Résumé

La notion de fractale a été introduite dans les années 1970 par Benoît Mandelbrot pour désigner des ensembles possédant des propriétés géométriques particulières, la similitude interne et l’invariance par changement d’échelle. Le modèle a connu un grand nombre d’applications en physique et biologie et dans quelques sciences sociales avant de faire son apparition en anthropologie à partir de 1991. Les anthropologues ont-ils repris la définition mathématique ? Quels types de productions humaines ont-ils qualifiés de fractals ? Le présent article se fixe pour but de faire le point sur la littérature en question. Après avoir défini la notion de géométrie fractale, il distingue deux usages de la notion : la fractale dans les productions géométriques sociales et la fractale par analogie.

Abstract

The notion of fractal in anthropology. The notion of fractal was introduced in the 1970s by Benoît Mandelbrot to indicate sets possessing particular geometrical properties such as self-similarity and invariance along changes in scale. The model inspired a large number of applications in physics and biology and to some extent in the social sciences, before making its appearance in anthropology in 1991. But did anthropologists take up the mathematical definition ? What kinds of human productions did they qualify as fractal ? The present article reviews the literature on these questions. Having defined the notion of fractal geometry, it distinguishes two uses of the notion in the social sciences : fractals in geometrical social productions and fractals by analogy.

Sommaire

Table des matières

Introduction

La notion de fractale a été introduite dans les années 1970 par le mathématicien franco-américain Benoît Mandelbrot pour désigner des ensembles possédant des propriétés géométriques particulières que l’on peut rapidement résumer par les concepts de similitude interne et d’invariance par changement d’échelle : une structure fractale est la même « de près comme de loin » [1]. Quelle que soit l’échelle à laquelle on regarde un chou-fleur, il a la même structure : un tronc commun qui s’évase en sous-choux-fleurs, chaque sous-chou-fleur s’évase en sous-sous-choux-fleurs. Ce type de structure est extrêmement répandu dans la nature et caractérise les flocons de neige, les nuages, les arbres, les éponges, les côtes, les montagnes, les systèmes de faille de la Terre, la propagation des feux de forêt et la distribution des galaxies. La biologie à son tour a montré qu’une organisation fractale contrôle les structures du corps humain telles que les bronches, le système sanguin, le système urinaire, et bien d’autres. La théorie ne cesse de trouver de nouveaux champs d’application en géologie, biologie, physique, design et cinématographie (Gleick, (1989) 2008).

Les premières sciences sociales à avoir utilisé la géométrie fractale ont été l’économie et la géographie. C’est à partir des années 1990 que le terme a fait son apparition dans quelques publications en anthropologie (Wagner, 1991, Strathern, 1991, Gell, 1998, Eglash, 1999). J’ai personnellement été amenée à l’utiliser, de façon limitée, dans mon analyse des usages numériques par les populations mésoaméricaines d’hier et d’aujourd’hui (Dehouve, 2011). Pour faire suite à ces premières réflexions, je me suis demandée comment la notion de fractale avait été utilisée avant moi dans la littérature anthropologique. Les anthropologues ont-ils repris la définition mathématique ? Quels types de productions humaines ont-ils qualifiés de fractals ? Le présent article se fixe pour but d’identifier les principaux usages de la notion en anthropologie, sans pour autant prétendre brasser une bibliographie exhaustive et en privilégiant la littérature concernant le monde amérindien qui constitue mon domaine de spécialisation. Il commencera par définir de la façon la plus précise possible la notion de géométrie fractale, avant de regrouper les études existantes en anthropologie selon leur champ d’application. On envisagera successivement la fractale dans les productions géométriques sociales et la fractale par analogie.

Définition de la fractale

L’histoire de la découverte de la géométrie fractale montre que la mise en évidence concrète des formes de ce type a toujours précédé les tentatives de définition. L’un des premiers articles de Mandelbrot (1967), aujourd’hui classique et repris et commenté par l’auteur (1975 et 1982), s’intitule « Combien mesure la côte de la Bretagne ? ». Il montre que, pour mesurer la côte à partir de photographies aériennes, on peut utiliser une règle (ruler) de grande taille en la reportant bout à bout le long du tracé de la côte, ce qui donne une longueur approximative qui ne prend pas en compte les plus petites circonvolutions. Une règle plus petite fera apparaître une longueur plus grande, et ainsi de suite jusqu’à l’infini. La longueur mesurée dépend de la dimension de la règle reportée et cette longueur croît indéfiniment au fur et à mesure que décroît la règle (Eglash, 1999 : 13). Mandelbrot proposa un nouveau mode de mesure consistant à mettre les différentes tailles de la règle en rapport avec les longueurs de la côte. Ceci fait apparaître la rapidité avec laquelle augmente la longueur lorsque diminue l’unité de mesure. Cette proportion (rate) est ici une « différence de niveau » (slope), elle nous donne une mesure de la rugosité de la courbe.

Mandelbrot a qualifié de « fractal(s) » les objets mathématiques du type de la bande côtière. C’est un néologisme qui provient du latin fractus (« qui a été brisé »), du verbe frangere, « briser ». Il s’oppose aux formes de la géométrie euclidienne qui sont des droites et des plans, des cercles et des sphères, des triangles et des cônes. Les formes naturelles sont en effet plus complexes. Comme l’a affirmé Mandelbrot dans une phrase célèbre, les nuages ne sont pas des sphères, les montagnes ne sont pas des cônes et les éclairs ne se déplacent pas en ligne droite. La géométrie fractale « donne de l’univers une image anguleuse et non arrondie, rugueuse et non lisse. C’est une géométrie du grêlé, du criblé, du disloqué, du tordu, de l’enchevêtré, de l’entrelacé » (Gleick, 2008 : 139).

La dimension des formes géométriques euclidiennes peut être exprimée par un nombre entier : la ligne droite est de dimension 1, une surface plane est de dimension 2, l’espace dans lequel nous évoluons est de dimension 3. En revanche, la « dimension fractale » concerne des dimensions non-entières ; ainsi, la côte d’Afrique du Sud, peu découpée, aura une dimension fractale de 1,00, celle de la Grande-Bretagne de 1,25 et celle de la Norvège, très irrégulière, de 1,52 (Eglash, 1999 : 15). La dimension fractale est donc un nombre qui mesure le degré d’irrégularité ou de fragmentation d’un objet, ou la rugosité d’une surface.

Pour parvenir à une définition plus précise de la fractale, il faut en détailler le processus d’obtention. On y parvient en partant d’un objet graphique auquel on applique une certaine transformation qui ajoute un élément de complexité, puis en appliquant la même transformation au nouvel objet ainsi obtenu, ce qui accroît encore sa complexité... et en recommençant à l’infini ce processus d’itération. Les modèles qui permirent à Mandelbrot d’élaborer sa théorie existaient déjà sous forme de « bizarreries » ou de « paradoxes » mathématiques. Ainsi, la première fractale est l’ensemble de Cantor (1845-1918), dont un modèle proche se retrouve dans la courbe de Helge von Koch (1904).

