Introduction
Historiquement, la philanthropie s’est construite contre la charité [1]. A la charité qui représente le souci de venir en aide aux plus malheureux en leur accordant tantôt un toit, un bol de soupe ou du réconfort, les philanthropes se sont construits comme groupe sur un programme différent : l’usage de la raison et de la science pour répondre aux causes mêmes de ces malheurs, l’objectif n’étant plus tant d’aider les personnes dans le besoin que de résoudre les problèmes sociaux à l’origine de ces besoins. La philanthropie s’est ainsi développée sur un projet fort : par le progrès de la connaissance, éliminer les problèmes qui touchent des groupes sociaux particuliers. Contestant le monopole de l’Etat sur l’action publique et revendiquant leur propre légitimité à agir dans le domaine de l’action sociale (Lambelet 2014a), les philanthropes ont ainsi appelé à des investissements massifs dans l’éducation, la science et la technologie (Cohen 2003 ; Adam 2004 ; Roelofs 2005) ; ils ont conçu ce qu’ils appelaient, comme Lee J. Vance après Alfred Fouillée, une « philanthropie scientifique » (Vance 1884 ; Bremner 1956). Un siècle plus tard, le terme de « philanthropie scientifique » n’existe plus ou n’est plus en usage. Aujourd’hui, c’est l’expression d’une philanthropie « stratégique », qui est d’usage, à savoir « une action à travers laquelle les philanthropes ou les fondations s’engagent en faveur d’objectifs clairs, sur la base de stratégies pilotées par des données, où leur responsabilité est engagée, et qui donne lieu à des évaluations rigoureuses, autant de principes qui doivent augmenter les chances de succès » (Kania, Kramer et Russel 2014).
Cette orientation « scientifique » puis « stratégique » a connu différents renforcements, que ce soit dans les années 1980 avec l’arrivée dans les fondations de détenteurs de Master in Business Administration (MBA) et promoteurs des sciences du management (Hwang et Powell 2009 ; Hall 2003 : 363 ; Kallergis et Lambelet 2014) [2], mais également, au tournant des années 2000 et en Europe, avec la création des associations de fondations (comme l’European Foundation Center, SwissFoundations, le Centre français des fonds et des fondations, ou l’European Venture Philanthropy Association) [3] qui promeuvent l’ « impact », la « bonne gouvernance » et la transparence » dans le secteur philanthropique [4].
Cet article — à partir d’une étude de cas, à savoir le soutien apporté par la Fondation Leenaards au projet « Quartiers solidaires » (projet qui vise à créer, à développer et à entretenir les liens sociaux pour améliorer la qualité de vie et l’intégration des aînés dans un village ou un quartier) et à l’association qui le porte, à savoir Pro Senectute Vaud — veut interroger les dynamiques de mise en œuvre d’un discours de « philanthropie stratégique » par des fondations. Il prend en compte les enjeux propres des fondations quant aux choix et aux formes de soutien et de suivi quelles mobilisent en faveur des projets pour lesquels elles s’engagent. Il questionne le positionnement des employés et des membres des conseils de fondations au regard de l’émulation ou de la concurrence qu’il peut y avoir avec d’autres fondations. Il souligne également les liens entre le travail mené et les discours portés par les promoteurs de la philanthropie que sont les associations de fondations. En même temps, il montre combien cette revendication d’une « philanthropie stratégique » ne s’inscrit pas toujours dans un mouvement linéaire et n’est pas univoque, mais qu’elle est le produit d’opportunités, de craintes autant que de choix (Millesen, Martin 2014). Ainsi, partant de cette étude de cas et en l’insérant dans les débats et enjeux relatifs au champ [5] de la philanthropie contemporaine, cet article met au jour les logiques d’action propres à ce secteur et donne à voir les pratiques concrètes de ces acteurs. Autant d’éléments qui sont les grands absents de la littérature. On verra alors les enjeux, pour une telle fondation (c’est-à-dire ses employés et les membres de son Conseil de fondation), liés au soutien à un tel projet. Si, pour reprendre l’expression de Joan Roelofs (2005 : 69), les fondations ne sont plus des « suggar daddies » [6], elles ne sont pas plus des « strategic monsters ». Et leurs pratiques ne trouvent leurs pleines significations qu’insérées dans des dynamiques de structuration du champ philanthropique.
