L’industrie du jeu connaît une forte expansion mondiale depuis les années 1980 pour les loteries, les années 1990 pour les casinos et dès les années 2000 pour les jeux en ligne. Analyses et rapports mettent soulignent régulièrement l’importance que tiennent aujourd’hui les pratiques du jeu d’argent, et notamment des casinos, dans les économies des pays industrialisés ; ces formes commercialisées représentent l’un des secteurs légitimes de l’industrie du divertissement et de l’espace des infrastructures de loisir (Cassidy 2020 ; Dow Schüll 2013 ; McMillen 1996 ; Reith 1999 ; Sallaz 2006, 2009).
Pourtant, cette économie ne s’est pas développée sans heurts et un grand nombre d’oppositions ont émergé au milieu des années 1990 aux États-Unis et au Canada sous la forme de coalitions peu organisées et sporadiques qui n’ont pas réussi à construire un mouvement social à large échelle. Elles se sont constituées le plus souvent lors de campagnes locales lancées pour faire échouer des modifications d’une législation ou certains projets spécifiques. C’est l’une de ces coalitions qui a été analysée dans la région du Grand Vancouver, dans la province canadienne de la Colombie-Britannique, sous la forme d’une étude de cas approfondie (Dubuis 2016) et à partir d’une série de controverses publiques très médiatisées qui ont éclaté autour d’un projet de construction, sur un site du front de mer, ou d’une infrastructure de loisir comprenant un terminal pour les croisières touristiques, un centre de congrès, un hôtel, couplés à un très grand casino. Le projet (Seaport Centre), annoncé par la société du Port de Vancouver associée au groupe propriétaire du casino Mirage à Las Vegas, devait être construit sur une importante friche urbaine située sur le front de mer. Il a suscité une mobilisation sans précédent pour cette ville. Cette première controverse, qui s’est soldée par l’abandon du projet Seaport Centre, a révélé l’ampleur croissante du phénomène alors qualifié de jeu commercial. D’autres controverses et actions collectives se sont succédé pendant une dizaine d’années autour de nouveaux projets d’expansion dans le secteur, en pleine expansion, des jeux d’argent.
Cet article cherche à mettre en lumière les conditions ayant incité certains acteurs à s’impliquer dans une dynamique protestataire locale, perçue par ses détracteurs comme un prolongement des anciens mouvements conservateurs de réforme morale. Il examinera comment se recompose, malgré les efforts militants, une oscillation entre des registres que l’on pourrait qualifier de moralisation, de “démoralisation” et de “remoralisation” du jeu d’argent, en articulation avec un registre d’expertise qui vise, dans le même temps, à dégager la critique du jeu d’argent des anciens contenus moralisateurs susceptibles d’en discréditer la portée.
Des oppositions au jeu d’argent dès l’implantation des pratiques de jeu légales
Au Canada, dès le XIXe siècle, l’implantation des pratiques de jeu d’argent légales a connu un certain nombre d’opposition par des réformateurs qui construisent leur argumentation sur des bases que l’on considère aujourd’hui comme morales. Le jeu d’argent est vu comme déshonorant, assimilé à un vice, dangereux, c’est-à-dire constituant une menace pour la société qu’il faut dès lors restaurer par le travail et l’éducation, vus, eux, comme des outils de progrès social ne reposant pas sur le hasard et la chance. Les jeux de pari, tout comme bien d’autres activités populaires désignées comme des formes de dépenses improductives, sont découragés et parfois même prohibés. Dans ces débats, les réformateurs moraux ont forgé le terrain, les idées et le langage d’une « anthropologie morale », toujours très contemporaine, du travail et du loisir, de la sécurité et du risque, financier ou autre (Dixon 1991 ; Morton 2003 ; Ramp & Badgley 2009).
Le Code criminel canadien, instauré en 1892 dans un contexte de forte prohibition semblable à celui qui domine dans les États-Unis voisins, autorise alors le jeu d’argent dans un cadre très limité ; loteries et jeux d’argent dans des lieux publics sont interdits, à l’exception des paris hippiques. Les amendements apportés par la suite s’adaptent à l’évolution des pratiques sociales et, dans l’ensemble, autorisent des activités ludiques très modérées comme les tombolas, à la condition qu’elles ne soient conduites qu’à l’occasion de ventes de charités tenues par des églises ou par des associations d’entraide et à des fins exclusives de récoltes de fonds destinées à ces dernières. De nombreuses autorisations sont progressivement octroyées sous la pression de lobbies dont le répertoire justificatif se fonde prioritairement sur la dimension d’utilité sociale des jeux, telles les activités génératrices de ressources financières pour les collectivités locales (en particulier lors de foires agricoles) ou constituant des sources de revenus pour certains secteurs professionnels, par exemple, les forains qui vivent des ressources des jeux de hasard. Après avoir été placés sous enquête fédérale, les paris hippiques sont finalement maintenus dans la mesure où l’activité d’élevage de chevaux renforcerait la supériorité militaire de l’Empire britannique dont fait partie le Canada. Le Pari mutuel est d’ailleurs créé en 1914 à la suite de la publication du rapport d’une commission gouvernementale dénonçant les pratiques des bookmakers (Campbell 1997 : 608-611). La montée en puissance des rapports de force entre le gouvernement fédéral canadien et les villes ou les provinces mène à un amendement au Code criminel de 1969 qui légalise les loteries, mais uniquement dans la mesure où elles contribuent au financement de l’État social (Morton 2003 : 186-196).
