de la commune : « C’est comme si Turin acquérait 100 000 habitants en une année ! », s’exclame-t-il (in Dematteis 2011). Ainsi l’histoire du repeuplement d’Ostana est-elle une sorte de récit mythique mis à contribution dans la construction de son épopée. Si son exactitude est difficile à vérifier [21], elle ne lui permet pas moins d’accéder à une autre primauté, celle de « symbole de la renaissance des vallées occitanes [22] » et de connaître une promotion capitulaire explicite : « Ostana, capitale piémontaise de la renaissance alpine », lit-on sur le site internet du parc du mont Viso [23]. Un certain nombre de reconnaissances officielles viennent par ailleurs étayer ces consécrations : en 2005, Ostana obtient la Bandiera verde, un prix décerné par Legambiente (l’association écologiste la plus importante d’Italie) dans le but de faire connaître « les réalités les plus vertueuses qui valorisent la montagne par des pratiques éco-soutenables [24] » ; en 2008, le village intègre le réseau des « Borghi più belli d’Italia » et en 2013 celui des « Borghi sostenibili del Piemonte » (Bourgs éco-soutenables du Piémont), un projet visant à promouvoir un tourisme durable [25] ; en décembre 2015, son maire Giacomo Lombardo reçoit le prix Angelo Vassallo décerné par l’Associazione nazionale comuni italiani – ANCI (Association nationale communes italiennes) et Legambiente afin de « valoriser les bonnes pratiques et les meilleures expériences réalisées par les communes de moins de 15 000 habitants favorisant le développement local dans le respect de l’environnement et sous le signe de la transparence et de la légalité [26] » ; en juin 2016, le village reçoit enfin le prix Fare paesaggio (Faire paysage) institué par la province autonome de Trente pour les interventions de restauration du patrimoine bâti.

Occitaniser la capitale : symboles et action culturelle

L’occitanité du village doit être bâtie à l’instar de son patrimoine architectural car ici comme ailleurs dans les vallées piémontaises de langue d’oc, elle ne constitue pas une évidence [27]. On observe donc un processus d’occitanisation intense et généralisé investissant aussi bien le domaine des représentations que celui des pratiques. La construction d’un village occitanisé connaît un tournant décisif le 26 décembre 2004, jour où le drapeau occitan est hissé sur la façade de la mairie d’Ostana dans le cadre d’un rituel créé pour l’occasion. Cette initiative est d’autant plus symbolique qu’elle constitue une première. Giacomo Lombardo et l’association Chambra d’Òc ont en effet par la suite impulsé un mouvement de maires, à l’origine de la promulgation de la loi régionale [28] officialisant l’exposition des drapeaux des différentes minorités linguistiques piémontaises [29] sur les hôtels de ville. Les cérémonies de levée du drapeau se sont succédé dès lors en reproduisant à l’identique le rituel inventé à Ostana, ce qui témoigne du pouvoir disciplinateur de la capitale concernant cette fois le marquage symbolique du territoire. D’autres signes ont été inscrits dans le village, contribuant à revendiquer et dans le même temps à construire son occitanité, comme la grande croix occitane pavée sur la place principale du village ou la toponymie bilingue [30].

Figure 2
Croix occitane pavée sur la place principale d’Ostana (2012).
Photographie : Silvia Chiarini.

Les habitants ont souvent repris à leur compte la symbolique occitane investie par la municipalité. Certains exposent le drapeau occitan sur la façade de leur maison ou utilisent la croix occitane afin de singulariser leurs activités commerciales ou labelliser leurs productions.

Figure 3
La Locanda Occitana « La Galaberna » (restaurant occitan « La Galaberna »). Ostana, 2012.
Photographie : Silvia Chiarini.
Figure 4
Le fromage Pasturo dal Sère orné d'une croix occitane, du nom d’Ostana et d’une représentation stylisée du mont Viso. Ostana, 2012.
Photographie : Silvia Chiarini.