Travailler sur la mise en œuvre d’un projet singulier par une fondation philanthropique comporte également un deuxième intérêt. A en croire la littérature, la pratique philanthropique doit être considérée comme la forme emblématique du don gratuit et sans retour, « une action volontaire en faveur du bien public » (Payton et Moody 2008 : 6). Elle est dès lors étudiée le plus souvent à l’aide des outils de l’anthropologie du don et les philanthropes, entendus comme donateurs, sont alors inlassablement interrogés — quand ils ne publicisent pas eux-mêmes leurs « bonnes raisons » de donner [7]. Ces travaux, s’ils peuvent prendre à l’occasion la forme d’hagiographies (Seghers 2009 ; Acs 2013), peuvent également être critiques montrant l’aspect peu désintéressé de tels dons (Abélès 2002 ; Chelle 2013). Mais c’est d’abord la figure du donateur ou les registres du don dans les sociétés occidentales contemporaines qui sont interrogés. Pourtant la philanthropie et la pratique philanthropique ne peuvent se résumer à un acte de don individuel, à sa seule dimension altruiste. Au contraire, prenant le plus souvent la forme de fondations, ces structures sont constituées sur un capital, elles survivent à leurs donateurs et sont dirigées par des professionnels qui ont pour tâche de conduire, au jour le jour, leur action. Et si « faire le bien », « améliorer le sort d’autrui », « permettre l’expression de jeunes artistes ou la diffusion d’œuvres artistiques » comptent parmi les objectifs de ces professionnels qui ont à cœur et pour rôle de mener à bien la mission confiée à la fondation au moment de sa création, ils ne sont pas les seuls : faire preuve d’ « efficience » est tout autant un but de ces professionnels.
De même, le choix de travailler sur un terrain non états-unien comporte lui aussi un intérêt. Le cas nord-américain étant le plus étudié dans les travaux sur la philanthropie contemporaine, même par les chercheurs francophones (on peut citer par exemple, Financiers, philanthropes. Sociologie de Wall Street de Nicolas Guyot (2006), Les nouveaux riches. Un ethnologue dans la Silicon Valley de Marc Abélès (2002) et surtout, pour des études concrètes de projets, « Un laboratoire urbain. New York sur le policy market de la lutte contre la pauvreté » d’Elisa Chelle (2013) ou « La philanthropie contre la pauvreté urbaine. Etude de cas à Boston » de Nicolas Duvoux (2014)), tous ces travaux participent involontairement de la construction d’une exception américaine (Elisa Chelle insistant sur le rôle pionnier de la ville de New York, quand Nicolas Duvoux « culturalise » l’action de la fondation qu’il étudie, celle-ci étant pour lui l’illustration d’une conception américaine de la pauvreté qui conduit à une valorisation des solutions en termes de community organizing). Ce regard décentré sur un autre contexte social et politique oblige à interroger le degré de réalité de cette spécificité américaine [8].
En terme de matériau, enfin, cette recherche se fonde d’abord sur une double « observation participante » [9], l’une au printemps 2013, comme stagiaire pour trois mois, au sein de SwissFoundations, l’association nationale des fondations donatrices en Suisse, l’autre comme employé, « chargé de dossiers », entre septembre 2013 et février 2014 au sein de la Fondation étudiée, celle-ci étant elle-même membre de SwissFoundations. Pour l’analyse historique du projet, ensuite, cette recherche repose tant sur la lecture des documents propres au projet que sur des entretiens a posteriori (c’est-à-dire sur une première version de cet article) avec la cheffe de projet au sein de la Fondation et avec le porteur actuel du projet au sein de l’association. Enfin, pour la compréhension du contexte général et du développement des associations de fondations, elle repose sur des entretiens menés en Suisse, en France et au niveau européen auprès de cadres de ces associations ainsi que sur l’observation de leurs rassemblements (assemblées générales, conférences annuelles) et sur l’analyse de leurs publications (Lambelet 2014a) [10].
Le projet de la Fondation
La Fondation Leenaards a été créé en 1980 par un couple de retraités qui a fait fortune dans la production industrielle des capsules à couronne ; d’abord dotée d’un capital modeste, elle devient héritière de leur fortune à leur décès, en 1995. Forte dès lors d’un capital d’environ 320 millions de francs suisses (soit environ 240 millions d’euros) [11], elle offre chaque année des soutiens financiers pour un total d’environ 12 millions de francs suisses (ou 8 millions d’euros), répartis en 3 secteurs : la culture, la recherche scientifique biomédicale et le social. L’ensemble de ces fonds sont destinés, suite à une décision du Conseil de fondation, à des projets basés dans les cantons de Vaud et Genève. Les fondateurs n’ayant au moment de leur décès plus de descendant, aucun héritier n’est membre de ce Conseil. Leur mémoire est toutefois présente à travers le nom même de la fondation qui est leur patronyme, leurs volontés telles qu’exprimées dans les statuts, un portrait du donateur peint à l’huile dans les locaux et une photographie du couple dans la salle de conférence de la Fondation.
En termes de personnel, la Fondation fonctionne autour d’une petite équipe de salariés. On compte ainsi, au moment de l’observation : un directeur, une administratrice, une cheffe de projet (pour le domaine social), et un chargé de dossier (l’auteur de ce texte). S’y ajoute quatre commissions d’experts : une par domaine d’activité (culture, scientifique, social) et une pour ce qui concerne la gestion de la fortune ; elles se réunissent chacune environ cinq fois par année. Ce sont les trois commissions thématiques qui préavisent les demandes de soutien reçues et suivent l’avancement des projets [12]. Et le Conseil de fondation — dont les membres sont, sauf le président, membres de l’une ou l’autre commission — s’appuie sur ces quatre commissions d’experts pour prendre ses décisions, ainsi que sur des jurys ad hoc pour attribuer des bourses ou des prix.