Cette courbe de Koch se crée ainsi : au début, c’est-à-dire à l’itération zéro, on dispose d’un « initiateur » (état initial) qui est un segment de droite L (fig. 1). À la première itération, ce segment est remplacé par une ligne brisée, formée de 4 segments de longueur L/3, que l’on nomme le « générateur » (starting shape ou seed shape). À la seconde itération, on remplace chacun des 4 segments par le générateur, si bien que chaque nouveau segment mesure L/9. À la fin de chaque étape, la forme résultante (output) est reportée en début d’une nouvelle étape (input) : ce procédé se nomme « récursivité » (recursion). À la troisième itération, on poursuit le remplacement de chaque segment par une version encore réduite du générateur. En poursuivant de la sorte, on obtient une forme de plus en plus complexe, jusqu’à l’infini [2].

Figure 1 : La courbe de Koch
D’après : EGLASH, Ron, 1999. African Fractals. Modern Computing and Indigenous Design, New Brunswick, Rutgers University Press.
Figure 2 : Schéma de la boucle ou feedback
D’après : EGLASH, Ron, 1999. African Fractals. Modern Computing and Indigenous Design, New Brunswick, Rutgers University Press.

Il est maintenant possible de parvenir à une définition de la fractale plus précise qu’au début de l’exposé. Eglash (1999 : 17-18) en a très clairement indiqué les cinq composantes essentielles qui lui fournissent les critères en fonction desquels il détermine si un motif plastique élaboré dans une population donnée relève ou non d’une structure en fractale.

1. La récursivité (recursion). Les fractales sont générées par un processus circulaire, une boucle (loop) dans laquelle le point de sortie (output) d’un niveau devient le début (input) du suivant, également nommé feed-back. Dans le cas de la courbe de Koch, la récursivité est obtenue par itération (fig. 2).

2. Le jeu d’échelle (scaling). Les fractales possèdent la même configuration aux différentes échelles, à l’intérieur du domaine considéré.

3. L’auto-similarité (self-similarity). La configuration que l’on retrouve aux différentes échelles est la manifestation d’une auto-similarité. Celle-ci est exacte dans le cas d’une fractale dite « déterministe » ou « exacte » comme l’est la courbe de Koch. Les fractales « statistiques » possèdent une auto-similarité statistique : ce sont les plus fréquentes dans la nature comme, par exemple, dans le cas d’une bande côtière. Certaines fractales ont des parties qui ne contiennent pas l’image de la totalité, comme dans le cas des arbres ou du poumon (Eglash, 1999 : 16, fig. 1-7). Dans ce cas, les lignes « actives » sont remplacées à chaque itération par une version plus petite, tandis que les lignes « passives » ne changent pas de taille.

4. L’infini (infinity). Pour de nombreux mathématiciens, il n’y a pas de façon de connecter la fractale à l’idée de dimension sans utiliser l’infini. On considère qu’une fractale en mathématique comme la courbe de Koch est auto-similaire indéfiniment. Par contre, dans les faits, aucune fractale décrite ne possède un nombre infini d’échelles. Ainsi, la succession des échelles dans une bande côtière prendra fin au niveau subatomique. Un objet dans la nature n’est donc auto-similaire que sur une certaine gamme d’échelles.

5. La dimension fractale (fractional dimension). Une courbe de Koch ou n’importe quelle autre fractale possède une longueur infinie bien que l’aire de la surface délimitée par la fractale soit finie. Cela nécessite une appréhension de la dimension différente de celle qui s’exprime par des nombres entiers (une ligne est de dimension 1, un plan de dimension 2…). La fractale généralise la notion de dimension à des dimensions non-entières.

Une fractale mathématique possède la totalité de ces composantes. Dans le domaine social, l’existence de ces cinq composantes fournit des critères pour déterminer dans quelle mesure les productions humaines constituent des fractales.

La fractale dans les productions géométriques sociales

La fractale étant une construction géométrique, c’est-à-dire une forme dans l’espace, strictement parlant elle ne peut être mise en évidence que dans les productions géométriques humaines, notamment les réseaux de peuplement, l’architecture et l’art.

1. La fractale géométrique culturelle intentionnelle : l’exemple africain

La seule étude systématique d’une production fractale géométrique dans une aire culturelle donnée est, à ma connaissance, celle d’Eglash (1999). Cet auteur a montré, en Afrique sub-saharienne, la présence de fractales que je pense pouvoir qualifier en premier lieu de « géométriques », car il a étudié des formes dans l’espace, saisies dans l’habitat et les motifs artistiques. Au niveau descriptif, ces formes possèdent une auto-similarité à différentes échelles. La conscience de la récursivité et de l’infini n’est pas démontrable dans tous les cas, mais dans un bon nombre d’entre eux. En revanche, la dimension fractale ne fait jamais l’objet de calculs par les artistes africains.

Cette fractale peut aussi être qualifiée de « culturelle », car Eglash ne fonde pas sa recherche sur des exemplaires isolés, mais sur une étude systématique conduite dans une aire culturelle où ce procédé mathématique s’apparente à un « style ».

Elle est également « intentionnelle », mais ce terme requiert des précautions d’emploi. Pour Eglash (1999 : 49), l’intentionnalité s’exprime sous forme d’une gamme ou d’un spectre. À un bout, se trouvent les modèles inintentionnels créés accidentellement. Il en donne comme exemple le réseau urbain londonien dont la structure fractale résulte, non pas d’une implantation raisonnée de l’habitat, mais de « l’accumulation inconsciente des dynamiques de la population urbaine » (Eglash, 1999 : 50). Cette fractale n’apparaît que dans des photos aériennes prises de très haut, c’est-à-dire à très grande échelle. Les fractales africaines étudiées par l’auteur ne correspondent pas à un tel modèle : leurs formes sont, dit-il, consciemment recherchées. Mais elles peuvent être intentionnelles et implicites, par exemple dans le cas des formes esthétiques fractales qui sont élaborées « parce que c’est joli ». Elles peuvent aussi être intentionnelles et explicites lorsque les techniques de production se fondent sur « des règles explicites que nous sommes habitués à associer aux mathématiques » (Eglash, 1999 : 49).

Eglash remarqua tout d’abord l’existence de structures fractales sur des photos aériennes de villages africains. L’observation visuelle fut confirmée par la simulation sur ordinateur, suivie du calcul de la dimension fractale des images. Alors que l’auteur pensait au début que ces formes résultaient d’une auto-organisation inconsciente, une année de travail sur le terrain le convainquit qu’il s’agissait du produit d’une activité consciente.