La prolifération de ces symboles au sein du village ne saurait toutefois suffire à asseoir un phénomène d’identification à sa représentation occitane. Dès lors, une occitanisation des pratiques s’avère indispensable. Un riche calendrier d’événements à connotation occitane scande ainsi la vie du village tout au long de l’année et constitue le principal moteur d’agrégation de ses habitants et de ses visiteurs : des cours de langue, de danse ou de cuisine occitanes, des soirées de chant avec les Cantori spontanei d’Ostana, des bals folk animés par le groupe Aire d’Ostana, des conférences sur des thèmes concernant la langue et la culture locales, etc. Il existe également des manifestations culturelles annuelles qui font la renommée du village, notamment Chantar e Dançar a Ostana (Chanter et danser à Ostana), une marche accompagnée de musiques et de danses occitanes serpentant à travers ses hameaux afin de soutenir l’appel « Occitan patrimoine mondial de l’humanité » adressé à l’Unesco en 2008 par Chambra d’Òc. On assiste aussi à une occitanisation de la pratique politique communale, particulièrement visible lors de la manifestation à Turin contre l’abolition des petites communes proposée par le gouvernement italien en 2011, pendant laquelle les habitants d’Ostana étaient les seuls à brandir, avec le blason de la commune, des drapeaux occitans.

Si le village d’Ostana n’est pas encore consacré capitale des vallées occitanes, au vu de cet intense travail de sémantisation, il émerge toutefois comme un haut lieu d’occitanité au Piémont et un important centre d’élaboration de l’occitanisme transnational. À ce titre, il peut être considéré comme une capitale, au sens que Félix-Marcel Castan, intellectuel occitaniste, donne à ce terme : « Il faut refaire des capitales, comme lieux de concentration des équipements, lieux de rencontres, d’échanges permanents, lieux de manifestation et d’insertion sociale, lieux d’ancrage et lieux d’identité, foyers de différenciation, d’autonomie et de mémoire historique, points géodésiques de la cartographie culturelle » (Castan 1984 : 25). Ses théories ont été popularisées et développées par les artistes et les militants réunis autour du collectif Linha Imaginòt, une ligne imaginaire reliant symboliquement toutes les « capitales occitanes ». Les « imaginotistes » – comme ils se définissent eux-mêmes – exhortent ainsi chaque ville et chaque village :

Ayez encore plus d’ambition
Ô cités qui m’écoutez
Prenez en main votre destin
Soyez géniales, originales
Érigez-vous en capitales.
(Fabulous Trobadors, « Ne faites pas de concession », 1992.)

Les capitales préconisées par ce réseau d’acteurs sont, pour reprendre les formules de Christophe Rulhes, des « lieux sacrés » et des « sites de pèlerinage » où « toute la fratrie occitane se retrouve pour célébrer son identité » (2000 : 198-199). Telles des balises, ces lieux permettent de dessiner sur la carte géographique l’espace de l’action militante. Par cette objectivation cartographique, non seulement ils produisent une vision d’ensemble du territoire, mais ils matérialisent aussi la nation imaginée, l’Occitanie, que l’on peut désormais apprécier dans son unité à travers ces synecdoques territoriales que sont ses capitales. Dans ce cadre national, Ostana devient quant à lui un « géosymbole » (Bonnemaison 1981 : 256) de l’occitanité alpine en territoire italien, susceptible de contribuer à la construction et à la reconnaissance des vallées occitanes.

Fabriquer la capitale ex situ : désenclaver le local par l’inscription dans des réseaux nationaux et transnationaux

Si les actions examinées jouent un rôle central dans l’ascension capitulaire d’Ostana, celle-ci ne peut pas se construire par le seul biais du local. À travers une inscription dans des réseaux nationaux et internationaux, le village « se désolidarise de son arrière-pays » (Saidi et Sagnes 2012 : 22) afin d’élargir l’espace de sa reconnaissance. Le rattachement à la grande famille occitane et à son réseau militant transnational est celui qui permet, le premier, de penser et construire sa singularité : « L’approche pan-occitaniste est le grand pari car nous, la partie italienne, tout seuls nous n’irons nulle part [31] », affirme Giacomo Lombardo. D’autres réseaux de types militant, culturel ou institutionnel existent, au sein desquels les promoteurs du village choisissent en fonction des contextes de mettre l’accent sur le référent montagnard ou alpin, l’identité minoritaire ou plurilingue ou encore l’appartenance à une région transfrontalière.

