Agencéité des enfants et esthétique de la honte à Dakar : Comment enquêter auprès des enfants en apprentissage ?

Résumé

L’article propose un retour réflexif sur l’utilisation de méthodes sociologiques qualitatives d’enquête pour la recherche avec des enfants en apprentissage vivant en milieu populaire dakarois, au Sénégal. Il aborde d’abord le rôle des interprètes dans le déroulement des enquêtes. D’un point de vue méthodologique, un dispositif de relations d’enquête de type triadique a été mis au point afin de s’adapter aux formes indirectes de communication d’informations sensibles en recourant aux trois personnes de l’interlocution : enfant, interprète et enquêteur. Le texte analyse également la position d’« adulte au pouvoir amoindri » adopté par le chercheur durant l’enquête. Enfin, les valeurs de pudeur (kersa) et de discrétion (sutura) sont explorées en lien avec l’économie morale de la honte et de son évitement. L’article contribue ainsi au débat sur l’utilité du concept d’agencéité en sociologie de l’enfance et en childhood studies dans le contexte urbain sénégalais.

mots-clés : Sénégal, enfants travailleurs, honte, honneur, agencéité, méthodologie, approche qualitative, sociologie

Abstract

Children’s agency and the aesthetics of shame in Dakar : How to do research with children in vocational training ?

This article reflects on the uses of qualitative sociological field methods with children undergoing vocational training and living in a underprivileged socio-economic environment in Dakar, Senegal. First, it examines the role of interpreters in the process of conducting qualitative interviews. It explores the three-way indirect communication strategy – children, interpreter, researcher – developed to accommodate the ways in which sensitive issues are spoken about in the local context. Next, the article examines how the researcher positioned himself as an "atypical, less powerful adult" and analyzes the impact of this position on the research. Finally, the paper explores how two dominant Wolof values, kersa (modesty) and sutura (discretion), relate to the wider Senegalese moral economy of shame. Thus, the article also contributes to the debate on the usefulness of the concept of agency in the field of the sociology of childhood and childhood studies in the Senegalese urban context.

keywords  : Senegal, working children, shame, honor, agency, methodology, qualitative approach, sociology

Sommaire

Face au silence des enfants en situation d’entretien

Mon interprète Fatou Sarr [1] et moi entrons dans la demeure de la famille Dieng, dans un quartier populaire de Pikine, ville périphérique à Dakar. Plusieurs chambres aux murs gris en briques de ciment bordent la cour intérieure. Le sol est couvert d’une fine couche de sable. Au-delà des cordes à linge qui découpent l’espace clos de la cour, nous repérons par l’ouverture d’un cadre de porte une jeune fille assise sur le coin d’un lit. Après les salutations d’usage aux personnes présentes dans la demeure, nous rejoignons Adji Ndiath, la jeune fille de huit ans pour qui nous sommes là. Nous souhaitons nous entretenir avec elle à propos de son travail de domestique qui vient de débuter ici. Fatou et moi avons préparé l’entretien. Nous espérons qu’elle nous donnera des détails sur ses tâches, ses conditions de vie et sur le traitement qui lui est donné par ses employeurs, c’est-à-dire les occupantes et les occupants de la demeure. Son point de vue nous importe en premier lieu ; c’est pour cela que nous nous adressons à elle en priorité.

Dès que nous abordons les détails de sa vie de domestique, Adji se met à rire timidement plutôt que de répondre. Fatou enchaîne les questions en wolof, avec douceur, et les reformule pour s’assurer qu’Adji les comprenne. Rien ne change. Ses réponses sont vagues et laconiques, ponctuées de rires polis. Fatou fait alors appel à Modu, un jeune homme, membre de la famille, qui observe l’entretien relativement discrètement depuis la cour. Il nous surveille autant qu’il semble contrôler ce que dit Adji. Fatou espère qu’Adji répondra à nos questions, que Modu accepte de poser. La situation se bloque : je pose des questions en français, Fatou les traduit en wolof à Modu qui les reformule. L’enfant feint de ne pas les comprendre. Modu improvise alors la caricature du rôle de grand frère bienveillant : sans succès. Finalement, constatant que notre discussion frise l’acharnement, Fatou et moi décidons rapidement de mettre fin à l’entretien.

Que peut-on déceler dans le silence d’Adji au-delà de l’expression passive de son refus de répondre aux questions ? Posées sous la pression de trois adultes insistants, elles auraient d’ailleurs pu engendrer une telle réaction dans un autre contexte que celui du Sénégal. Répondre à cette question permet d’interroger l’éthique du ressenti partagé de la honte et de son évitement chez les Wolofs (Diop 1981 ; Ly 2015a, 2015b) et à la situer chez les enfants et les jeunes adolescent·e·s (Rabain 1979). Ces aspects font l’objet d’un regain d’intérêt récent en sociologie pour la région du Sahel (Moya 2017 ; Baroin et Cooper 2018). Les considérer en préparation d’une enquête ethnographique est primordial lors de l’entrée sur le terrain en milieu urbain sénégalais. Ces valeurs occupent une place centrale dans l’agencement des relations sociales dont l’enquête ethnographique est une forme particulière (Copans 2011 : 46‑56). Mon but ici est de montrer comment leur prise en compte permet d’éviter le type d’écueil décrit plus haut. Il s’agit d’une proposition d’adaptation des techniques d’enquêtes déjà connues : entretiens semi-directifs et surtout observation directe sur une longue durée. Je la base sur un retour réflexif sur mes propres enquêtes de terrain menées durant ma thèse de doctorat. Le but premier est de montrer comment détecter et interpréter l’agencéité des enfants en milieu urbain sénégalais. Il ne s’agit pas d’un mode d’emploi. Une adaptation à d’autres contextes que ceux que j’ai étudiés sera donc toujours nécessaire.