On donnera comme exemple architectural la fractale circulaire que constitue le plan d’un village d’éleveurs Ba-ila de Sud Zambie (fig. 3 et 4). Celui-ci se présente comme un cercle de cercles. Le plus petit cercle ou enclos abrite une famille et son troupeau. Dans chaque enclos, la partie la plus proche de l’entrée est le domaine du bétail qui entre et sort constamment, tandis que la partie du fond est réservée à l’habitat humain. Ceci détermine le principe selon lequel toute entrée d’enclos est de plus bas statut que sa partie postérieure. Les deux éléments géométriques de la structure seront donc la forme circulaire et l’accroissement du statut social entre l’entrée et la partie postérieure.

La simulation sur ordinateur met en évidence la génération de la fractale à partir du générateur (seed shape) représenté par l’enclos d’une seule maisonnée en vue aérienne (les murs sont circulaires et une ligne représente un autel) à la première itération. La deuxième itération représente le regroupement des maisonnées d’une famille étendue. La forme circulaire est répliquée et la partie la plus proche de l’entrée est occupée par les maisonnées de plus bas statut. La troisième itération construit la structure complète du village. Le statut (et la taille) des groupes familiaux y croît entre l’entrée et la partie postérieure du grand cercle.

Il faut enfin remarquer qu’à l’intérieur du grand cercle se trouve un village dans le village, constitué par l’enclos de la famille étendue du chef. Or, celui-ci occupe la place où se situe l’autel dans un enclos de base (en itération 1), ce qui est en accord avec la vision locale de la religion et du pouvoir du chef. En effet, « exercer le pouvoir » se dit kulela, « prendre soin, chérir, nourrir ». Les trois itérations successives représentent en fait, selon Eglash (1999 : 29), des itérations successives du fait de prendre soin et c’est ce qui conduit l’auteur à proclamer leur intentionnalité (soit, d’après sa définition, le fait qu’elles soient consciemment recherchées et investies de symbolisme). Une telle correspondance « entre les notions spirituelles de renouveau sans fin, les modèles mathématiques de l’auto-réplication, et la structure physique » est fréquente dans de nombreux villages fractals africains (Eglash, Odumosu, 2005 : 104).

Pour un anthropologue, l’aspect le plus remarquable de ces exemples africains réside dans l’usage symbolique de la forme fractale. Il n’est pas rare qu’un procédé mathématique véhicule un sens symbolique. Personnellement, j’ai pu montrer la signification du « nombre quantitatif » en Mésoamérique où, hier comme aujourd’hui, les valeurs numériques les plus hautes, obtenues par addition ou multiplication, sont systématiquement employées pour connoter les aspects désirables de la vie humaine –l’accumulation de richesses, d’un grand nombre d’années, la fertilité, etc. De ce fait, la quantité des objets confectionnés et offerts au cours des cérémonies constitue un élément indispensable à l’efficacité rituelle (Dehouve, 2011 : 260). Mais ce qui frappe dans le cas africain est la variété des symbolismes dont peuvent être consciemment investies les formes fractales.

Une couverture de mariage Fulani (Mali) nous fournira un exemple (fig. 5). Elle contient un motif en fractal dans lequel la taille des losanges (une forme courante dans les textiles du monde entier) décroît en s’approchant du centre. La modélisation fait état de trois itérations successives. D’après ses échanges avec les tisserands, Eglash a conclu que « l’énergie spirituelle est tissée dans la forme et que chaque itération successive montre une augmentation de cette énergie. Il est dangereux de relâcher cette énergie, aussi les tisserands qui s’arrêtent au milieu du travail risquent-ils la mort » (Eglash, 1999 : 119 ; fig. 8-3).

Outre l’énergie spirituelle, les constructions itératives peuvent servir à exprimer le prestige, la succession des rois, la chance, les initiations dans les systèmes de classes d’âge, la descendance, etc. En Afrique, les procédés en fractale apparaissent donc comme des formes mathématiques particulièrement productives de symbolismes.

On peut conclure qu’Eglash a mis en évidence l’existence des cinq composantes de la fractale : le jeu d’échelle et l’auto-similarité sont des caractéristiques descriptives confortées par le calcul de la dimension fractale par modélisation sur ordinateur ; la récursivité est une technique systématiquement utilisée par les artistes et les architectes africains. Quant à l’infini, il est, selon l’auteur (Eglash, 1999 : 148), exprimé comme une totalité sous forme de symboles tels que la coquille d’escargot, utilisée par exemple en contexte rituel pour représenter la fertilité et la croissance sans limites. Cette étude fournit donc les critères à appliquer à la recherche de ce que j’ai nommé une « fractale géométrique culturelle intentionnelle ».

Cependant, en dépit de sa précision, l’étude d’Eglash laisse des questions ouvertes. La première concerne la notion d’infini. On a dit plus haut que seuls les objets mathématiques tels que la courbe de Koch possèdent un nombre infini d’itérations, alors que, dans la nature, les structures décrites se répètent sur un nombre fini d’échelles. Or, dans le domaine social, le nombre des itérations successives se réduit généralement à trois ou quatre. Dans ce cas, comment prouver l’existence d’une amorce de mouvement en direction de l’infini ? Le second problème réside dans la définition de l’intentionnalité qui préside à l’élaboration de structures fractales. Car, comment prouver l’intention ? La fractale dans l’habitat représente l’expression dans l’espace d’une certaine forme d’organisation sociale : est-elle du même type que les structures représentées dans les manifestations artistiques par tel artisan ? Certes, quand on sait que des procédés mathématiques sont aujourd’hui à même de calculer des dimensions fractales à partir de n’importe quelle image, comme on le verra plus loin, on comprend qu’il est nécessaire de distinguer les fractales qui possèdent un sens dans une société considérée. Mais il est certainement plus exact de qualifier celles-ci de « non-inintentionnelles » que d’« intentionnelles ».

2. Les problèmes posés par la recherche des formes fractales

Nous allons retrouver ces questions, et d’autres, lorsqu’il s’agira de repérer la présence de fractales dans des régions du monde autres que celles étudiées par Eglash.

Par quelle méthode identifier la présence d’une fractale ?

La question peut se poser de savoir comment identifier la présence d’une fractale car certains auteurs ont eu recours à des critères différents de ceux que nous venons d’énoncer. Ainsi, Clifford Brown et ses collaborateurs poursuivent depuis une quinzaine d’années une recherche visant à prouver que différentes productions des anciens Mayas du Mexique et du Guatemala sont des constructions fractales. La recherche a d’abord été conduite en direction des réseaux d’habitat (Brown et Witschey, 2003), puis une méthode semblable a été appliquée à l’analyse d’un vase de céramique polychrome trouvé au Guatemala (Brown et al., 2005) [fig. 6]. Nous allons détailler le cas de ce vase funéraire cylindrique peint d’une scène narrative et figurative qui comprend six figures humaines et plusieurs hiéroglyphes.