Dans le courant des années 1990 émergent des mouvements « anti-jeu » locaux en protestation contre le développement des casinos, sans toutefois que ceux-ci tentent de s’organiser dans une structure commune. Différents modèles permettant l’implantation de petits casinos dits de bienfaisance ou charitables ont été mis en place dans quelques provinces (Alberta, Colombie-Britannique, Manitoba, Saskatchewan) ; et, dès le début des années 1990, plusieurs provinces canadiennes suivent une tendance mondiale en autorisant la construction de casinos dans d’importants centres touristiques (Niagara Falls, Charlevoix, Sydney en Nouvelle-Écosse) ou urbains (Montréal, Windsor, Winnipeg, Halifax, Hull, Regina) (Schwartz 2006 : 356-357). Les controverses successives qui se déroulent à Vancouver au cours de cette décennie s’ancrent dans ce contexte et s’inspirent, tout en les alimentant en retour, des vives oppositions qui ont pu émerger en particulier aux États-Unis, lors de la construction avortée d’un casino à la Nouvelle-Orléans en 1995 (Rittvo 1997) ou face aux difficultés financières qu’ont rencontrées d’autres casinos urbains, notamment à Kansas City.
Un mouvement d’opposition au jeu à Vancouver (1994-2004)
Dans la deuxième partie des années 1990, et durant le temps de mon enquête dans la région de Vancouver, le champ de l’industrie du jeu d’argent de la Colombie-Britannique est divisé entre trois grands secteurs : les courses hippiques ; une loterie provinciale ; et enfin, depuis 1980, un secteur du jeu dit de bienfaisance [1] (charitable gambling), lié aux tombolas d’associations ou d’institutions (hôpitaux, musées) ainsi qu’à un réseau de bingos (lotos) et de petits casinos à mises limitées et sans machines à sous.
Au début du mois de février 1994 [2], la société du Port de Vancouver et la compagnie Mirage Resorts de Las Vegas annoncent la mise à l’étude d’un projet de développement immobilier sur une vaste friche située sur le front de mer de Vancouver. Ce projet, qui sera connu sous le nom de Seaport Centre, prévoit la construction d’un quai d’embarquement pour les croisières touristiques, d’un centre de congrès et d’une grande salle de spectacle, le tout couplé à un hôtel-casino planifié sur le modèle des grands casinos de Las Vegas, dont le casino Mirage est alors le prototype. Les premières manifestations sont organisées en ville pour s’opposer à la composante casinotière du projet, alors que les médias et le public commencent à désigner le Seaport Centre comme le « casino controversé du front de mer ». Au printemps et à l’été 1994, les activités militantes s’intensifient. Une manifestation est organisée à l’Hôtel de Ville par différents groupes d’opposition, dont une délégation parvient à s’exprimer devant le conseil municipal. Plusieurs événements sont organisés par différentes associations locales comme le centre communautaire Carnegie, très actif dans l’un des quartiers les plus pauvres de la ville, situé près du site du front de mer désigné pour la construction du complexe. Se joignent à ces actions des groupes nouvellement formés qui se désignent comme des groupes anti-casino puis anti-jeu, le No Casino Committee et le Concerned Citizens Against the Casino, qui deviendra par la suite le Citizens Against Gambling Expansion, connu sous l’acronyme CAGE, et qui marquera pendant les dix années qui vont suivre l’opposition à toute forme d’expansion du jeu d’argent dans la province.
À la mi-septembre 1994, la municipalité de Vancouver présente le rapport final d’une Task force (City of Vancouver 1994b) formée en urgence dès le début de la controverse. Les résultats s’appuient sur plusieurs audiences publiques durant lesquelles une vingtaine de groupes communautaires ont réaffirmé leur opposition au complexe casinotier. Face à cette mobilisation croissante et après avoir multiplié les consultations, le gouvernement provincial annonce l’interdiction de toute construction sur le modèle des grands casinos de Las Vegas, mais autorise un développement de jeu commercial dit modéré. Cette annonce interrompt définitivement la mise en œuvre du projet du Seaport Centre.
Craignant néanmoins le développement de nouveaux projets sur le modèle de casinos dits commerciaux, une deuxième coalition, l’Anti-Casino Coalition, se constitue dès 1996 et lance une deuxième vague d’actions ponctuelles pendant au moins une année. Le mouvement regroupe les militants du CAGE, des représentants d’associations et de quelques églises, des politiciens provinciaux et municipaux. En janvier 1997, une manifestation organisée par le CAGE, regroupe près de deux cents personnes. Une deuxième grande manifestation est mise sur pied par l’Anti-Casino Coalition. La controverse se met à nouveau à enfler, alors que le gouvernement provincial semble vouloir annoncer l’ouverture de nouveaux casinos dits commerciaux dans la province.