Dans cet article, je présenterai en première partie le cadre de mes enquêtes de terrain et les rapports de pouvoir relatifs au travail des enfants dans les ateliers d’apprentissage. En deuxième partie, je discuterai de mon usage de la posture d’« adulte au pouvoir amoindri » (Corsaro 1985 ; Corsaro et Molinari 2017). Je développerai en particulier le point des relations triadiques : enquêteur, enfant et interprète. Comment le silence ou les stratégies d’évitement de la honte pratiquées par des enfants peuvent-il y être interprétés ? En troisième partie, je contribuerai aux débats en sociologie de l’enfance et en childhood studies sur l’usage du concept d’agencéité dans les enquêtes qualitatives avec des enfants (Lancy 2012 ; Delalande 2014), ici en contexte urbain au Sénégal. Je montrerai comment le concept demeure utile en discutant des propositions de Tatek Abebe (2019) concernant son adaptation au contexte sub-saharien. Selon moi, le concept d’agencéité requiert la prise en compte de l’économie morale wolof de la honte et de son évitement pour les études situées au Sénégal. En quatrième partie, je démontrerai l’agencéité d’enfants en pratique sur la base d’une séquence ethnographique extraite des données de mes enquêtes. Je me concentrerai sur le rôle des critères d’aînesse (Balandier 1948 ; Rabain-Jamin 2003).

Enquêter avec des enfants travailleurs et travailleuses à Dakar

En préparation d’une thèse doctorale en sociologie sur les droits des enfants travailleurs et travailleuses au Sénégal (Mabillard 2021), j’ai effectué deux enquêtes de terrain de six mois de septembre 2015 à mars 2017 dans les villes de Dakar et de Saint-Louis. En parallèle à l’étude du tissu d’institutions étatiques et d’ONG actives dans la défense des droits des enfants, j’ai entrepris l’analyse de l’éthique dominante du travail des enfants dans les milieux populaires. Le travail gratuit durant un apprentissage, la vente ambulante sur les marchés et le service domestique sont les trois types de travail des enfants et des adolescent·e·s les plus pratiqués à Dakar et Saint-Louis (ANSD 2007 : 78‑86).

Sur une variante du modèle d’observateur comme participant [2] de Raymond L. Gold (1958), j’ai observé les dynamiques sociales courantes dans des ateliers de l’économie populaire [3]. Je me suis concentré sur le point de vue d’enfants et de jeunes adolescents, filles et garçons âgés de sept à treize ans travaillant dans des menuiseries, des cordonneries, des tapisseries, des charpenteries, des ateliers de réparation de véhicules, de couture et de soudure. J’ai aussi mené des enquêtes de courte durée – trois semaines – sur des marchés situés à Pikine et à Saint-Louis sur l’insertion des jeunes vendeurs et vendeuses ambulant·e·s dans ce secteur de l’économie. Pour ce qui est du travail des filles et des adolescentes en service domestique, j’ai enquêté pendant trois semaines auprès d’Adji et de sa famille. Elle venait d’être confiée par ses parents à une de ses tantes maternelles vivant à Dakar. De plus, j’ai étudié les logiques de placement de jeunes domestiques au lieu-dit rond-point Liberté 6 à Dakar, un symbole local de cette économie. En tout, j’ai agrégé un corpus de 176 entretiens semi-directifs avec des enfants au travail, les membres de leurs relations professionnelles, associatives et familiales.

J’expose ici les lignes directrices des rapports de pouvoir entre enfants et adultes tels que je les ai observés dans les ateliers d’apprentissage afin de contextualiser mes arguments de méthode et l’analyse de l’exemple tiré de mes enquêtes. Le travail des apprenti·e·s est considéré comme le remboursement des connaissances transmises par le maître ou la maîtresse d’apprentissage : les patrons et patronnes [4]. C’est la norme dominante dans l’économie populaire au Sénégal alors que dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest les apprenti·e·s doivent également payer leur patron·ne à l’embauche et lors de la sortie de leur formation en plus de travailler gratuitement [5]. À Dakar, leur travail n’est donc pas rémunéré sur une base régulière, mais selon l’appréciation et la générosité du patron ou de la patronne, qui fait figure d’aîné·e dans ce contexte. C’est exclusivement lui ou elle qui détermine la durée de l’apprentissage (Viti 2013 : 211‑14). La logique de la dette intergénérationnelle dépasse d’ailleurs le domaine du travail des enfants. Fabio Viti a montré que dans les pays d’Afrique de l’Ouest, le travail « est le lieu principal où se concrétisent et se montrent les rapports de dépendance personnelle qui les précèdent et en déterminent le cadre d’exercice » (Viti 2013 : 191). Il peut s’agir de rapports de domination exprimés sous forme d’autorité fondés sur l’âge, la place dans l’ordre des naissances dans un lignage, le genre, l’appartenance à une confrérie musulmane ou, rarement, à une caste, etc. Le rythme d’enseignement durant l’apprentissage dépend donc de l’appréciation du patron ou de la patronne, voire des apprenti·e·s plus âgé·e·s qui s’occupent en pratique le plus souvent de transmettre le savoir.

Posture d’« adulte atypique » et rôle des interprètes dans les relations d’enquête triadiques

Lors de mes enquêtes, ma connaissance du wolof n’était pas suffisante pour saisir les nuances de langage lors des entretiens. J’ai donc recruté comme assistants et assistantes de recherche des étudiant·e·s de niveau Master II de sociologie connaissant les techniques d’enquêtes qualitatives. À Dakar, je les ai recrutés en m’adressant à des doctorants et des doctorantes de l’université Cheikh Anta Diop. Ils et elles m’ont recommandé des étudiant·e·s parmi lesquels j’ai fait mon choix suite à un entretien individuel et à une période d’essai de deux semaines. J’ai engagé quatre interprètes successivement – deux femmes et deux hommes – pour une période de trois mois à chaque fois. Cela correspondait à la durée de mes différentes enquêtes. Je les ai rémunérés selon les tarifs journaliers alors en vigueur pour les assistant·e·s de recherches sur le campus dakarois de l’Institut de Recherche pour le Développement où je disposais d’un espace de travail : 10.000 CFA (15,25 €) par journée de travail.

Ils et elles ont endossé le rôle d’interprète lors des entretiens et ont ainsi influencé significativement le déroulement de mes enquêtes. Après une courte période de formation à l’approche méthodologique particulière basée sur la posture d’observateur comme participant mentionnée plus haut, des mises au point étaient nécessaires lors des premiers jours d’enquête. Celles-ci n’avaient pas pour enjeu nos interprétations communes des techniques d’enquête ou de leur utilisation. Dans la majorité de nos entretiens et des séances d’observation, je posais mes questions en français à l’interprète qui les traduisait en wolof aux personnes enquêtées. Après leur réponse, il ou elle m’en traduisait les éléments principaux en français et j’enchaînais avec d’autres questions. Cela nous permettait de converser en réagissant aux réponses données plutôt que de suivre mécaniquement les guides d’entretien. De plus, je gardais – en théorie – l’initiative des sujets abordés lors des discussions. Par la suite, ils et elles transcrivaient les entretiens afin que je puisse les analyser en détail.

