Quand cyclones, pluies et pollution interrogent les liens des Kanak à leurs rivières et participent au renouvellement des savoirs écologiques (Thio, Nouvelle-Calédonie)

Résumé

La commune de Thio en Nouvelle-Calédonie connait une hyper-sédimentation et un engravement massif de ses cours d’eau. Selon les habitants, ces processus sont majoritairement associés à l’activité minière. Dans la région, les phénomènes météorologiques extrêmes et répétés depuis 1975 (cyclones, fortes pluies) contribuent à augmenter cette charge sédimentaire et ont grandement transformé tant l’environnement que les pratiques et savoirs locaux qui y sont liés. En conséquence, les inondations et la dégradation de certains lieux portent atteinte à la relation entre les habitants kanak des tribus de la montagne et leur environnement. Si le vocable de pollution a pris un sens spécifique localement et qu’une rupture dans les pratiques sociales et culturelles liées à la rivière est visible et exprimée, les savoirs écologiques continuent d’être construits par l’expérience répétée des lieux et se renouvellent dans ce contexte bouleversé par les événements climatiques et les choix d’aménagements des cours d’eau.

Mots clefs : Thio/ Nouvelle-Calédonie, inondation, pollution, mine, savoirs écologiques, rivière, cyclones

Abstract

When cyclones, rain and pollution challenge the relationship that the Kanak have with their rivers and trigger the elaboration of renewed ecological knowledge (Thio, New Caledonia)

The municipality of Thio in New Caledonia is experiencing massive sediment deposition and aggradation in its streams. According to the inhabitants, these processes are caused to a high degree by mining activities. Since 1975 in the region, extreme and repeated weather events (cyclones, heavy rainfall) play a crucial role in the increase of this deposit in the riverbeds and have greatly transformed the environment as well as related local knowledge and practices. As a result of these processes, floods and the degradation of certain places deteriorate the relationship between the Kanak inhabitants of the mountain tribes and their environment. The term “pollution” has locally taken a specific meaning and a rupture in the social and cultural practices linked to the rivers is visible and expressed by the inhabitants. Nevertheless, ecological knowledge continues to be built through the repeated experience in certain places and is renewed in this disrupted context facing climatic events, choices made regarding the water stream management.

Keywords : Thio/New-Caledonia, flood, pollution, mine, ecological knowledge, river, cyclones

Sommaire

Interdépendance et réciprocité des relations Homme/environnement en milieu kanak

Pour les Kanak, l’environnement n’est pas perçu comme une entité autonome existant en dehors des Hommes. Les êtres humains vivants et défunts (ancêtres, esprits) et les non-humains (animaux, plantes, minéraux et artéfacts) interagissent les uns avec les autres (Guiart 1962, Leblic 2005, Tjibaou 2018). À ce continuum entre systèmes humains et écologiques, s’ajoute l’omniprésence d’une conception dualiste des liens entre mondes visible et invisible, humains et non-humains [1] (Leenhardt 1937, Herrenschmidt 2004, Salomon 2015). Si les transformations d’un élément humain peuvent toucher l’élément non humain et vice-versa, c’est surtout la relation entre les deux éléments qui se trouve touchée.
Cette forte relation d’interdépendance entre humains et non-humains, entre société kanak et environnement, relève d’une « viabilité réciproque » telle que Catherine Sabinot et Nicolas Lescureux l’ont définie (Sabinot et Lescureux 2019) dans la lignée des travaux de Tim Ingold et Alf Hornborg (Hornborg 1996, Ingold 2012). Pour ces auteurs, la « viabilité réciproque » détermine « un système dont les éléments constitutifs présentent une aptitude à vivre et à se développer ensemble, à contribuer à la vie et au développement du système et […] de ses différents constituants ». Nous considérons ainsi que les composantes écologiques et sociales font partie d’un même système, interagissent, se modifient et se maintiennent ensemble (Le Fur et al. 1999). Cette synergie est dynamique et fait l’objet d’ajustements qui relèvent d’un « processus de négociation » (Sabinot et Lescureux 2019) c’est-à-dire qu’ils sont renouvelés par l’interaction régulière des individus avec leur environnement et les changements opérés qu’ils soient politiques, économiques, sociaux ou écologiques. Tout comme Geremia Cometti l’a décrit chez les Q’eros des Andes Péruviennes, l’équilibre des relations entre humains et non-humains s’ajuste sans cesse et les relations de réciprocité fondées sur des échanges et des dons entre ces entités, permettent de garantir la pérennité de l’équilibre entre les Hommes et leur environnement (Cometti 2015).
Cette approche holistique a été au cœur de la réflexion du travail ethnographique - intégré au programme de recherche interdisciplinaire « Gestion du Passif » - qui a été mené dans les tribus [2] de Thio entre 2016 et 2018 [3]. Basé sur des expériences passées, ce programme a identifié le besoin d’intégrer la dimension humaine et culturelle dans des études de terrain car celles menées antérieurement se sont concentrées uniquement sur les aspects techniques sans prendre en considération les perspectives, les observations et les perceptions de la population. Ce programme a donc permis d’identifier et de caractériser la manière dont la population appréhendait les transformations de ses cours d’eau. Les conséquences de l’engravement et de l’hyper-sédimentation sur le quotidien des habitants nous ont conduites à considérer l’impact des événements climatiques extrêmes (cyclones et fortes pluies) sur les relations entre les populations et les éléments non humains qui les entourent, en particulier ceux liés à la rivière, aux creeks [4] et aux sources. Trois mois d’enquête de terrain en 2016 ont permis la réalisation d’observation participante et la conduite d’une quarantaine d’entretiens semi-directifs auprès des habitants des « tribus de la montagne » St Pierre, St Michel et St Paul, dans la partie amont du bassin versant. Puis, en 2017 et 2018, de nouveaux entretiens individuels et groupés ont été réalisés et les auteures ont participé à plusieurs moments collectifs (fêtes coutumières, manifestations communales, réunions et comités techniques auxquels élus, scientifiques, industriels et représentations de la population assistent, etc.). Vingt-trois femmes et dix-sept hommes âgés de 30 à 80 ans ont été rencontrés ; six d’entre eux avaient des responsabilités communales ou coutumières [5].

Dans cette commune qui connait l’exploitation du nickel depuis plus de cent-trente ans, les flancs de montagnes ont été chargés de rejets miniers. Depuis 1975, les cyclones et les fortes pluies ont provoqué et accéléré la descente de ces rejets. Ils ont été transportés le long des bassins versants et dans les cours d’eau qui sont pour beaucoup situés à proximité des tribus (Iltis 1990). Cela a conduit à des inondations aux conséquences désastreuses sur les zones d’habitat et d’horticulture, activité agricole familiale originellement pratiquée par tous. La descente de ces rejets a également généré une pollution massive des cours d’eau, nuisible pour la biodiversité aquatique et donc à la pêche. À Thio, la pollution structure les représentations des habitants en matière d’environnement, et recouvre un sens spécifique en ce qu’elle fait essentiellement référence aux rejets de l’extraction de nickel ; et c’est en se référant à la signification attribuée localement que nous emploierons ce terme dans cet article.
Aux conséquences écologiques de grande ampleur engendrées par les cyclones et les fortes pluies (inondations facilitées, modification du lit de la rivière, pollution, destruction de la faune et de la flore, etc.) se combinent celles relatives aux dimensions sociales et culturelles (dégâts sur les habitations, destructions des productions vivrières, pertes de lieux à forte valeur symbolique, impacts sur les dynamiques coutumières et identitaires, etc.). Nous avons donc cherché à comprendre comment les relations humains/non-humains se transforment dans cet environnement qui subit des ruptures majeures. Nous nous sommes également interrogées sur la manière dont ces bouleversements influencent la production des savoirs écologiques locaux dans une commune où de plus, de nombreuses études techniques et scientifiques ont été menées pour faire face aux dégâts subis par les habitants.

