L’interprète sur le terrain de l’anthropologue : rencontre interdisciplinaire

Résumé

La collaboration avec des interprètes est courante dans les enquêtes qualitatives de terrain. Nous analysons ici la présence de ces médiateurs linguistiques sur les terrains de l’anthropologue et la nature des relations entre l’anthropologue et son interprète. Notre approche associe les connaissances anthropologiques aux réflexions théoriques récentes menées en traductologie. Cette analyse croisée permet de comprendre les enjeux spécifiques de l’interprétariat dans les enquêtes de terrain : l’absence de formation en interprétation, le profil linguistique des interprètes et l’impact de leur présence à différents stades de l’enquête. Dans la dernière partie de cet article, nous proposons des pistes concrètes pour mieux gérer les travers de l’interprétariat lors d’une enquête qualitative de terrain.

mots clés  : terrain ethnographique, interprète, assistant de recherche, éthique, méthodologie, ethnolinguistique, traduction, entretiens

Abstract

The interpreter in anthropological fieldwork : an interdisciplinary encounters

Researchers routinely rely on interpreters during qualitative field work. In this paper, we analyze this practice and the nature of the relationship(s) between anthropologists and their interpreters. Combining insights from the field of anthropology with recent thinking in interpretation studies, we outline the specific stakes of interpreting in qualitative field research : the absence of formal interpreter training, the linguistic profile of interpreters and the impact of their presence at different stages of the research cycle. In the last part of this paper, we offer a range of concrete suggestions better to account for the interpreter factor in qualitative field research.

keywords  : ethnographic fieldwork, interpretation, research assistant, research ethics, methodology, ethnolinguistics, translation, interviews

Sommaire

Regards croisés

Lors de terrains ethnographiques, nombre d’anthropologues emploient des interprètes qui souvent sont également leurs assistantes de recherche [1]. Curieusement, peu d’intérêt est consacré au rôle de l’interprète [2] en anthropologie, surtout dans les publications émanant du monde francophone, et ce en dépit du rôle essentiel que jouent ces intermédiaires dans la construction des données ethnographiques et les relations de l’anthropologue avec ses interlocuteurs.

Nous présentons ici l’état de la recherche sur l’utilisation des interprètes dans les enquêtes de terrain, avant de proposer un cadre de réflexion interdisciplinaire alliant connaissances anthropologiques et traductologiques pour analyser l’apport de l’interprète dans les différentes phases de l’enquête. Nous étudions le rôle des interprètes ad hoc sur le terrain en critiquant deux mythes professionnels qui ont façonné le regard que l’anthropologie et la traductologie ont porté sur ces figures : le mythe de l’anthropologue parfaitement polyglotte et celui de l’interprète parfaitement neutre. Ces deux mythes se sont effrités graduellement au cours des dernières décennies, ce qui permet actuellement de repenser le rôle des interprètes de terrain à l’aune de recherches récentes dans les deux disciplines.

Mythes et réalités de l’anthropologue polyglotte

Au sein des sciences humaines et sociales, l’anthropologie se distingue volontiers par sa façon de construire un type de connaissance propre à la discipline : lors de longs séjours (souvent solitaires) sur le terrain, l’anthropologue parvient à développer une compréhension intime de la vie et de la culture d’autrui qui reste inaccessible aux membres d’autres disciplines académiques (Borchgrevink 2003 : 95-96). Or, cette connaissance ne se construit pas par simple immersion dans un groupe et l’anthropologue ne rapporte pas à la façon du réalisme naïf des observations neutres.

La position de la chercheuse [3] joue un rôle essentiel dans la construction du savoir en sciences sociales, tant au cours de l’enquête de terrain que pendant le travail d’écriture ethnographique (voir notamment Clifford et Marcus 1986 ; Van Maanen 1988).

