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Philippe Geslin |
Annexe 6 : Le monde végétal et les rapports sociaux |
Le riz, au même titre que le fonio, l'arachide et le maïs est considéré comme un aliment "donsé". Les explications formulées par les Soussou ne font pas référence au monde végétal, pas plus qu'elles ne parlent de légumes ou de plantes (termes qui n'ont pas de correspondance dans le vocabulaire susu). Par contre, ils font une partition nette entre des espèces qui donnent des fruits "bogi" sans l'intervention de l'homme (oranger, manguier, colatier, etc.) et celles qui nécessitent son intervention (le riz, le fonio, l'arachide et le maïs) qui donnent des aliments « donsé ». Cette première remarque amène par conséquent à distinguer ce qui pousse "spontanément", de ce qui requiert lattention de lhomme. Le système de représentation des Soussou du hameau étudié va plus loin encore dans le discernement. L'univers des plantes cultivées regroupe l'ensemble des aliments produits par bouturage ou par resèmage de leurs graines "khori". Ce dernier terme recouvre différentes réalités. Comme nom, il signifie l'os, le noyau et le grain. Comme adjectif, il qualifie ce qui est essentiel, vrai et par extension ce qui est nécessaire à la vie. Le verbe "khori-de" assècher, qui a pour synonyme le verbe "khara-de", qui est la racine de l'adjectif immobile "rakharakhi" (du verbe rester immobile "rakhara-de") nous renvoie à la partie sèche, inerte d'un organisme, celle qui à travers les soins prodigués par l'homme peut donner la vie, la soutient ou plus modestement y contribue. Sans l'intervention de l'homme sur la plante, sans le travail de la terre, sans l'isolement du grain et son traitement, il n'y a aucune régénérescence possible. Lorsque le riz est récolté, sa tige meurt. On ne peut la réutiliser comme on le fait avec les tiges "bili" du manioc ou de la patate douce en procédant à leur bouturage. Elle ne produit pas de riz spontanément. La spontanéité de la repousse marque la frontière entre les deux mondes. Les plantes sauvages sont seulement dépendantes du cycle des saisons qui détient le pouvoir exclusif d'en faire apparaître les fruits, en dehors de toute manipulation anthropique. Cette distinction a un impact important dans les rapports sociaux. |