Après avoir décrit brièvement la situation minière et ses conséquences à Thio, cet article explicitera comment a émergé, pour les habitants, une association directe entre événements climatiques extrêmes et l’arrivée de la pollution. Puis, le travail ethnographique réalisé permettra de décrire finement les changements observés par les habitants en ce qui concerne leurs lieux de pratiques et de vie. Observer comment les valeurs et les savoirs associés à ces lieux se modifient permettra alors d’appréhender comment les liens de réciprocité humains/non-humains se transforment et, enfin, de discuter de la manière dont sont mobilisés et renouvelés les savoirs écologiques locaux dans ce contexte changeant et largement investi par des experts techniques et des scientifiques.

Engravement et pollution des rivières à Thio : la rupture des années 70

Thio, une histoire marquée par l’exploitation minière

Le paysage de la commune de Thio, Cöö en xârâcùù [6], est fortement marqué par les exploitations anciennes et récentes de nickel dont les principales sont celles du Camp des Sapins et de la mine du Plateau. Si cette activité a permis le développement économique et le dynamisme de la commune, les zones d’exploitation, celles de stockage et d’accumulation de déchets miniers le long du bassin-versant sont largement visibles.

Figure 1
Photographie de l’érosion des versants et décharges de mines orphelines situées à proximité de la tribu de St Pierre et de la rivière de Nembrou, Thio.
© Lucie Gosset, 2016

Avec une superficie de 1000 Km2, Thio se trouve être la quatrième plus grande commune de l’archipel calédonien. Sa population de 3 287 habitants en 2014 [7] est majoritairement d’origine mélanésienne (à 70 %) et est répartie entre les deux anciens villages miniers devenus des quartiers (Les Pétroglyphes et Nakalé), le village et les tribus (dispersées dans la commune). Dans la commune, le principal secteur d’activité reste l’exploitation minière. Même si, les habitants des tribus se sont depuis les années 60 largement tournés vers ce type d’activité, l’horticulture et la pêche sont toujours pratiquées pour leurs fonctions nourricière et culturelle. Les « tribus de la montagne », St Pierre (Xûâ Pwimuru), St Michel (Xûâ Bokèni) et St Paul (Xûâ Shao), où ont été menés les entretiens mobilisés dans cet article, sont situées à proximité des trois grandes rivières de la commune, xwârè en xârâcùù : la Thio, principale rivière, se jetant dans la mer et ses deux affluents, la Nembrou et la Nakalé.

Figure 2
Carte du bassin versant de la Thio localisant les tribus étudiées et des principales zones d’exploitations minières.
Réalisation Camille Fossier, 2018

À ces trois rivières, s’ajoutent de nombreux petits creeks, aussi nommés xwârè en xârâcùù aujourd’hui et sources puu-kwê, faisant de ce réseau hydrographique complexe des éléments essentiels de la commune. Lieux privilégiés pour la pêche, ces cours d’eau possèdent une dimension culturelle importante pour les habitants. Depuis les années 1970, ils sont caractérisés par un engravement et une hyper-sédimentation considérables dont les conséquences génèrent aujourd’hui de fortes préoccupations et des tensions au sein de la population. Ces sentiments sont exacerbés après le passage de cyclones ou à la suite de fortes pluies [8], qui entraînent inondations (nommées localement déé), et pollution, directement et principalement associées aux conséquences de l’activité minière [9]. Alors que des termes xârâcùù existent pour cyclones et fortes pluies, respectivement kwâdé pia et mwîî kwè, le terme pollution n’existe qu’en français, synonyme de son emploi récent. Les personnes rencontrées n’ont jamais associé les crues à des phénomènes surnaturels ou causés par l’intervention de non-humains, comme cela a pu être le cas d’événements météorologiques dans d’autres communes. Depuis le passage du cyclone Alison [10] en 1975, les termes d’inondation, de pollution et de nickel sont d’ailleurs devenus indissociables aux yeux des habitants.

Le cyclone Alison et l’avènement de la pollution

Pour les Kanak, les cyclones sont plutôt associés à des temps purificateurs et de renouvellement : ils viennent pour « nettoyer » la nature, « régénérer des espèces » (Crate et Nuttall 2009, Boudjema 2016, Le Duff 2018. Cette vision est partagée par les insulaires de la région océanienne comme à Wallis ou Vanuatu qui ont déjà associé le passage des cyclones à un renouvellement de la nature (Worliczek 2013, Calandra 2017). Pour autant, celui qui a touché les tribus en 1975 a eu une tout autre incidence. Le cyclone Alison est inscrit dans les mémoires et son vécu par les habitants a fait l’objet de mises en récits particulières. Sa mobilisation récurrente dans les discours de la population est même venue occulter la présence d’épisodes météorologiques extrêmes antérieurs ayant provoqué des inondations et charrié de la caillasse [11] dans la rivière. Ce cyclone a déclenché la descente massive des décharges minières accrochées à flanc de montagnes, en amenant la caillasse, mais aussi et surtout la « boue rouge », qui est très vite devenue synonyme de pollution. Ce cyclone a aussi provoqué les premiers déplacements des habitants des tribus de l’estuaire et de la montagne fuyant les inondations (Pidjo 2016). Enfin, le cyclone Alison a conduit à la signature des premiers protocoles d’accords tout d’abord bipartites, entre l’industriel minier et la population, demandant de tenir compte des dégâts causés depuis les années 1975 [12]. Les habitants décrivent aussi ce cyclone comme le marqueur d’une prise de conscience de l’impact social et environnemental de l’activité minière, déclenchant alors les premières revendications environnementales (Dégremont 2008, Le Meur 2012).
Ces dernières s’inscrivent dans un contexte national préalable à la période des Événements [13] et dans un mouvement plus vaste de ratification d’un certain nombre de traités pour la mise en place de normes environnementales émanant de la communauté internationale (Dégremont 2008, Gros 2008).
Dans la commune, l’arrivée de la pollution marque la population dans sa manière d’appréhender le processus d’engravement. Elle constitue alors un type d’événement en particulier (Le Meur et Sabinot à paraître) du fait de la spécificité temporelle dans laquelle elle s’inscrit (amplifiée au moment des cyclones et des fortes pluies), la rupture avec le quotidien qu’elle implique (Bensa et Fassin 2002, Bastide 2016) et la mobilisation de la population en quête de sens (Gosset 2016). L’arrivée de la pollution transforme les rapports que la population entretient avec la rivière.