Dans le domaine social, la fondation a conduit et conduit de nombreux projets. Elle a soutenu des formations continues dans le domaine de la gérontologie-gériatrie, elle a contribué à la création d’un Centre de la mémoire dans un hôpital universitaire, elle soutient — au moyen de bourses — des étudiantes et des étudiants dans un institut de formation en soins infirmiers, elle lance chaque année un appel à projets de recherches, elle soutient des chaires et plateformes universitaires et répond à différentes sollicitations de financement de projets, par exemple d’animations en institutions pour personnes âgées.
Un projet d’action communautaire
En 2002, la Fondation a lancé un concours d’idée, afin de soutenir l’innovation dans l’amélioration de la qualité de vie des personnes âgées. Un projet d’action communautaire, aujourd’hui appelé « Quartiers solidaires », porté par un collaborateur du service de l’animation au sein de l’association Pro Senectute Vaud, association prédominante dans les dispositifs d’aide aux personnes âgées dans la région (Lambelet 2014b), en est sorti vainqueur. Il vise à permettre aux personnes âgées d’un quartier ou d’un village, soutenues pour un temps par des professionnels du travail social communautaire, de se réunir mais surtout de développer par elles-mêmes des activités afin de favoriser un « mieux vivre ensemble ». Le projet pilote a débuté dans un premier quartier en 2002. Fin 2014, ce sont 17 quartiers dans 13 communes qui sont concernés par ce projet et si les modalités du suivi de ce projet par la Fondation a évolué au cours des années, il occupe aujourd’hui une place toute particulière dans les réflexions menées par cette Fondation sur ses propres pratiques de soutien.
Durant les premières années et au moment de la mise en place du projet pilote, la Fondation a soutenu la plus grande part du coût de ce projet [13], à savoir les salaires d’un chercheur spécialisé dans les approches communautaires et de travailleurs sociaux, ainsi qu’un appui méthodologique. Au démarrage du projet, il s’est agit, en effet, de soutenir les travailleurs sociaux dans le travail communautaire et, simultanément, de leur permettre de valider méthodologiquement leur approche. Ni le métier d’animateur de proximité ni l’Unité de travail communautaire qui rassemble aujourd’hui les employés engagés dans ce projet n’existaient alors au sein de l’association en tant que tels. Ce n’est qu’à la suite du projet pilote, de la reconnaissance pleine et entière par l’association de ce « nouveau » métier et de la création de cette unité que le rôle de la Fondation change et que l’association, dans un premier temps, puis l’Etat (et les communes demandeuses du projet), dans un second temps, ont contribué aux salaires des « nouveaux » animateurs de proximité. La Fondation, elle, s’est alors « concentrée » sur un rôle de soutien stratégique. Elle a d’abord financé un appui méthodologique réalisé par un institut spécialisé dans le travail communautaire simultanément au lancement du projet pilote [14] ; elle a par la suite mis sur pied un « groupe d’accompagnement » (réunissant urbanistes, géographes et professionnels du social) ; elle a financé deux évaluations du projet (une première entre 2007 et 2009 [Koutaissoff, Spencer et Graz 2011], une seconde en 2012-2013 [Ettlin et Ruflin 2013]) ; elle a permis la réalisation — depuis 2010 et annuellement — de journées de coordination et d’auto-formation des professionnels ; elle a cofinancé, également depuis 2010, des « forums » afin de permettre aux personnes investies dans les différents projets de se réunir et d’échanger sur leurs pratiques. En janvier 2014, elle a (co-)financé une nouvelle planification stratégique pour ce projet, dont trois journées « au vert » qui ont rassemblé, en plus d’employés d’un bureau de conseil en philanthropie chargé de conduire les débats, un représentant de l’Etat, deux responsables de l’association porteuse du projet, ainsi que la cheffe de projet et le chargé de dossiers de la Fondation. Depuis cette même année, la Fondation cofinance un journal rédigé par et pour les différentes communautés participant au projet. Dès 2006, le projet bénéficie d’une identité visuelle. En 2013, le nom du projet devient marque déposée auprès de l’Institut fédéral de la propriété intellectuelle et le projet bénéficie d’un site internet spécifique. Il a enfin reçu différents prix : en 2008 celui de la « bonne pratique en matière de développement durable » de l’Office fédéral du développement territorial et en 2011, celui du « Vivre ensemble aujourd’hui et demain » de la société immobilière française ICADE. Et aujourd’hui, suite à des contacts pris tant par le directeur de la Fondation que par le responsable de l’Unité de travail communautaire de l’association, le projet est en voie de duplication dans d’autres cantons, soutenu, là encore, par d’autres fondations.