En avril 1997, le ministère du Développement provincial officialise une nouvelle phase dans l’expansion du jeu dans la province de Colombie-Britannique, soit un accroissement du nombre de petits casinos de bienfaisance, une augmentation conséquente des heures d’ouverture, l’introduction de nouveaux jeux de table et, surtout, de machines à sous alors toujours interdites dans les casinos. Un forum public est organisé pour débattre de cette nouvelle politique, avec une quinzaine de représentant des différents secteurs du jeu d’argent, des consultants, des membres d’associations à but non lucratif, mais sans que les délégués de la coalition d’opposition aient été invités à y participer alors même que cette dernière venait de déposer une pétition de près de 50 000 signatures auprès du gouvernement provincial. De nouvelles manifestations sont organisées.
Le 1er juin 1998, à la suite d’une décision judiciaire, les casinos de bienfaisance sont placés sous le contrôle direct du gouvernement provincial. Des machines à sous sont introduites dans la plupart des casinos de la province, à l’exception notable de ceux situés dans la ville de Vancouver, où le conseil municipal, soutenu par le CAGE et de petites coalitions de quartier, s’y oppose fermement. En juillet 2004, ce même conseil municipal vote, à une voix près, l’autorisation d’installer quelques centaines de machines à sous à l’hippodrome de Hastings. Cette décision est prise après une consultation publique particulièrement longue – deux cents citoyens sont intervenus au cours de quatre soirées –, et illustre la vigueur du débat public autour du jeu d’argent.
Ethnographie d’une mobilisation locale contre le jeu d’argent
C’est une ethnographie de cette mobilisation et de ce militantisme contre le jeu d’argent qui a été entreprise, dans la perspective théorique de la sociologie du militantisme et des problèmes publics, en particulier celle du sociologue Joseph Gusfield (1963, 1981, 1984, 1996) qui a étudié la question des ligues de tempérance [3], de la consommation et de la prohibition de l’alcool aux États-Unis. Par « problème public » est entendu ici tout processus par lequel un problème social acquiert une dimension et reconnaissance publiques par l’action d’acteurs sociaux – militants, professionnels, claimsmakers ou porteurs de revendications – aux intérêts souvent divergents. Ces derniers investissent ou non l’espace public, mais parviennent à faire partager leur interprétation de la situation au-delà des groupes mobilisés. Les pouvoirs publics, interpellés, se voient alors amenés à intervenir. Dans un certain nombre de cas, une dimension politique au sens large est plus ou moins revendiquée par ces militants, placés en lutte ou en compétition pour le contrôle de ce « problème », mais qui s’accordent, à certains moments, sur la manière de le formuler ou de le reformuler plus durablement.
Travailler dans la perspective relationnelle et processuelle de la production des problèmes publics (Gusfield 1984) adoptée dans cette recherche implique de réfléchir constamment sur les élaborations et sur les réélaborations des raisons d’agir et des intérêts propres à chacun des groupes. Orienter la focale sur l’étude détaillée d’un seul cas a tenu à la volonté de documenter de manière minutieuse ce mouvement local, en analysant les relations établies entre les différents groupes engagés dans le mouvement, la mise en forme du répertoire d’action, et la construction d’une rhétorique d’opposition au jeu efficace qui rencontre des préoccupations contemporaines. Ont été prises en compte, non seulement les variations entre les différents groupes engagés dans des jeux de compétition et d’alliance, mais également les motivations d’acteurs individuels qui ont joué un rôle déterminant dans la mise en visibilité du mouvement (Dubuis 2016 : 41).
C’est à partir de l’hypothèse de socialisations militantes antérieures à la controverse de 1994, dans des espaces ne relevant pas du jeu d’argent, comme la lutte contre la gentrification, la défense du logement social, l’accès aux parcs urbains, la contestation de la politique provinciale, que s’est développée l’enquête. Si l’on examine plus en détail le passage à l’acte individuel [4], l’un des éléments qui se dégage le plus fortement met en évidence une appartenance préalable à un réseau militant, principalement associatif mais également politique ou, dans de rares cas, religieux. Ce n’est que progressivement, au fur et à mesure que s’est déroulée la controverse, qu’une rhétorique anti-jeu s’est solidifiée à partir de quelques rares rapports déjà produits (Goodman 1994, 1995 ; Gemini Research 1994 ; McMillen 1996), alors même qu’au début des années 1990, la question des casinos commence à peine à émerger comme objet d’étude, aussi bien dans la recherche académique, qui s’interroge sur le développement de cette industrie, que dans les milieux militants opposés à son expansion.
Le matériel principal a été collecté lors d’un séjour continu de dix-huit mois à Vancouver, entre 1995 et 1996, étoffé par un bref séjour exploratoire et par des compléments d’enquête plus courts, en 1997 puis en 2000. L’enquête s’appuie sur des entretiens semi-directifs et des entretiens informels menés avec des militants, des bénévoles associatifs, des cadres de casinos et des fonctionnaires, ainsi que sur des discussions et des observations réalisées lors de manifestations publiques et d’activités liées aux petits casinos locaux. Une part importante du travail a été consacrée à la consultation de documents d’archives conservés par des groupes militants ou déposés dans différentes bibliothèques de la ville. Des phases d’observation directe ont également eu lieu lors de réunions, d’auditions publiques tenues devant les conseils municipaux et de divers événements rassemblant les acteurs du secteur du jeu d’argent, permettant en conséquence d’enrichir l’analyse des dynamiques en présence.