Le sens du terme pollution à Thio

Le cyclone Alison a fait émerger le terme de pollution qui renvoie pour tous les habitants à l’activité minière et à la charge sédimentaire extraite et rejetée par celle-ci. Ce terme ainsi que celui de caillasse ont toujours été employés en français par nos interlocuteurs, même lorsque ceux-ci s’exprimaient en xârâcùù. La difficulté à traduire le mot pollution était expliquée par certains sous forme de plaisanterie : « au temps des Vieux [14] cela n’existait pas ! ».
Dans les discours recueillis, la pollution fait référence à la présence de trois types de sédiments aux abords et dans la rivière : les cailloux sêgè, la caillasse et la boue. Le terme « boue » est même devenu indistinctement utilisé en lieu et place de ceux de pollution ou de nickel ; trois mots devenant interchangeables. Deux femmes de St Michel et de St Pierre ont décrit la pollution ainsi : « [c’est] un gros tas de nickel qui rend les terres incultivables », « l’eau de la grande rivière, c’est sale toujours, parce qu’il y a le nickel partout » (témoignages recueillis en 2016).
Au-delà de la référence à l’activité minière, l’appellation « nickel » renvoie au processus d’industrialisation et de modernisation que la commune a connu avec l’arrivée de l’exploitation minière. Enfin, le terme de « nickel » fonctionne comme une synecdoque. Il est employé dans des contextes divers et peut désigner alternativement la provenance de l’élément retrouvé, la cause de la pollution, la matière en elle-même ou l’exploitant minier.

Nos interlocuteurs décrivent avec beaucoup de précision les transformations qu’ils ont observées sur les cours d’eau qu’ils connaissent et fréquentent. Le caractère pollué d’un élément est caractérisé par des changements dans les couleurs, les textures et les formes des sédiments fins, des cailloux et des cours d’eau. La couleur rouge de la boue ou caramel des cailloux, la dureté de la terre retrouvée dans les champs, et parfois les sensations de démangeaisons au contact de la boue, sont évoquées pour décrire cette pollution. À l’inverse, la couleur noire de la terre et des cailloux comme l’aspect lisse des pierres sont des caractéristiques associées aux éléments qui en sont exempts. Comme avancé par Elisabeth Worliczek (2017), forme, apparence et couleur sont trois caractéristiques utilisées par les Kanak pour classer et observer les transformations touchant les minéraux.

Pour décrire et parler du caractère pollué d’un cours d’eau, à Thio, les habitants le comparent souvent à son état antérieur. Les discours sont ainsi construits autour d’oppositions binaires qui en viennent à essentialiser chaque élément. Les notions de « normal », de « naturel » et de « vrai » émergent pour définir l’état « originel » des éléments, le non-pollué. La pollution fait donc référence à un agent exogène intégrant l’écosystème et nuisant à son fonctionnement :

On sait que cette terre, elle ne doit pas se retrouver là. Elle est étrangère au coin quoi. Normalement à cet endroit on doit retrouver la vraie terre. Ce qu’on appelle la vraie terre, c’est la terre noire. C’est la terre qui est originaire de là
(femme de St Pierre, 2016).

Au caractère illégitime et non authentique de la présence de la pollution, la population emploie tout un champ lexical lié à la propreté et à la saleté : « C’était propre, c’était pas pollué » ; « c’était la terre noire, propre » ; « mais il y a toujours le nickel hein, c’est toujours sale la terre. C’est pas la terre comme avant ». Un tel constat, évoque celui fait par Mary Douglas auprès des Leles du Kasai au Congo Kinshasa, pour qui la pollution relève du désordre et représente ce « qui n’est pas à sa place » dans un système ordonné faisant ainsi écho à la notion de pur et d’impur (Douglas 1971).

Lorsque les Vieux relatent l’histoire de la pollution et des changements de leur commune, ils regrettent aussi souvent la perte de certaines pratiques comme la culture des tarodières, l’accroissement de certains comportements jugés néfastes (le fait de déclencher des feux incontrôlés) et le développement d’une « mentalité nickel ». Cette mentalité est fondée sur un confort de vie où « tout est à portée de main » et où le travail de la terre est plus facilement délaissé, sur l’effritement des valeurs traditionnelles et sur l’attachement plus fort à « l’avoir » et au paraître (Gosset 2016). Un basculement vers ce registre de discours s’opère surtout lorsque les habitants évoquent les transformations de leurs cours d’eau sur une temporalité plus longue marquées par l’accumulation progressive de la charge sédimentaire amplifiée par la répétition des événements climatiques violents, largement visible le long du lit de la rivière de la Thio.

Figure 3
Photographie montrant l’accumulation de « caillasse » dans la rivière de la Thio depuis le pont situé entre St Michel et St Paul, Thio.
© Lucie Gosset, 2016

Ces changements perturbent les repères, les habitudes et les pratiques de la population. En portant atteinte aux liens des habitants à leur environnement, la pollution reconfigure les interactions existantes. Pratiques des lieux, valeurs et savoirs sont questionnés à la lumière de ces transformations environnementales induites.

Des liens à l’environnement perturbés par les phénomènes extrêmes et la pollution

Une crainte de la rivière et des cyclones influencée par la pollution

Même si certains phénomènes de crues torrentielles, évoqués dans les entretiens, incitent la méfiance de la population à l’égard de la rivière, cyclones et fortes pluies génèrent aujourd’hui une appréhension importante de la rivière par les habitants : « On s’est rendu compte il n’y a pas longtemps que la rivière c’était dangereux pour nous » témoigne une femme de Koua (2016), en rappelant que chaque épisode pluvieux provoque une descente massive des décharges et inonde une grande partie de la commune. La population est notamment marquée par la puissance des courants créés dans la Thio, ki ikwé, capables d’entraîner ceux qui, fuyant leurs maisons, tentent de gagner les zones non inondables comme le déclare cette femme, également originaire de Koua (2016) : « Parce que ce jour-là [le jour du passage du cyclone Alison] on a été choqué hein, parce qu’on a failli perdre un de mes frères qui était tombé dans la rivière ». L’appréhension de la rivière est perceptible dans les attitudes des habitants : certains surveillent la hauteur du lit de la rivière après plusieurs jours de pluie quitte à ne pas dormir la nuit ; d’autres observent le comportement de certains creeks en amont pour réagir au plus tôt. Dans les habitations fréquemment inondées, les biens matériels (réfrigérateurs, vêtements, matelas) sont surélevés. Les inquiétudes des habitants portent aussi sur l’après-inondation, lorsque la caillasse et la boue s’accumulent dans les champs et les habitations, induisant la perte de produits agricoles et de biens matériels onéreux de plus en plus présents dans les foyers (électroménager, téléviseurs, etc.).
Après les fortes pluies, la population fait davantage part de sa lassitude et de son exaspération et se mobilise pour se faire entendre des autorités. En 2013, deux inondations consécutives en janvier et juillet ont généré une mobilisation très forte des habitants, amenant la création du Collectif d’habitants appelé « Chavaa Xûâ » afin de porter leurs revendications auprès des pouvoirs publics et de la Société Le Nickel (SLN). Aujourd’hui, le collectif assure un suivi continu de l’état des aménagements [15] et des cours d’eau. Avant 2013, il s’agissait plutôt d’une mobilisation ponctuelle juste après une forte pluie. Un homme de St Pierre le regrette et explique par exemple :