Ce projet est ainsi co-construit par la Fondation et quelques travailleurs sociaux au sein de l’association. L’association lui donne une pleine place en son sein au terme d’un projet pilote, en 2008, avec la création d’une « unité » dédiée dans son organigramme. L’Etat s’implique, lui également, non seulement par sa participation au comité de pilotage (qui rassemble la Fondation, l’association et l’Etat) dès 2007-2008, mais surtout avec la création d’une ligne budgétaire spécifique en faveur du projet en 2009 qui marque sa reconnaissance comme outil de politique gérontologique. Plus encore, en 2014, dans la continuité de la reconnaissance par l’Etat, ce dernier organise trois forums « Communes et séniors : ensemble en actions » qui sont l’occasion de présenter, entre autres programmes, ce projet communautaire aux communes vaudoises.
Cette rapide énumération des actions entreprises montre l’évolution ou la transformation du rôle de la Fondation dans ce projet, de même que l’accroissement de la part du soutien public dans sa réalisation. Ainsi, la Fondation se retire du financement de l’opérationnel (repris d’abord par l’association elle-même avec l’aide d’autres bailleurs de fonds, puis progressivement par l’association, l’Etat et les communes sollicitant le projet). La Fondation cible son soutien sur les aspects méthodologiques. Dès lors, si sur les dix premières années, la Fondation a investi près d’1,8 millions de francs suisses (ou 1,25 millions d’euros), plus des deux tiers l’ont été entre 2002 et 2008.
Un modèle de philanthropie « stratégique » ?
A lire l’ensemble des documents publiés par l’association, l’objectif est clair : « la finalité de ce projet est de faciliter l’intégration des personnes âgées au sein de leur quartier afin d’améliorer leur qualité de vie. S’appuyant sur les principes d’ouverture et de respect, la méthodologie ne propose pas de solution préconçue aux problèmes et défis du vivre ensemble. Au contraire, elle a pour objet de guider un accompagnement de terrain qui favorise l’émergence de communautés capables de formuler et mettre en place elles-mêmes leurs propres solutions ». En même temps, limiter une compréhension de ce projet au seul objectif en lien avec les personnes âgées ne permet pas de comprendre l’investissement spécial (en termes de suivi méthodologique, d’évaluation, etc.) dont il a bénéficié.
D’abord, parmi différents projets, la Fondation a fait le choix d’en soutenir un particulier. Nous ne connaissons pas l’ensemble des dossiers soumis, ni l’ensemble des porteurs de projets ; nous ignorons également les débats ou les évaluations qui ont conduit à retenir ce projet-ci [15]. Cependant, on peut noter quant au lauréat :
1. Il est porté par une organisation largement reconnue par les autorités publiques, un acteur central de l’intervention auprès des personnes âgées. En outre, il n’est pas dénué d’innovation, promouvant un « nouveau métier » ou une spécialisation au sein de l’animation socioculturelle : le travail social communautaire.
2. Il repose sur une idéologie réformatrice, celle du community organizing telle que développée par Saul Alinsky [16]. Conformément à l’idée de cet auteur (Alinsky 2012 (1971)), les « communautés » locales sont les mieux placées pour connaître leurs besoins et savoir comment y répondre. La méthodologie d’intervention adéquate consiste donc à miser sur la capacité d’auto-organisation des « communautés » en vue d’une amélioration pragmatique de leur situation. Dire que la Fondation (comme le propose Nicolas Duvoux (2014 : 150) à propos de la fondation qu’il étudie à Boston) ou que l’association porteuse de ce projet avaient l’intention, à travers ce projet qui transforme des aidés – au moins pour un temps et dans certaines activités – en acteurs et en aidants, « de mettre en œuvre des ‘approches’ qui impliquent et responsabilisent les publics et non des ‘programmes’ publics qui les rendent passifs et dépendants », est sans doute exagéré. Cela impute une dimension rationnelle, un discours anti-étatiste, que rien ne vient attester. Néanmoins, et même inconsciemment, il n’en reste pas moins que ce projet semble à même de distinguer une pratique philanthropique d’une pratique étatique : il promeut l’auto-organisation des personnes âgées (même si soutenue par des professionnels et subventionnée par les collectivités publiques) en lieu et place de services mis à leur disposition. L’intégration toujours plus grande de la philanthropie dans l’action publique et la possible confusion des rôles qui peut en découler (Wagner 1992) amènerait ainsi à ce que la philanthropie éprouve d’autant plus le besoin d’encourager des programmes qui attestent de la spécificité de son action face aux programmes publics et qui la distinguent de l’action de l’Etat-providence d’autant plus qu’elle est liée à celui-ci (Duvoux 2014 : 149). Et si nous ignorons l’acuité de cette question au moment où ce projet a été sélectionné, on peut relever que cette question de la juste distance ou de la spécificité de l’activité philanthropique est centrale au moment de notre observation au sein de la Fondation. Comme ses membres réfléchissent et rédigent un nouveau plan stratégique, une des matrices des réflexions qui y ont cours porte spécifiquement sur l’éventail des pratiques et des rôles des fondations. Et la direction de la Fondation insiste systématiquement sur l’importance d’ancrer la Fondation dans une posture de complémentarité et de pluralisme — c’est-à-dire de distinction — vis-à-vis de l’Etat, en opposition à d’autres postures qui ne seraient que charité ou substitution vis-à-vis des actions menées par les autorités publiques.