Les auteurs précisent qu’il s’agit d’une fractale statistique, dont « on ne peut déchiffrer les règles de la construction » (Brown et al., 2005, p. 54-55). L’analyse s’appuiera donc sur la version 1.3 du programme Benoit publié par TruSoft International Inc. qui opère à partir d’un format bitmap en se fondant sur les pixels blancs. Un dessin du vase effectué par Montgomery, et disponible sur le site de la Foundation for the Advancement of Mesoamerican Studies (http://www.famsi.org), a été converti en bitmap sur Adobe Photoshop, puis analysé par le programme mentionné. Le résultat est tombé sous la forme d’une dimension fractale (D = 1.67) qui a permis aux auteurs de conclure : « Nous pouvons donc assurer qu’au moins quelques exemples d’art maya classique possèdent une structure fractale » (Brown et al., 2005 : 57).

Il est intéressant de savoir que la structure fractale s’applique à plusieurs productions mayas. Mais s’agit-il du même type de fractale que celle mise au jour par Eglash ? Ce dernier auteur a utilisé la simulation sur ordinateur pour rendre compte de la génération de la fractale –un générateur à l’itération 1 puis des itérations successives– de façon à prouver la permanence d’une forme à différentes échelles et, à partir de là, l’idée de la récursivité. Eglash (1999 : 231-234) a ensuite mesuré la dimension fractale dans l’architecture africaine au moyen de certaines techniques, mais cette dimension ne lui sert qu’à étudier de façon plus approfondie une fractale dont il a préalablement fourni les règles de construction. À l’inverse, Brown et al. (2005) estiment impossible de retrouver ces règles de construction [3]. Ils utilisent un logiciel fondé sur l’IFS (Iterated Function Systems ou Systèmes par itération) [4]. Issu d’une publication de Michael Barnsley (1988) au titre significatif (« Des fractales partout »), il s’agit en fait d’un procédé tellement puissant d’analyse de fractales qu’il en a été tiré un procédé de compression des images qu’on nomme « compression fractale » (Bonhomme, 2008). On comprend dès lors que Brown et al. (2005 : 54-55) ne puissent retrouver l’initiateur ni le générateur, ni figurer la formule qui comprend des milliers d’itérations incluant des changements de formes : les Mayas non plus ne l’auraient pas pu. La « fractale » mise au jour dans le cas du vase maya n’est pas du même type que celles étudiées par Eglash car elle ne peut avoir été élaborée de façon consciente et intentionnelle. Or, je pense que seules les fractales intentionnelles ou liées d’une certaine manière à l’organisation sociale peuvent permettre à un anthropologue de mettre ce procédé en rapport avec des formes culturelles, telles que l’habitat (dans le cas du village Ba-ila de Sud Zambie, fig. 3 et 4) et divers symbolismes (comme dans le cas de la couverture Fulani au Mali, fig. 5). La méthode utilisée par Brown et ses collègues ne prouve donc rien puisqu’elle permet de calculer la dimension fractale de pratiquement n’importe quelle image.

Quels critères utiliser pour déterminer la présence d’une forme fractale ?

À première vue, il peut paraître simple de repérer un motif et sa réplique à une échelle inférieure et d’en déduire la présence d’une fractale. Mais, dans les faits, se pose la question de différencier un système fini d’un système qui ne l’est pas et tend, au moins théoriquement, vers l’infini.

La Mésoamérique peut fournir un exemple de ces problèmes d’identification. Comme l’a bien vu Eglash dans un chapitre bref mais d’un grand intérêt (1999 : 40-43), cette aire culturelle se caractérise en architecture par le recours à deux formes euclidiennes, le cercle et le quadrilatère. Vues par dessus, les pyramides sont des carrés concentriques constitués de grands carrés qui en englobent des petits ; mais il ne s’agit pas d’une structure fractale parce que le nombre des carrés est fini et la distance entre les lignes, constante [5].

En tant que spécialiste du monde indien mexicain, j’ai eu l’occasion de me pencher sur le « cosmogramme » mésoaméricain (Dehouve, 2011 : 77s). Il s’agit d’une forme euclidienne (un quadrilatère ou un cercle), fermée sur elle-même car elle représente un monde borné par les mouvements répétitifs du soleil. Cette forme est, en effet, issue de la contemplation du « calendrier d’horizon ». Pour un observateur qui assiste toute l’année au lever du soleil sur l’horizon oriental, celui-ci varie entre les deux extrémités atteintes lors des solstices. Les quatre points solsticiels, deux à l’est (lever du soleil) et deux à l’ouest (coucher du soleil), dessinent un quadrilatère dont l’observateur constitue à la fois le centre et le cinquième point. Par-delà cette expérience primordiale, le cosmogramme a été utilisé en Mésoamérique comme une « forme symbolique » qui permet de représenter n’importe quelle durée, depuis le cycle calendaire des 260 jours, le cycle de 52 ans, jusqu’aux grandes ères que constituent les « cinq soleils ». Ainsi, une représentation précolombienne (fig. 7) enferme dans un carré le calendrier divinatoire de 260 jours issu de la combinaison entre 20 signes et 13 nombres, dont les jours se répartissent entre quatre trapèzes et quatre figures oblongues. En outre, les cercles qui occupent l’emplacement normalement réservé aux points solsticiels (aux quatre coins) représentent les quatre signes divinatoires susceptibles de débuter une année et, donc, quatre années successives. Cette forme symbolique, ici mise à profit pour exprimer différentes sortes de durées, est inlassablement répétée dans l’habitat, l’organisation sociale, les rituels et les mythes.

Le cosmogramme peut être représenté comme un quadrilatère, un cercle ou un composé de ces deux formes (un « cercle à quatre côtés ») ; il peut comprendre seulement les quatre points extérieurs, ou cinq points en incluant le centre. Dans ce dernier cas, sa figuration inclut souvent un point central de grande taille, et quatre points extérieurs de dimension réduite. On peut prendre en exemple un « cosmogramme social » : la représentation de la royauté aztèque par un diagramme figurant un roi principal, situé au centre, et quatre rois plus petits situés aux coins du quadrilatère (fig. 8).

Une observation rapide pourrait conduire à appliquer à cette figure un procédé d’identification de la fractale : un même motif (le roi) ; au centre le générateur (première itération), sur les côtés le même motif répété en dimension réduite (deuxième itération). Ce serait donc une fractale par « auto-référence » [6] à deux itérations. Une telle identification serait erronée, car c’est la représentation du cosmogramme et son processus de construction qui conduisent à accorder une place prééminente au centre et y placer un motif plus grand que sur les côtés. La forme obtenue, le cosmogramme, est finie et symbole de complétude : c’est l’idée qu’elle transmet à chaque fois qu’elle est utilisée pour représenter une notion sur le modèle du monde délimité par le va-et-vient du soleil entre les quatre points solsticiels. Dans ce cas précis, c’est la royauté aztèque qui est conçue comme aussi finie et complète que le cosmos lui-même.

