Résumé

À partir d’une vaste enquête réalisée dans des hôpitaux de sept pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre, l’article décrit et analyse les situations sanitaires, affectives et économiques auxquelles des enfants sont confrontés lors de leurs soins. L’enquête qualitative, par l’usage des études de cas et ses procédures d’écoute, permet aux enfants de devenir des ethnographes d’eux-mêmes, de dire leur maladie, leurs craintes, leurs douleurs, les relations avec les soignants et leurs souffrances sociales. Le travail anthropologique ouvre ainsi à une prise de parole des enfants, à une confrontation réflexive avec les équipes soignantes et à une modification des relations de soin.

mots-clés : enfants malades, Afrique, soins, interactions, qualité des soins

Abstract

Finding the right words for children and their illnesses in West Africa

Based on an extensive survey conducted in hospitals in seven West and Central African countries, the article describes and analyzes the health, emotional and economic situations that children face during care. This qualitative study used case studies and listening procedures that allowed the children to become ethnographers of themselves, to talk about their illness, their fears, their pain, their relationships with caregivers and their social suffering. Anthropological work thus allowed these children to speak up, and facilitated a reflexive confrontation with their health care teams, thereby modifying the health care relationship.

keywords  : sick children, Africa, care, interactions, quality of care

Sommaire

Les raisons d’une recherche et d’un programme collectif

Bien souvent, lorsque l’on écoute les enfants malades ou que l’on lit leurs témoignages, on ne peut s’empêcher de se demander « à quoi bon ? » Pourquoi se tenir ainsi au bord du gouffre ? Pour quelles raisons décrire, parler et écouter, côtoyer ces tristesses, nos craintes et nos propres peines ? Pourquoi chercher des mots pour dire au mieux ces vies et ce qu’elles doivent affronter ? [1]

On ne peut tout dire de nos émotions et nous pensons que la complaisance envers soi — un certain « étalage narcissique » — va à l’encontre des buts de l’anthropologie (Olivier de Sardan 1988). Mais il n’empêche que chacun travaillant en ce domaine d’une anthropologie de la santé consacrée à l’enfance a été confronté à cette question d’être affecté (Favret-Saada 1990) et du « à quoi bon » dire la souffrance.

Les réponses que nous apportons à ces questions sont variables, liées à nos histoires, à nos subjectivités et à nos cultures scientifiques (Gobatto 2020). Mais au moins deux raisons ont animé notre démarche.

D’un point de vue scientifique, nous pensons qu’une des tâches de l’anthropologie est d’emmener toutes les expériences à l’expression et que l’humain ne peut se dérober à ces expériences majeures qui sont celles de la maladie ou de la mort. D’un point de vue éthique, il nous semble que ces travaux d’observation, d’écoute, de retranscription et d’analyse correspondent toujours à une forme de reconnaissance ; ne serait-ce que parce qu’interroger un autre signifie implicitement le considérer comme un interlocuteur digne d’intérêt : le reconnaître comme un acteur capable d’être à la hauteur de son histoire.

Ces dimensions, mêlant intérêt disciplinaire et préoccupations éthiques, sont à l’origine du « jugement d’importance » (Ricœur 1955) qui fonde nos choix et oriente nos recherches vers ce qu’il nous semble légitime de construire comme « objet » d’investigation. Elles sous-tendent aussi le constant souci que nous avons de l’intérêt de notre travail d’enquête pour nos interlocuteurs.

En effet, ces terrains sanitaires sont toujours des terrains « sensibles » (Bouillon, Frésia et Tallio 2006), et ces travaux anthropologiques engagent de délicates postures relationnelles. Comment ne pas nuire aux enfants ? Comment ne pas leur dire plus qu’ils ne savent ou souhaitent savoir ? Comment ne pas perturber les interactions entre le malade, sa famille et les soignants ? Comment conjointement respecter celui qui souffre et songer à construire du savoir ? Comment faire face aux attentes que les enfants projettent sur nous et réaliser l’enquête, avec l’espoir que la présence de l’anthropologue apporte un peu de consolation et que notre travail contribue à améliorer les soins ?

Pour conduire cette réflexion, nous nous appuierons sur un ensemble de travaux réalisés, entre 2012 et 2019, par divers chercheurs dans le cadre du programme ENSPEDIA [2] : Enfants et Soins en Pédiatrie en Afrique de l’Ouest. Ce réseau scientifique informel regroupe depuis une dizaine d’années une trentaine de praticiens (pédiatres, oncologues, hématologues) et chercheurs en sciences sociales dans huit pays d’Afrique Subsaharienne : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Togo. Son but est de contribuer à améliorer la qualité des soins en travaillant, grâce à la recherche, sur des facteurs modifiables sans apport financier extérieur. Pour cela, en accord avec les médecins et dans leurs services, les anthropologues ont réalisé de façon méthodique et coordonnée, dans l’ensemble des pays, plusieurs phases de recherches portant sur (1) les soins et les interactions entre soignants et « petits soignés », (2) les dires et figurations des enfants sur leurs pathologies, (3) les réflexions des personnels de santé sur ces témoignages et (4) les souffrances des soignants (Kane 2018 ; Jaffré 2019a). Partant des services hospitaliers, chaque chercheur impliqué a réalisé, au minimum, une centaine d’observations, quarante entretiens avec les enfants et vingt études de cas. Les enfants impliqués dans l’enquête étaient âgés de huit à quinze ans et souffraient d’une maladie impliquant de nombreux passages dans les structures sanitaires : cancer, diabète, drépanocytose, cardiopathies, VIH… Leurs environnements sociaux étaient très variés, qu’il s’agisse de leur lieu et mode de résidence, de la composition de la famille, ou de ses moyens financiers.

Divers articles rendent compte de cette recherche « embedded » : inscrite au cœur des soins (Jaffré et Guindo 2013 ; Kane et Fearon 2017 ; Jaffré 2019b). Cependant, il nous a semblé utile de prendre un peu de recul sur ce parcours collectif en précisant l’architecture de nos pratiques de recherche et ses liens avec des actions médicales. Pour cela, nous évoquerons tout d’abord les coulisses de nos terrains. Comment, au plus proche de nos expériences immédiates en pédiatrie, un ensemble de dimensions discontinues modèlent les interactions et postures méthodologiques que nous pouvons avoir en tant qu’anthropologue avec les enfants malades. Dans un second temps, en illustrant de façon plus théorique comment nous analysons les conduites d’acteurs des enfants malades, nous présenterons (1) comment ils font entendre leurs plaintes, (2) intègrent les savoirs s’agissant de leurs maladies et (3) appréhendent la gravité de leur maladie et la question de leur existence.