Une coalition hétérogène, trois collectifs militants dominants
Ce mouvement a été présenté par les médias, par les observateurs locaux et par les enquêtés eux-mêmes comme un mouvement anti-jeu, « No Casino » puis « Anti-gambling », particulièrement hétérogène. Cependant, l’analyse des données produites a fait émerger trois catégories d’acteurs collectifs principaux qui ont occupé une position dominante dans la constitution du mouvement d’opposition au casino dans la région.
Premièrement, quelques petits groupes anti-jeu émergent et s’organisent au moment de la première grande controverse de 1994, parmi lesquels le No Casino Committee et le Concerned Citizens Against The Casino, devenu le Citizens Against Gambling Expansion (CAGE) qui demeure actif pendant une dizaine d’années, quoique très réduit en effectif. Cette organisation orientera progressivement ses actions vers des activités de conseil et de soutien, ayant abandonné toute forme de militantisme direct et indirect (manifestation, participation à des auditions publiques, lobbying) (Citizens Against Gambling Expansion 1994-1997, 1996). Le CAGE développe progressivement une rhétorique d’opposition à toute expansion du jeu d’argent et vise avant tout le maintien du statu quo autour des formes très limitées et contrôlées existant depuis les années 1980.
Deuxièmement, le secteur associatif joue un rôle important dans la mise en visibilité du mouvement. Parmi les associations les plus mobilisées, on compte surtout celles engagées dans un fort travail communautaire et sanitaire au sein d’une zone urbaine très sensible (le Downtown Eastside), adjacente au complexe casinotier projeté. Mais l’action plus générale des associations tend avant tout à préserver le système de jeu d’argent de bienfaisance déjà en vigueur et le système de redistribution des recettes. Soumises à l’obligation de participer à des activités bénévoles au sein des différents petits casinos (lors de casino nights), les associations pouvaient alors profiter d’une contribution financière obtenue sur les bénéfices du jeu afin de concrétiser des projets ou des programmes ponctuels. L’implantation potentielle d’un grand complexe casinotier a été ressentie comme une menace, et les associations se sont organisées pour obtenir une garantie du maintien du système charitable (British Columbia Association for Charitable Gaming, 1996-1997).
Troisièmement, des fonctionnaires issus de plusieurs services municipaux ont été réunis dans une Task force mandatée par la municipalité de Vancouver lors de la première controverse de 1994. La ville de Vancouver souhaite alors comprendre les premières réactions populaires contre le projet du Seaport Centre. Une fois constituée, cette Task force devient un acteur clé du débat public, en jouant un rôle de médiation entre les autorités municipales et les différents acteurs concernés. Ces fonctionnaires, représentant plusieurs services municipaux — urbanisme, affaires sociales, culture, police — produiront un rapport (City of Vancouver Task force 1994a, 1994b), largement diffusé et cité, qui a amplement pesé, d’une part, dans la solidification du mouvement d’opposition et, d’autre part, dans la prise de décision finale du gouvernement provincial de refuser le permis de construction du complexe casinotier projeté. Ces fonctionnaires ont continué à s’investir après la controverse initiale pour défendre l’importance de l’échelle municipale dans la régulation du jeu.
Contrairement à l’idée traditionnelle d’une opposition nette entre l’administration et les mouvements sociaux (Spanou 1991), les fonctionnaires ont agi comme des acteurs majeurs dans cette mobilisation, souvent en partenariat avec des associations anti-jeu. Comme le montrent les théories de la construction des problèmes publics, ces derniers émergent progressivement au sein d’arènes où les acteurs jugés légitimes pour en parler établissent des synergies en observant les idées et les pratiques mises en œuvre dans d’autres espaces (Hilgartner & Bosk 1988 ; Neveu 1999). Malgré leurs divergences, ces acteurs sont souvent unis par « un intérêt commun pour le problème, parfois par une épistémè convergente dans la manière de formaliser les enjeux » (Neveu 1999 : 54). On peut estimer qu’il existe, à bien des égards, une proximité de vues et d’intérêts entre certains départements de l’administration municipale et les associations, notamment pour la défense des ressources financières obtenues par le jeu via les petits casinos locaux de bienfaisance.
Par ailleurs, l’entrée en scène des fonctionnaires de la Task force municipale a contribué à ouvrir le champ des possibles aux autres collectifs : les auditions publiques, puis la publication des rapports (City of Vancouver 1994a, 1994b), ont favorisé la solidification de la coalition en orientant, pour partie, le positionnement de groupes militants nouveaux et peu structurés, comme les groupes anti-jeu, ainsi que de collectifs plus rodés à l’action militante, comme les associations. L’action collective y a sans aucun doute gagné en lisibilité, y compris dans sa capacité à remporter son objectif : empêcher, dans un premier temps, la construction du complexe casinotier sur le front de mer.
