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Philippe Geslin |
Annexe 5 : La notion de « travail » |
En soussou, léquivalent du mot travail se dit "wálí". Il est composé de deux lexèmes bivalents à une syllabe, "wá", qui signifie pleur (du verbe "wá-de", pleurer) et "lí", atteinte (du verbe "lí-de", atteindre, littéralement, atteindre les pleurs). Le mot "wálí" est utilisé tous les jours, à plusieurs reprises dans les salutations où l'on demande comment va le travail ? "wálí go ?". Il peut aussi remplacer la cascade des salutations d'usage. Ainsi, lors d'une rencontre, celles-ci peuvent se réduire à la seule formule habituelle de remerciement, je te remercie de travailler "i nú wálí" si la personne saluée est seule ou, je vous remercie de travailler "wo nú wáli", si les interlocuteurs sont plus nombreux ou si l'individu est plus âgé. La formule de remerciement signifie alors merci de travailler, mais dans un sens global, qui ne tient pas compte de l'activité observée. Cette notion n'a d'ailleurs aucun champ d'application privilégié dans le système de production local, Chaque activité spécifique de production (pêche, chasse, élevage, riziculture, saliculture, culture des jardins de case, etc.) est considérée comme une forme de travail "wálí sifè", dans la mesure où dans chacun des cas, "atteindre les pleurs", c'est contribuer à la reproduction du groupe. De plus, elle ne discrimine aucun des deux sexes, ce qui a des implications fortes sur l'organisation des activités de production comme la saliculture par exemple qui repose sur une mixité des tâches telle, que son non respect peut être socialement sanctionné et entraîner l'interruption du processus. Certaines activités, comme le fait de mettre un enfant au monde "dibèri-de" , les séances de traitement de maux divers, ou celles qui consistent à rechercher l'auteur inconnu d'un vol par l'intermédiaire du travail, à distance, d'un "marabout", relèvent aussi du champ d'application du mot wálí. |