Comme Pia Christensen et Allison James (2017), je n’opère pas de distinction fondamentale entre les méthodes utilisées avec les enfants et celles utilisées avec les adultes. Je considère les enfants dès l’âge de cinq ans environ comme capables de saisir les enjeux d’une enquête, à condition de les exposer clairement et d’une façon appropriée à leur développement ainsi qu’à leurs repères éthiques et culturels. Pour inciter les enfants et les pré-adolescent·e·s avec qui j’enquêtais – âgés de six à quatorze ans – à s’exprimer sur leurs conditions de travail, j’avais adopté la posture d’« adulte atypique, au pouvoir amoindri [6] » décrite par William Corsaro et Luisa Molinari (Corsaro et Molinari 2017 : 12). Dans le cadre de cette mise en scène, le chercheur ou la chercheuse agit comme s’il ou elle avait un degré de compréhension de son environnement social inférieur ou similaire à celui des enfants avec lesquels il ou elle enquête. Il ou elle ne se comporte pas comme les autres adultes [7]. Le but est que les enfants endossent le rôle de guide face à l’enquêteur ou à l’enquêtrice et lui explique les « règles du jeu ».

En l’occurrence, je connaissais peu de choses sur les dynamiques sociales entre enfants, ou entre enfants et patron·ne, là où j’enquêtais. La posture a été initialement créée pour l’étude des cultures enfantines – de leurs "mondes" – dans le cadre d’établissements scolaires en Italie, puis aux États-Unis (Corsaro 1985), un contexte culturel occidental largement partagé par William Corsaro, chercheur originaire des États-Unis, et les enfants de ses études successives. Tout comme les institutions scolaires, les ateliers d’apprentissage de Dakar sont aussi des espaces aux logiques sociales relativement closes sur elles-mêmes avec leurs propres « régimes de vérité [8] » (Foucault 2012 : 99). Grâce à cette posture, je pensais donc libérer la parole des enfants et ainsi comprendre la manière dont ils se représentaient leur environnement de travail, comme je l’aurais fait avec les élèves d’une classe dans un pays européen. Lors de mes premiers entretiens, je demandai par exemple à un apprenti de douze ans s’il savait quand sa formation s’achèverait. Je connaissais par mes recherches bibliographiques la règle selon laquelle le patron ou la patronne était seul·e à décider de ce moment, et je cherchais à ce que l’apprenti·e m’explique comment il ou elle justifiait cette situation, afin d’accéder à ses représentations sur le sujet. Je ne comprenais pas pourquoi cette question qui me semblait anodine restait sans réponse.

Nous étions souvent confrontés à des silences ou à des stratégies d’évitement de la part des enfants alors qu’ils et elles me comprenaient parfaitement. Les plus jeunes, jusqu’à dix ans, se taisaient. Au-delà de dix ans, ils et elles répondaient à côté ou évitaient de le faire en énonçant des généralités de principe. En réaction à cette attitude, mes interprètes m’ont d’abord incité à adapter ma posture de chercheur en fonction des critères d’aînesse et de genre de l’économie morale dakaroise wolof musulmane de la honte que je connaissais encore mal. Je détaillerai ces deux aspects plus loin. Je me focaliserai pour l’instant sur les modifications de principe que j’ai apportées à ma posture de chercheur. En suivant les suggestions de mes interprètes, j’utilisai ces derniers comme des relais suivant un mode de communication triadique d’abord improvisé, puis plus systématique. Leur rôle d’interprète s’est doublé de celui d’intermédiaire.

Une des raisons de ces silences était que durant les phases d’entrée sur les terrains successifs, nos interlocuteurs et interlocutrices envisageaient la situation d’entretien comme un espace où s’exerçait une parole publique. J’incarnais alors l’archétype de l’étranger, en l’occurrence du toubab [9], doté néanmoins de la capacité de comprendre le wolof grâce à mes interprètes. Le contrôle social de la parole des enfants en public étant fort à Dakar, beaucoup d’entre eux préféraient parler de banalités avant de nous connaître. Cela visait à protéger leur réputation et à ne pas mettre en jeu l’honneur d’autrui. Comme dans le cas des enquêtes de terrain de Fabienne Hejoaka (2012 : 85‑86) avec des enfants atteints du VIH en milieu hospitalier au Burkina Faso, ils et elles exprimaient aussi le refus occasionnel de transgresser le principe conférant aux adultes – qui font figure d’aîné·e·s – de l’autorité. Ils exprimaient également leur méfiance, phénomène courant lors des entrées sur le terrain tant avec des enfants que des adultes, au Sénégal comme ailleurs.

Dans ce contexte, ma posture d’adulte atypique n’a pas eu l’effet escompté. Comme l’a montré Jacqueline Rabain-Jamin, les enfants wolofs, filles et garçons, sont très tôt incités à être attentifs à ce que disent les adultes de leur entourage affectif. Ils et elles apprennent à ne pas répéter les informations entendues à l’extérieur du groupe familial ou de la section du lignage agnatique ou utérin (1979 : 148‑49). Les moments de jeu au sein d’un même groupe d’âge représentent un espace privilégié où ils et elles sont libres d’expérimenter les consignes éducatives ou les stratifications sociales selon des critères d’aînesse (Rabain-Jamin 1979 : 111-13). De plus, une des valeurs fondamentales inculquée aux enfants wolofs est la différentiation entre aîné·e·s et cadet·te·s [10]. Lorsque je posais des questions qui concernaient clairement les adultes en feignant de ne pas en être un, les enfants refusaient le plus souvent d’entrer dans la mise en scène suggérée car il était clair que j’étais un aîné, de plus un toubab.