Approcher et éprouver le terrain sensible de la pédiatrie

Lorsque l’anthropologue arrive sur son terrain, ses interrogations et ses affects sont « en vrac », s’entrechoquent et s’expriment diversement. On n’ose poser certaines questions, on sort d’une chambre pour « souffler », on s’attache à un enfant, on offre des fruits, un jouet, on paye un traitement, on interpelle un soignant pour qu’il soit plus attentif à « cet enfant ». On tente aussi de répondre aux questions que se posent ses parents tout en espérant qu’ « il s’en sorte ».

L’injection se termine en une minute et l’infirmière enlève l’aiguille. La fillette regarde attentivement sa main et y presse très fortement un morceau de coton. Je sens son inquiétude, et je veux lui dire : « Safi, ce n’est pas grave ». Oui, mais c’est peut-être grave. C’est très grave… (Sénégal, 2009, note d’observation, oncologie pédiatrique, Akiko Ida, programme Enspedia)

Ces « coulisses » font le quotidien du chercheur dans des structures de santé où les pathologies sont « lourdes » et où l’accès à des soins de qualité est largement dépendant des connivences sociales et des possibilités économiques des familles (Jaffré et Olivier de Sardan 2003). Cependant, bien que présentes, ces dimensions « contextuelles » restent peu évoquées (Kane 2018, Douti et Gueguey 2019). Elles influent pourtant sur nos enquêtes de plusieurs façons qu’il nous faut brièvement présenter, avant d’exposer plus précisément les liens entre notre posture méthodologique et les résultats de notre travail.

En effet, les glissements socioaffectifs que nous venons d’évoquer interfèrent avec la mise en œuvre de l’étude. Par exemple, par pudeur et simple respect nous décidons parfois d’interrompre nos observations et échanges et bien souvent, comme en d’autres domaines liés à « l’indicible », nos paroles effleurent plutôt des moments existentiels, explorent ces situations où le langage échoue à dire le réel, qu’elles ne les décrivent ou s’y inscrivent comme conversations (Pollak 2000).

Appréhender des « dires » désynchronisés des « faires »

Plus globalement, les demandes qui sont faites au chercheur et les espoirs qu’elles portent interrogent la façon dont la présence de l’anthropologue et les modalités de sa recherche transforment les situations des acteurs et leurs interactions. Volontairement ou pas, en ces milieux pédiatriques, l’enquête est toujours insérée dans l’ensemble des interventions qui impliquent l’enfant.

Par ailleurs, se placer « à hauteur d’enfant » et tenter de dire au plus juste son expérience de la maladie ne sont pas sans conséquences sur le façonnage du travail de terrain et sur nos choix méthodologiques. Tout d’abord, faute d’une certaine connivence langagière sur laquelle repose de multiples « ficelles du métier » (Becker 2002), comme les ajustements conversationnels, les commentaires réflexifs des gestes par les acteurs ou l’explication différée de leurs conduites, les dialogues avec l’enfant sont d’une certaine façon « one shot  » : ils surgissent dans le vif des situations, sont rarement explicités ou reformulés.

De même, bien des conduites enfantines semblent discontinues — des « rires aux larmes » ou des plaintes au jeu — ou apparemment contradictoires comme lorsque des propos évoquant la maladie sont présentés allusivement tout en jouant sur un écran. Si l’observation et la description restent essentielles, les conduites enfantines sont parfois « sans commentaire » ou, d’une certaine façon, semblent désynchroniser le son de l’image, ou les attitudes des affects, comme lorsqu’un enfant semblant indifférent à une ponction lombaire vient ensuite en parler avec une très grande émotion.

Les enfants, plus encore que les adultes, peuvent ainsi disjoindre les dimensions cognitives, affectives et expressives de certains moments charnières construits par les interactions médicales. Par exemple, le temps de l’annonce d’un diagnostic n’est pas forcément celui de la compréhension de ce qu’il engage comme nouveaux modes et horizons de vie. Les trajectoires de soins articulent ainsi des étapes objectives et divers processus de subjectivation de la pathologie.

Safiétou ne peut qu’utiliser sa main droite à cause de la perfusion, mais commence tout de suite à examiner un petit ours en peluche, son « patient », avec un stéthoscope. Ensuite, elle enroule l’élastique vert autour du poignet gauche de l’ours. Elle prend du « médicament » dans une petite bouteille en plastique, en fait de l’eau du robinet, qu’elle aspire dans la seringue sans aiguille, et pique l’ours. À ma surprise, ses procédures et ses gestes sont très précis. Ces gestes ont été répétés des centaines de fois depuis son arrivée à l’hôpital. Je pose une question à Safiétou sur son patient : « Est-ce que ça fait mal ? » Safiétou commence à faire oui de la tête, mais immédiatement secoue négativement la tête. « Non. » Quelque chose empêche la fillette de s’exprimer… (silence) « Il a guéri ! » (…) Puis, Safiétou demande à sa maman d’examiner son ours avec un stéthoscope et ajoute : « Et la piqûre ? » La maman pique l’ours avec une seringue. Safiétou frotte les fesses de l’ours avec un coton, et demande à sa maman de les piquer. Il semble qu’elle prépare une ponction lombaire. Je demande : « Ça fait mal, non ? » La maman et moi, nous sommes étonnées par l’idée de la fillette. Safiétou, néanmoins, secoue la tête en souriant : « Non, ça ne fera pas mal. » Ensuite, Safiétou pique le cou, les reins, et les fesses de l’ours. Safiétou murmure à sa maman, en piquant les reins de l’ours : « Maman, j’ai fait ça. » La maman hoche la tête. Ça doit être une ponction lombaire. Elle l’a faite la semaine dernière. Je demande à la fillette par l’intermédiaire de sa maman, « C’était douloureux, la piqûre ? » « Oui. » Safiétou répond et regarde le sol. À 12h55, elle continue à piquer l’ours au niveau de ses reins. (Sénégal, 2009, note d’observation, oncologie pédiatrique, Akiko Ida)

L’enchevêtrement des temporalités pour comprendre, éprouver émotionnellement ou abréagir la violence des soins et de la maladie lors de jeux qui « samplent » le réel, ainsi que des façons de prendre la parole « par effraction » dans les discours des adultes complexifient les pratiques classiques de l’anthropologie par entretien ainsi que l’analyse des conduites selon diverses sémantiques sociales. Dans bien des cas, seule une sorte « d’attention flottante » (Laplanche et Pontalis 1967) permet de saisir ce que souvent à contretemps et mezza voce, l’enfant dit d’une situation sans qu’il ne souhaite — ou ne puisse — le dire sous la forme d’une narration réflexive.