Des scandales politiques et moraux locaux liés au jeu d’argent
Les premières oppositions, particulièrement réactives à la suite de l’annonce de la construction du projet du Seaport Centre, se sont largement articulées autour du rejet d’une très grande infrastructure de loisir parce qu’elle intégrait un grand casino. Elles ont émergé autour d’enjeux variés : l’impression d’opacité ressentie face à des processus décisionnels administratifs mêlés à des manœuvres politiciennes, un sentiment d’injustice et l’absence de débat public autour du projet (« les jeux sont joués d’avance », « les choses n’ont pas été faites d’une manière ouverte ») :
Au départ nous étions quatre personnes, assises à une table dans une cuisine et nous disant : mais c’est ridicule, cette chose, ce Seaport casino, est en train d’arriver et personne n’est vraiment en train de s’opposer. Cette horrible chose est en train d’arriver, le gouvernement devrait être en train de la combattre mais personne ne le fait, personne ne combat, personne n’élève la voix. Alors nous nous sommes dit : commençons quelque chose (militante du CAGE ; entretien) [5].
Au fil des actions, une opposition plus large s’est dessinée autour de la thématique du jeu d’argent en général et de la menace de l’expansion de cette industrie dans la province. C’est cette ligne rhétorique et stratégique qui permettra au mouvement anti-jeu de se maintenir sur la durée, pendant une dizaine d’années, même si les thématiques spatiales liées à l’implantation de petits casinos (règles de zonage, voisinage, etc.) dans les municipalités du Grand Vancouver ont également régulièrement été mises en avant.
La réaction contre le complexe casinotier du Seaport Centre et la volonté de s’informer déclenchent une prise conscience face à la montée en puissance de l’économie du jeu d’argent, tant à l’échelle provinciale que nationale ou mondiale. Si, comme nous le verrons, une apparence de bon sens économique et de crédibilité est essentielle pour parvenir à construire une autorité sur le « problème », une mise en scène dramatique et persuasive des événements (ou des faits) peut devenir une ressource symbolique très puissante quand il s’agit de mobiliser (Gusfield 1981). Dans le principe de sélection qui se joue entre les problèmes publics, elle permet de répondre aux besoins de nouveauté et aux risques de saturation des publics, aux variations de rythme inhérentes à la vie des organisations, ainsi qu’aux biais politiques, etc. Par conséquent, au sein du mouvement anti-jeu, la production des faits est couplée à une rhétorique – ou du moins à un vocabulaire – saisissante et percutante (« cette chose horrible arrivait », « cette chose, ce Seaport casino ») associé à un travail sur le sentiment d’indignation qu’il faut raviver à chaque étape de la mobilisation, qui se déroule, comme nous l’avons vu, sur plusieurs années. Une lecture systématique des lettres de lecteurs publiées dans les journaux permet aux membres des groupes anti-jeu d’identifier les individus « en colère qui crient au scandale » (militante du No Casino Committee, entretien) susceptibles d’être mobilisés. La publication d’articles et de tracts comparant la ville de Vancouver aux villes de Reno ou de Las Vegas agit comme un puissant catalyseur d’émotions, étendant la menace perçue à l’ensemble de la ville.
Pendant la durée de mon enquête, une série de scandales – liés d’abord à des détournements de fonds portant sur des fonds issus des bingos (ou le « bingo gate »), puis à l’éventuelle attribution d’une licence de casino sans consultation, et enfin à l’implication plus ou moins directe du gouvernement provincial – a largement contribué à créer les conditions de possibilité d’une mobilisation de grande envergure contre les jeux d’argent. En Colombie-Britannique, ce climat de scandales et d’oppositions a marqué toute l’histoire des pratiques de jeu, qu’il s’agisse du bingo (Morton 2003 : 87-107) ou des loteries (Osborne 1991 ; Smith & Campbell 2007), d’abord pour leur caractère illégal, puis en raison de graves lacunes dans leur régulation et de détournement de fonds. Face à ce contexte politiquement sensible, marqué par un sentiment croissant d’opacité, de défiance et d’indignation populaire, les partis politiques hésitent à s’emparer du sujet du casino sur le front de mer.
L’historien John Dombrick souligne que les innombrables attaques menées contre le jeu d’argent au nom de l’« immoralité » n’ont réellement pris de l’ampleur que lorsqu’elles se sont combinées à des scandales de corruption politique et de fraudes, y compris dans le courant du XIXe siècle (1996 : 48). Les « scandales », mis en lumière dans la littérature portant sur les problèmes publics, sont autant de « dispositifs de sensibilisation » (Traïni 2015) – supports matériels, agencement d’objets, mises en scène, construction d’une indignation collective – travaillés par les groupes militants. L’ampleur de la couverture médiatique reflète, tout en contribuant à la créer, l’effervescence (certains enquêtés, de même que les médias [6], parlent de « fièvre » ou de « passion ») qui s’est emparée de la ville lors de la controverse du Seaport Centre.
Le recours à l’expertise : une tentative de “démoralisation” de la critique du jeu
Dans un premier temps, les groupes enquêtés ont fait preuve d’une forte réactivité contre l’implantation du complexe casinotier du Seaport Centre, en recourant à un répertoire d’actions associant manifestations de rue et registre de « scandalisation » morale, et disposer de nombreuses autres ressources. Ce n’est que dans un second temps qu’est apparu le besoin de développer un travail d’acquisition de connaissances. Les militants interrogés expriment la nécessité de s’appuyer sur des savoirs ou des expertises capables de fonder un discours militant « réaliste » (militant du No Casino Committee, entretien), afin de pouvoir argumenter, rédiger des lettres et des prises de position, formuler des revendications ou, tout simplement, s’informer. Les revendications se diversifient ; elles visent principalement à peser sur les lois régissant sur l’expansion des pratiques et des espaces de jeu (aux niveaux provincial et municipal), à dénoncer l’opacité des processus décisionnels, à maintenir le statu quo sur la redistribution des bénéfices du jeu (par exemple via les casinos de bienfaisance), et à remettre en question le développement rapide des loteries et des casinos comme instruments de politique économique (Goodman 1995).