On aurait pu éviter que toute une rivière soit gâchée quoi. On aurait pu garder les forêts qu’on avait, on aurait pu garder les trous d’eau [16] qu’on avait si on avait réagi à temps. On est un peu fautif d’un côté. (2016)

Cette peur de la rivière et des inondations pour les habitants se double de l’émergence d’une crainte des cyclones, alors que ces phénomènes ont toujours fait partie intégrante de la vie des habitants de Thio, souvent perçus comme renouvelant la nature et assurant une fonction nettoyante de la rivière. Or, depuis 1975, la présence de cailloux, de caillasse et de boue amenuise le rôle régulateur des événements cycloniques. Tout en nettoyant la rivière, en évacuant les algues et les bouts de bois, les cyclones charrient des sédiments fins et grossiers qui s’accumulent dans les cours d’eau. Un homme de St Pierre décrit ce processus :

On voyait pas le cyclone ou l’eau ou le temps pluvieux comme une menace […] parce qu’avant y’avait pas beaucoup de décharges, ça fait qu’à chaque fois que la pluie tombait ou l’eau elle montait, c’était pour nettoyer les rivières ou aménager d’autres trous d’eau pour les poissons, faire propre. C’est plus le cyclone naturel des rivières d’avant. Maintenant, à chaque fois qu’il y a des cyclones, des dépressions ou des petites pluies, c’est décourageant à dire, ça bouche, ça esquinte. (2016)

Les habitants distinguent les événements météorologiques principalement selon la pluviométrie qui les accompagne. Des inondations conséquentes accompagnées d’un fort courant permettent d’évacuer les quantités de cailloux, de caillasse, et de fines particules accumulées dans le lit de la rivière et de désengorger les trous d’eau. À l’inverse, les événements météorologiques induisant des inondations caractérisées par des courants de faibles intensités accroissent l’engravement des cours d’eau et des trous d’eau.
Ainsi, les zones de stockage des déchets miniers déposés en amont du bassin versant lors de l’extraction minière, notamment avant que des normes environnementales contraignantes n’existent, ont modifié les effets des cyclones sur la rivière et ont transformé les représentations que les habitants se faisaient de ces phénomènes. Dans les tribus non directement impactées par l’activité minière comme Kouaré ou Ouindo, plus en amont, les cyclones conservent cette fonction nettoyante :

À Ouindo ils attendent juste une bonne crue pour nettoyer. Alors que nous on veut plus c’est par rapport à la pollution ; mais eux ils attendent que ça pour nettoyer leur rivière. (2016)

Les représentations positives et négatives des cyclones co-existent aujourd’hui dans la commune. Bien que les cyclones soient différemment perçus selon la situation de la tribu sur le bassin versant les phénomènes qu’ils ont induits, ils transforment partout les pratiques sociales et culturelles des riverains.

Des pratiques sociales et culturelles de l’environnement questionnées à Thio

La dégradation de l’état des rivières et de ses alentours a des conséquences sur les ressources vivrières habituellement cultivées (manioc, igname, bananes, etc.) et prélevées (loches, mulets, anguilles, etc.). Elle a également une influence sur la valeur de garde-manger associée à l’environnement dont plusieurs auteurs ont déjà révélé l’importance (Leblic 2005, Sabinot et Lacombe 2015, Wickel et al. 2016). De nombreux témoignages ont évoqué la diminution de la profondeur de la rivière et sa pollution, le comblement des trous d’eau comme des transformations défavorables au maintien de la ressource halieutique. De manière générale, la population remarque une diminution de la quantité de poissons depuis les années 1980. Certaines espèces comme le mulet noir daxû, l’anguille pârâ, ou encore les crevettes kura, sont particulièrement citées. Les récits des habitants s’appuient souvent sur des anecdotes évoquant des bonnes prises pour indiquer que la rivière de la Thio était anciennement poissonneuse. Même si on peut penser que certaines pratiques de pêche anciennes utilisant notamment la dynamite ainsi que la surpêche ont pu jouer un rôle dans la diminution des espèces piscicoles, l’activité minière est pour les habitants, un facteur majeur de cette dégradation.
Les zones agricoles sont particulièrement touchées par les inondations : des produits cultivés sont emportés avec le courant, d’autres se détériorent et s’abîment avec l’humidité de la terre. L’épaisse couche de boue et de caillasse qui s’accumule après les crues complique le travail de la terre devenue moins fertile. Les habitants font part de leur lassitude et de leur découragement car chaque crue implique de reprendre le travail préalablement fourni dans leur champ. Les impacts sur les ressources halieutiques et agricoles conduisent certains à abandonner presque complètement leurs pratiques vivrières, accentuant la tendance déjà initiée par l’entrée massive de la population dans le salariat et le tâcheronnage pour la mine. La population se questionne alors de plus en plus sur la pérennité d’un mode de vie idéal fondé sur les activités vivrières.
Au-delà de leur rôle nourricier, les ressources pêchées et cultivées ont aussi une fonction culturelle importante et sont structurantes socialement. Elles font l’objet d’échanges et de partage entre les clans lors des cérémonies coutumières (mariages, deuils, rituels autour du cycle de l’igname qui rythme et structure la société kanak (Monnerie 2012), qu’il s’agisse de produits de la mer (Leblic 2002, Sabinot et Lacombe 2015) ou de ceux de rivière. Certaines personnes des clans de la montagne s’indignent du fait qu’il soit difficile de trouver du poisson et qu’il faille parfois chercher des zones de pêche hors de la commune. D’autres soulignent l’impact direct de la pollution sur la culture et la coutume [17], car des espèces à forte valeur socio-symbolique comme le mulet noir, Cestraeus oxyrhyncus, ont disparu des échanges coutumiers. Des clans sont alors contraints d’apporter des poissons de mer aux cérémonies, habituellement apportés seulement par les clans de la mer. De même, la dégradation des zones de cultures et en particulier celles dédiées aux ignames cultivées pour contribuer aux échanges coutumiers fragilise les repères culturels et identitaires kanak des habitants de Thio, qui peinent, de fait, à contribuer aux cérémonies coutumières comme ils le devraient. Malgré ces pertes, les familles font néanmoins tout pour être en mesure d’y présenter des ignames : solliciter leurs parents proches voire en acheter, comme l’indique cet homme de St Michel :

Tu achètes pas pour faire la coutume. C’est rare, tu fais vraiment quand t’as rien. […] Faut déjà faire l’effort de faire ton champ d’ignames. Mais si c’est par rapport à la pluie, ou au vent, je ne sais pas, l’inondation que tu te retrouves comme ça, tu peux acheter, mais faut le dire. Tu dis que ça ne vient pas de chez toi. (2016)

L’engravement et la pollution questionnent l’organisation sociale et culturelle car ils touchent la répartition des rôles et des identités entre les clans de la mer et de la montagne, et interrogent la perpétuation des pratiques.