Avec le temps, et en complément d’observations directes sur le long terme des activités quotidiennes des enfants, j’ai progressivement pris l’initiative de recourir à mes interprètes pour établir une relation d’enquête triadique : enquêteur, interprète et interlocuteur ou interlocutrice. Ainsi, je m’adaptais aux modes de communication indirects que les enfants nous incitaient à adopter. Cela m’a permis d’anticiper certains silences et stratégies d’évitement, ou de les comprendre autrement qu’en termes de refus de dialoguer. Mes interprètes ont donc fréquemment endossé le rôle de tierce personne communicante dans des situations de trialogue [11], un peu à l’image des griots dans les cérémonies de mariage, de baptême ou lors de funérailles (Moya 2017 : 100).

Mes interprètes aménageaient par téléphone des espaces de dialogue où nos jeunes interlocuteurs et interlocutrices pouvaient refuser de participer aux entretiens et exprimer des demandes ou des mécontentements à mon égard. Ce moyen indirect s’accordait avec les conventions de communication locales : se plaindre directement à moi était ressenti comme potentiellement malhonnête et déshonorant pour moi. Plus fréquemment, c’est directement en situation d’entretien qu’elles et ils avaient recours à une stratégie d’évitement de mes questions. J’ai remarqué par exemple qu’il ne convenait pas pour Ibrahima Ndoye – un jeune apprenti menuisier avec qui je voulais parler de son avenir professionnel après l’apprentissage – de me livrer ses pensées à ce sujet devant sa patronne ou d’autres de ses collègues. Lorsque j’abordais la question à l’atelier, il baissait le regard, ou cherchait celui de mon interprète et se taisait. Il l’incitait à me suggérer de changer de sujet ou – dans certains cas – à répondre à sa place par une généralité. En se comportant ainsi, ils respectaient l’un des impératifs de la relation entre patron·ne et apprenti·e : la durée de l’apprentissage est déterminée par le ou la patron·ne uniquement et les enfants – cadettes et cadets sociaux par excellence – ne doivent pas s’en inquiéter (Viti 2013 : 234). Le dispositif d’entretien triadique me donnait des indications précises sur ce type de réactions. Il m’informait sur les contours des représentations qu’avait Ibrahima de l’économie morale dakaroise de la honte à dominante wolof et musulmane et de la façon dont il les mettait en pratique dans le cadre de son apprentissage.

Économie morale de la honte à Dakar et agencéité des enfants

Les termes wolofs de kersa (pudeur) et de sutura (discrétion, recouvrement) sont deux référents majeurs d’un ensemble de valeurs et de postures corporelles par lesquelles les enfants incorporent cette économie morale. Ces deux valeurs s’appliquent tant aux adultes qu’aux enfants dont on attend dès l’âge de sept à huit ans qu’ils et elles s’y conforment [12] (Rabain 1979 : 158). Chez les Wolofs et les Haalpulaar, la parole directe qui décrit ce que l’énonciateur ou l’énonciatrice voit ou sait en public est considérée comme potentiellement déshonorante – ou indice d’attaque en sorcellerie – et donc évitée, voire crainte (Jamin 1977 ; Ly 2015a : 153‑54). Son pouvoir de révélation et de déstabilisation des ordres sociaux établis et de leur relativité est strictement contrôlé.

Les enfants apprennent dès trois ou quatre ans à répondre par « je ne sais pas » (Ly 2015a : 155) à des questions qui touchent tant à la sphère privée familiale qu’à l’affirmation de leurs connaissances – parfois partielles – sur un sujet donné. Le problème n’est pas l’éventuelle inadéquation des faits décrits à la réalité perçue par les personnes enquêtées, mais le déséquilibre qu’induit leur parole dans un ordre social donné, potentiel véhicule de déshonneur ou de honte. Par exemple, pour éviter d’interrompre une personne qui parle en l’incitant à mettre fin à une conversation, il est courant de ponctuer ses phrases par des « oui, oui » ou par des « c’est vrai ». Dans le contexte sénégalais, cela peut autant signifier « je n’ai rien à ajouter, arrêtons de discuter » que « je ne suis pas d’accord » selon la situation et l’intonation (Ly 2015a : 157). Cela correspond au fait que les paroles embellissant ou ne décrivant pas objectivement les faits sur lesquels elles portent dans la sphère publique « ne relèvent pas de la catégorie du mensonge ou du mentir (nar) » (Moya 2017 : 79). Cet exercice d’embellissement est considéré comme une forme de politesse. Les enfants s’y prêtent comme les adultes, mais avec moins d’habileté. C’est leur inexpérience de la dialectique partagée du ressenti de la honte et de son évitement qui justifie – d’un point de vue émique wolof – qu’en présence d’adultes, ils apprennent à prendre une posture d’attente passive et silencieuse qui signale leur demande de prise de parole.

La kersa (pudeur) est une forme située de retenue pudique qui s’exprime le plus souvent par des postures corporelles et le silence. En principe, les enfants dès trois ou quatre ans se doivent de rester calmes et d’avoir un air sérieux lors de leurs interactions avec leurs aîné·e·s (Rabain 1979 : 230). Ils ne doivent pas répéter ce qu’ils ou elles ont vu ou entendu. Ils et elles doivent écouter attentivement ce que disent les adultes et en déduire les règles de l’économie morale de la honte et de son évitement. Lors d’une rencontre avec une personne étrangère invitée dans la demeure familiale – pour citer un exemple rencontré couramment dans le cadre de mes enquêtes – les enfants baissent le regard, tendent une main en silence et attendent d’être salué·e·s en retour. Les garçons doivent recouvrir de leurs deux mains la main de la personne saluée en signe de bienveillance, les filles doivent fléchir légèrement les genoux et baisser le regard par déférence [13]. C’est la personne étrangère qui dicte la cadence de l’échange. Faire preuve de kersa dépend donc intégralement des personnes présentes. Il est inadéquat d’en faire preuve entre enfants du même âge lorsque les adultes ne sont pas présents.

La sutura (discrétion, recouvrement) est une valeur qui fait référence à diverses formes de dissimulation de l’intimité ou de conflits dans la sphère privée (Ly 2015a : 123). En pratique, il s’agit de ménager l’honneur d’autrui ou le sien. C’est un moyen d’exprimer la primauté de la "beauté" d’une relation sociale sur l’adéquation entre faits et parole. Comme l’a montré Ismaël Moya (2015) dans son analyse des relations conjugales à Dakar, le rafetal (embellissement) joue un rôle primordial dans les relations sociales chez les Wolofs. Pour que l’apparence d’une relation conjugale considérée comme belle suivant les préceptes de l’islam au Sénégal soit maintenue, la discrétion est de mise. En principe, un homme marié doit donner à sa femme l’argent des dépenses quotidiennes pour la demeure familiale et pour l’entretien des enfants. Dans de nombreuses familles, c’est en fait la femme – grâce à un petit commerce de détail ou à une autre activité économique – qui gagne l’argent nécessaire à cet entretien (Jacquemin et al., 2018). Pour respecter la beauté inculquée par la consigne religieuse, elle ne mentionnera pas le fait que ce n’est pas son époux qui subvient aux besoins de sa famille et recouvrira ses propos de sutura lors ses discussions avec le voisinage ou en famille.