Cependant, j’ai utilisé le terme de fractale (Dehouve, 2011 : 257) pour qualifier certains épisodes, rares et non figurés en images, dans lesquels les quatre coins du cosmogramme sont chacun répliqués quatre fois. On trouve cette image dans certains mythes aztèques qui font état de la subdivision d’une entité divine en quatre entités diversement colorées, qui chacune se subdivise à son tour en quatre entités colorées. J’ai également décrit un rituel d’encensement aux quatre directions du monde qui figure le quadrilatère cosmique au moyen des gestes d’élévation de l’encensoir. Or, ce rituel d’encensement peut comporter quatre élévations de fumée d’encens (au lieu d’une) dans chacune des directions. Comment analyser ces duplications limitées des points du cosmogramme ? Aux dires des acteurs rituels actuels, si le cosmogramme représente un symbole fini et fermé de complétude, la répétition de quatre fois quatre points évoque la richesse de l’univers et cherche à renforcer l’efficacité du geste rituel. Peut-être ces itérations limitées amorçaient-elles un mouvement vers l’infini signifiant que le monde, défini par sa complétude et sa richesse, était dépourvu de limites géographiques et temporelles ?

En Mésoamérique, la duplication de structures géométriques concerne des formes finies. Tout être au monde est bâti selon le même modèle constitué des quatre éléments dont on a parlé, mais aussi du principe duel fondé sur la division sexuelle qui permet la reproduction et la fertilité (Dehouve, 2011 : 257). La répétition d’une forme concerne donc soit le cosmogramme, soit le couple. Si l’on peut dans ces situations employer le terme de fractales, celles-ci sont en tout cas culturellement différentes des fractales africaines, dont l’éventail est largement ouvert et les significations potentielles innombrables. Cet exemple de difficulté concrète que peut rencontrer l’anthropologue débouche sur la question suivante.

Est-il possible de dire qu’une société a ou n’a pas la fractale ?

La question de savoir s’il est possible de dire qu’une société a ou n’a pas la fractale a été posée par Eglash (1999 : 39-40) qui soutient la thèse que la fractale représente une forme géométrique omniprésente en Afrique, au contraire d’autres régions du monde dont elle peut même être absente. Ainsi, dit-il, en Amérique indienne, les formes euclidiennes prédominent chez les Indiens pueblos et mésoaméricains. Seul l’art des Indiens du Nord-Ouest (Haida, Kwakiutl, Tlingit) possède « la sorte d’auto-similarité globale et non linéaire nécessaire pour être qualifié de fractal et montre une échelle récursive qui se poursuit jusqu’à trois ou quatre itérations […] L’art du Nord-Ouest Pacifique semble avoir développé sa structure en échelle comme résultat de la compétition entre artisans conduisant à l’élaboration de sculptures de plus en plus élaborées » (Eglash, 1999 : 44-45) [7].

Une autre façon de voir la fractale comme une forme culturelle est due à Descola (2010) qui considère que, dans les arts plastiques, la répétition métonymique d’une image à différents niveaux d’enchâssement caractérise une certaine « ontologie » –l’ontologie étant définie comme une manière d’identifier les « entités du monde ». Parmi les quatre ontologies distinguées par l’anthropologue, l’analogisme serait une ontologie de l’atomisation et de la recomposition présente en Europe de l’Antiquité à la Renaissance, en Afrique de l’Ouest et dans les communautés indiennes des Andes et du Mexique. La fractale fournirait à cette ontologie un moyen, parmi d’autres, d’établir des correspondances entre les « existants », soit en attirant l’attention sur la structure qui organise l’ensemble, soit en mettant en évidence des réseaux de relations représentables (Descola, 2010 : 182). En revanche, l’ontologie animiste, à l’œuvre parmi les Indiens d’Amazonie et du nord de l’Amérique du Nord, les peuples de l’aire arctique et de la Sibérie, en Asie du Sud-est et en Mélanésie, se définirait par l’attribution « d’une intentionnalité et des affects analogues à ceux des humains » à une multitude d’êtres couverts d’un habit végétal ou animal (Descola, 2010 : 23). Les sociétés animistes seraient dépourvues de fractales. Or, comme on vient de le voir, les Kwakiutl de Colombie-Britannique, qui font selon Descola (2010 : 26) partie des mondes animistes, présentent, à en croire Eglash (ci-dessus), des compositions fractales remarquables. Ces contradictions montrent que l’attribution de la forme fractale à une certaine ontologie n’est actuellement pas démontrée.

C’est une véritable question anthropologique qui est posée par ces chercheurs : celle de savoir si une forme géométrique connaît ou non le même type de développement dans toutes les populations. À titre de comparaison, on peut dire que, si les mêmes procédés arithmétiques comme les quatre opérations se retrouvent chez la plupart des peuples du monde, ce n’est pas nécessairement dans la même mesure. Ainsi, on a fait remarquer que les Mayas sont parvenus à effectuer des calculs astronomiques d’envergure sans avoir laissé de traces de l’utilisation des fractions ni des divisions. De même, il serait logique de considérer que certaines populations ont pu avoir recours de façon privilégiée à certaines formes géométriques.

Il semble cependant que, pour l’instant, on ne dispose pas de recherches conduites de façon suffisamment systématique pour permettre de statuer sur la distribution culturelle de la fractale. En premier lieu, il faudrait pour cela être beaucoup plus précis sur les méthodes et les critères conduisant à l’identification des fractales, comme on l’a vu plus haut. Il serait également nécessaire de disposer de recherches portant systématiquement sur un ensemble de formes géométriques dans l’habitat et les formes plastiques, dans des aires culturelles définies, à l’exemple du travail conduit par Eglash en Afrique. Ce travail pourrait déboucher sur des interrogations encore inédites.

La fractale par analogie

Poursuivant notre recension des usages de la notion de fractale en anthropologie, nous allons maintenant aborder la « fractale par analogie ». Par définition, la fractale est une géométrie, c’est-à-dire une forme dans l’espace. Or, certains anthropologues utilisent le terme de fractale pour désigner une idée, une notion ou une représentation, répliquée à plusieurs échelles. Cette forme idéelle ne s’exprime pas sous une forme matérielle ni géométrique, c’est une image mentale qui est comme une fractale. Il s’agit donc au sens strict d’une analogie ou d’une métaphore.

Cependant une ambiguïté fondamentale traverse ce type d’approche. Certains anthropologues ont recours à l’analogie de la fractale pour mieux rendre compte de la réalité étudiée. Mais d’autres — et parfois les mêmes — pensent découvrir une structure sous-jacente, un mécanisme de fonctionnement social et intellectuel. L’histoire de la « fractale par analogie », c’est-à-dire celle qui ne répond pas à la définition mathématique du terme, est marquée par cette équivoque : s’agit-il d’une métaphore ou bien d’un mécanisme présent dans la société considérée ?