Ostana : « capitale mondiale de la langue maternelle »…

Parmi les manifestations culturelles ayant lieu à Ostana, la plus significative est sans conteste le prix littéraire international Escrituras en lenga maire (Écritures en langue mère), une « fête de la biodiversité culturelle de l’humanité [32] » comme la définissent ses concepteurs, qui rassemble chaque année des écrivains en langue minoritaire provenant des quatre coins du monde et qui fait du village le « lieu de rencontre du multilinguisme, de l’écriture et de l’art [33] ». Le prix, qui a connu sa dixième édition en 2018, compte quatre catégories (international, national, littérature d’Oc, prix spécial et traduction) et s’étend sur trois journées ponctuées par des conférences, concerts, repas, etc. Lors de l’édition 2010, j’assiste à une réunion informelle entre les organisateurs et certains participants dont le but est de dresser un bilan de l’expérience et surtout de réfléchir aux actions à mettre en œuvre afin que le prix et le lieu qui l’accueille puissent acquérir un rayonnement majeur : « Nous devons trouver une idée forte qui puisse émouvoir ! », affirme la responsable du secteur culturel de Chambra d’Òc. Yves Rouquette, célèbre écrivain et militant occitaniste, propose alors de faire d’Ostana « la capitale mondiale de la langue maternelle ». Cette candidature capitulaire suscite l’enthousiasme de Giacomo Lombardo et Barbara Passerella, directrice éditoriale de la revue Lem : Culture e Minoranze in Europa, qui s’exclament à l’unisson : « Terra madre delle lingue madri ! » (Terre mère des langues mères !). Un linguiste renchérit en soulignant qu’un cas comme celui d’Ostana « ne se rencontre nulle part depuis 30 ou 40 ans » et qu’il est aujourd’hui « le seul lieu au monde qui ait la force de se proclamer patrie de quelque chose ». Il faut faire en sorte, insiste-t-il, que l’expérience d’Ostana soit connue dans le monde entier : « Nous devons lancer cette idée auprès des associations et des organismes internationaux et dire qu’un endroit comme Ostana existe ! Nous devons mettre en réseau tout ça en faisant une opération de marketing car le patrimoine est du marketing ! », conclut-il.

Même si le village n’est pas désigné à cette occasion comme la capitale des vallées occitanes, une « prophétie patrimoniale » (Bensa 2001 : 5) est émise à son égard, visant à construire une autre primauté – Ostana comme haut lieu de la différence linguistique dans le monde [34] – susceptible de favoriser son accès à ce rôle : si Ostana est la capitale des langues minoritaires, comment ne pas lui accorder le statut de capitale de sa propre langue minoritaire ? La prophétie semble par ailleurs prendre corps car quelques années plus tard, en 2016, le quotidien turinois La Stampa titre « Ostana, dans la vallée du Pô, capitale des minorités linguistiques [35] » et le blog Rotta su Torino qualifie le village de « petite capitale du multilinguisme [36] ». Grâce à ces entrepreneurs capitulaires producteurs de discours à son sujet, Ostana se voit doté d’une capacité rhétorique et devient un « lieu-dit » (Bensa 2001 : 4), c’est-à-dire un endroit à forte puissance évocatrice, condensation de significations historiques, culturelles et identitaires.