Selon mes enquêtes chez les enfants, ce devoir implicite de réserve porte souvent sur les questions de divulgation d’informations personnelles sensibles comme l’état des finances familiales, d’éventuels conflits intrafamiliaux ou les violences domestiques. Comme la kersa, la sutura est une valeur qui dépend des situations et des personnes. Comme l’ont montré Jacqueline Rabain-Jamin (1979 : 229‑30) et Abdoulaye-Bara Diop (1985 : 43‑64), les enfants sont incités à parler de leur intimité ou de leurs problèmes familiaux avec leurs grands-parents utérins par exemple. Aîné·e·s séparé·e·s par une génération, ces grands-parents jouent idéalement les intermédiaires entre leurs petits-enfants et leurs enfants en cas de conflit.

L’agencéité des enfants à Dakar suit – entre autres critères [14]– les contours de cette éthique wolof musulmane dominante de la honte, de son ressenti et de son évitement. Pour rappel, Anthony Giddens définit le concept d’agencéité comme « la capacité (individuelle) d’intervenir dans le monde, ou de se réfréner de le faire, avec pour effet d’influencer un processus donné ou un état de fait (…) Cependant, il est de la première importance de reconnaître que des circonstances marquées par la contrainte sociale dans lesquelles les individus "n’ont pas de choix" n’équivalent pas à la dissolution de leurs actions [15] » (1986 : 14-15).

En childhood studies et en sociologie de l’enfance, un long débat a montré le risque qu’encourent les chercheurs et les chercheuses à confondre l’agencéité des enfants avec l’expression de leur individualité selon des valeurs occidentales [16] (Lancy 2012 : 14-15 ; Delalande 2014 ; Garnier 2015 ; Spyrou 2017). Ce problème méthodologique découle de « l’illusion de l’homogénéité de l’enfance (…) À l’évidence de l’enfance comme réalité naturelle s’associe l’illusion de son homogénéité : les enfants seraient une réalité partout identique » (Danic, Delalande et Rayou 2006 : 23). Ce phénomène est renforcé par le statut hégémonique de la Convention Internationale relative aux Droits de l’Enfant de l’ONU. Depuis son adoption en 1989, la charte a contribué à créer un modèle de l’enfance aux fausses allures universelles : l’« enfant onusien » (De Suremain et Bonnet 2015 : 4).

Dans ce cadre, Abebe a introduit pour son étude des enfants au travail en Éthiopie le concept d’« interdependent agency (agencéité interdépendante) » (2019 : 10). Pour contribuer à décentrer le regard porté sur le concept pour l’Afrique sub-saharienne, il a montré comment l’agencéité des enfants différait en fonction du contexte relationnel et social dans lequel ils évoluaient. Des enfants qui migrent de leur village rural à la ville d’Addis Abeba pour y gagner sur les marchés un revenu nécessaire à leur survie adaptent leur comportement à leur entourage. Au village, ils se conforment aux valeurs de tihitina (honnêteté, politesse, respect et bonnes manières) qui dominent dans le cadre familial. Les adultes attendent des enfants de la discrétion, de l’obéissance et que leurs actions individuelles s’inscrivent toujours dans un cadre collectif. En ville, ils et elles peuvent agir de manière plus individualiste, et prendre avantage de leurs client·e·s pour maximiser leurs profits (Abebe 2009). L’auteur montre que l’agencéité des enfants s’exprime autant en ville qu’au village et que ces derniers adaptent simplement leur comportement en fonction du milieu dans lequel ils se trouvent. À Dakar, bien que les valeurs diffèrent sur de nombreux points de celles qui ont davantage cours dans les villages, le principe est comparable. Les enfants avec qui j’ai enquêté faisaient preuve d’une initiative individuelle qui variait selon les situations et l’entourage. Ils et elles se référaient le plus souvent à l’économie morale de la honte décrite plus haut, lors de prises d’initiative, d’attitudes de retenue ou de transgression. Leur lieu de travail n’y faisait pas exception.

Conserver sa position d’aînée en apprentissage

Au cours de nos enquêtes – j’inclus ici mon interprète – l’agencéité des enfants se repérait souvent en creux, après-coup. L’exemple d’Aïda Fall, treize ans en 2016, est révélateur des modes d’expression d’agencéité en fonction de critères d’aînesse entérinés par l’économie morale de la honte. Aïda était apprentie couturière dans un quartier pauvre de la ville de Guédiawaye, en périphérie de Dakar. Sa formation avait commencé dès l’âge de neuf ans. Ses parents n’avaient pas les ressources nécessaires pour financer sa scolarisation dans une école publique. Ils l’avaient placée en apprentissage chez une couturière de leur connaissance, Aissatou Diallo, qui disposait d’un atelier renommé dans le quartier.

Aïda était l’aînée des quatre apprenties qui se partageaient les deux machines à coudre de l’atelier à tour de rôle. Quand les unes travaillaient, les deux autres apprenaient en les observant. La plupart du temps, Aïda enseignait la pratique du métier à ses trois collègues, ce qui lui permettait d’utiliser la machine à coudre plus longtemps que les autres. Aissatou, occupée à prendre les commandes de ses clientes, ne transmettait ses connaissances aux filles que par le biais de remarques laconiques sur leur travail. La charge que représentait pour Aïda la transmission de savoir-faire s’ajoutait aux moments rares où elle pouvait apprendre en observant Aissatou. Elle était couramment surchargée de travail, mais ne s’en plaignait pas.