1. La personne fractale

À en croire Marilyn Strathern, les départements d’anthropologie du Royaume-Uni furent très impressionnés par la parution du livre de James Gleick (Chaos. Making a New Science) en 1988 : « Les graphiques en fractal qui étaient restés pendant des années la chasse gardée de la science de la théorie du chaos acquirent soudain une perméabilité culturelle » (Strathern, 2004 : xx). Trois ans plus tard paraissait l’article du Nord-américain Roy Wagner sur la personne fractale en Mélanésie, qui introduisait la notion dans l’anthropologie de cette aire culturelle.

Au départ, ce que recherche Wagner est une façon d’exprimer la vision mélanésienne de la personne sans faire intervenir les conceptions européennes qui sont, dit-il, très différentes. Les anthropologues sont porteurs du paradigme du groupe social et de la variabilité individuelle, et opposent l’un à l’autre : pour eux, il y a un mécanisme social et un individu qui y résiste. À l’inverse, les Mélanésiens ne font pas la différence entre la partie et le tout. Un homme est l’expression de sa généalogie, de son groupe, de ses réseaux sociaux. Une personne est « une entité avec des relations sociales intégrées de façon constitutive » (Wagner, 1991 : 163). Elle n’est ni une ni plusieurs : chacune est une totalité dont l’existence renvoie au groupe, à tous ses ancêtres et à sa future descendance. Pour rendre compte de ce concept autochtone, Wagner propose deux termes : la fractalité et l’holographie.

Ces deux termes lui fournissent les métaphores qu’il recherche pour exprimer la spécificité de la représentation de la personne en Mélanésie et, dans ce but, il les utilise comme synonymes. Il faut cependant remarquer que la fractale et l’holographie n’ont rien de commun. La première est un concept mathématique, la seconde est un procédé technique de photographie en trois dimensions. L’holographie, du grec « tout représenter », est un procédé d’enregistrement de la phase et de l’amplitude de l’onde diffractée par un objet, qui permet de restituer une image en trois dimensions de l’objet, l’hologramme. Cette technique présente une caractéristique : chaque morceau de l’hologramme peut restituer la même image que l’hologramme entier vu sous un certain angle (Wikipédia, article « holographie » http://fr.wikipedia.org/wiki/Holographie). On peut supposer que c’est cet aspect qui a particulièrement intéressé Wagner [8]. Pour rendre compte des « formes généralisantes de concept et de personne qui ne sont ni au singulier ni au pluriel », l’anthropologue assimile les deux notions : « Ceci impliquerait la dimensionnalité fractale de Benoît Mandelbrot, peut-être le cas général de l’holographie comme “dimension fractionnelle” ou “reste” dimensionnel qui réplique sa figure comme partie de la fabrique du champ, à travers tous les changements d’échelle » (Wagner, 1991 : 166) [9]. Et l’ethnologue de conclure : « Si l’holographie a un sens dans cette discussion, ce n’est pas en tant que phénomène ethnographique mais plutôt comme mode d’entendement » (Wagner, 1991 : 170).

Dans la pratique, la proposition de Wagner, qui tendait à l’origine à souligner le caractère holiste des sociétés mélanésiennes, va se transformer en une grille de lecture des phénomènes sociaux que l’on peut résumer de la façon suivante : l’ethnologue isole un « motif » — ce peut être un terme linguistique ou une métaphore — qui se retrouve tel quel à différentes échelles — individu, groupe, famille, ou encore habitat, cosmos ou autre — et le qualifie de fractale et d’holographie. Ce qui était simple analogie acquiert peu à peu le statut de forme de pensée. Cette méthodologie peut être porteuse de graves erreurs, comme on va le voir.

Un article de Mark Mosko (1995) reprend des données provenant des îles Trobriand jadis étudiées par Malinowski. Mosko avance que les chefs trobriandais sont vus comme des « pères » métaphoriques. « L’agentivité (agency) des leaders et des chefs dans les îles Trobriand est analogue au nourrissement et […] aux actions des pères dans la procréation, dans les soins aux enfants, l’approvisionnement en nourriture, l’échange des ignames, la pratique de la magie et le traitement de la mort » (Mosko, 1995 : 479). Pour lui, la distinction entre les pères, les leaders de hameau et les chefs est donc principalement une question d’échelle, ce qui le conduit à penser qu’il n’y a aucune différence fondamentale entre la société trobriandaise, qui a des chefs, et d’autres sociétés Massim, qui n’en ont pas. Comme on le voit, Mosko choisit un « motif » (la paternité) qui serait répliqué à diverses échelles (famille, hameau, chefferie) constituant une fractale.

Or, il est faux de voir une fractale (c’est-à-dire la duplication du même motif) dans une métaphore (qui n’exprime pas une identité mais une analogie). Les Trobriandais donnent de la paternité une certaine définition, mais lorsqu’ils appliquent celle-ci à la chefferie, ils utilisent un procédé de type métaphorique : le père est un père, mais le chef est comme un père. Mosko établit donc une équivalence erronée entre une chose, sa désignation et l’extension métaphorique du terme. Son analyse avait donné lieu, de la part de l’un des collègues de Mosko, Per Hage (1998), à une critique à laquelle je souscris entièrement ; la métaphore de la paternité serait largement présente en Micronésie où elle servirait à conceptualiser des aspects et des niveaux très divers de la stratification sociale. Mais, dit Hage (1998 : 788), « les sociétés de Micronésie, à l’inverse des côtes de Bretagne ou du système vasculaire, ne sont auto-similaires en aucun sens ».

Pourtant, une remarque de Mosko en réponse à Hage laisse entendre que son utilisation de la fractale est de toute autre nature : « La notion fractale d’auto-similarité ou self-scaling est dérivée de la théorie du chaos (ou de la complexité) qui a été développée dans un large éventail de sciences » (Mosko, 1998 :791). Elle trouverait donc sa justification en elle-même. Cette idée va conduire à un ultime développement dont nous allons maintenant dire quelques mots.

2. Fractales et chaos en anthropologie

Dans l’introduction d’un recueil dont il est l’éditeur en compagnie de Frederick Damon, Mosko (2005) développe ce qu’il pense être une théorie ambitieuse. Il s’agit de considérer les sociétés humaines comme des systèmes complexes analogues à ceux qui sont étudiés par les sciences physiques. De même que la théorie du chaos a dépassé le système newtonien et révolutionné les sciences physiques, la « science du chaos en anthropologie » va définitivement reléguer dans le passé le marxisme, le fonctionnalisme, le structuralisme et le post-modernisme. Il deviendra ainsi évident que « avec l’arrivée de la théorie du chaos dans la théorie en anthropologie sociale, on offre à l’analyste la possibilité d’essayer d’expliquer les similarités inter-culturelles observées comme des conséquences de la caractéristique de non-linéarité inhérente aux systèmes complexes, plutôt que de spéculer sur des qualités telles que l’unité psychique de l’humanité ou les structures profondes de l’Esprit Humain » (Mosko, 2005 : 17).