Force est de constater que, depuis une vingtaine d’années, la médicalisation du problème a été constituée en l’un des cadrages les plus dominants de la critique du jeu d’argent. Contrairement à ce que l’on aurait pu imaginer, étant donné la prégnance actuelle de la notion d’addiction, les militants y recourent assez peu. Cela s’explique en partie par le fait que cette catégorie médicale ne s’est pas encore fortement imposée socialement au moment où l’enquête a été menée. Elle est alors peu ancrée, bien que forgée dès les années 1950, notamment par les Gamblers Anonymous/ Joueurs Anonymes [7], et même si quelques recherches scientifiques avaient déjà été entreprises sur ce problème alors émergent (Dixon 1980 ; Castellani 2000 ; Walker 1996). Les différentes organisations militantes vont inviter quelques auteurs de premiers rapports, par exemple la sociologue et épidémiologue Rachel Volberg et, au moment de l’enquête, directrice du cabinet de conseil Gemini Research [8]. Cette dernière a obtenu, dès 1985, plusieurs financements pour travailler sur la question de la dépendance au jeu. Elle a été mandatée en 1994 par la British Columbia Lottery Corporation pour produire un rapport sur les coûts sociaux du jeu d’argent dit problématique dans la province (Gemini Research & Angus Reid Group 1994).
L’activité de production de connaissance telle qu’elle est entendue par les enquêtés englobe des pratiques variées et hétérogènes : lecture intensive de rapports d’experts et d’articles de journaux, participation à des conférences et débats publics, invitation de conférenciers, constitution de dossiers de presse et, plus rarement, rédaction de courts rapports de synthèse. Le CAGE produit un document mettant en évidence vingt points problématiques liés au jeu d’argent, fondé sur « des faits et des opinions des experts » (Citizens Against Gambling Expansion 1996). Il s’agit essentiellement d’une compilation raisonnée d’articles de presse, de rapports et de prises de position antérieures de militants du CAGE (telles que des lettres ouvertes adressées au gouvernement). L’une des originalités de ce document réside dans sa revendication de la tenue d’un référendum populaire sur le jeu d’argent.
La figure de l’expert est incarnée par un petit nombre de chercheurs, pour beaucoup issus du monde académique (sciences sociales, mais surtout économie ou planification) ou encore d’instituts de recherche ou de conseils, qui ont rédigé des rapports sur diverses questions liées aux jeux d’argent (légalisation, implantation, expansion, impacts). Les experts désignés comme tels présentent en général deux propriétés qui parfois se superposent : soit ils présentent une parfaite connaissance du terrain local en exerçant des activités de recherche et d’enseignement dans l’une des universités du Grand Vancouver (Lipsey 1997 ; Seelig & Seelig 1997, 1998) ; soit ils tirent leur compétence et leur reconnaissance du fait d’avoir produit un rapport spécifiquement lié au domaine du jeu d’argent (Volberg pour Gemini Research 1994 ; Goodman 1994, 1995), domaine dans lequel la littérature fait alors défaut. La garantie de crédibilité que les enquêtés confèrent à un expert international tel que Robert Goodman (1994, 1995) repose autant sur sa posture intellectuelle générale, délibérément critique, que sur ses compétences sur le jeu, acquises en dirigeant une recherche de deux ans, la United States Gambling Study. Le rapport issu de cette recherche, publié en 1994, Legalized gambling as a strategy of economic development, a largement circulé et a été suivi par un ouvrage très diffusé et commenté, The Luck Business. The Devastating Consequences and Broken Promises of America’s Gambling Explosion (1995). Ses travaux sont fréquemment cités comme des références majeures dans les mouvements anti-jeu en Amérique du Nord, notamment à Vancouver, où ses idées ont été reprises dans les tracts, rapports, et discours militants. Les newsletters du CAGE reflètent directement ses thèses dénonçant de manière percutante le développement de l’industrie des jeux d’argent, la « cannibalisation » de l’économie culturelle et de jeux modérés locaux par l’implantation des grands casinos, ou encore la collusion croissante entre les gouvernements et l’industrie des jeux. L’État, en devenant un acteur dans cette industrie, non seulement profite financièrement de l’expansion des jeux, mais contribue aussi à la normalisation de ces pratiques au détriment du bien-être social.
Certains scientifiques, dont Jan McMillen, chercheuse australienne en politiques publiques et autrice de nombreux articles sur le jeu d’argent (par exemple McMillen 1996), alors engagée dans des analyses approfondies sur l’impact des casinos australiens, estiment néanmoins que les recherches de Goodman sur le jeu ne fournissent pas suffisamment la preuve de la validité scientifique requise tant sur le plan empirique que méthodologique : absence d’une approche systématique, construction de corrélations abusives et manque de recherches personnelles et empiriques de première main. Le statut scientifique de nombreux de rapports produits à l’époque peut d’ailleurs être questionné, dans la mesure où la plupart ne se fondent pas sur des recherches empiriques originales et fiables, et se limitent souvent à de compilation d’articles ou de rapports, créant des redondances et des effets tautologiques.