Tout au long de nos enquêtes, face à certains silences de nos interlocuteurs, à des propos qui semblaient « sauter du coq-à-l’âne », à des interruptions rompant ce qui nous semblait être un fil argumentatif ou temporel, nous nous sommes donc posés la question de comment accéder aux raisons d’agir des enfants. Sur quels savoirs s’appuyer pour construire au mieux cette translittération complexe entre les mondes des enfances et le langage spécifique qui organise nos connaissances ?

De régulières ruptures des enchaînements discursifs attendus — j’ai fait ceci parce que cela — et la variabilité des énoncés des enfants selon les moments, selon les interlocuteurs et selon les situations dessinent une « plurivocalité » déconcertante, et de fait, ces jeunes acteurs brouillent — ou tout au moins complexifient — les liens entre des données factuelles et les assertions causales que nos enquêtes tentent d’établir.

Porter attention aux situations d’interactions

De même, une apparence de détachement ne s’oppose aucunement à une forte implication subjective. C’est pourquoi, durant nos enquêtes, plus qu’à une certaine dramaturgie visible, nous avons été sensibles aux interactions concrètes qui constituent les socles des craintes, des discours et des conduites des enfants en situation : qui parle ? Qui tient le bras de l’enfant ? Comment s’effectue l’acte médical… Le geste — rassurant ou violent — ou le ton de la voix — soutenant ou cassant — construisent in situ les émotions et les modalités de l’expression de l’enfant. Autrement dit, il nous a semblé que la spécificité de l’approche anthropologique — voire d’une certaine anthropologie clinique — consistait à lier les propos des enfants aux interactions qui les provoquaient et aux situations que ces jeunes patients affrontaient. « Le pas de danse n’est pas le produit préréflexif d’une inculcation originaire, mais le résultat instable d’un système d’interactions et d’inférences » (Fabiani 2019 : 124). Il en résulte que nous nous proposons d’analyser des agencements — la façon dont des interactions résultent d’éléments qui pouvaient sembler hétérogènes ou le fait que certaines situations font floculer diverses dimensions (attitudes des intervenants, type de famille, impact des traductions, économie familiale, etc.) — plutôt que de recourir d’emblée à de larges interprétations englobantes des conduites observées.

Enfin, très concrètement, être sur le terrain et enquêter c’est aussi saluer les enfants, les interroger, leur demander si « ça va », parler des soins, de la famille, mais aussi de « tout et de rien » à la fois parce que ces sociabilités sont « naturelles », mais aussi pour construire un espace d’interlocution le plus habituel possible entre l’enfant et l’anthropologue.

Aussi banales qu’elles puissent paraître, ces conduites ne sont pas sans significations. En effet, dans ces espaces de soin, les interlocutions entre les adultes et les enfants sont le plus souvent fonctionnelles et parfois autoritaires ou tout au moins orientées par des finalités médicales : ordres et injonctions pour rester tranquille durant un examen, tendre son bras pour les injections, se pencher pour une ponction, etc. De ce fait, l’enquête anthropologique faisant qu’un adulte s’asseye sur le lit d’un enfant pour dialoguer sans un but précis, pour l’interroger sur ses goûts ou ses jeux et en usant du langage dans sa fonction phatique plus que dans un usage impératif, marque un écart par rapport aux conduites tenues pour « normales », par les soignants comme les familles, dans cet espace institutionnel.

Rompre avec le statut d’auditeur silencieux assigné à l’enfant

Structurellement, notre approche inductive se situe à l’opposé d’une situation où, à l’hôpital, l’enfant subit une double dépossession. Tout d’abord, celle construite par les modalités des relations intergénérationnelles : il est sous l’autorité de ses parents et des adultes. De ce fait, un « on », globalement constitué par les « adultes », est en droit d’exiger son obéissance, et la parole des enfants se limite largement à n’être qu’une demande ne pouvant accéder au rang de l’affirmation d’un choix ou d’une prise de décision. Par ailleurs, d’un point de vue médical, les soignants savent mieux que lui ce qu’il en est de son corps et de son devenir. Il doit donc accepter les décisions qui sont prises « pour son bien ».

Sans doute est-ce à cause de cette hétéronomie cognitive et volitive et parce qu’il ne dispose pas d’autres registres légitimes d’expression que, dans bien des cas, l’enfant adopte régulièrement le ton d’une supplique ou, lorsqu’il ne veut plus poursuivre les soins, d’une complète rupture de communication.

L’infirmière fait coucher la jeune fille, amaigrie, affaiblie et manifestement douloureuse. Elle lui demande de se tourner sur le côté pour la ponction lombaire. Apeurée, Houley s’exécute avec peine. L’infirmière nous demande d’aider à la placer et à la maintenir fermement. Inquiète, Houley commence à se plaindre. L’infirmière demande à son père de sortir. Cela panique Houley qui appelle son père « Papa ! papa ! » et essaie de se débattre tandis qu’on la maintient. L’infirmière lui assène agressivement : « Mais qu’est-ce que tu as ? » Le pédiatre arrive, calme, concentré. L’infirmière ôte le gri-gri que la jeune fille porte à la taille, nettoie son dos. Houley crie de sa voix affaiblie « Papa ! papa ! » (…) Nous tentons quelques mots de réconfort. Le soin terminé, Houley se calme aussitôt et s’allonge tristement. Son père à ses côtés, chacun poursuit ses occupations sans rien ajouter. (Mauritanie, 2014, note d’observation, Hélène Kane)

Contrastant avec des usages techniques et médicaux du langage en pédiatrie, l’enquête anthropologique considérant la voix des enfants (James 2007) est toujours un peu dissidente. Demander à l’enfant ce qu’il pense et le considérer comme capable d’énoncer un savoir sur lui-même, dérogent aux conventions sociolinguistiques implicites et aux dissymétries statutaires les plus habituelles.

Réfléchir aux implications émotionnelles des formes d’échanges langagiers

Cependant, dans le réel de ces contextes de soin, rien n’est jamais aussi stable et tranché. S’il est nécessaire de durcir un peu les contrastes pour révéler quelques normes implicites aux univers pédiatriques, on ne peut aucunement réduire l’institution hospitalière à une dichotomie opposant ceux qui soigneraient les enfants à « leurs corps défendant » à ceux qui écouteraient leurs paroles avec empathie. Face à la maladie grave, il arrive que les adultes se montrent plus attentifs aux enfants, soient moins autoritaires et se placent davantage à leur portée, comme pour reconnaître leur maturité devant une telle épreuve.