Dès les années 1980, l’anthropologie considère la « situation ethnographique » comme « coopérative » (« the cooperative and collaborative nature of the ethnographic situation ») (Tyler 1986  : 126) plutôt qu’extractive, et étudie la capacité des participantes à parler « pour elles-mêmes » (Fischer 1986 : 201). Depuis lors, la discipline a affiné la méthodologie de l’enquête de terrain : les manuels d’anthropologie proposent des instructions détaillées sur la meilleure manière de prendre des notes de terrain (Emerson et al. 2011) ou de réaliser des entretiens directifs, semi-directifs ou informels (Bernard 1994) ; l’observation participante, sous ses différentes formes (Pétonnet 1982), a donné lieu à de nombreuses réflexions ou ouvrages de méthodologie (voir notamment DeWalt et DeWalt 2011 ; Spradley 2016) et plusieurs textes ont été consacrés à la transformation des données issues du terrain en récit (parmi les plus récents Ghodsee 2016).

Toutefois, lorsque la langue est mentionnée dans ces manuels, les auteurs se contentent souvent de souligner que l’apprentissage de la langue locale fait partie de la préparation au séjour sur le terrain (voir par exemple Bernard 1994 : 221) et que quelques mois doivent être consacrés à cette tâche en amont. Une fois sur le terrain, l’ethnologue est censée communiquer directement avec ses interlocutrices en langue vernaculaire. Par ailleurs, pour établir son autorité et, par conséquent, celle de son récit, l’anthropologue se doit de montrer ses compétences linguistiques (Clifford 1986  : 25).

Ces exhortations à apprendre la langue locale font pourtant fi de deux aspects : rares sont les langues que l’on parvient à « maîtriser » en quelques mois, et rares sont les supports d’apprentissage (méthodes, livres, dictionnaires) pour l’immense majorité des langues minoritaires (voir notamment Gibb et Danero Iglesias 2017 sur l’apprentissage des langues par les anthropologues). Par ailleurs, lorsque ces supports existent, ils passent souvent par une langue tierce (généralement l’anglais) que l’anthropologue non anglophone doit donc également maîtriser avant de pouvoir accéder à la langue de son enquête.

Si dans certaines institutions comme l’INALCO [4] ou la SOAS [5], il est encore possible d’apprendre, au cours de sa formation universitaire ou avant de se rendre sur le terrain, des langues véhiculaires ou vernaculaires, cela ne concerne que certaines langues et ces formations ne sont accessibles qu’à une minorité d’anthropologues. Bien que le nombre exact des langues dans le monde reste controversé, nous pouvons néanmoins affirmer que les six langues africaines actuellement enseignées à la SOAS et les 17 langues et variétés d’arabe parlées sur le continent africain enseignées à l’INALCO ne couvrent qu’une petite partie des études ethnographiques menées sur ce continent. Pour bien des langues et dans la plupart des universités, il n’est pas possible de suivre une formation linguistique préalable au terrain. Par conséquent, peu d’anthropologues maîtrisent suffisamment les langues locales pour pouvoir conduire une conversation approfondie, ou pour réagir et s’adapter en direct aux réponses parfois complexes données lors d’un entretien semi-directif.

Ainsi, parmi les générations récentes, le mythe de l’anthropologue polyglotte commence à s’effriter. Axel Borchgrevink (2003 : 99-101) souligne que des anthropologues parmi les plus illustres, comme Margaret Mead ou Edward Evans-Pritchard, avaient une maîtrise incomplète, voire inexistante des langues parlées sur certains de « leurs » terrains. Kristen Ghodsee (2016 : 15) formule des recommandations pragmatiques qui tiennent compte des difficultés d’apprentissage évoquées plus haut, mais également des contraintes d’un monde académique toujours plus compétitif :