À défaut de s’appuyer sur une assise scientifique solide, le recours à un registre d’expertise peut néanmoins se développer dans le but de « faire des choses qui tiennent, de stabiliser des argumentations ou des bribes argumentaires » (Siméant 2002 : 22), afin de les rendre difficilement attaquables, de réduire les prises à la critique et de convaincre l’adversaire ; « rhétorique de conviction et rhétorique de crédibilité s’enchaînent » (Siméant 2002 : 22). Parallèlement, le recours à la science ou à un savoir technique « n’est pas uniquement dirigé vers l’extérieur mais a des fonctions de réassurance interne » (Siméant 2002 : 26), confortant ainsi l’engagement des militants. Dans le mouvement anti-jeu de Vancouver, les arguments moralisateurs disparaissent progressivement ou s’atténuent au fur et à mesure que les opposants mobilisent des arguments sociaux et économiques, plus ou moins fondés scientifiquement. Une “démoralisation” rhétorique s’opère en parallèle à la montée de ce que l’on pourrait appeler une « rationalisation des valeurs », en partie liée à une rationalisation des pratiques qui accompagne la mise en œuvre d’un « militantisme de dossier », d’expertise et de contre-expertise, comme on le constate par exemple dans d’autres formes de mobilisations, par exemple les mobilisations environnementales (Jouzel & Ollitrault 2015 ; Ollitrault 2001).
Une “remoralisation” de la critique du jeu d’argent autour de la redistribution de ses bénéfices
Contrairement à ce que l’on pourrait présumer dans le contexte contemporain, où l’addiction constitue un paradigme dominant pour l’analyse des jeux d’argent, la mobilisation à Vancouver a relativement peu mis en avant cet argument, en raison de la consolidation récente de cette catégorie médicale. En revanche, la rhétorique militante a évolué vers une “démoralisation” du discours anti-jeu en s’efforçant de formuler une critique rationnelle fondée sur un registre d’expertise économique et sociale.
Historiquement, le jeu d’argent a été perçu comme une activité immorale, en opposition aux valeurs du travail productif et de l’épargne responsable. Dès le XIXe siècle, les réformateurs canadiens ont érigé une dichotomie entre une économie rationnelle et productive et les pratiques spéculatives et ludiques, assimilant les jeux d’argent à une perte de contrôle et à une corruption des mœurs. Cette posture s’est traduite par une dénonciation de toute dépense improductive susceptible de saper l’éthique du travail et de l’épargne, ainsi que par une mise en garde contre la menace de l’endettement et la ruine des familles.
Depuis le XIXe siècle, la légalisation du jeu d’argent s’est appuyée sur le principe de la légitimation par l’utilité sociale (Morton 2003). Loteries et casinos étaient tolérés à condition que leurs revenus soient affectés à des causes d’intérêt général, telles que le financement des associations caritatives. En Colombie-Britannique, le jeu de bienfaisance ou charitable gambling [9] a été instauré dès les années 1980 pour promouvoir un système de redistribution semi-directe des revenus du jeu, via les tombolas associatives, les bingos et les petits casinos. Ce modèle a permis de contrôler et d’unifier les pratiques de jeu et de levée de fonds en les inscrivant dans une forme d’économie dite sociale. Il a surtout contribué à normaliser le jeu d’argent en lui conférant une légitimité morale grâce à son association à « un halo de bonnes causes » (Campbell 1997).
Loin de rejeter le jeu d’argent dans sa globalité, les militants de Vancouver plaident pour la préservation d’un modèle fortement réglementé, au service du tissu associatif et de l’intérêt général. Leur mobilisation vise à maintenir les principes de redistribution et d’utilité sociale inhérents au charitable gambling, tout en combattant les dérives commerciales susceptibles de compromettre ces objectifs. Pour nombre d’enquêtés impliqués dans le mouvement, l’entrée en mobilisation et la poursuite de l’action reposent sur des arguments d’ordre économique et social : impact réel, emplois créés, coûts sociaux et aménagement de l’espace urbain. Seule une partie du mouvement, notamment les militants des groupes anti-jeu tels que le CAGE, dénonce une redistribution inéquitable et inefficace des revenus issus de toutes les formes de jeu d’argent :
Ça ne produit rien. Évidemment, parfois vous gagnez, des gens gagnent, mais vous obtenez quelque chose pour rien, vous n’avez rien produit [...]. Parce que pour un environnement sain [...], vous avez besoin d’une ressource qui peut produire et générer de la richesse, ce que ne fait pas le jeu d’argent. [...]. L’argent du jeu c’est juste de l’argent qui circule. Ce n’est pas une activité qui produit de la richesse, c’est une activité qui fait circuler de l’argent et qui le prend à ceux qui peuvent le moins se permettre de le perdre. [...] Je suis convaincue, je suis absolument convaincue par toutes les études et par le matériel que j’ai lu qu’il n’y a rien, absolument rien de bon à dire sur le jeu d’argent (militante du CAGE, entretien) [10].
