Avant l’arrivée des premiers missionnaires blancs, l’espace sonore groenlandais était essentiellement occupé par la « danse du tambour » ; elle désigne un chant accompagné par un petit tambour d’une quarantaine de centimètres de diamètre, sur lequel le musicien joue en frappant le cadre avec une baguette dans des mouvements amples qui s’apparentent à une danse.
Celle-ci a été presque totalement éradiquée de la côte Ouest du Groenland suite à l'acharnement des missionnaires. Le premier d'entre eux, Hans Egede, débarquait en 1721 sur la côte Ouest dans le but de convertir les Groenlandais au protestantisme luthérien. Il se retrouva vite confronté à la tradition du tambour. Après un bref moment de curiosité, il finit par associer le tambour au diable; il fallait donc l'arracher des mains de ce peuple à remettre sur le droit chemin, quitte à recourir à la violence physique à l'encontre des musiciens. Il y eut plus tard des missionnaires et des marchands plus libéraux, mais les chants traditionnels qu'accompagnait le tambour tombaient malgré tout généralement en disgrâce : ils constituaient une forme de résistance puissante contre les nouvelles autorités. L'usage du qilaat était donc purement et simplement interdit ; en cas de désobéissance, les instruments étaient saisis et brûlés. La danse du tambour déclina donc rapidement; bien que l'on puisse imaginer qu'elle se transmettait malgré tout dans quelques familles, elle n'était plus qu'un lointain souvenir pour la majorité des Groenlandais de la deuxième moitié du XXe siècle.
On assiste toutefois depuis quelques années à une résurgence de cet art. Le développement du tourisme y joue certainement un rôle (de véritables shows de tambour sont organisés par les deux ou trois grands hôtels du pays), mais le regain d'intérêt pour cette tradition n’est cependant pas uniquement lié à cette opportunité : le tambour a également une place de choix dans beaucoup de manifestations culturelles. Certaines d'entres elles sont volontairement focalisées sur l'art inuit. Lors de la réunion annuelle de l'Inuit Circumpolar Conference, par exemple, des chanteurs, des musiciens et des danseurs des quatre pays concernés présentent leur art à l'issue des débats. Le but de cette réunion n'est en effet pas exclusivement politique: elle est aussi l'occasion d'une rencontre entre quatre communautés qui partagent de lointains ancêtres. Or la danse du tambour est l'un des témoins de cette origine commune: si l'instrument présente quelques variantes — notamment au niveau de la taille — en fonction de la région dont il provient, la danse qui l'anime et le chant qu'il accompagne présentent de nombreuses similitudes.
Dans l'exemple de l'ICC, le tambour est utilisé de façon explicite par les Inuit pour mettre en valeur leur patrimoine culturel. Mais on le trouve également parfois dans des cadres purement festifs. Lors de la première édition du festival culturel d'Uummannaq, par exemple, on pouvait voir une danse du tambour exécutée entre la performance d'une chorale de la ville voisine et le concert musclé d'un groupe de rock local.