L’apprentissage d’une langue requiert du temps et la recherche ethnographique exige de la parler couramment, ainsi que de comprendre le vocabulaire spécialisé. Si vous n’êtes pas déjà bilingue ou si vous n’avez pas un talent particulier pour les langues, travailler dans votre langue maternelle pourrait être la meilleure approche. Conduire une enquête près de chez vous, vous permet d’aller sur le terrain sans investir des mois (ou des années) dans l’apprentissage d’une langue étrangère, un avantage non négligeable pour ceux et celles qui souhaitent limiter le temps consacré aux études doctorales ou sont sous pression par rapport à leur titularisation. (traduction des auteurs depuis l’anglais)

Sans parler du fait que l’existence d’un « talent particulier » pour l’acquisition d’une nouvelle langue adulte reste discutable (Perani 2005), l’appel de Ghodsee visant à éviter le recours à une interprète reste problématique, car elle sous-estime le fait que, très souvent, le choix du terrain n’incombe pas aux chercheuses, mais dépend des postes mis au concours ou des opportunités de financement qui se présentent. À cela s’ajoute le fait que les terrains de longue durée ou répétés sont toujours plus rares aujourd’hui et que l’anthropologue est souvent contrainte de suivre les financements sur mandat, passant d’une région du monde à l’autre en l’espace de quelques mois ou années (Droz 1996). Cette situation interdit le long apprentissage des langues vernaculaires par immersion, mais limite également la possibilité d’avoir un recours systématique à une langue déjà maîtrisée. Ainsi, l’éventuel bilinguisme préexistant de la chercheuse devient un atout très relatif et le recours à des interprètes une réalité pour de nombreux terrains.

Il existe désormais un ensemble croissant de travaux sur l’influence des interprètes ou des assistantes de recherche dans le processus de construction du savoir en sciences sociales (Temple et Young 2004 ; Ficklin et Jones 2009), sur les aspects pratiques (y compris financiers) de la relation entre chercheuse et interprète ou assistante de recherche (Mandel 2003 ; Molony et Hammett 2007), ainsi que sur la relation entre l’assistante de recherche et les participantes (Turner 2010). Des travaux récents s’intéressent en outre aux différents niveaux de maîtrise que l’anthropologue peut avoir de la langue locale (Borchgrevink 2003), et au rôle que peut jouer une maîtrise même rudimentaire dans les enquêtes de terrain, notamment pour établir une relation de confiance avec les participantes (Gibb et Danero Iglesias 2017).

La présence d’une « interprète » dans les enquêtes anthropologiques n’est donc plus systématiquement passée sous silence, comme cela fut la règle tout au long du XXe siècle, et elle n’implique pas nécessairement une absence complète de connaissances en langue locale de la part de l’anthropologue. Toutefois, l’existence des barrières linguistiques sur le terrain continue d’être un sujet sensible au sein de la discipline et la relation de travail entre anthropologue et interprète reste peu analysée, encore moins théorisée.

Si nous mettons des guillemets à « interprète », c’est que cette désignation est en elle-même incertaine. L’immense majorité des anthropologues n’a jamais eu la chance de travailler avec des interprètes professionnelles sur le terrain. Leurs enquêtes impliquent souvent une langue locale ou « vernaculaire » grammairisée – voire inventée (Peterson 2004 ; Anderson 2006) – par des missionnaires, et pour laquelle on ne trouve pas de formation en interprétariat. La figure de l’interprète se construit donc en parallèle de l’enquête, comme l’illustre ce récit (adapté de Droz 1997), basé sur ses expériences en Équateur, en Côte d’Ivoire, au Burundi et au Kenya :

Lors de différents terrains, j’ai tenté d’apprendre les bases du quechua, du baoulé, du kirundi et du kikuyu, mais les quelques mois d’apprentissage préalable au terrain – puis lors de celui-ci – n’ont pas suffi à maîtriser ces langues. Je pouvais répondre aux salutations ou engager des conversations « phatiques », mais mes compétences linguistiques ne permettaient pas d’évoquer des sujets complexes et sensibles. Dans le meilleur des cas, ma maîtrise de la langue permettait d’évaluer la traduction et demander des précisions sur certains termes, tournures de phrase ou thématiques lorsque la traduction semblait trop résumée.