… et « haut » lieu du cinéma occitan

L’année 2005 constitue un moment crucial dans l’ascension capitulaire d’Ostana. Cette même année voit la sortie d’un film de Giorgio Diritti intitulé Il vento fa il suo giro dont le scénario écrit par Fredo Valla – occitaniste de la première heure et « intellectuel de montagne » comme il aime se définir – est fondé sur des faits réels ayant eu lieu à Ostana où celui-ci réside. Il s’agit de l’histoire d’une famille de bergers français récemment installée dans le village et confrontée à des difficultés d’intégration au sein d’une communauté occitanophone close, réduite à ses seuls habitants vieillissants et résignée à la mort prochaine du village. Le film a une discrète mais incontestable tonalité militante : l’occitan y est employé à égalité avec l’italien et le français, plusieurs acteurs sont des militants occitanistes, les références à l’occitanité sont savamment dosées tout au long du récit, comme la croix occitane qui pend ostensiblement au cou du maire lors d’un discours enflammé ou encore la longue scène de danses occitanes avec le groupe Lou Dalfin, image même du revival musical des vallées occitanes. Malgré une distribution limitée dans les salles, le film connaît un succès inattendu grâce au bouche-à-oreille dans le réseau occitaniste et les festivals de cinéma indépendant. À travers celui-ci, beaucoup prennent connaissance de l’existence d’Ostana et des vallées occitanes d’Italie, le quotidien national La Repubblica en parle comme du « film miracle » ayant fait « découvrir au monde entier l’âpreté et le sublime des montagnes occitanes [37] ».

En 2012, Fredo Valla et Giorgio Diritti, lequel a entre-temps acheté une maison dans le village et y réside désormais une partie de l’année, fondent l’école de cinéma L’Aura (du titre du film en occitan E l’aura fai son vir) qui prend place avec une petite salle de cinéma dans le hameau Miribrart, entièrement restauré grâce à des financements européens et destiné à devenir le principal centre économique d’Ostana. L’Aura constitue pour ses concepteurs la démonstration qu’il est possible de décentraliser une production culturelle de qualité et d’habiter en haute montagne en étant relié aux plus importants centres de création urbains. L’école est en effet gérée par l’association du même nom et deux autres organismes situés à Bologne et Milan. La consécration d’Ostana comme « haut » lieu (en altitude et en qualité) du cinéma se construit aussi à travers une mise en réseau qui dépasse les frontières nationales : le village héberge depuis 2010 le Piemonte Documenteur Filmfest, festival européen entièrement consacré au documentaire parodique ; au même titre que d’autres grandes capitales régionales (Barcelone, Toulouse, Marseille, etc.), il constitue une étape du festival de cinéma itinérant Mòstra del cinema occitan se déroulant au sein du domaine occitano-catalan et financé par l’organisation politique Generalitat de Catalunya. Le village émerge une fois de plus comme un modèle novateur pour les tentatives de relance et de développement de la montagne qui, longtemps reléguée à la marge par la modernité, peut aujourd’hui aspirer à devenir « le lieu de la ville durable » selon l’expression de Enrico Camanni (2010). Ostana incarne dès lors la déclinaison d’une figure oxymorique et inédite, celle de la ruralité urbaine.