Les événements pluvieux et cycloniques portent aussi atteinte aux liens des habitants de Thio à leur environnement. Les arbres (en particulier les pins colonnaires et les cocotiers), les cailloux, la montagne, la rivière et les trous d’eau touchés par les dégradations sont des repères fondamentaux chargés de sens et d’histoires. Ils marquent le territoire symboliquement, culturellement comme physiquement et servent de support à l’orientation dans l’espace (Bonnemaison 1992). Leurs dégradations, voire leur disparition parfois, ont un effet perturbateur : « à peine tu t’habitues à un endroit que ça change » (Homme de St Pierre, 2017).
Pour les habitants de Thio, comme ceux d’autres tribus en Nouvelle-Calédonie, les éléments du paysage sont des repères affectifs, culturels et identitaires en ce qu’ils appartiennent et font référence parfois au domaine des ancêtres (Horowitz 2001, Leblic 2005). Ces derniers quant à eux, fondent l’histoire individuelle et collective des individus et font partie intégrante de leur vie (symbolisation de l’espace, pratiques quotidiennes et ritualisées) en influençant leurs conduites et en soutenant leurs actions (Leblic 2002, 2010). Une habitante de Thio raconte que les toponymes et les histoires associées aux lieux leur « donnent vie » et leur confèrent une identité. Comme cela a également pu être décrit en pays Paicî, les noms attribués aux trous d’eau peuvent être liés à des clans et à leur histoire, à des événements ou des observations qui ont été faites en lien avec ceux-ci (Leblic 2005). En transmettant ces noms et ces récits entre les générations, l’expérience vécue des ancêtres incarnée dans le paysage perdure dans le présent inscrivant alors l’histoire et l’identité des individus dans le territoire. En étant les porteurs vivants de repères identitaires, les lieux sont éminemment symboliques et culturels. Ils sont des géosymboles, « empreintes locales d’une écriture chargée de sens et de mémoire » (Bonnemaison 1992 : 76).
Du fait de ce rôle social et symbolique, les habitants considèrent l’environnement comme un « patrimoine culturel » (Horowitz 2001). Comme à Lifou et dans la région de Voh-Koné (Horowitz 2001), les habitants de Thio regrettent qu’en détruisant leur patrimoine culturel, les dégradations induites par l’engravement leur portent directement préjudice. Ils cherchent alors à rétablir de diverses manières l’équilibre social détruit. Ils racontent notamment que l’expansion de l’exploitation minière au Camp des Sapins et la destruction de pins colonnaires dans cette zone, ont provoqué plusieurs accidents et décès. Ces événements ont été interprétés par certains comme un avertissement du monde invisible, une sanction des Vieux qui ne sont plus de ce monde, en réaction aux dégradations environnementales causées par les humains, au non-respect des lieux sacrés/tabous. En réponse, les vivants ont déposé un geste coutumier– rituel composé de paroles et d’objets (tabac, argent, etc.) – aux ancêtres du lieu « pour demander pardon » et rétablir l’équilibre relationnel entre humains et non-humains.
Tout comme la dégradation ou la disparition de lieux importants et d’éléments non humains (arbre, roche, animal, etc.) soulèvent des inquiétudes pour le bien-être des humains, elles questionnent aussi le maintien de l’identité culturelle du clan, de la tribu ou de la société : « quand on perd des lieux, c’est notre histoire qui part » explique une femme de St Paul (2017). Ainsi, si des lieux ne sont plus ou alors sont dégradés, qu’en est-il des valeurs qui y sont associées ? Le sens accordé aux lieux est-il entretenu et transmis ? Le témoignage suivant partagé en 2016 par une femme de St Michel apporte quelques éléments de compréhension :

Tu vas dire ‘ah ben là avant à cet endroit, on allait se baigner, on faisait ça comme ceci, on faisait ça comme cela’. Mais bon, ça tu le dis à ceux qui sont là, et qui n’arrivent même pas à visualiser ça, ce que toi tu as dans le vécu. Et puis bon, ça s’éteint, parce que pourquoi tu vas parler de cet endroit s’il n’existe plus ?

En perdant certains lieux, les habitants regrettent de ne plus disposer d’une assise suffisante, de repères culturels essentiels pour partager un discours intelligible avec tous, et en particulier avec les plus jeunes. Transmettre des savoirs hors de leur contexte de production et « d’expérimentation » devient difficile. Les savoirs écologiques, produits et renouvelés en « faisant » et en observant, sont fragilisés car la pratique des lieux est bouleversée lorsqu’ils sont trop transformés voire disparaissent.

Si certaines personnes tiennent ces discours à Thio, d’autres mettent plutôt l’accent sur la continuité qui, selon elles, existe toujours entre les individus, leur histoire et leur attachement aux lieux - qu’il soit affectif, symbolique ou lié à une pratique spécifique - même si l’endroit est détérioré, comme l’explique cet homme de la tribu de Koua :

C’est pas parce qu’elle [la rivière] va disparaître avec les décharges qu’on ne va plus en tenir compte. Il y a des clans qui en parlent dans leur arbre généalogique parce que tel trou d’eau, ou tel creek a son histoire par rapport à eux. Et il est sacré par rapport à eux, donc il ne peut pas être oublié. (2016)

La dimension sacrée d’un lieu est liée à l’histoire qui y est rattachée, elle-même indissociable de celle des clans et de leur rôle dans l’organisation clanique. Selon cet homme, un endroit chargé de liens avec les humains ne peut pas être oublié tant qu’il continue d’exister dans les discours, tant que l’organisation sociale reste structurée par cette relation entre les humains et les non-humains. Néanmoins, force est de constater que ces liens ne sont pas toujours connus de tous et qu’une rupture se crée entre les générations. Dans ce contexte d’engravement doublé de nouveaux aménagements choisis, le sens donné aux lieux en vient à être questionné localement et conduit à l’émergence de discordances de points de vue parfois fortes au sein de la population.

La naissance d’une discordance sur le sens donné aux lieux

En Nouvelle-Calédonie, de manière générale, la valeur attribuée au lieu est avant tout une construction sociale et repose sur différents critères tels que l’usage qui y est associé, les ressources qui y sont disponibles et le lien symbolique et social avec lui et les ancêtres (Leenhardt 1937, Wickel et al. 2016, Herrenschmidt et al. 2017, Le Meur et Sabinot à paraître). Les discours recueillis, durant notre ethnographie, révèlent une ambivalence dans la manière de considérer les endroits qui ont été dégradés et pollués. Si certains mettent l’accent sur la rupture de valeur induite par l’engravement et la pollution, d’autres se caractérisent par l’idée de permanence et de maintien de cette valeur. Les descriptions à propos de la source du creek Tômurû à St Paul, illustrent bien cette divergence de représentations. Nommée localement Pêê mè Paxûchî (traduit par « la maman et ses enfants ») du fait de la présence d’une source principale et de plusieurs petites résurgences, elle était le principal point d’eau qui alimentait les habitations et les tarodières de la tribu avant les années 1960. La descente massive des décharges de la mine du plateau a été tellement importante qu’elle a transformé en profondeur le creek (figure 4) et a bouché la majorité des résurgences. Seules quelques-unes continuent de couler aujourd’hui et sont encore utilisées pour alimenter le village.