Cette possibilité de lire le suivi de ce projet par cette fondation comme exemplaire d’une « philanthropie stratégique » trouve également des indices de plausibilité dans la lecture des mandats confiés aux différents instituts de soutien ou de recherche. Ainsi, en 2005, dans un document rédigé par le premier institut de recherche sollicité, on peut lire qu’il s’agit, pour l’association porteuse du projet de « donner force à l’expérience menée jusqu’à aujourd’hui dans le sens de lui donner des moyens supplémentaires pour en permettre son extension à d’autres régions ou quartiers. Ceci donnera la possibilité à l’association de continuer à adapter ses prestations aux besoins nouveaux présentés par la population âgée de notre canton (notamment en ce qui concerne son isolement social grandissant) et de jouer son rôle de partenaire indispensable dans les réseaux médico-sociaux ». L’adaptation des services aux besoins réels des personnes âgées est donc bien présente. Mais cet objectif n’est pas unique ; il s’agit tout autant de voir le projet possiblement diffusé ailleurs et d’assurer à cette association sa prédominance dans le champ de l’aide aux personnes âgées.
De même, pour la Fondation, on lit qu’il s’agit de : « contribuer au développement de pratiques sociales régionales innovatrices dans le sens de démontrer comment une expérience communautaire peut se construire, se développer dans notre contexte socio-culturel […] d’aujourd’hui, comment les concepts et méthodes universels de développement communautaire peuvent s’appliquer dans ce contexte précis pour obtenir les résultats de solidarité escomptés. De plus, en accordant la possibilité de suivre l’expérience systématique et rigoureuse sur quelques années, la Fondation permettra d’en valider les méthodes. Finalement, en suivant cette expérience de façon prospective, elle donnera la possibilité d’identifier comment elle évolue dans le temps, à quels éléments il convient d’être attentif pour en assurer le maintien en place et la pérennisation et pour démontrer ce qu’il faut pour en faire une réelle mesure d’appui aux politiques de maintien à domicile mise en place par l’Etat ». Dans le cas de la Fondation, l’objectif d’obtenir les résultats escomptés en termes de pratiques solidaires (et donc de mieux vivre des personnes âgées) est bien présent, mais là encore, ce n’est pas le seul objectif ; il s’agit également d’expérimenter combien une expérience communautaire (déjà expérimentée dans d’autres contextes et en faveur d’autres publics) [17] peut se construire et se développer pour ce public dans un contexte local et de valider les méthodes de ce programme. Des éléments qui, s’ils portent bien sur l’amélioration de la qualité de vie des personnes âgées, font tout autant de la viabilité à long terme et de la reconnaissance du projet en tant que tel un objectif de la Fondation.
Cette multiplicité des objectifs se retrouve encore fortement en 2014 à l’occasion de la formulation du plan stratégique, en vue de la poursuite de ce programme pour les années à venir. S’il s’agit bien de développer le nombre de communes ou de villages dans lesquels un tel programme est mis en œuvre, cette discussion du plan stratégique est aussi l’occasion de redire l’intérêt de ce projet, pour l’association comme pour la Fondation. Pour la première, il lui permet de confirmer son expertise et sa place incontournable dans la connaissance des besoins des personnes âgées de la région. Pour la seconde, le fait qu’il puisse être repris dans d’autres régions, à travers l’aide d’autres fondations sollicitées pour l’occasion, est devenu un enjeu explicite [18]. C’est alors « comme si » le projet avait acquis une vie en soi. Il ne sert plus seulement à améliorer la vie des personnes âgées, mais il a une existence propre, dans d’autres arènes, sur d’autres scènes ; il devient outil de confirmation du monopole du savoir sur les conditions de vie des personnes âgées pour l’association qui le porte, et garant des bonnes pratiques de la Fondation vis-à-vis de l’Etat sans doute, mais surtout des autres fondations avec lesquelles elle est en lien, notamment au sein de l’association nationale des fondations. La lecture du Rapport d’activité de la Fondation, en 2014, est, de ce point de vue, fort éclairante. Plutôt que de proposer le portrait d’une personne âgée bénéficiaire du travail de l’association, il indique que la Fondation, après dix années de projet, a lancé un appel d’offre au sein de la Société suisse d’évaluation pour « mieux connaître la pertinence, l’efficacité et l’impact de cette méthodologie ainsi que les principaux échecs ou leviers de succès de sa mise en œuvre ». Plus encore, le courrier joint au rapport déclare que : « la fondation demeure soucieuse d’accompagner des projets où créativité et haute qualité se trouvent réunies. De tels projets doivent être porteurs de valeur sur le long terme et à même de favoriser des synergies aux effets multiplicateurs entre partenaires d’horizons différents ». Pour la Fondation, il s’agit en effet, à travers cette expérience, de faire la preuve de ses bonnes pratiques puisqu’elle participe simultanément à un projet collectif des fondations : celui de la professionnalisation du secteur [19].