En fait, pour se limiter à une approche sociolinguistique rapide, l’hôpital bruisse de multiples types d’échanges langagiers : interrogatoires médicaux, traductions complexes, annonces diagnostiques ou pronostiques, mais aussi des paroles du quotidien qu’utilisent tout autant les soignants que les anthropologues. Cela est évident. Mais ces divers actes de langages engagent et construisent des modalités subjectives différentes.

Tutoyer, user de pronoms marquant l’interconnaissance, nommer l’enfant par son prénom ou un sobriquet, rire en usant des parentés à plaisanterie, parler dans les langues locales supports des familiarités, sont un rappel de l’identité de l’enfant au-delà du « cas diagnostiqué ». S’instaure alors, au rythme des visites et d’une sorte d’accoutumance réciproque, une relation singulière chargée de confiance, d’espoir et de compassion, constituant un « espace transitionnel » (Winnicott 1975) entre la subjectivité de l‘enfant et celles des soignants ou de l’enquêteur. En Afrique de l’Ouest, cette construction émotionnelle d’un lien se marque notamment par l’usage de termes de parenté — tonton ou tanti — pour s’adresser aux adultes, et le chercheur tout comme les soignants, lorsqu’ils sont attentifs et chaleureux, sont ainsi nommés par l’enfant.

Pour l’anthropologue, d’un point de vue méthodologique, il s’agit avant tout d’une forme, comme une autre, d’« enclicage ». On est pris dans les filets affectifs de ses interlocuteurs, on se sent plus proche de certaines familles ou de certains groupes d’usagers et l’on risque, souvent par affection, de partager « naïvement » et univoquement leurs points de vue ou leurs intérêts sans analyser, en regard, les contraintes et les raisons d’agir des autres acteurs de l’arène sanitaire. Tout cela relève d’une classique « politique du terrain » (Olivier de Sardan 1997) où plus que tenter d’éliminer d’inévitables biais, l’enquête consiste largement à les utiliser pour se situer et comprendre comment divers acteurs s’opposent ou s’accordent sur certains thèmes et enjeux. Être touché par le cas d’un enfant et décider de s’en occuper peut être riche d’enseignements en obligeant à parcourir toutes les étapes de ses soins et à affronter toutes les difficultés que rencontrent les populations à l’hôpital (Guindo 2017).

Bien sûr aussi, l’enfant sait que nous ne sommes pas ses parents, et son discours obéit largement aux formes de politesse intergénérationnelle indexant les adultes sous des termes de parenté. Mais de fait, ces termes d’adresse sont de véritables embrayeurs axiologiques, affectifs et sociaux et, exacerbé par le contexte sensible et de précarité que construisent l’hôpital et la maladie, l’usage de cette parenté fictionnelle devient porteur d’une sorte de processus transférentiel entraînant des attitudes et des affects, vécus selon cette proximité sémantiquement construite. Il en résulte, pour les chercheurs comme pour les soignants, une difficulté à trouver la bonne distance affective avec les enfants (Jaffré 2002).

Un enfant qui était très malade et devait être évacué vers la France, décède juste avant son départ. La pédiatre qui soignait cet enfant raconte : « l’enfant me disait souvent : « tanti moi je ne vais pas revenir ». Je me moquais de lui en lui disant toi tu vas rester en France (…). Abdoulaziz est décédé le samedi alors qu’il devait prendre l’avion le lundi (…). J’étais vraiment en deuil. D’ailleurs tout le service me présentait ses condoléances… C’est vraiment resté en travers. Jusqu’à maintenant j’ai du mal à avaler la pilule… » (Sénégal, 2015, propos recueillis par Yannick Jaffré)

Rien ne relève donc ici d’une trop simpliste partition entre ceux qui « gouverneraient abusivement des corps » et ceux qui écouteraient des sujets souffrants. Certes, certains professionnels de santé peuvent être violents ou indifférents aux souffrances des enfants. Il en va de même de certains chercheurs dont on pourrait attendre une plus grande réflexivité sur leurs conduites et attitudes. Mais globalement, dans ces univers de soins, les soignants et les anthropologues sont agents et victimes des mêmes procédures émotionnelles. Simplement le temps de présence des professionnels de santé auprès des enfants, l’obligation de les soigner et donc de manipuler parfois douloureusement leurs corps les obligent — tout au moins dans les conditions actuelles de leur pratique — à tenter de tenir les enfants à une distance émotionnelle « maîtrisable » et à refuser une trop grande implication affective. Cette proximité incite à se « blinder » contre la violence répétitive des situations et des décès. L’anthropologue, quant à lui, n’est là que provisoirement et ne touche pas les corps. Il se détache de ces existences en alternant des temps d’enquêtes et des temps de travail scientifique, et se console souvent en écrivant.

Une analyse séquentielle : l’enfant dans les agencements de la maladie

Tenant compte de ces configurations du terrain et des postures méthodologiques précédemment évoquées, nous avons privilégié une approche phénoménologique pour tenter de dire l’enfant au plus juste, en nous méfiant de toute excroissance « sur-interprétative » ou non empiriquement établie.

Pour cela, nous avons, tout d’abord, observé et documenté des interactions précises engageant des enfants, en tâchant de dégager les « pertinences motivationnelles » de ces jeunes acteurs. C’est-à-dire « les pertinences à sa portée », ce qui fait sens pour lui dans la situation qu’il affronte. Autrement dit, en fonction des attitudes des enfants, des émotions qu’ils manifestaient, des bribes de paroles échangées, nous nous sommes efforcés de reconstruire les analyses qu’ils pouvaient faire des contextes qu’ils devaient affronter, de concevoir les façons dont ils intégraient les expériences qu’ils traversaient, et se référaient aux valeurs constituant leurs « mondes ordinaires » pour penser leur destin (Schütz 2007 : 134-135).

Nous avons décrit et analysé des moments spécifiquement choisis parce qu’ils constituaient des instants cruciaux pour les enfants confrontés à la maladie ; voire, dans certaines situations, des sortes de « clapets affectifs et sanitaires » séparant un avant et un après dans la carrière de ces jeunes malades.

En suivant les parcours des enfants, nous avons donc sélectionné des points critiques qui sont apparus comme récurrents lors de nos enquêtes. Pour « coller » à ces trajectoires « pathographiques » et à ces ruptures biographiques, nous avons privilégié une analyse séquentielle délimitant le recueil précis de données empiriques et permettant de construire des « îlots d’intelligibilité sémantiquement autosuffisants » (Bourdieu et Passeron 1970 ; Passeron 1991). Ces séquences correspondent aux combats menés contre la maladie, aux modalités de délivrance des soins, mais aussi, lorsque cette pathologie est « lourde », aux multiples façons dont elle questionne les valeurs de l’enfant, réoriente l’ensemble des pratiques ordinaires et impose son rythme et ses obligations à toutes les autres activités familiales et sociales.