Figure 4
Photographie des aménagements réalisés sur le creek Tômurû à St Paul pour contenir la charge sédimentaire située en amont du creek, Thio.
© Lucie Gosset, 2017

Un Vieux de St Paul mentionne spécifiquement cette source lorsqu’est abordée la question des endroits tabous, chargés de sens et impliquant des règles de conduite (interdits de crier et de brûler autour de cet endroit, etc.). Le caractère symbolique de la source est censé être fort pour les clans de St Paul qui en dépendent. Pourtant, d’après notre interlocuteur, l’engravement et la pollution actuels ont non seulement transformé physiquement le lieu Pêê mè Paxûchî, mais ils ont aussi conduit à affecter son statut tabou/sacré. Bien que cet endroit ait perdu de sa valeur et que les règles de conduite ne soient plus respectées par tous, un homme de Koua travaillant pour la municipalité a témoigné durant un entretien qu’il donnait toujours une « parole » pour « l’esprit du caillou » [18] lorsqu’il venait nettoyer les installations du réseau d’adduction en eau potable près de la source. Il nous a aussi indiqué qu’un des cailloux appartenant à la source et chargé de sens par rapport à celle-ci, avait été retrouvé en aval par des travailleurs responsables des aménagements du creek Tômurû et replacé par eux à son emplacement d’origine.
Ainsi si le sens des lieux s’étiole pour certains, il garde une certaine vitalité pour d’autres. Il arrive aussi que des interlocuteurs assurent que les trous d’eau et les poissons associés se maintiendront malgré l’engravement et la pollution tout en précisant que le risque qu’ils disparaissent est tout de même bien présent si trop peu d’attention est donnée à la rivière et si les valeurs ne sont pas transmises entre les générations.
Le défi de la transmission de savoirs, de pratiques et d’une identité culturelle accordée à certains endroits et notamment aux trous d’eau, est exprimé dans chaque entretien. Les personnes témoignent d’un besoin d’ancrage à des lieux reconnus comme importants et dont l’existence physique et symbolique est altérée. Des études anthropologiques menées auprès des tribus de Yaté, commune limitrophe entre 2014 et 2015 ont identifié un processus similaire autour d’un autre objet symboliquement important, la tortue verte (Chelonia mydas) (Sabinot et Bernard 2016). L’application des réglementations autorisant les coutumiers à capturer des tortues sur dérogations provinciales a mis en exergue des conflits de valeurs et de pratiques entre acteurs des collectivités et habitants kanak qui a conduit in fine ces derniers à valoriser et même à renforcer les valeurs socio-culturelles et patrimoniales associées à cet animal, en développant des activités dans les écoles, en utilisant la tortue comme emblème et non plus seulement comme symbole en interne à la tribu pour renforcer l’ancrage social qu’elle incarne.
À Thio, après le constat de bouleversements majeurs des cours d’eau, c’est la réalisation d’aménagements sur certains sites qui a conduit à la mise en exergue de débats sur les valeurs portées à la rivière. Depuis les années 1980, des digues, des épis et des renforcements de berges par gabions tubulaires ont été faits le long des creeks et de la rivière de la Thio.

Figure 5
Photographie d’un aménagement par gabion tubulaire en cours de réalisation afin de renforcer les berges de la rivière de la Thio, en aval de la tribu de St Paul. Thio.
© Catherine Sabinot, 2018

En 2015, les rivières de Nembrou et Nakalé ont été curées par les entreprises locales de Pwimuru et de Thio worker [19]. Au cours de ces travaux, les ouvriers, connaissant bien les lieux, ont été confrontés à leur histoire, à leurs savoirs et aux valeurs locales accordées aux lieux. Cela a influencé les choix opérés lors de la réalisation du chantier. Les décisions prises quant au curage du trou d’eau de Nêdè Xiti illustrent bien ce propos. Situé sur la rivière de Nembrou, Nêdè Xiti (figure 6), dont la traduction donnée par les habitants est « marais sacré », possède une dimension sacrée. Celle-ci est liée à l’histoire du passage d’un esprit à cet endroit le soir. Sa fréquentation à ce moment y est défendue afin de ne pas croiser son chemin car cela contribuerait à désorienter les humains. Connaissant cette histoire, les travailleurs ont décidé de curer la rivière en contournant Nêdè Xiti, pour ne pas mettre en danger leur personne, leur famille, leur clan ou leur tribu.

Figure 6
Photographie du « trou d’eau » de Nêdè Xiti situé sur la Nembrou.
© Lucie Gosset, 2017

Lorsque des lieux sont porteurs d’une forte valeur socio-symbolique, cette dernière est questionnée et exprimée tant dans le quotidien de la famille du clan ou de la tribu que dans la mise en œuvre d’engagements professionnels pour l’aménagement des cours d’eau. Le témoignage de cet homme originaire de Koua montre que les prises de décisions dans ce cadre sont loin d’être évidentes :

On touche pas, ou bien on se permet tout en sachant que si on intervient pas ça risque d’être encore plus grave, mais si on intervient, peut-être que ça va soulager les trous d’eau et ça va redémarrer comme c’était avant. Les choses sacrées, c’est beaucoup le truc qui freine les choses, parce que nous on n’ose pas poser les questions, parce que la chose elle est sacrée… ou en parler, ne serait-ce qu’en parler. (2017)

Ce témoignage montre le désir de retrouver la « rivière d’avant » et de voir la mise en œuvre de travaux dans les lits des cours d’eau, tout en sachant que les aménagements risquent de perturber certains lieux. Pour les habitants, toute la complexité réside dans la détermination de cet ajustement entre valeur des lieux et aménagements des cours d’eau afin de pallier aux conséquences de l’engravement.

En plus des changements socio-économiques qui ont déjà contribué à bousculer l’identité kanak (Leblic 1993, Freyss 1995), celle-ci est aussi touchée par l’engravement et la pollution des rivières qui impactent les savoirs écologiques. Dans ce contexte bouleversé, les savoirs sur le milieu sont questionnés et retravaillés d’une part, à la lumière des adaptations répondant aux transformations vécues ; et d’autre part en tenant compte de l’influence des études scientifiques menées dans la commune.

Savoirs et modes d’apprentissage de l’environnement : entre perte, maintien et renouvellement

L’observation directe de l’environnement comme mode d’apprentissage

La transformation de certains lieux dans et aux alentours de la rivière, causée par l’engravement affecte la transmission des savoirs et des histoires qui y sont associés, car les repères habituellement utilisés ou habités sont dégradés. Si certains savoirs écologiques se perdent, les habitants continuent d’employer les mêmes modes d’apprentissage des savoirs pour appréhender leur milieu écologique. Ces modes d’apprentissages se fondent sur des observations et une expérience directe avec l’environnement. Cela s’est particulièrement révélé lorsque nos interlocuteurs nous ont présenté les caractéristiques des trous d’eau in situ. Les zones de « remous » dans la rivière, le sens du courant, les endroits « les plus bleus » -considérés comme les plus profonds- ainsi que la largeur initiale des trous d’eau ont été décrits. Les personnes rencontrées font aussi appel aux sens du toucher et de la vue ou aux compétences respiratoires : le caractère sombre d’un trou d’eau et la peur associée au fait d’y pénétrer ou l’estimation des capacités d’apnée nécessaires pour atteindre le fond d’un trou d’eau permettent de décrire les changements. La qualité du substrat (matière, couleur) retrouvé dans la rivière permet quant à lui d’évaluer la présence de pollution minière.
Les habitants expérimentent toujours régulièrement les trous d’eau et utilisent aussi des éléments de « mesure » qu’ils maîtrisent depuis l’enfance pour les décrire : repères corporels, géographiques et sensoriels, etc. La construction des savoirs écologiques passe donc par un « processus de révélation » (Ingold —faisant référence à Bateson— 2012 : 178) dans la mesure où les connaissances s’acquièrent par le déploiement de toute une série de trajectoires sensorielles lors de l’expérimentation immédiate des habitants avec leur environnement.