Entre « faire le bien » et « bien le faire »
Ce projet d’action communautaire occupe, à l’évidence, une place particulière parmi l’ensemble des projets menés par cette Fondation. L’essentiel des financements qu’elle octroie va en effet, dans le domaine scientifique, en faveur de bourses et de projets de recherche, dans le domaine culturel au soutien ponctuel de projets, au soutien pluriannuel d’institutions artistiques, ainsi qu’à des bourses et des prix pour des artistes prometteurs ou remarquables. Ces financements n’impliquent pas d’autre contrôle qu’un dialogue avec ces institutions et ne requièrent pas de documentation de leur part autre que les comptes et leur rapport d’activité [20]. Et dans le domaine social, parmi les projets d’action, celui dont il est question dans cet article est le seul à avoir bénéficié d’un soutien aussi continu. Mais c’est justement qu’il articule des caractéristiques qui, au-delà de l’objectif concernant les bénéficiaires, en font un projet particulier pour une fondation philanthropique, un projet sur lequel la Fondation estime qu’il vaut la peine d’investir.
Ainsi, et a posteriori, ce projet est relu, par ces professionnels, comme répondant aux attendus de la « philanthropie stratégique » telle que défendue par les associations de fondation aujourd’hui et il contribue dès lors à faire de la Fondation, dans le champ de la philanthropie, une institution dite « stratégique », soucieuse de l’effet de levier qu’elle saura produire, mais également de ses bonnes pratiques, de sa bonne gouvernance, et de sa capacité à suivre de bout en bout un projet. Bref — et pour ainsi dire « chemin faisant » — ce projet est devenu un nouveau « standard » pour la Fondation elle-même. Et s’il n’a pas vocation à devenir un modèle pour l’ensemble des fondations, il exprime, en actes, la manière dont la Fondation conçoit aujourd’hui ce qu’est une philanthropie « stratégique ». Ce projet s’offre ainsi à une double lecture, il prend sens par rapport à deux champs distincts : le champ du travail social, bien sûr, avec le soutien à ce projet communautaire, avec la création d’un « nouveau » métier au sein de l’association porteuse du projet ; mais également le champ philanthropique, riche d’émulation et d’échanges entre pairs (c’est-à-dire entre professionnels de la philanthropie). C’est même cette cohabitation entre les finalités du programme (améliorer la qualité de vie des personnes âgées par l’émergence de solutions inédites) et la valorisation intrinsèque du programme (faire du programme un programme reconnu, documenté, évalué) qui situe cette Fondation dans la philanthropie dite « stratégique » (pour reprendre les termes propres à ce champ), par opposition à la charité, mais plus largement à une philanthropie plus traditionnelle ou moins réflexive qui, tout en ayant à cœur de résoudre les problèmes sociaux, est moins soucieuse de documenter les programmes et leurs résultats.
Cette importance d’un discours cher aux sciences du management, caractéristique du champ de la philanthropie contemporaine (Kallergis et Lambelet 2014), se retrouve également dans la Fondation étudiée, dans les trajectoires professionnelles du président de son Conseil et de son directeur. Le président actuel du Conseil, succédant à un ancien professeur de médecine, a été formé en économie et en ingénierie. Il a dirigé sa vie durant une entreprise familiale aujourd’hui intégrée dans un groupe international et est toujours membre du comité stratégique de la Chambre de commerce et d’industrie de sa région. Le directeur de la fondation a connu, lui, des responsabilités dans le monde de la banque, puis de la recherche médico-psycho-sociale, avant d’occuper, pendant 12 ans, la direction générale d’une importante ONG internationale d’aide à l’enfance, elle-même très engagée dans la structuration de la gestion de projets [21]. Le communiqué de presse annonçant la nomination de ce directeur indique qu’il a été engagé pour « contribuer à la poursuite du développement stratégique de la fondation ». Le président comme le directeur ont lancé, dès leur arrivée au sein de la Fondation, une « réflexion stratégique », demandant aux membres de chacun des domaines d’activité de réfléchir collectivement à leurs pratiques (à travers des outils de management tels que l’analyse SWOT [22]), afin de proposer, dans un deuxième temps, un plan stratégique pour la Fondation et chacun de ses domaines d’action.