Parallèlement à la désolidarisation du village de son environnement proche dont témoignent les deux exemples analysés, on observe la résurgence d’une communauté villageoise donnant lieu à l’apparition de nouvelles pratiques territorialisées. Ostana constitue désormais un pôle d’attraction pour néoruraux (qui forment la majorité de ses nouveaux habitants), artistes et intellectuels qui y implantent leurs initiatives (au point qu’un informateur affirme : « Ostana est devenu un village élitiste »). Ces nouveaux habitants s’approprient le territoire et la culture locale d’une manière originale tout en gardant un lien avec l’expérience passée d’Ostana. Ainsi, la solidarité de jadis se dit aujourd’hui en termes d’écocitoyenneté participative mais s’illustre par la réapparition d’une pratique ancienne, la rùido, une corvée collective à laquelle les habitants prennent part de façon volontaire et dont la réalisation la plus significative depuis sa reprise en 2010 est la réhabilitation des sentiers de montagne autour de la commune. Il n’est pas rare que l’occitanité promue par la municipalité devienne pour ces néorésidents un élément important de leur autoreprésentation. L’apprentissage de l’occitan constitue alors un véritable rite de passage permettant l’intégration de la communauté ethnolinguistique. Si l’occitanisme français met largement en avant une vision contractuelle de l’identité occitane fondée sur le choix individuel, pour les militants italiens celle-ci est perçue moins comme un fait de culture que comme un fait de nature, découlant mécaniquement de l’ascendance. Ostana devient donc un lieu de production de modalités d’identification et d’appartenance inédites laissant apparaître l’image d’un « nouvel Occitan ». En plus d’une capacité à organiser le territoire à son image, bien illustrée par l’exemple du patrimoine bâti, Ostana se constitue ainsi comme un laboratoire identitaire. La possibilité de créer de nouvelles conditions d’accès à l’identité occitane au sein d’un territoire marqué par l’exode et le vieillissement de la population lui permet d’attirer et d’intégrer un nombre potentiellement important d’individus et constitue un atout stratégique pour sa consécration au statut de capitale.

Conclusion

Si jusqu’ici les aspirations capitulaires d’Ostana n’ont pas été explicitement formulées par les entrepreneurs de sa résurgence – « Ostana n’a pas de titres sinon celui qui lui vient de l’orgueil de sa propre appartenance culturelle », rappelle Giacomo Lombardo (in Giuliano 2010 : 5) –, les différentes primautés que le village cumule aujourd’hui nuancent l’image d’une capitale « introvertie » (Saidi et Sagnes 2012 : 26) et font émerger celle d’un lieu exprimant de manière croissante son aspiration au « rôle de protagoniste » (Giuliano 2010 : 7). Nous avons vu que Ostana est considéré comme un laboratoire d’architecture alpine contemporaine, un modèle de développement pour la montagne et un symbole de la renaissance des vallées occitanes. Grâce à un processus décennal de construction du lieu par l’action culturelle et le recours aux symboles, le village est devenu un haut lieu d’occitanité au Piémont et – capitale parmi les capitales occitanes (au sens de Castan) – un géosymbole de l’occitanité alpine en territoire italien pour l’occitanisme transnational. De plus, sa présence au sein de réseaux nationaux et internationaux accroît sensiblement les processus de singularisation et de reconnaissance amorcés localement. La coprésence de tous ces éléments lui donne une longueur d’avance sur d’autres prétendants éventuels n’émergeant que par la mise en avant d’un seul de ceux-ci : la beauté et la conservation du patrimoine bâti (Elva, Chianale, Bellino), la réussite d’un projet de développement (Rore), l’hyper-symbolisation occitane (Usseaux), la concentration d’activités militantes (Santa Lucia di Coumboscuro), etc.

L’ascension capitulaire d’Ostana est liée de manière étroite à la volonté et aux assises politiques de certains acteurs locaux. Plusieurs informateurs qualifient le village de « centre de pouvoir » du fait qu’opèrent en son sein des élus influents à l’échelle régionale et une association – Chambra d’Òc – qui a réussi à ancrer profondément la question occitane sur la scène publique, en devenant le référent privilégié de la région Piémont et de la province de Turin en matière de minorités linguistiques grâce aux possibilités ouvertes par la loi dite « 482 ». Dans ce contexte marqué par l’institutionnalisation du régionalisme autonomiste, Ostana constitue le foyer d’élaboration d’un occitanisme nouveau, soucieux d’associer identité et économie, patrimoine et marketing. On assiste en effet aujourd’hui à la mise en place d’une véritable « industrie culturelle de minorité » (édition, traduction, formation linguistique et culturelle, musique, tourisme, labellisation de produits locaux, etc.) qui entraîne la professionnalisation progressive d’une partie des militants, dont le travail ne s’adresse plus aux seuls Occitans mais à un ensemble plus large d’usagers potentiels (population locale – occitanophone ou non –, néoruraux, touristes, occitanistes français, etc.) (Chiarini 2012). À cet occitanisme nouveau correspondent un projet et des modalités de construction capitulaire inédits. C’est moins la capacité d’Ostana à devenir un centre politique et administratif que sa capacité à incarner le territoire qui favorise son ascension. Au modèle classique lié à l’affirmation des États-nations s’ajoute ainsi un autre qui se façonne en accord avec la globalisation, la « mise en marque des territoires » (Fournier 2015) et la marchandisation des cultures et des identités. Comme d’autres « capitales en minuscules » (Chandivert et Sagnes 2016), Ostana articule ces deux manières de s’affirmer capitale et ouvre « une troisième voie, celle d’une singularité proclamée qui, loin de faire entendre une dissonance, retentit en mode majeur, jouant la partition d’une territorialité sans borne et d’une globalité qui, en somme, serait comme “à soi” » (Chandivert et Sagnes 2016 : 620).