Après un mois de nos visites fréquentes à l’atelier, Aissatou embaucha une nouvelle apprentie de quatorze ans sans prévenir personne. Elle nous expliqua qu’il s’agissait de la fille d’une amie qui venait de quitter l’école secondaire par manque de moyens et qui connaissait déjà bien la couture. Les quatre apprenties ne montrèrent aucun signe d’étonnement : « la patronne décide ». La nouvelle apprentie prit rapidement un ton autoritaire pour s’adresser à ses quatre camarades. Au bout de quelques jours, c’est elle qui se chargea d’enseigner la couture aux autres filles, à la place d’Aïda.

Au bout de deux semaines, Aïda quitta l’atelier sans prévenir personne. Surprise, la patronne envoya une de ses apprenties prendre de ses nouvelles. À son retour, l’apprentie expliqua qu’Aïda « ne se sentait pas bien ». Lorsque mon interprète la contacta pour que nous organisions un rendez-vous chez elle, elle nous fit la même réponse. Mon interprète me suggéra alors d’attendre avant de reprendre contact avec Aïda. Aissatou ne semblait pas préoccupée par son état de santé, ce qui m’interpella. Trois semaines plus tard, Aïda nous appela. Elle était à nouveau disposée à nous rencontrer dans la demeure familiale. Elle ne souffrait d’aucun problème de santé. Elle avait en réalité décidé de s’inscrire dans un atelier de formation à la couture dirigé par une ONG d’assistance aux enfants qu’elle fréquentait depuis plusieurs années. Elle nous expliqua que dans ce nouvel atelier elle se sentait mieux car elle était la plus âgée des apprenties. Elle refusa de nous parler des détails de sa décision de quitter l’atelier d’Aissatou, répondant à nos questions sur le sujet par des formules comme « c’est ainsi », suivies de silences.

Dans cette séquence dont j’ai observé de nombreuses variations à Dakar, Aïda met en pratique son initiative en l’exprimant indirectement par de la sutura (discrétion, recouvrement) et de la kersa (pudeur). Comme l’a montré Viti (2013 : 202‑203), dans les ateliers d’apprentissage, le patron ou la patronne d’atelier détient une autorité de principe forte sur ses apprenti·e·s en tant qu’aîné et en tant que vecteur de transmission de savoir. Les apprenti·e·s échangent leur obéissance et leur force de travail non rémunérée contre des connaissances futures. La durée et le rythme de l’apprentissage dépend exclusivement du jugement du patron ou de la patronne. De plus, l’ordre des âges dans un atelier – comme en famille – détermine implicitement les droits et les devoirs mutuels des apprenti·e·s tout comme leur rémunération occasionnelle.

Dans le cas d’Aïda, l’embauche d’une apprentie plus âgée remet en cause son propre statut d’aînée de l’atelier. Selon son interprétation de l’autorité d’Aissatou à qui elle estime devoir son obéissance, elle devrait endosser un rôle passif de cadette face à la nouvelle recrue. Son temps d’utilisation des machines à coudre diminuerait, elle serait en charge de corvées de nettoyage et de courses et recevrait moins d’argent en cadeau de la patronne lors des fêtes religieuses. À long terme, sa sortie d’apprentissage serait retardée pour succéder à celle de sa camarade plus âgée. Ayant de bons contacts dans l’atelier de formation de l’ONG où elle s’était inscrite, elle décide de prendre le risque de quitter son atelier.

En silence – mode d’expression privilégié de la sutura (discrétion, recouvrement) – elle dissimule sa transition. Elle laisse ouverte une potentielle voie de retour à l’ancien atelier en cas d’échec. Elle évite en même temps d’avoir à subir la honte de rompre en public le lien de dépendance qu’elle a avec Aissatou : il convient qu’elle agisse comme son obligée. Le seul indice de son mécontentement qu’elle fait parvenir à sa patronne est un vague « je ne me sens pas bien » par l’intermédiaire d’une autre apprentie. Cette indication est volontairement floue. Elle invite Aissatou à patienter sans pour autant écarter la possibilité d’une véritable maladie. C’est une des nombreuses stratégies d’évitement qui appartient au registre sémantique de la sutura.

Dans cette même séquence, la honte que ressent Aïda d’assumer sa volonté de changer d’atelier publiquement – une action qui serait sanctionnée par son entourage tant professionnel que familial – démontre comment elle exprime en creux de la kersa (pudeur). Cette valeur dépend du contexte relationnel : elle s’exprime sous des formes de retenue pudique vécues comme un respect de soi et des autres par le ressenti commun de la honte. Je développe donc d’abord le contexte des relations sociales qui donnent sa forme à l’expression particulière de kersa d’Aïda avant de l’analyser.

À treize ans, Aïda est libre de créer ses propres réseaux d’amitié ou de contacts. Ses parents exercent encore un contrôle fort sur son comportement dans l’enceinte de la demeure familiale, mais pas à l’atelier de couture – Aissatou y joue ce rôle – ni dans ses moments de temps libre. Ces trois espaces tant physiques que sociaux sont séparés. Certains dimanches, Aïda fréquente assidument une ONG d’assistance aux enfants. Son intérêt pour les amis et amies qu’elle s’y est fait est doublé d’un attrait financier. En participant aux enquêtes occasionnelles ou aux programmes de l’ONG, elle dégage un revenu d’appoint. L’ONG donne à ses membres qui se déplacent pour des activités occasionnelles la somme de 1500 CFA (2.30 €) pour rembourser leurs « frais de déplacement ». Aïda se déplace à pied. Elle utilise cet argent pour contribuer au revenu familial et à ses dépenses personnelles. C’est sa manière détournée – un des versants du répertoire de la débrouille attendu des apprenti·e·s – de gagner de l’argent alors qu’elle n’est pas rémunérée sur base régulière pour son travail. De plus, elle a développé une connaissance précise des opportunités d’embauche dans l’atelier de formation à la couture de l’ONG. Toutes ces relations échappent au contrôle social de sa famille et de sa patronne Aissatou.

Ici, Aïda exprime de la kersa (pudeur) par le cloisonnement des relations qui seraient porteuses de honte – et de sanctions – en évitant certains thèmes de discussion avec ses parents et sa patronne. Aïda mise sur le fait que sa patronne Aissatou ne viendra pas en personne se plaindre de son absence car son autorité directe sur elle se limite à l’espace de l’atelier. C’est pour cette raison qu’Aissatou a envoyé une autre apprentie comme intermédiaire. Elle communique indirectement à Aïda son mécontentement, l’ouverture d’une voie de dialogue et respecte son devoir de retourner à l’atelier en le reportant à plus tard. Il ne conviendrait pas pour Aissatou de montrer qu’elle a besoin d’Aïda en se rendant chez ses parents en personne. Cela signalerait un grave problème comme l’annonce de son renvoi à ses parents. Elle contredirait aussi sa position dominante de principe dans la relation patronne-apprentie avec Aïda : la patronne ne montre pas qu’elle a besoin des apprenties.