Cette dynamique ne saurait être ramenée aux seuls parcours professionnels de ce président et de ce directeur. Elle dépasse largement le cadre de ce cas précis, faisant écho à la professionnalisation plus générale de ce champ en Suisse et en Europe. Le directeur est d’ailleurs membre du comité — et aujourd’hui vice-président — de l’association des fondations donatrices en Suisse (SwissFoundations) qui publie nombre de recommandations ou circulaires sur des problèmes particuliers (notamment le Swiss Foundation Code [23]) et qui, comme les institutions similaires en Europe et aux Etats-Unis [24], propose différentes formations. Les conférences publiques et autres symposiums sont l’occasion d’affirmer un certain nombre de valeurs identitaires. A travers la sélection des intervenants qui sont invités à prendre la parole, ils contribuent à donner le ton et à proposer des sources d’inspiration aux participants. Une vision « stratégique », « professionnelle » et « managériale » de la philanthropie est ainsi encouragée par cette association. Et si les associations de fondations (comme toutes les institutions) sélectionnent autant leurs membres que ceux-ci choisissent de s’y engager (Lagroye, François et Sawicki 2006), le fait que le directeur de la Fondation soit membre et vice-président du comité de SwissFoundations et invité à intervenir lors de congrès, c’est qu’il pratique la forme aujourd’hui légitime de la philanthropie, à savoir une philanthropie soucieuse de bonne gouvernance et qui évalue sa pratique.
Entre stratégie et sérendipité
Ainsi et a posteriori, le soutien de la Fondation à ce projet communautaire trouve sa place dans le processus global de transformation de la philanthropie et pose cette Fondation comme soucieuse de ses pratiques. Il incarne la volonté d’une posture « stratégique ». En même temps, cette dimension stratégique est, de l’aveu même des membres de la Fondation, postérieure au lancement du projet. Plus exactement, elle s’est construite concomitamment à son développement. Sa dimension exemplaire est alors peut-être d’abord et tout autant le produit d’un cheminement accidentel, fait d’habitudes, de peurs et de hasards.
En effet, ce n’est pas la première fois que la Fondation investit beaucoup d’argent dans un projet. Comme indiqué, elle a déjà soutenu ou soutient simultanément un Centre universitaire de la mémoire, a financé des modules d’enseignement ou des bourses pour des étudiant-e-s dans le cadre de formations en soins infirmiers, deux projets qui représentent également d’importants budgets et des engagements sur plusieurs années. Toutefois ce qui caractérise le projet communautaire, ce n’est ni son envergure, ni son objectif (améliorer la qualité de vie des personnes âgées), mais le fait qu’il ne soit pas porté par une institution aussi forte et reconnue qu’une université ou un hôpital universitaire. Comme le dit la cheffe de projet : « la grande différence avec ce projet communautaire, c’est que c’était une idée qui n’était ancrée en rien. On faisait confiance à des animateurs sur le terrain, pour mettre en œuvre une méthodologie qui n’était pas labellisée, connue ou pratiquée jusqu’ici par cette association ; et comme c’était quelque chose d’innovant — en tous les cas du point de vue de la Fondation — tout a été mis en place — c’est ma lecture — pour se rassurer. Alors que lorsqu’on ‘donne’ à une institution universitaire, on ‘sait’ qu’on donne à une institution sérieuse et même si le montant se chiffre en millions, on ne ressent pas la même nécessité de planification et d’évaluation » [25]. Plus encore, loin d’être un long fleuve tranquille, le soutien à ce projet a connu de nombreux à-coups. A en croire cette employée, la Commission sociale a plusieurs fois hésité à couper tout soutien à ce projet, soit que les membres de la Commission aient douté de son impact, notamment sur la santé des personnes âgées [26], soit qu’ils aient déploré un manque d’indicateurs pour en juger la pertinence. Comme elle l’indique encore : « enfin voilà. A l’occasion de plusieurs séances j’ai pensé que le soutien à ce projet allait être abandonné » [27]. C’est avec l’arrivée du nouveau directeur que l’ensemble du processus de suivi de ce projet a été vu a posteriori comme possible d’une lecture « stratégique ».
Moins qu’à une véritable rupture dans les pratiques, il s’agit d’abord d’un changement de lecture ou de discours sur la forme prise pas le soutien à ce projet tout au long de ces années. Voilà la modalité de conduite de ce projet devenue un possible standard pour la Fondation, une ressource dans son positionnement au sein du champ des fondations philanthropiques en Suisse. En effet, le domaine social, aujourd’hui appelé « âge et société », a toujours bénéficié d’une ou d’un chef de projet afin d’assurer un suivi des actions financées ; et le précédent président de la Fondation, ancien professeur de médecine, était également très engagé au sein du Fonds national suisse de la recherche scientifique dont il s’est inspiré des pratiques pour les implémenter au sein de la Fondation. Plus largement, la Fondation avait toujours été porteuse du souci d’optimiser les modalités de son action, en affirmant son rôle subsidiaire par rapport à l’Etat, mais surtout à travers son choix de favoriser l’évaluation compétitive de projets à travers des appels à projets (Fondation Leenaards 2013 :5). Le nouveau directeur a avant tout « gommé » du suivi de ce projet effectué jusque-là les craintes et les hésitations des membres de la Fondation et donné une continuité et une cohérence au suivi qui a été opéré de son développement. Ont été gardés des démarches d’accompagnement de ce projet : les signes d’une philanthropie qui se veut risquée et impliquée, bref, d’une philanthropie « stratégique ». Et le suivi de ce projet est devenu, a posteriori, un exemple pour l’ensemble des suivis de projets à venir.