Les savoirs locaux, produits par cette interaction permettent à la population de Thio d’appréhender les changements de l’environnement liés aux inondations récurrentes provoquées par les fortes pluies plus fréquentes depuis quelques années. Les changements constatés sont finement observés, décrits et compris par la population, qui est désormais en mesure de les anticiper de s’adapter autant que possible aux nouvelles contraintes créées. Certains abandonnent leur parcelle cultivée ou travaillent sur plusieurs espaces : leur champ et leur jardin à proximité de la maison. Cela leur permet d’assurer la récolte d’une partie de leurs produits en cas d’inondation, mais aussi de travailler sur des parcelles où la terre est plus fertile que celle située en zone inondable. Par ailleurs, si certains ont déplacé leur habitation pour construire en zone non inondable, d’autres ont surélevé leurs fondations pour empêcher l’eau de s’y infiltrer. Choisies à l’aune des constats des transformations de l’environnement proches de chaque lieu de vie, ces réponses sont davantage développées par les habitants de manière isolée et s’appuient surtout sur leur bonne connaissance du milieu. Si les savoirs écologiques influencent les réponses adaptatives développées par les habitants à Thio, les dégradations environnementales vécues influencent les savoirs et amènent la population à en développer d’autres, ancrés dans ce mode de connaissance issu de l’expérience et de l’observation fine.

La production de nouveaux savoirs écologiques locaux

Chaque endroit parcouru et observé avec nos interlocuteurs a fait l’objet d’une description précise des comportements des cours d’eau lors des inondations, d’une explication des flux de sédiments et de leur impact sur les espèces piscicoles, etc. Dans cet environnement a priori plus rude, produire de nouveaux arrangements avec les ancêtres et les autres éléments non humains (animaux, végétaux) pour maintenir une identité culturelle, conserver une sécurité alimentaire et plus globalement un lieu de vie pour chacun, s’est avéré essentiel et structurant. Certains anciens lieux d’habitation à la tribu de St Paul, quittés par leurs propriétaires à la fin des années 1970 sont un exemple du réajustement mis en œuvre localement. S’ils ne sont plus habités, ils sont investis aujourd’hui de manière temporaire. Entretenus, ces lieux permettent les rassemblements pour les coutumes entre les membres de la tribu et conservent une importance culturelle et symbolique liée à l’histoire de l’installation des clans à cet endroit. Le lien des humains avec les non-humains est ainsi conservé. Cela permet de ne pas accentuer la rupture du lien à la terre et des dualités qui fondent la société kanak.
Ainsi, les relations entre humains et non-humains se voient ajustées par l’influence mutuelle des transformations qui ont lieu au sein des composantes écologiques et sociales. Les savoirs écologiques, co-constructions issues de négociations avec les éléments de l’environnement, sont dynamiques et se transforment en particulier lorsqu’ils sont fondés sur la pratique régulière des lieux. Ils sont alors des indicateurs de viabilité réciproque, des relations entre humains et non-humains et des marqueurs des transformations environnementales (Sabinot et Lescureux 2019).

À Thio, la transformation des savoirs écologiques est aussi impulsée par la présence de nouveaux acteurs dans la commune. Du fait des dégâts environnementaux conséquents provoqués par le passif minier très ancien, elle est le lieu de nombreuses études scientifiques et techniques commandées en particulier par les collectivités et les entreprises minières, et notamment en amont de la réalisation d’aménagements. Ces études sont suivies par des groupes d’habitants qui sont alors confrontés à de nouveaux savoirs d’experts et aux langages techniques qui y sont associés. Un processus d’appropriation de ce langage et de ces savoirs est largement observable à Thio, même si celui-ci apparaît de manière différenciée au sein de la population. C’est pourquoi l’on retrouve dans le langage courant l’utilisation de différents termes relatifs à des phénomènes géophysiques (lave torrentielle, érosion, engravement) ou à des ouvrages (enrochement, épi, gabion tubulaire, curage), toujours employés en français même lorsque les habitants s’expriment en xârâccùù. Les savoirs importés par les spécialistes conduisent la population à avoir un autre regard sur des phénomènes géophysiques qu’elle a observés et dont elle connait déjà certains mécanismes (sens des crues par exemple). Les habitants se saisissent aussi de ces savoirs pour appuyer leurs revendications à propos de l’engravement et de la pollution auprès des collectivités et de la Société Le Nickel. À Thio, le mélange de savoirs fondés sur un mode d’apprentissage empirique de l’environnement et l’appropriation des discours d’experts sur les dynamiques hydro fluviales, amène ainsi peu à peu à la constitution d’un langage partagé, développé lors des échanges entre population locale, miniers et/ou experts et scientifiques. Sur la base d’un lexique commun et de connaissances partagées - tant sur la rivière que sur les avantages et les inconvénients des aménagements existants - une nouvelle phase de négociations se met en place aujourd’hui pour envisager les aménagements futurs et un suivi de l’état des cours d’eau.