Dans la demeure familiale, sa sœur aînée explique après coup qu’elle prétendait être malade. L’absence de ses parents qui sont occupés à travailler en journée lui permettait d’éviter d’éventuelles questions sur son apprentissage. Finalement, elle a aussi choisi de couper momentanément le contact avec mon interprète et moi. Sachant que je fréquentais l’atelier, elle savait que ses camarades me demanderaient des nouvelles de sa santé. Par précaution, elle a donc adopté une attitude de kersa envers nous aussi.

Dans cet exemple, l’agencéité d’Aïda peut être qualifiée d’interdépendante, selon la proposition d’Abebe (2019). Elle diffère selon deux situations et ne peut se lire que dans l’interaction entre Aïda et les membres de son entourage. La première est caractérisée par la prédominance de critères d’aînesse entre apprenties à l’atelier. De plus, Aïda doit démontrer sa docilité à sa patronne. C’est en adoptant des attitudes de sutura (discrétion, recouvrement) et de kersa (pudeur) qu’elle peut transgresser le rapport de domination de principe qui la lie à sa patronne, tout en minimisant le risque de représailles. Elle le fait dans des milieux où prédomine l’économie morale de la honte. La seconde situation – les lieux où se déroulent les programmes d’assistance d’une ONG – est marquée par l’absence de lien entre le contrôle social de l’atelier et de ses parents. Elle dépend plus directement des prises d’initiatives d’Aïda. Ses relations avec les adultes de l’ONG répondent aussi à la nécessité de démontrer son obéissance aux aîné·e·s qui y travaillent, mais elle peut prendre avantage du fait que ces adultes ne connaissent ni ses parents, ni sa patronne.

Détecter les agencéités d’enfants et d’adolescent·e·s au Sénégal

En conclusion, les relations d’enquête en anthropologie ou en sociologie qualitative au Sénégal diffèrent peu d’autres relations sociales. Il en va de même avec les enfants. Dans un contexte pluriculturel, elles impliquent donc la mise en scène et la prise en compte par les interlocuteurs et interlocutrices en présence d’un ensemble de représentations mutuelles, liés aussi aux registres éthiques des relations intergénérationnelles, du genre et du ressenti de la honte peu discutés dans la littérature méthodologique.

Dans cet article, je me suis concentré sur les notions wolofs de kersa (pudeur) et de sutura (discrétion, recouvrement). Ce sont des marqueurs sociaux du ressenti partagé de la honte qui dépassent le cadre historique et ethnique qui les ont vu émerger au Sénégal. Ils sont pratiqués par les membres d’autres ethnies, surtout en ville. Lors d’enquêtes avec des enfants, elles et ils s’y conforment, en particulier lorsque le contrôle social attendu de certain·e·s adultes est effectif. Afin de les intégrer dans une approche qualitative, il convient de les détecter pour s’y adapter.

Lors de phases d’observation participante, pour mes interactions avec les enfants, j’avais opté pour une posture de chercheur inspirée par celle de l’« adulte atypique, au pouvoir amoindri » (Corsaro et Molinari 2017 : 12). Cette approche, dans laquelle je jouais l’adulte qui ne comprend pas tous les rouages des situations auxquelles il participe pour que les enfants me les expliquent, n’a pas eu le succès attendu. Les enfants n’acceptaient pas volontiers ma mise en scène comme une personne adulte qui cherche à jouer jeu égal avec des cadettes et cadets sociaux. Les conceptions occidentales des relations adultes-enfants sous-jacentes à cette posture développée pour des recherches dans des pays occidentaux posaient problème. Elles entraient en conflit direct avec le comportement conventionnel d’un·e adulte avec des enfants au Sénégal : l’image publique de l’autorité des aîné·e·s sur les cadet·te·s doit être maintenue. Cela ne signifie pas que les enfants n’ont pas de marge de manœuvre dans d’autres situations.

Dans le cadre d’entretiens qualitatifs, en tant que chercheur non sénégalais dont les rudiments de wolof ne suffisaient pas à mener seul mes discussions, j’ai eu recours à des interprètes. La configuration d’enquête était donc une relation de type triadique dans laquelle les enfants avaient recours à leur bienveillance afin de me communiquer – sans le dire – leur refus de répondre. Ils et elles baissaient leur regard, riaient timidement ou se taisaient en incitant du regard les interprètes à répondre de manière convenue à leur place. Cela arrivait lorsque leurs réponses risquaient d’entacher leur réputation ou celle d’autrui en fonction des personnes de leur entourage alors présentes. Il en allait de même si leur réponse risquait de transgresser ce qu’il convient pour les enfants – en tant que cadets sociaux – de dire sur leurs aspirations futures ou leurs intentions face à des adultes. Elles et ils sont censés être guidés et promus par leurs aîné·e·s à un futur adéquat. Se projeter dans l’avenir en public est considéré comme malpoli et sévèrement sanctionné. Avec le temps, il me fallait trouver les lieux et les moments où les enfants évoluent sans le contrôle d’adultes pour aborder ces sujets et obtenir des réponses.