Conclusion
Les cadres de la Fondation ne pouvaient sans doute pas prévoir le succès de ce projet : ils ne savaient pas qui postulerait à l’appel à proposition, et ayant retenu celui-ci, ils ne pouvaient prévoir comment se déroulerait sa mise en œuvre ni son audience auprès des communes et de l’Etat [28]. Ils l’ont soutenu, en lui assurant les moyens nécessaires à son démarrage et en lui accordant un soutien méthodologique. Mais ils ont aussi su capitaliser sur le soutien durable des autorités publiques. Devenu un projet central pour l’association, comme pour les autorités qui en font aujourd’hui un de leurs outils de politique publique en faveur des personnes âgées, bénéficiant d’un soutien constant des différentes parties, il offre simultanément l’occasion à la Fondation de reformuler et d’affirmer a posteriori ses propres standards quant à ses soutiens, de clarifier son rôle en tant que fondation, à savoir d’avoir un « effet de levier » en initiant des projets portés par la suite par d’autres partenaires. La stabilité et la bienveillance des autorités ne pouvaient être anticipée, ni l’énergie mise par les porteurs du projet au sein de l’association. En même temps, permettant le développement du projet, tant les autorités que l’association ont permis à la fondation d’endosser – vis-à-vis de ses pairs — ce rôle « stratégique » d’initiateur, d’accompagnateur et d’évaluateur, lui permettant aujourd’hui de proposer, sur « la base de preuves » ce projet à d’autres fondations, dans d’autres régions, valorisant du même coup le travail effectué par la Fondation.
Cette étude de cas d’un projet exemplaire ne saurait rendre compte de la philanthropie de manière générale ni des formes prises par l’ensemble des soutiens des fondations dans le domaine de l’action sociale. Elle montre néanmoins l’horizon auquel tend pour une large part les professionnels des fondations philanthropiques aujourd’hui, et/ou, inversement, l’effet des discours des promoteurs de la philanthropie « stratégique » sur le positionnement et l’activité des fondations. Elle met au jour la dynamique propre à ce champ, le corpus de savoirs spécifiques, produits et accumulés par le travail des professionnels, ou des capacités plus générales telles que la maîtrise d’un langage et d’une certaine rhétorique. Soulignant que le programme est porté par des cadres (président et directeur) aux cursus particuliers mais en adéquation avec des compétences implicitement souhaitées, elle montre les attendus pour les professionnels qui aujourd’hui s’engagent dans les carrières philanthropiques.
Cette étude de cas montre surtout le parcours particulier que peut prendre une dynamique de professionnalisation au sein d’une fondation. L’accompagnement de ce projet, qui a bénéficié d’un accompagnement continu de la part des chefs de projets successifs au sein de la Fondation, a eu pour premiers ressorts tant l’envie que la crainte de la nouveauté, et la forme prise par cet accompagnement a résulté tant des peurs de certains membres de cette Fondation que des hasards de l’écho dont ce projet a pu bénéficier auprès de différents partenaires. En même temps, cette Fondation a transformé aujourd’hui son regard sur ses pratiques à partir de la relecture qu’elle fait a posteriori des différents dispositifs qui ont été mis en place pour encadrer ce projet, abandonnant d’autres lectures possibles de ce même projet [29] au profit d’une lecture mettant en évidence le positionnement que défend aujourd’hui la Fondation (et qu’illustre la publication d’un Plan stratégique [Leenaards 2014]). S’inscrivant explicitement dans une « philanthropie stratégique », elle fait de cette expérience passée un modèle pour elle-même et de cet accompagnement le garant d’une action méthodologiquement contrôlée, dont les résultats peuvent être mesurés et qui tout en venant en contre-point à l’action étatique, à vocation à être reprise par l’Etat. Cette étude donne à voir ainsi la manière dont l’horizon proposé par les associations de fondations peut trouver son incarnation dans une fondation particulière, comment cette fondation a non seulement su lire, dans un projet en cours, une adéquation avec l’idéal exprimé par le secteur, mais également comment cette relecture d’un projet en cours, sa mise en adéquation avec le discours le plus légitime, est à même de transformer non seulement le suivi du projet en cours, mais également de modifier, à l’avenir, l’ensemble des pratiques de cette fondation.