Vers une remédiation de l’environnement intégrant les savoirs locaux

Les événements climatiques extrêmes (cyclones et fortes pluies) ont largement contribué à l’engravement et l’hyper-sédimentation des cours d’eau à Thio. Ces processus, principalement associés par les habitants à l’activité minière, ont à leur tour généré des transformations importantes de l’environnement. Ces transformations viennent ébranler la relation que les habitants des « tribus de la montagne » entretiennent avec leur écosystème. À la fois inquiète et exaspérée par ces perturbations, la population s’interroge sur la pérennité de leur garde-manger, mais aussi sur le maintien et la transmission de leur identité culturelle, dont l’environnement constitue le socle.
Par ailleurs, si les lieux pour « faire la pêche », cultiver ou entretenir des pratiques rituelles sont impactés par la pollution, ils sont toujours connus et observés. Sont alors produits de nouveaux savoirs écologiques, toujours fondés sur une observation fine et répétée du milieu écologique, mais dans un contexte perturbé par une histoire minière et un engravement des cours d’eau déclenché puis maintenu par les fortes pluies et les cyclones. À ces savoirs locaux viennent s’ajouter ceux des experts des géosciences dont l’influence, notamment dans le langage, est marquante.
Pour épargner autant que faire se peut les lieux de vie et de cultures, des démarches de remédiations impliquant des travaux et aménagements sur les cours d’eau ont été mises en œuvre dans la commune. Par l’observation directe de l’environnement et l’expérience des lieux, les habitants sont les premiers témoins des transformations environnementales et constatent au quotidien l’efficacité et l’incidence des aménagements déjà élaborés. Menées dans le cadre du projet interdisciplinaire « Gestion du passif » à la demande des collectivités publiques et des industriels, une étude des transformations physiques et une analyse des différents types d’aménagements futurs envisageables ont été réalisées aux côtés de l’enquête ethnologique conduite par les auteures. Se référer aux connaissances et aux vécus des habitants, en particulier en observant les savoirs écologiques sans cesse renouvelés, assure alors de bien comprendre et sûrement de mieux suivre les changements qui s’opèrent. Une réflexion est en cours pour intégrer les connaissances relatives aux savoirs de la population et à leur construction (habitudes d’observation de changement des trous d’eau par exemple) dans les processus d’observation réalisés avec des méthodes de mesures hydro-géomorphologiques (caractérisation de l’évolution de la largeur de la bande active, modélisation des relevés de topographie et de granulométrie, etc.). Cela permettra d’assurer un suivi localement approprié par les premiers concernés, les habitants. Seul un programme de recherche pluridisciplinaire permet d’apporter ce regard croisé intégrant les enjeux biophysiques et socio-culturels dans des réflexions sur les adaptations sociales et techniques les plus ajustées.

add_to_photos Notes

[1Tout fonctionne par associations dualistes d’éléments symboliques complémentaires : sont liés l’homme et l’igname, la femme et le cocotier, le sec et l’humide, le mulet noir et l’igname, etc. Les clans s’identifient à un élément non-humain qui peut être animal, végétal, minéral, ou encore météorologique comme le tonnerre.

[2La notion de « tribu » en Nouvelle-Calédonie possède une connotation particulière. Elle caractérise une entité administrative élaborée par l’organisation coloniale en 1867 à laquelle était associée une « propriété territoriale » : « la réserve ». Chaque tribu est composée de plusieurs clans. Cette notion de tribu a complètement été réappropriée par la population depuis les années 1970. (Le Meur 2013).

[3Ce programme, coordonné par M. Garcin et financé par le CNRT Nickel et son Environnement s’est intéressé au processus d’engravement et d’hyper-sédimentation des cours d’eau et a analysé l’efficacité et les contraintes des actions de remédiation déjà menées dans la commune. Contrairement aux précédentes études sur le sujet, des spécialistes des dynamiques hydro fluviales et anthropologues (Gosset 2016) ont travaillé de concert pour produire in fine un guide méthodologique de la remédiation intégrant les dimensions sociales et géophysiques (http://www.cnrt.nc/gestion-du-passif/).

[4Nom utilisé localement en français calédonien pour désigner les ruisseaux.

[5Les responsabilités coutumières font référence aux hommes dotés d’une fonction précise dans la sphère politique coutumière kanak (chef de clan, du conseil des anciens, du district coutumier).

[6Nous donnerons la traduction de certains termes en xârâcùù, langue du district coutumier de Thio. Il convient de noter que le xâragùrè, langue du district de Borendy, est aussi aujourd’hui pratiqué dans la commune. Nous remercions la linguiste Claire Moyse-Faurie pour ses conseils en matière de traduction.

[7Chiffres provenant de l’Insee et accessibles sur le site de l’institut à l’adresse suivante : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2122769?sommaire=2122859.

[8Notons que les personnes rencontrées ont employé aussi l’expression « le mauvais temps » xwâda saa, qui a un sens plus large et sert à définir la période de cyclones et fortes pluies souvent présentes en début d’année.

[9D’autres facteurs d’érosion liés aux feux de brousse et à la présence d’animaux sauvages (cerfs, cochons, chevaux) sont également cités par les habitants comme des phénomènes alimentant la charge solide contenue dans les cours d’eau.

[10Ce cyclone est classé parmi les cyclones tropicaux mémorables du territoire. Il a principalement touché la côte Est de la Grande Terre, avec un vent de 191km/h en rafale et une pluviométrie de 300mm enregistrée dans la commune voisine de Canala. Alison, pourrait être classé au rang de catégorie 2 sur l’échelle de Saffir-Simpson. http://www.cyclonextreme.com/cyclonecaledoniesystmemo.htm

[11Le terme de caillasse est emprunté aux habitants et fait référence dans ce contexte à un mélange de graviers et de sable.

[12Différents accords, dits accords « pieds-mouillés » ont été signés depuis les années 1980 retraçant les réclamations des habitants des tribus relatifs aux inondations. Ces accords ont évolué et les négociations intègrent aujourd’hui plusieurs groupes d’acteurs : les deux districts coutumiers, la commune, le représentant de l’État, la Province Sud, la Société Le Nickel - principal exploitant, le gouvernement, et un collectif d’habitants.

[13La période dite « des Événements » correspond à la période d’affrontements entre les militants kanak du mouvement indépendantiste et les loyalistes qui dura près de neuf ans (1981-1989). Pour plus de précisions, le lecteur pourra se référer à Coulon (1985), Naepels (1997), Guiart (2007), Mokaddem (2017), Trépied (2018).

[14À Thio, les habitants emploient les termes de « Vieux » ou « Vieille » pour désigner avec respect les personnes âgées.

[15Il effectue des tournées régulières sur les lieux affectés par la descente des décharges minières et sur les sites où des aménagements ont été réalisés. Il est présent et il est partie prenante des échanges et accords avec les collectivités et les exploitants miniers.

[16Pour les habitants, les trous d’eau sont des lieux plus profonds dans la rivière formant des bassins. Ils sont considérés comme l’habitat principal des poissons et constituent des espaces de pêches et de baignade privilégiés. Le terme trou d’eau a été traduit par mwââ kwé (« la maison de l’eau ») ou par pôô kwé par nos interlocuteurs.

[17Employé dans ce sens, la « coutume » désigne l’échange cérémoniel kanak qui se déploie dans différents contextes (accueil d’un nouvel arrivant, cérémonies coutumières (mariage, deuil, fête de la nouvelle igname), ouverture d’une réunion, etc.) qui consiste en un échange d’objets (étoffe, monnaie, nourriture) et de paroles. Pour plus de précisions, se référer à Monnerie (2012).

[18Caillou investi par l’esprit d’un élément non humain lié à un lignage qui s’identifie à cet élément et le considère comme totem.

[19Entreprises créées à l’issu d’un protocole d’accords de fin de conflit signé en 2013 entre le collectif, les pouvoirs publics (l’État, le gouvernement, la commune, la Province Sud) et la Société Le Nickel indiquant les engagements de chacun.

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Pour citer cet article :

Lucie Gosset, Catherine Sabinot, Elisabeth Worliczek, 2019. « Quand cyclones, pluies et pollution interrogent les liens des Kanak à leurs rivières et participent au renouvellement des savoirs écologiques (Thio, Nouvelle-Calédonie)  ». ethnographiques.org, Numéro 38 - décembre 2019
Approche anthropologique des changements climatiques et météorologiques [en ligne].
(https://www.ethnographiques.org/2019/Gosset_Sabinot_Worliczek - consulté le 19.04.2024)
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