Cette évolution va de pair avec une nouvelle vision du territoire. Celui-ci sert en effet aujourd’hui de support aux politiques de développement local qui visent la construction des vallées occitanes comme produit marketing au détriment de l’aspiration originale des militants à en faire une réalité administrative avec des prérogatives d’autonomie. Cette « presque-capitale » se révèle dès lors un lieu d’observation stratégique concentrant les dynamiques contemporaines de construction identitaire dans les vallées occitanes. Elle offre de plus un éclairage particulier sur les modalités d’adéquation de l’occitanisme à ces dynamiques et plus généralement sur l’appréhension de la différence culturelle et linguistique au Piémont et en Italie.

add_to_photos Notes

[1Les données ayant servi à la rédaction de cet article ont été collectées dans le cadre d’un doctorat financé par la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

[2À côté de cette dénomination, on trouve aussi en italien celles de « vallées occitanes » et « vallées ». Les trois seront employées dans le texte.

[3Loi du 15 décembre 1999, n° 482 « Règles en matière de protection des minorités linguistiques historiques ».

[4Précisons que nationalisme et régionalisme peuvent ici être traités de manière similaire car, comme le souligne Dominique Blanc : « lorsqu’il s’agit d’affirmer et de revendiquer une identité collective ancrée dans la durée, liée à la fois à un territoire et à des caractères propres à la population porteuse de cette identité, les ressources mobilisables sont en nombre fini. Régionalisme politique et nationalisme ne peuvent que puiser dans un même répertoire. Du point de vue des ressources identitaires mobilisées, la différence entre eux apparaît alors bien mince. » (Blanc 2005 : 10-11.)

[5www.comune.ostana.cn.it (consulté le 6 août 2015). Sauf mention contraire, toutes les traductions de l’occitan et de l’italien sont de l’auteure.

[6Il ne s’agit pas ici d’affirmer l’existence d’une essence occitane mais de désigner un ensemble d’éléments culturels et symboliques qui résultent d’un processus de construction militante.

[7Les vallées occitanes d’Italie englobent trois vallées de confession vaudoise (Germanasca, Chisone et Pellice).

[8www.coumboscuro.org (consulté le 24 juin 2009).

[9Échange de courriers électroniques avec Gilbert Touvat, militant au sein de l’association Unioun Prouvençalo.

[10Entretien avec Jean-Michel Turc paru dans le journal Me disoun Prouvènço, 2015, 48, p. 25.

[11« Ostana viva : oltre il mondo dei vinti » (Ostana vivante : au-delà du monde des vaincus) est le titre d’une exposition photographique qui fait référence à l’ouvrage de Nuto Revelli Il mondo dei vinti (1977), célèbre chronique de la mort de la civilisation paysanne au Piémont.

[12Le linguiste suisse Karl Jaberg a construit une grande partie de ses hypothèses à partir de données collectées à Ostana (1911).

[13Les musiques et les danses dites « occitanes » jouent un rôle central dans cette attraction.