Finalement, j’ai contribué au débat toujours en cours sur les usages de l’agencéité en sociologie de l’enfance et en childhood studies (Lancy 2012 : 14-15 ; Delalande 2014 ; Garnier 2015 ; Abebe 2019). J’ai rappelé que l’utilisation qui est faite du concept le limite à rechercher des formes enfantines particulières de démonstration de volonté selon des valeurs occidentales. Pourtant, les phases de socialisation des enfants et des adolescent·e·s au Sénégal – de façon comparable à ce qu’a observé Abebe (2009 ; 2019) en Éthiopie – sont marquées par des logiques sociales de contrôle de la parole des enfants par les adultes et par eux et elles-mêmes. Cela influence directement l’agencéité des enfants et des jeunes. Dans le cadre du travail en apprentissage, j’ai montré comment la transgression du principe d’obéissance à un patron ou une patronne – figure d’aîné·e en position d’autorité – se déroule en conformité avec les valeurs de sutura (discrétion, recouvrement) et de kersa (pudeur). Le recours au cloisonnement temporaire des relations sociales potentiellement porteuses de honte permet aux enfants et aux adolescent·e·s d’exprimer leur agencéité par des moyens indirects. Lors d’une situation de conflit comme le passage d’un atelier d’apprentissage à un autre, les appels à la communication lancés par les aîné·e·s en position de pouvoir – par des intermédiaires lors de situations délicates – sont détournés par des expressions vagues comme « je ne me sens pas bien » ou « je suis malade ». Elles suspendent l’attention des personnes concernées pour éviter la honte d’une confrontation directe. Prendre en compte ces aspects est nécessaire pour ne pas conclure trop vite que les enfants disposent de peu d’agencéité au Sénégal.

add_to_photos Notes

[1Tous les noms de personnes ayant participé aux enquêtes dans cet article sont fictifs.

[2En optant pour une variante sur le modèle d’observer as participant de Raymond L. Gold (1958), ma posture d’observateur était autant distanciée que possible des personnes avec qui j’enquêtais. Je ne dépendais pas d’une ONG et n’étais pas hébergé par les membres de la famille des enfants observé·e·s. Mon but était de minimiser les biais de mes relations d’enquête en ayant comme cahier des charges seulement celui de mon étude. Chaque semaine, je rendais des visites fréquentes dans plusieurs ateliers en parallèle. J’y passais avec un ou une interprète, à chaque visite, une journée à observer le travail en silence, puis à mener des entretiens semi-directifs sur les relations de travail telles que je les avais observées. Au début des enquêtes, nous les menions sur place, puis lors de moments où les enfants étaient moins surveillé·e·s : durant leurs moments de jeu dans la rue, en marge des kurel (groupes de prières) le dimanche et lors de l’absence du patron ou de la patronne de l’atelier.

[3Le secteur informel de l’économie sénégalaise compose en réalité la majorité de son économie (Bureau International du Travail 2020 : 9‑10). À la suite d’auteur·e·s comme Andreia Lemaître, An Ansoms, Sophie Charlier, Vincent Legrand et Isabel Yépez (2016), j’opte pour l’appellation « économie populaire » pour souligner l’ubiquité du phénomène et pour appuyer le fait qu’elle est très organisée.

[4Je reprends ici le mot utilisé par mes interlocuteurs et interlocutrices, tant en wolof qu’en français.

[5Quelques exceptions existent dans les apprentissages de métiers considérés comme féminins comme la pâtisserie et la coiffure, la haute couture et la cuisine. Les apprenties doivent payer une inscription pour leur formation et reçoivent un diplôme (Viti 2013 : 211‑12).

[6« Atypical, less powerful adult ».

[7 J’ai par exemple feint de ne pas comprendre l’importance de respecter les consignes d’aîné·e·s présent·e·s dans l’entourage des enfants lors de certains entretiens afin qu’ils et elles me rappellent comment il conviendrait de se comporter.

[8Michel Foucault définit ces régimes comme « les types de relation qui lient les manifestations de vérité avec leurs procédures et les sujets qui en sont les opérateurs, les témoins ou éventuellement les objets » (2012 : 99). Il s’agit des façons de concevoir la réalité, imposées dans certaines institutions – dans mon cas les ateliers, les marchés et la sphère domestique – et des manières d’interagir entre membres de cette institution et comme objet de son pouvoir. Pour une explication plus complète et une histoire de ce concept, voir Guerrier (2020).

[9Ce terme wolof désigne les Européens et Européennes à la peau blanche, souvent les Françaises et Français en particulier. Il connote à la fois la richesse financière et la froideur. Pour une analyse plus approfondie, voir Cruise O’Brien (1972) et plus récemment Quashie (2015).

[10Chelsie Yount-André a produit une description ethnographique précise des modes d’apprentissage de la différentiation aîné·e-cadet·te en analysant le partage de nourriture reçue en cadeau entre des enfants d’une famille dakaroise (2016).

[11Sur les enjeux de pouvoir et de fidélité de traduction des propos des chercheurs et chercheuses en situation de trialogue lors des enquêtes anthropologiques de terrain avec des interprètes, voir Delgado Luchner et Droz (2021).

[12Je ne reviens pas ici sur l’apprentissage de ces valeurs et les registres d’attitudes qui les soutiennent. Pour une analyse et des descriptions ethnographiques précises sur le sujet, voir Rabain-Jamin (1979 : 145‑54).

[13Adopter ces attitudes est aussi un marqueur de distinction entre enfants d’une famille au statut supérieur de géér (nobles) par rapport aux gewel (griots, communément usité pour désigner les personnes castées).

[14Deux autres critères sont prépondérants : la différentiation des droits et des devoirs des enfants entre eux et elles selon les groupes d’âges – cadets et cadettes, égaux et égales ouaîné·e·s – et leur position en principe subordonnée aux adultes (Rabain 1979 : 228‑31). Le fait que des relatons à plaisanterie ou d’affection fortes soient prescrites entre les enfants, leurs cousins croisés, leurs oncles du côté utérin du lignage ainsi que leurs grands-parents utérins suspend, mais ne change pas ce principe. De plus, les relations d’entraide et de franchise attendues entre frères et sœurs sont doublées par des attitudes de respect et de pudeur faisant directement lien à l’honneur familial qu’il convient de préserver (Rabain 1979 : 152 ; Diop 1985 : 43‑64).

[15« being able to intervene in the world, or to refrain from such intervention, with the effect of influencing a specific state of affairs (…) But it is of the first importance to recognize that circumstances of social constraint in which individuals ‘have no choice’ are not to be equated with the dissolution of action as such » (Giddens 1986 : 14-15).

[16Il n’existe pas plus de modèle unique d’enfance occidentale qu’africaine. J’accentue ici mon propos dans le but de faciliter mon argumentaire.

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Pour citer cet article :

Nicolas Mabillard, 2022. « Agencéité des enfants et esthétique de la honte à Dakar : Comment enquêter auprès des enfants en apprentissage ? ». ethnographiques.org, Numéro 43 - juin 2022
Enquêter avec les enfants et les adolescent·e·s [en ligne].
(https://www.ethnographiques.org/2022/Mabillard - consulté le 20.04.2024)
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