Feu l’artifice
Impossible à l’image de nous tromper, de démentir la réalité, car elle en est absente. Il n’y a ici aucune possibilité pour l’image de ressembler à ce qu’elle est censée exprimer : une phase du génocide des Tutsis. Pourtant, l’image montre, dans un paysage changé et changeant, un passé posé dans un coin, comme une présence gênante, forcément anachronique, où la déférence commémorative se mêle à l’embarras et au désir de passer maintenant à autre chose… Les images contiennent et maintiennent cette histoire tout comme elles font exploser la douleur de Jeanne Uwimbabazi quand elle les voit et y pose, défiante, ou y dépose, vaincue, sa voix. Ce qu’au fond nous montre Sonatubes-Nyanza, ce n’est pas la montée de la colline où s’est produit un des massacres du génocide des Tutsis, mais un lieu invisible, tapi dans l’image, d’où sort une voix ; un lieu organique que le corps fait résonner mais qu’il ne peut contenir, un lieu se déployant au-delà du corps par la voix même, jusqu’à ceux qui veulent bien l’entendre.
Si tout au long du film, cette voix seule habite les images, c’est qu’avant tout la vie demeure, et ce quoiqu’il lui en coûte. Mais cela ne signifie pas que la vie reprend là où le massacre l’a interrompue. Une vie autre apparaît, dans le nu de la voix, sans artifice.
Alexandre Soucaille et Fabienne Martin, 19 mai 2014.
Sonatubes - Nyanza from Arnaud Sauli on Vimeo.