Très concrètement, à chacune de ces étapes, les enfants acteurs sociaux de leurs trajectoires (James et Prout 1990) cherchent des solutions. C’est pourquoi, pour l’enfant, tout autant que susciter une interrogation sur les causes de sa pathologie (Sindzingre 1983), être malade ouvre la longue litanie pragmatique des « comment », des plus sociaux aux plus corporels et affectifs. Comment dire que l’on a mal et comment faire reconnaître sa plainte ? Comment obtenir un traitement et éviter les soins douloureux ? Comment se faire soigner sans « fatiguer » ses parents ? Comment bénéficier de quelques aménagements d’activités tout en préservant l’estime de ses amis ?

En toutes ces circonstances, l’enfant malade est, dans toute la violence de cette expression, « mis à l’épreuve » et se construit par ce qu’il doit affronter. Dire l’enfant malade, ce n’est donc pas commenter quelques-uns de ses propos, mais tenter de rendre compte de la façon dont il « fait avec » son corps, ses maux et ses sentiments. C’est aussi faire écho à ce qu’il comprend du fonctionnement des services de santé et ce qu’il perçoit des affects de ses proches et de leurs difficultés socio-économiques.

C’est pourquoi l’objectif de notre travail est de présenter et analyser « par le bas » comment l’enfant tente de résoudre les questions que lui posent sa maladie et ses soins en des circonstances précises.

Nous présenterons trois agencements correspondant à des confrontations de l’enfant avec diverses adversités : la douleur et son expression, la complexité des savoirs parlant de sa vie, l’appréhension de la gravité de sa maladie et de son existence.

Chacune de ces très vastes thématiques pourrait faire l’objet de larges références bibliographiques et de réflexions mêlant l’anthropologique à l’éthique. Mais là n’est pas notre propos. Comme nous l’évoquions précédemment, souhaitant rendre compte de notre approche des conduites des enfants, nous n’aborderons ces domaines que de biais, par l’analyse des diverses tactiques que ces petits malades mettent en œuvre pour résoudre les questions que leur posent ces différentes épreuves. Nous avons pour cela usé de « cadrages serrés » permettant de rendre compte des expériences des enfants et des diverses façons dont ils agissent pour améliorer leurs situations, faire entendre leurs paroles ou faire reconnaître leurs choix. Nous ne prendrons ici que quelques brefs exemples qui nous semblent susceptibles d’illustrer la façon dont nous avons étudié ces agencements.

Examiner comment les enfants expriment leurs douleurs

La douleur est un objet pluriel et complexe. Elle peut, en effet, concerner divers organes, être forte ou faible, aiguë ou chronique, en palier ou brutale (Besson 1992 ; Rey 1993). Dans une famille, elle peut n’affecter qu’un seul ou être éprouvée par plusieurs membres, notamment dans les maladies à transmission génétique comme la drépanocytose (Bonnet 2009). Mais lorsqu’elle s’impose, elle constitue une effraction singulière, confrontant celui qui la subit à une certaine dépossession de soi et à l’expérience non partageable d’une brutalité immaîtrisable de son propre corps (Le Breton 2015).

C’est pourquoi, bien souvent, celui qui souffre ne parle pas ou que ses mots se limitent à effleurer l’indicible, comme cette jeune fille disant simplement : « Je ne peux pas » (Gueguey 2020) ou cet autre enfant, en fin de vie disant : « Je ne veux pas la piqûre ! Je veux que personne me touche, je suis fatigué ! » (Ida 2016)

D’une certaine manière, si l’on peut décrire celui qui souffre et les conduites de ceux qui l’accompagnent, la douleur ne se dit qu’après coup, quand un certain apaisement permet d’accéder aux mots et à l’interlocution.

En revanche, la plainte est de l’ordre du langage, faisant le lien entre le corps ressenti et les mondes sociaux où évolue l’enfant. Elle est expression physique tout autant que demande s’exprimant selon les codes sociaux partagés par les acteurs, et pour ces jeunes malades n’ayant pas d’autonomie économique ou sociale, il faut parvenir à faire signe aux adultes pour espérer le soulagement des douleurs. Autrement dit, réussir à faire entendre et rendre légitime sa plainte.

L’année dernière quand j’étais malade, je voulais aller à l’hôpital. Mais mon père n’était pas là (…) Ma mère n’était pas là non plus… J’attrapais une maladie grave pendant deux semaines. J’avais des maux de tête, une perte de l’appétit. Dans peu du temps après mon père est arrivé. Il a dit : « Il faut qu’on aille à l’hôpital ». (Pape, 12 ans, 2009, Sénégal, propos recueillis par Akiko Ida, programme Enspedia)

Ce court extrait est banal. Mais il souligne, avec une certaine évidence, que la plainte de l’enfant, diversement exprimée selon les âges, doit cependant, d’une manière ou d’une autre, être relayée (Cohen-Salmon 2012 ; Cresson 1998). Elle est toujours une demande faite à un proche, en général à un parent, puisque seuls les adultes peuvent décider d’une démarche de soin. Dans des mondes précaires, la réception de la plainte de l’enfant et les modalités de la décision sont particulièrement tributaires de diverses normes familiales, de l’accès à des ressources pécuniaires, des constructions sociales de la maladie, etc. Pour cela, elle doit souvent être répétée pour être entendue.

Hors situation extrême, cette demande s’exprime en fonction d’un ensemble complexe de normes morales et comportementales régissant les relations intergénérationnelles, les modalités des échanges affectifs entre les enfants et les parents, les droits d’expressions accordés selon les âges et les genres, les seuils de douleurs implicitement définis comme étant acceptables, etc. L’autre est ainsi sollicité selon une trame d’implicites complexes et de schèmes intériorisés et socialement partagés, afin que la plainte soit audible et recevable.

Dans certains milieux où les sentiments de pudeur et de honte sont centraux, la plainte directe est mal perçue, et les enfants apprennent à ne pas se plaindre afin de ne pas « fatiguer » leurs parents (Kane 2019). Dans ces cas, les enfants peuvent manifester leur malaise de manière indirecte, en s’allongeant ou en refusant de manger, attendant que les douleurs finissent par passer ou que quelqu’un se soucie d’eux. S’allonger dans un coin du salon, s’enrouler dans une couverture ou se recroqueviller contre un adulte peuvent être différentes manières pour les enfants de faire savoir qu’ils ne se sentent pas bien.