[14Les sources du Pô sont aussi un lieu hautement symbolique pour un mouvement régionaliste bien plus célèbre, la Ligue du Nord, qui y organise un pèlerinage annuel tendant à éclipser leur connotation occitane.

[15Antonio De Rossi, « Caratterizzazione architettonica », www.comune.ostana.cn.it (consulté le 6 juillet 2012).

[16Parmi les conseillers communaux, on retrouve Valter Giuliano, adjoint à la culture de la province de Turin, et Lido Riba, vice-président du conseil régional et futur président de la section régionale de l’Unione nazionale dei comuni montani (UNCEM).

[17Antonio De Rossi a illustré cette notion à travers une rubrique mensuelle du même nom sur le site internet de Chambra d’Òc au cours de l’année 2010, laquelle a donné lieu à l’édition d’un livret, Paesaggi di pietra (Paysages de pierre ; De Rossi 2010), financé sur la base de la loi « 482 » et distribué gratuitement dans les offices de tourisme piémontais.

[18Antonio Rossi, « Caratterizzazione architettonica », www.comune.ostana.cn.it (consulté le 6 juillet 2012).

[19Antonio De Rossi, « Caratterizzazione architettonica », www.comune.ostana.cn.it (consulté le 6 juillet 2012). Italiques de l’auteur.

[20Voir par exemple Dematteis 2011 et Valla 2007. L’expression est aussi souvent utilisée par la presse locale.

[21La distinction entre residenza et domicilio dans le droit italien rend difficile l’appréciation de l’ampleur réelle du repeuplement du village. Le recensement porte en effet uniquement sur les personnes residenti, c’est-à-dire inscrites à l’état civil d’Ostana, mais pouvant avoir élu domicile ailleurs.

[22Cette formule est couramment utilisée au sein des mondes militant et journalistique.

[23www.parcodelpocn.it/ita/legginews.asp ?id=961 (consulté le 12 août 2016).

[24www.legambiente.it (consulté le 14 août 2016).

[25www.borghisostenibili.it (consulté le 14 août 2016).

[26www.legambiente.it (consulté le 1er mars 2016).

[27La revendication de l’occitanité de ce territoire est relativement récente (elle commence vers la fin des années 1960) et fait l’objet de contestations, notamment de la part du mouvement provençaliste.

[28Loi du 21 décembre 2007, n° 26 « Règles pour l’exposition des drapeaux des minorités linguistiques-historiques présentes sur le territoire de la région Piémont ».

[29La loi « 482 » reconnaît aussi les minorités de langue franco-provençale, walser et française au Piémont.

[30On remarque toutefois que la toponymie bilingue pose problème en ce qui concerne le nom du village. La transcription de son nom occitan dans la graphie promue par les occitanistes (dite « normalisée » ou « occitane ») est en effet identique à sa transcription italienne : Ostana.

[31Entretien avec Giacomo Lombardo, Paesana (vallée du Pô), 26 mars 2009.

[32www.chambradoc.it (consulté le 12 septembre 2015).

[33www.chambradoc.it (consulté le 12 septembre 2015).

[34En 2008 on y célèbre aussi la Journée internationale de la langue maternelle instituée par l’Unesco.

[35Novaria Guido, « Ostana, in valle Po, capitale delle minoranze linguistiche », La Stampa, 3 juin 2016.

[36« A Ostana, per il Premio delle scritture nelle lingue madri », publié le 22 mai 2016 sur Rotta su Torino, rottasutorino.blogspot.fr (consulté le 12 août 2016).

[37Clara Caroli, « La felicità sotto il Monviso. Fredo Valla, fare cinema in un borgo sperduto », La Repubblica, 18 juillet 2014, p. 7.

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Pour citer cet article :

Silvia Chiarini, 2018. « Ostana : une capitale pour les vallées occitanes d’Italie ? ». ethnographiques.org, Numéro 36 - novembre 2018
Jouer avec les animaux [en ligne].
(https://www.ethnographiques.org/2018/Chiarini - consulté le 20.04.2024)
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