Dans ce but, Mosko considérera la fractale comme l’une des caractéristiques des systèmes complexes, aux côtés de la dépendance sensible aux conditions initiales, des relations instables entre les variables, des transformations non-linéaires et des constantes numériques [10]. De fait, l’identification d’une fractale en anthropologie aura surtout pour intérêt de prouver l’existence d’un système complexe : « Pour l’anthropologie et les autres sciences sociales, l’implication est que, quand des relations d’auto-similarité fractale peuvent être identifiées, même si c’est d’abord seulement de façon intuitive, il y a des raisons de suspecter la présence d’une non-linéarité dynamique » (Mosko, 2005 : 25).

Mosko débute pourtant son passage sur les fractales par une définition qui reste toujours aussi imprécise : « la géométrie fractale ou holographie […] est beaucoup plus large et puissante théoriquement que les images visuelles éblouissantes […] de l’ensemble de Mandelbrot » (Mosko, 2005 : 24). Malgré des prétentions théoriques de plus en plus ambitieuses, la synonymie initiale entre fractale et holographie est intégralement conservée.

L’auteur se met ensuite en demeure de montrer que toutes les théories anthropologiques « préchaotiques » ont, sans le savoir, découvert des manifestations d’auto-similarité. Ainsi, la théorie fonctionnaliste concevait le fonctionnement de la société à l’image du corps humain. Mais elle utilisait cette comparaison comme une analogie, alors qu’il s’agirait d’une homologie fractale : une réplique auto-similaire entre la société et le corps humain. Lorsque Durkheim voyait un rapport entre l’espèce totémique et la collectivité totémique, il ignorait qu’il découvrait une autre fractale. Mosko passe ainsi en revue tous les auteurs connus — Hubert et Mauss, Hertz, Evans-Pritchard, Lévi-Strauss — et même Marx. La théorie marxiste de l’« aliénation » aurait découvert une fractale dans le fait que les hommes acquièrent les caractéristiques des choses qu’ils ont produites, tandis que, dans le « fétichisme », les choses acquièrent les attributs mystifiés des relations interpersonnelles (Mosko, 2005 : 27).

Parvenu à ce stade, le lecteur se demande comment il se fait que tous ces auteurs aient découvert la fractale sans le savoir. La réponse tombe bientôt : « Les notions mêmes de “symbole” et “signe”, “représentation”, “métonymie” et “métaphore” […] peuvent être vues comme consistant en une auto-similarité fractale » (Mosko, 2005 : 28). En somme, Mosko a redécouvert la notion de symbole et l’a baptisée « fractale ». Mais c’est au mépris de ce que des siècles de réflexion nous ont appris, à savoir qu’un signe, un symbole ou une métaphore ne constitue pas la réplique à l’identique de la chose qu’il désigne. À ce stade, le propos de Mosko est aussi éloigné des définitions mathématiques initiales et de leur application dans les sciences dures, que de la totalité de la tradition anthropologique, sociologique et linguistique.

3. La répétition culturelle d’un même motif symbolique

Malgré leur caractère caricatural, les propositions de Mosko ont été reprises par certains ethnologues et, de façon plus générale, il se développe dans la discipline une tendance à qualifier de fractale la répétition d’un même « motif » au sein d’une société donnée. Considérons quelques cas.

Gil Daryn (2006) applique cette notion à l’analyse du village de Thamghar dans le Népal central. Selon lui, l’image mentale abstraite de « l’englobement matrimonial » (matrimonial encompassment) constitue une fractale qui domine la vie de cette communauté hindoue de haute caste. On la retrouve, en effet, dans la vie domestique, dans l’arène où se déroulent les rites de vie, ainsi que dans la conception du cosmos et du cycle agricole. Tout, du plus petit grain de riz à l’union du mari et de la femme et à la structure rituelle, réplique la même image. La notion de fractale se réfère donc ici à une construction symbolique élaborée par les villageois étudiés, que ceux-ci appliquent systématiquement aux aspects fondamentaux de leur vie sociale. Cette découverte est-elle entièrement nouvelle ? On pourrait plutôt dire que c’est le qualificatif de fractal qui l’est. En Mésoamérique, où le rôle central du cosmogramme a été reconnu depuis longtemps (voir ci-dessus), les chercheurs utilisaient le terme de « réplique », ou de « forme symbolique » à la suite d’Erwin Panofsky (1976). L’existence structurante de telles constructions mentales avait déjà fait l’objet de constatations.

Quentin Gausset (2010) a, pour sa part, recouru à la fractale pour donner une cohérence à sa monographie sur les Kwanja du Cameroun. La diversité culturelle de cette population de 10 000 habitants, jointe à la difficulté de trouver une homogénéité aux groupes sociaux et à leurs rituels, l’ont mené à la fractale. Il a trouvé dans cette notion une façon d’affirmer que les structures sous-jacentes « aux rituels, aux terminologies de parenté, à l’histoire, la sorcellerie ou l’identité collective […] s’appliquent souvent à des niveaux variés […] Que l’on parle de conflit, d’alliances, de malheurs, de rituels, d’échanges ou d’identités collectives, l’apparente complexité trouvée aux niveaux supérieurs étant, en dernière analyse, qualitativement semblable à ce qui se passe aux niveaux les plus bas de l’interaction sociale » (Gausset, 2010 : 267-298). Là encore, il est question de « répliques » ; cependant, celles-ci ne se réfèrent plus à des conceptions emic comme dans l’exemple précédent, mais à des analyses élaborées par l’ethnologue. Gausset se situe dans la lignée de l’anthropologie culturelle qui, jadis, définissait un groupe humain par l’existence en son sein de « traits culturels » : il ajoute que ces traits se répliquent à différents niveaux de l’organisation sociale. C’est certain, car on sait depuis longtemps qu’une culture donnée se caractérise par des principes qui lui sont propres.

Ce qui pose problème est le recours à la notion de fractale pour englober des cas de figure aussi différents. La définition de la fractale par ces auteurs joue sur deux termes — le « motif » et l’« échelle » — qui ne répondent pas à des définitions précises. Le « motif » peut être constitué par une forme symbolique, ou par n’importe quel trait culturel. L’échelle renvoie, pour certains, à des niveaux d’organisation politico-territoriale (comme le hameau et le village) et, pour d’autres, à des domaines de la vie sociale (comme la parenté, le politique ou le rituel). Il faut enfin remarquer que si, il y a vingt ans, les anthropologues utilisaient le terme de fractale comme une métaphore, beaucoup d’entre eux sont aujourd’hui convaincus d’avoir découvert un véritable mécanisme de fonctionnement qui s’applique aux sociétés humaines aussi bien qu’aux formes naturelles. Le risque existe alors de voir la fractale remplacer, par son apparente simplicité, les questionnements anthropologiques sur les fondements du lien social qu’il faudrait plutôt continuer à rechercher dans le pouvoir, la hiérarchie ou l’échange.