Par ailleurs, les conduites des enfants résultent souvent du jeu de contraintes contradictoires. Ainsi Fatima ressent des douleurs extrêmement violentes. Elle ne peut faire un geste sans grimacer de douleur. Pourtant, elle exprime sa plainte puis la nie, voulant réconforter ses parents. Trop se plaindre peut par ailleurs être « sanctionné » par le fait de rester à l’hôpital. Dès lors, minorer autant que possible ses plaintes est indispensable pour le quitter.

Q : Est-ce que tu sais quelle est ta maladie ?
Fatima, 11 ans : Oui, c’est le palu. C’est là, et ici, c’est la douleur seulement.
Q : Où est-ce que tu as mal ?
Fatima : Maintenant je n’ai pas mal.
Q : Tu vas mieux maintenant, quand tu étais chez toi, où avais-tu mal ?
Fatima : Au bras.
Q : Maintenant, où as-tu mal ?
Fatima : Maintenant j’ai mal à la jambe. (Montre un pansement au niveau de sa jambe)
(Mauritanie, 2014, propos recueillis par Hélène Kane)

En dehors de certaines situations paroxystiques, la douleur initiale est ainsi remaniée selon les diverses tactiques qu’un acteur faible se doit d’utiliser s’il veut « négocier » avec les diverses autorités dont il dépend. La volonté de ne pas perdre la face devant ses pairs ou des adultes, préserver ses parents, ne pas risquer des réprimandes supplémentaires, « se faire bien voir » pour négocier une sortie… expliquent les conduites des jeunes patients et leurs variations selon leurs interlocuteurs, leurs genres, leurs âges et ceux à qui ils s’adressent.

Harouna, 12 ans : Quand on fait des injections, c’est comme quand on prend une aiguille pour gonfler un ballon. Quand le liquide entre, on sent que le bras est lourd. Ça fait mal puis cela s’arrête (…)
Q : Quand tu entends des enfants pleurer pendant la piqûre, tu leur donnes des conseils ?
Harouna : Ce sont des poltrons.
Mère : Toi tu es un homme, tu n’as pas peur.
Harouna : Oui, je n’ai pas peur… Mais parfois un peu quand même. (…) Avant j’avais peur que cela me fasse mal. Mais maintenant, je me suis habitué.
(Mauritanie, 2018, propos recueillis par Hélène Kane)

Dans certaines interactions, la déréliction de l’enfant suscite, notamment dans les cas les plus tragiques, une certaine compassion des adultes qui semble presque « naturelle ». Mais, même en ces circonstances, on observe, en creux ou « par défaut » combien certains usages doivent être respectés pour que l’enfant bénéficie de cette empathie et ne soit pas rabroué au motif implicite d’une plainte mal exprimée ou ressentie comme étant excessive par rapport à la douleur supposée en être à l’origine.

10h20 mn — L’infirmière cherche à poser le cathéter. Elle demande à Daniel de tendre sa main. Il refuse et croise ses deux bras. Sa mère essaie de les défaire, mais elle n’y arrive pas. Il pleure et répète sans arrêt : « Elle va me faire mal, papa ! papa ! Je veux voir papa ; maman, elle va me faire mal. Je vais à la maison. » Devant l’insistance du refus de l’enfant, l’infirmière va dans la salle de soins chercher un de ces collègues hommes.

10h25 mn — Ce dernier arrive et s’adresse à Daniel avec un ton autoritaire : « Hé ! Lève-toi. » L’enfant l’observe et cherche à se réfugier dernière sa mère. L’infirmier prend la seringue chargée du quinimax et menace l’enfant : « Hé ! Tends ton bras, sinon je vais te piquer dans la bouche avec cette aiguille et tu ne pourras plus manger du poulet que ton papa va amener à la maison le soir. » Devant la menace, Daniel cède. L’infirmière attache un garrot au bras et trouve en un seul essai une veine pour poser le cathéter. L’infirmier avant de retourner dit, avec un certain satisfécit, « Nous, on met en route les enfants gâtés ».

10h30 mn – L’infirmière en plaçant la perfusion se moque de Daniel : « Tu n’es même pas un homme car pour une injection tout le monde t’a entendu crier ». Pour manifester sa honte, Daniel essaie de cacher son visage.
(Mali, 2011, observation réalisée par Abdoulaye Guindo, programme Enspedia)

Photo 1. Oui, je n’ai pas peur… Mais parfois un peu quand même
Harouna, 12 ans, hémophilie, Mauritanie

Soulignons que très concrètement, pour les soignants, la mise en évidence des liens entre les dimensions corporelles et sémantiques des plaintes a construit sur les plans de la recherche et de l’intervention une réflexivité dans les services. Tout d’abord, les dessins de leurs corps que nous avons demandés aux jeunes malades ont objectivé et matérialisé leur douleur, comme le firent dans les pays du Nord les « bonshommes-douleurs ». Par ailleurs, l’expression des enfants sur les diverses évaluations qu’ils faisaient des conduites des adultes a permis de questionner les soignants sur leurs attitudes et parfois, la violence des gestes qu’ils accomplissaient. Ces parcours réflexifs ont été matérialisés par différents supports de formation et de communication des résultats de la recherche : livret présentant les paroles et dessins d’enfants, films et ateliers.

Analyser comment les enfants se situent face aux savoirs sur leurs maladies

En fait, bien qu’en pédiatrie il soit « le » malade, l’enfant est plus souvent désigné par les professionnels qu’inclus dans un dialogue avec ses soignants. Rares sont les circonstances où l’on s’adresse directement à lui. Ses symptômes sont souvent présentés par ses parents, et il n’entre que très rarement dans une interlocution, où l’alternance du « je » et du « tu » permet à chacun des interlocuteurs d’énoncer son point de vue, ses questions et ses craintes (Benveniste 1966). Dans les services, « on » parle de lui plus qu’on ne lui parle.

Q : Comment tu appelles la maladie ?
Houssein, 10 ans : Je ne sais pas comment s’appelle la maladie. C’est mon père qui le sait comment ça s’appelle.
Q : Ton père ne t’a jamais dit comment ça s’appelle ou tu n’as jamais fait attention ?
Houssein : Non.
Q : Qu’est-ce que tu as compris de la maladie ?
Houssein : Je n’ai rien compris de la maladie. C’est mon père qui le sait, c’est les docteurs qui le lui disent. Lui, il ne nous dit rien.
(Mauritanie, 2014, propos recueillis par Hélène Kane)

Pour pallier ces silences, la première opération que l’enfant met en œuvre pour construire un savoir sur sa maladie consiste à apprendre par effraction, dans les interstices des dialogues échangés sur son cas. Il lui faut, pour cela, cerner des signifiants médicaux, les mémoriser, suivre leur répétition dans divers énoncés. En reconstruire le sens en fonction d’autres énoncés, mais aussi selon les réactions des adultes à l’usage de ce terme. Et d’une certaine manière le signifié de tous les termes utilisés n’est pas tant leur « contenu de sens » que la façon dont les proches expriment et dissimulent leurs émotions lorsqu’ils usent de ces mots.