Bien que le mouvement anti-jeu de Vancouver n’ait pas réussi à freiner durablement l’expansion des casinos en Colombie-Britannique, il a contribué à structurer une critique qui résonne encore aujourd’hui. Cette opposition a jeté les bases d’une réflexion sur la légitimité de cette économie et sur les modalités d’affectation des revenus du jeu. Le débat ne porte plus uniquement sur la nécessité d’avoir des casinos, mais sur la question fondamentale de savoir qui profite réellement de cette économie.
En conclusion, la rhétorique militante s’est progressivement orientée vers une “démoralisation” du discours critique sur le jeu d’argent, privilégiant l’élaboration d’analyses rationnelles fondées sur des considérations d’ordre économique. Toutefois, une forme de “remoralisation” a ressurgi autour des enjeux liés à la redistribution des profits générés par l’industrie du jeu. Les militants ont dénoncé l’illégitimité d’un secteur reposant sur l’exploitation des franges les plus vulnérables de la population, tout soulignant l’ambivalence des politiques publiques, oscillant entre l’intérêt fiscal que représente la taxation des activités ludiques et l’impératif de prendre en compte les effets négatifs qu’elles engendrent.
En revendiquant une limitation de l’expansion des pratiques de jeu d’argent et en questionnant l’illégitimité et l’immoralité de cette industrie, le mouvement de Vancouver anticipe les débats publics contemporains qui, lorsqu’ils émergent, portent souvent sur la légitimité de cette économie comme source de financement public (Dombrick 1996 ; Cosgrave & Klassen 2001) ; Volberg & Wray 2007). Une tension de plus en plus manifeste se dessine aujourd’hui entre trois secteurs interdépendants : les entreprises du jeu, qui cherchent à maximiser leurs profits selon les principes de l’économie de marché libérale ; les États et gouvernements, soucieux de préserver les importantes ressources financières issues de la taxation des bénéfices du jeu d’argent [11] ; et ces mêmes États, chargés de mettre en œuvre des programmes de prise en charge d’un phénomène d’addiction en constante augmentation face à une offre de jeu toujours plus abondante.
Fig.1. Engagements des militants anti-jeu
| Groupe anti-jeu | Engagement associatif et/ou politique | Profession | |
|---|---|---|---|
| Connie F. | Concerned Citizens Against The Casino puis CAGE |
Militante dans un parti municipal, puis divers engagements politiques avant de devenir leader d’un parti national. (Membre de plusieurs commissions municipales) |
Avocate (Enseignante) |
| Harvey P. | Concerned Citizens Against the Casino puis CAGE | Président d’une association de quartier | Retraité |
| Isabel M. | Concerned Citizens Against the Casino puis CAGE | Implication individuelle dans différentes auditions publiques officielles en tant que citoyenne concernée | Enseignante |
| Don L. | Concerned Citizens Against the Casino puis CAGE | CRAB Park | En recherche d’emploi |
| Art T. | CAGE - Citizens against Gambling Expansion | Activités individuelles en tant que citoyen concerné - rédaction de lettres Église |
Retraité (Ingénieur) |
| Jane C. | CAGE – Citizens against Gambling Expansion | Église Association sino-canadienne |
Diététicienne |
| Michael S. | Proche de CAGE | Vancouver Board of Trade Directeur bureau consulting privé |
Professeur d’université |
| Robert S. | Indépendant | Église Associations du Downtown Eastside |
Pasteur |
| Margot F. | No Casino Committee | Militante dans un parti (Directrice de campagne d’un candidat politique) (Membre d’une association professionnelle et d’un groupe de femmes professionnelles) |
Étudiante en droit (Comptable) |
| Hart M. | No Casino Committee | Église Vancouver Tourism Association Vancouver Hotel Association Bénévolat dans le Downtown Eastside |
Homme d’affaire, Hôtelier |
| John S. | Centre Carnegie | Carnegie Activités associatives diverses |
Formateur d’adultes (travailleur associatif) |
| Jeff S. | Centre Carnegie | Comité de direction de Carnegie Dix ans de bénévolat associatif, dont Carnegie |
Doctorant en sciences sociales |
| Robert Sa. | Centre Carnegie | Bénévole à Carnegie Activités journalistiques « freelance » et« alternatives » |
Journaliste |
| Don M. | Dowtown Eastside Residents Association (DERA) | DERA | Travailleur associatif |
| Randall G. | Community Advocates for Charitable Gambling | Différents engagements associatifs (Paraplegic Association) |
Travailleur associatif |
| Vicki K. | Task force municipale | Militante dans un parti (Membre de la British Columbia Gaming Commission) (Commission scolaire) |
Consultante (Infirmière) |
| Michel D. | Task force municipale | Différentes courtes fonctions au sein de l’administration municipale Mentionne un engagement associatif |
Fonctionnaire |
| Sue H. | Task force municipale | Association culturelle | Fonctionnaire |
Les données de ce tableau ont été produites à partir d’entretiens réalisés auprès de militant·es du mouvement anti-jeu. Les activités professionnelles ou les engagements associatifs et politiques préalables à la première controverse de 1994 sont indiqués entre parenthèses.