Conclusion

Au terme de ce parcours, il apparaît que, bien que l’utilisation de la notion de fractale en anthropologie soit encore très restreinte, elle a déjà donné lieu à une grande variété de théorisations. En ce qui concerne celles-ci, c’est-à-dire les motivations de la recherche de formes fractales dans les sociétés étudiées — et les raisons pour lesquelles il y en aurait —, nous avons rencontré tour à tour les propositions suivantes :

  • les fractales seraient un procédé géométrique développé par certaines cultures (Eglash ; c’est dans cette catégorie que je me positionne personnellement) ;
  • les fractales seraient un procédé associé à une certaine ontologie (Descola) ;
  • les fractales fourniraient une analogie permettant d’exprimer des représentations issues de sociétés non européennes ou une forme d’entendement de ces sociétés (Wagner) ;
  • les fractales constitueraient une caractéristique des sociétés humaines vues comme des systèmes complexes (Mosko).
  • les fractales seraient constituées par la répétition de certains motifs à différentes échelles, phénomène qui se produit dans toute société (Daryn, Gausset).

Bien que cette revue bibliographique ne soit certainement pas exhaustive, je pense néanmoins qu’elle permet de mettre en évidence la plupart des approches existantes. Je distingue pour ma part deux modes d’utilisation de la fractale.

D’un côté, la recherche de fractales dans les productions géométriques sociales me semble appelée à devenir un thème classique en ethnomathématiques : il serait pour cela nécessaire de poursuivre la réflexion sur les procédés et les critères d’identification des formes fractales, et de développer des approches systématiques dans certaines aires culturelles.

D’un autre côté, la « fractale par analogie » renvoie à une toute autre sorte de problématique qui concerne l’usage des catégories d’analyse en anthropologie générale. Dans notre discipline, la capacité d’observation ethnologique et la rigueur du raisonnement sont étroitement dépendantes de ces catégories. D’origines diverses, certaines sont issues du vocabulaire indo-européen (comme le « sacré » provenant du sacer latin) ou non européen (comme totem, tabou, mana, chaman…). La notion de fractale est, pour sa part, empruntée au vocabulaire des sciences dures (comme l’ont été par le passé les théories thermodynamiques), mais ceci ne lui confère aucune garantie d’objectivité scientifique, bien au contraire. En passant dans les sciences humaines pour désigner des formes idéelles, elle a perdu de fait la définition mathématique précise qui était la sienne et n’a pas gagné de définition anthropologique claire, si bien que son usage est porteur d’ambiguïtés et de dérives.

add_to_photos Notes

[1Mes remerciements vont aux auditeurs de mon séminaire de l’École Pratique des Hautes Études, section des sciences religieuses, « Religions en Mésoamérique », ainsi qu’à Carmen González, physicienne, ancienne chercheuse à France Telecom, pour la part qu’ils ont prise dans la réflexion et la rédaction de cet article. Je remercie également Olivier Keller et les lecteurs anonymes ; les erreurs éventuelles sont, bien entendu, de mon seul fait.

[2Sachant que le segment initial a été divisé en 4 sous-segments (N = 4) à une dilatation d’échelle de 3, la dimension fractale de la courbe de Koch est la suivante : D = ( Log N ) / ( Log 1/L) ; D = Log 4 / Log 3 ; D ( 1.26 (d’après Eglash, 1999). D est donc strictement supérieur à la dimension topologique qui est de 1.

[3« Si un objet possède une structure fractale idéale et parfaite, on peut en déchiffrer les règles de construction (initiateur et générateur) et même figurer sa formule de construction (c’est-à-dire la translation, la rotation et les changements d’échelle […] Mais, si la fractale est ‘statistique’ plutôt qu’idéale et que parfaitement géométrique, on peut alors mesurer sa dimension fractale, qui indique les changements d’échelle dans le dessin » (Brown et al. 2005 : 55).

[4« La structure d’une fractale IFS est décrite par un ensemble de fonctions affines (transformations ou règles) calculant les transformations appliquées à chaque point par homothétie, translation et rotation. Une probabilité est associée à chaque transformation. Ces transformations se réduisent à des combinaisons de rotations, aplatissements selon l’axe horizontal ou vertical, cisaillements verticaux ou horizontaux. On exige seulement que la transformation soit une contraction, c’est-à-dire que la distance entre deux points diminue (du moins n’augmente pas) au cours de la transformation » (Bonhomme, 2008 : 12).

[5C’est ce qui différencie une spirale linéaire d’Archimède dotée d’une distance constante entre chaque révolution et une spirale logarithmique dont la distance croît entre chaque révolution ; dans ce dernier cas, un nombre infini de tours tient dans un espace fini : c’est une fractale (Eglash, 1999 : 77).

[6Eglash (1999 : 109-111) distingue plusieurs types de récursivité. Nous avons vu plus haut la récursivité par itération, à l’œuvre dans la courbe de Koch : « il n’y a qu’un processus de transformation, mais chaque fois le processus crée un output, et utilise ce résultat comme input pour l’itération suivante » (Eglash, 1999 : 110). La récursivité par « auto-référence » constitue un autre type dans lequel c’est le même motif qui est répliqué à plus petite échelle comme dans la peinture en abyme. Dans le dénombrement des itérations de la fig. 8, je reprends le mode de calcul d’Eglash pour qui le générateur constitue la première itération.

[7Cette hypothèse est intéressante car elle suggère que la recherche de la complexité conduit au développement de l’auto-similarité. Si elle se confirmait, cela prouverait que l’invention de formes dupliquées peut avoir des causes très diverses (que l’on songe à la différence entre le foisonnement des formes de la côte Pacifique et la duplication des formes finies mésoaméricaines).

[8Wagner lui-même ne fournit aucune définition précise de ces termes que l’on trouvera plus clairement chez Gell (1998 : 139 et 166). Celui-ci reprend les notions provenant de Wagner : il qualifie de fractale une idole provenant de Polynésie en raison de la théorie de la personne mélanésienne établie par Wagner, puis recourt à la notion d’hologramme, en la définissant, pour se référer au corpus artistique des îles Marquises. L’hologramme est clairement utilisé par Gell de façon analogique pour parler de style.

[9Contrairement à ce que suggère cette citation, le procédé de l’holographie n’implique pas de changements d’échelle.

[10Cette énumération peut surprendre, surtout la mention des constantes numériques, mais je me contenterai de parler de la fractale.

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Pour citer cet article :

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Ethnologie et mathématiques [en ligne].
(https://www.ethnographiques.org/2014/Dehouve - consulté le 19.03.2024)
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