En fait, si les mots ne s’adressent pas à l’enfant, ils parlent toujours de lui. Délivrés sans filtre, sans explication, ils sont source d’angoisse et d’une profonde solitude, ainsi qu’en témoigne cette autre observation :

« Fais comme ça, » L’infirmière lui montre le poing, et la fillette ferme le poing. (…) Avec une aiguille l’infirmière pique rapidement le dos de la main gauche. Safiétou reste totalement sans expression : elle ne répond pas à la douleur, et elle ne dit rien. Mme S. demande à l’infirmière stagiaire de venir avec le liquide anticancéreux, qui est injecté tout de suite dans la veine de la fillette via l’aiguille. Pendant ce temps, Mme S. parle du garçon qui vient de décéder. « Que pensez-vous du décès de Modou ? » Je réponds : « J’ai appris cette mauvaise nouvelle ce matin même, et je ne peux pas encore dominer mon trouble ». « Quand il est venu, il était déjà en mauvaise condition, donc... » En parlant, Mme S. ne change pas d’expression. Elle est expéditive et place la perfusion à Safiétou. Maintenant, le traitement est terminé. Safiétou se lève et part dans sa chambre, toujours silencieuse. (Sénégal, 2009, note d’observation, Akiko Ida, programme Enspedia)

La seconde opération réalisée par les petits patients consiste à interroger divers adultes et à demander — y compris aux anthropologues — ce qu’il en est de leur pathologie, en usant souvent de circonvolutions interrogatives ayant pour but de banaliser l’interlocution. Par exemple, comparer son diagnostic ou son état général à celui d’autres enfants permet à chacun d’exprimer ses craintes, sans frontalement assumer son énoncé et ses conséquences.

Khadjetou, 8 ans : Est-ce que je peux guérir de ma maladie ? C’est ça que je veux savoir. Parce que mes amis ne sont pas malades.
Q : Tu te sens très différente des autres enfants ?
Khadjetou : Parfois je rencontre d’autres enfants qui ont mal à la tête comme moi. Cela arrive aussi à d’autres enfants. Certains ne sont pas malades mais d’autres aussi sont souvent malades. Mais moi je préfèrerais ne plus être malade. Est-ce qu’il y a des médicaments qui pourraient me rendre moins malade ?
(Mauritanie, 2014, propos recueillis par Hélène Kane)

Enfin, le corps est d’une certaine manière une sentence ne nécessitant pas de commentaires. Les enfants mesurent leurs douleurs, leur fatigue, leurs difficultés fonctionnelles, à l’aune de leurs forces ou faiblesses.

Baba : Le jour où j’étais guéri et prêt à sortir j’étais un peu content.
Q : Pourquoi ?
Baba : Parce que j’ai regardé mon ventre et j’ai vu qu’il a complètement diminué et c’est ce qui m’a rendu content
Q : En ce moment-là que ressentais-tu ?
Baba : J’ai pensé quand mon ventre était gros et aujourd’hui mon ventre a baissé. Je sentais un plaisir.
(Sénégal, 2018, propos recueillis par El Hadj Malick Sy Camara)

Montrer aux soignants le travail cognitif des petits malades confrontés à ces divers silences, a permis de recentrer les consultations et les soins autour de l’enfant et de ses interrogations.

Comprendre comment l’enfant évoque et affronte des questions existentielles

Quel que soit l’âge, la maladie grave représente une rupture biographique (Bury 1982) et confronte l’enfant, comme ses parents, à la gestion de l’incertitude et à une réflexion sur sa propre finitude. Dès lors que la gravité de la maladie rend l’avenir de l’enfant incertain, de cruelles questions existentielles colorent la vie quotidienne et modifient le sens de situations qui autrement pourraient être anodines. Certains propos allusifs, silences et non-dits deviennent lourds de significations, nécessitant une circonspecte attention des anthropologues (Kane et Guindo 2021). L’usage des silences peut constituer une modalité d’action spécifique, en particulier pour les enfants hospitalisés (Mendola et Righetto 2020). Mais parfois, lorsqu’ils ont la possibilité de s’exprimer, les enfants abordent plus directement la mort.

Milita : Papa n’est-ce que tu m’aimes beaucoup ?
Père : Pourquoi me poses-tu cette question ?
Milita : Parce que tu veilles beaucoup sur moi et tu dépenses beaucoup d’argent pour moi, n’est-ce pas ?
Père : Oui.
Milita : Papa n’est-ce pas si tu ne me soignais pas j’allais mourir ?
Père : Oui.
Milita : Papa peux-tu me dire quelle est la couleur de la mort ?
Père, la regardant : Non.
Milita : Je pense la mort est de couleur noire.
Père : Mais pourquoi la couleur noire plus précisément ?
Milita : Lorsque je ferme les yeux ou quand je dors tout me parait noir, c’est pourquoi je pense que la couleur de la mort est noire.
(Mali, 2011 propos recueillis par Abdoulaye Guindo, programme Enspedia)

Cette confrontation à l’inéluctable a été largement décrite (Bluebond-Langner 1978 ; Oppenheim 2014 ; Raimbault 1975) et une réflexion sur les soins palliatifs en pédiatrie, et pour nous en Afrique, est essentielle (Rossi et al. 2019). Ajoutons que cette violence du mal est redoublée par la violence des inégalités sociales qui grèvent la possibilité de bénéficier des meilleurs traitements.

Du point de vue des enfants, qui nous sert ici de fil conducteur, il importe de souligner combien les soins et les liens affectifs avec leurs parents sont cernés par ces contraintes économiques. Les difficultés pécuniaires des familles ainsi qu’une certaine rugosité de la vie constituent de véritables socles de sentiments, comme la culpabilité de se soigner aux dépens de la famille. Les dimensions « morales » et affectives sont liées aux façons dont l’enfant « incorpore » les aspects économiques, les perçoit et se situe par rapport aux difficultés de ses parents.

Bien souvent, à la douleur des corps viennent donc s’ajouter les souffrances sociales (Ricœur 2013) résultant des dépenses liées aux soins. Confrontés aux efforts de leurs parents, certains enfants s’interrogent même sur le sens de leur existence :

Mon père, il a dit que ma maladie lui a fait beaucoup dépenser ; que mes autres sœurs ne lui font pas dépenser comme moi je lui fais dépenser. Ça me rend triste. C’est parce que je suis la seule qui le fait dépenser et que les autres ne lui font pas dépenser autant. C’est comme si ce n’était pas la peine que je vienne au monde. Comme ça je ne le ferai pas dépenser. (Kokou, douze ans, 2011, Togo, propos recueillis par Mireille Douti, programme Enspedia)

Enfin, face à la crainte de la mort et la nécessité de garder espoir, parents et soignants ont fréquemment recours à des formes de bénédictions, qui constituent un langage communément audible. Les interprétations religieuses sont mobilisées par les enfants, tout à la fois pour accepter leur destin, soulager leur culpabilité et communiquer leurs inquiétudes à leur entourage. Bénédictions et prières permettent de maintenir, malgré tout, l’espoir et l’attachement.

Amadou, jeune mauritanien de 16 ans souffrant de drépanocytose, se rend à la Mosquée et lorsqu’il a l’occasion d’aller dans un cybercafé, il en profite pour faire de recherches sur la vie du prophète. Certes, il n’est pas le seul garçon de son âge à questionner la religion sur le sens de son existence, mais depuis sa petite enfance, il lui est dit d’accepter sa maladie comme la volonté de Dieu. Aussi, malgré sa fragile constitution, il tient à poursuivre le ramadan : « C’est parce que si je ne jeûne pas ça sera comme une dette sur moi. Si je peux jeûner, je jeûne, sinon je ne peux pas. » (Mauritanie, 2018, propos recueillis par Hélène Kane)

Ces références à la religion, que les enfants manient dans ces contextes communicationnels difficiles, renvoient à des références culturelles partagées mais sont aussi porteuses d’une grande polysémie résistant aux interprétations univoques. Les enfants se saisissent de cette labilité sémantique pour faire face à l’expérience d’une maladie chronique et en construire une signification plus acceptable (Mufti, Towell et Cartwright 2015). Et cette part d’indéfinition et d’ambivalence face aux questions existentielles ouvre sans doute pour l’anthropologue une réflexion sur les relations des enfants à la religion et les constructions sociales des consolations.

Discontinuités singulières, socles affectifs et poïétiques infantiles

Face à certains silences des enfants ou à d’apparents désajustements entre des situations et des expressions d’affects, l’anthropologue, sauf à limiter son étude à de strictes descriptions, ne peut se contenter de l’explicite. Il nous a semblé qu’une approche phénoménologique permettait d’accéder aux raisons d’agir de ces jeunes acteurs, ou tout au moins proposer un faisceau d’hypothèses plausibles. Ceci impliquait « de se mettre à la place » des enfants, d’imaginer ce qu’ils peuvent percevoir des situations qu’ils affrontent et de reconstruire les normes encore instables qui déterminent leurs choix et modèlent leurs conduites.

Ce décentrement impliquant de tenir compte des âges et des codes nous a permis de reconstruire des formes d’expériences, mêlant des dimensions sensibles, affectives et relationnelles, telles qu’elles sont vécues et partagées par les enfants avec leurs familles et leurs soignants. Par exemple, comment faire entendre une douleur en usant de codes normatifs régissant l’expression des plaintes « légitimes », comment dialoguer, s’opposer, interagir avec des soignants selon des codes régentant les relations avec des adultes, comment trouver dans un ensemble de conceptions religieuses des formes de consolation…

En complément, l’approche interactionniste que nous avons choisie, fondée sur la sélection d’unités pertinentes, offre une autre perspective sur la construction biographique des enfants.

Tout d’abord, ces séquences permettent de voir, ad præsens tempus, comment agissent les enfants et comment un ensemble de dimensions contextuelles construisent leurs subjectivités. Les dimensions statutaires — droit à l’expression et à la décision — et les « socles » économiques permettant l’achat des traitements sans trop durement affecter la vie de la famille, constituent des sortes d’infrastructures déterminant les modes de subjectivation des enfants. Ces socles matériels (Castel 1995) sont au cœur de configurations faisant que la précarité et la dépendance conduisent à certains renoncements et induisent des sentiments de honte et de culpabilité. Notre travail s’articule ainsi à des travaux considérant l’agir des enfants dans le cadre de conceptions de l’agency prenant en compte des dimensions contextuelles et relationnelles (Vinel et Zaltron 2020).

Cette approche de l’enfant comme un acteur social à part entière (Sirota 2006), ou tout au moins comme un tacticien usant des marges de manœuvre configurées par son statut et ses conditions de vie est essentielle tant pour analyser diverses situations sociales (Jaffré et Sirota 2013) que pour accorder des droits et une dignité à une personne ayant droit à son histoire (Fine 1998).

Parallèlement, « donner une voix » à l’enfant ne dispense aucunement d’une réflexion sur la diversité des enfants, les multiples manières dont ils se définissent en réponse aux conduites des adultes, ou sur les implicites culturels de nos études (James 2007 ; Stoeklin et Fattore 2018). C’est pourquoi nos études ne se limitent pas à écouter et rendre compte des plaintes de jeunes malades indistinctement présentés. Nous avons souhaité prendre en compte les « supports d’individualité » (Castel et Haroche 2001) de ces jeunes patients et comment leurs statuts affectifs et sociaux influaient sur leur reconnaissance comme interlocuteur légitime dans les services de santé.

Rendre compte de ces mondes vécus et cultiver l’attention à l’égard de la subjectivité des enfants a contribué à la constitution, pour les malades et leurs familles, d’un espace de parole avec les soignants. En évoquant sa douleur, ses craintes, ses espoirs, le rôle de ses amis, l’enfant témoigne de sa propre façon d’ethnographier les mondes de la santé. Dès lors, inextricablement, les données d’enquêtes prennent aussi la forme d’audits permettant de s’interroger sur la qualité des soins ressentie par les enfants. La mise en série, par l’anthropologue, de ces énoncés souvent murmurés et lapidaires devient un argumentaire, voire un contre-pouvoir, incitant les praticiens à une réflexivité sur leurs conduites, et à un questionnement sur les liens entre les modalités de délivrance des soins et les affects de leurs jeunes patients. Dans ces espaces de soins l’enquête est toujours performative : dire, laisser dire, et faire entendre c’est toujours faire, ne serait-ce qu’un peu.

add_to_photos Notes

[1Remerciements au Gouvernement de la Principauté de Monaco qui à travers sa Direction de la Coopération Internationale a soutenu et financé cette recherche. 

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Pour citer cet article :

Yannick Jaffré, Hélène Kane, 2022. « Dire au plus juste l’enfant et sa maladie  ». ethnographiques.org, Numéro 43 - juin 2022
Enquêter avec les enfants et les adolescent·e·s [en ligne].
(https://www.ethnographiques.org/2022/Jaffre_Kane - consulté le 25.04.2024)
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