La formation de l’interprète et la mise au point d’une entente commune sur la façon de conduire l’enquête, ainsi que sur les écueils à éviter lors des interactions avec les interlocuteurs sont un aspect crucial de l’enquête. L’interprète est l’ombre et la parole de l’ethnologue, la précision de ses traductions, son comportement avec les membres du groupe local, son effacement au cours des entretiens et l’acuité de sa perception des difficultés sous-jacentes aux dires ou aux réactions des interlocutrices sont autant de facteurs qui conditionnent la qualité des données ethnographiques. Ainsi, tant qu’une relation de confiance n’est pas établie, la « collecte » de données qualitatives ne peut débuter. Une véritable maïeutique ou « pédagogie » de la recherche doit être déployée par l’anthropologue, afin de s’assurer que l’interprète a saisi les buts de l’enquête. Élaborer un guide d’entretien représente une étape déterminante dans ce processus : l’interprète le traduit en langue vernaculaire.

Une « expérience cruciale » se présente lors de la rétrotraduction du guide d’entretien. Celle-ci peut être le fait de l’interprète ou d’une autre personne – l’un n’excluant pas l’autre – et les discussions sur les problèmes de rétrotraduction permettent de garantir que le sens de l’entretien ne se perdra pas dans un « malentendu productif ». En outre, l’enregistrement et la transcription de l’entretien permettent de contrôler la qualité du travail d’interprétation. Ainsi, une nouvelle traduction peut être nécessaire, lorsque la passion de l’interaction a suscité certains oublis ou des résumés hasardeux de la part de l’interprète. (adapté de Droz 1997 : 38-41)

Toutes ces stratégies, et d’autres similaires évoquées dans la littérature (Temple et Edwards 2002 ; Temple et Young 2004 ; Ficklin et Jones 2009 ; Turner 2010), montrent une volonté de mettre en place une véritable pédagogie de l’interprétation sur le terrain. Nous pensons néanmoins que ces approches gagneraient à être enrichies par les avancées récentes dans la recherche en traductologie portant sur le rôle et la formation des interprètes.

L’interprète dans l’interaction à trois

Les travaux en anthropologie portent un jugement souvent sévère sur les compétences linguistiques de l’anthropologue (Borchgrevink 2003 ; Gibb et Danero Iglesias 2017), mais n’appliquent pas le même regard critique à l’interprète, donnant ainsi l’impression que cette dernière est une intermédiaire parfaitement bilingue et largement invisible. Cette conception « mythique » de l’interprète se rapproche de celle implicitement prônée dans les travaux en interprétation de conférence (Moser 1978  ; Lederer 1997 ; Ericsson 2000 ; Moser-Mercer 2008) qui, malgré leurs fondements théoriques et approches méthodologiques différentes, ont deux points communs : ils s’intéressent uniquement aux interprètes de conférence professionnelles et semblent partir du principe que ces dernières peuvent adopter une posture parfaitement neutre et seraient limitées dans leur capacité à traduire de manière impartiale et fidèle uniquement par leurs « compétences » (pour une liste des compétences pertinentes, voir par exemple Moser-Mercer 2010 ), mais pas par des contraintes sociales ou relationnelles.

Cette « impartialité » attendue est au cœur de l’identité professionnelle des interprètes de conférence, elle est à la fois le mythe fondateur de la profession (Baker et Maier 2011) et l’attribut existentiel de l’interprète (Boéri 2008). La légitimité et, par conséquent, l’existence de la profession dépendent de la capacité de ses membres à gagner la confiance de toutes les parties. Interroger la possibilité même d’une médiation linguistique impartiale risquerait d’entacher cette image. À l’instar du mythe de l’anthropologue polyglotte, l’impartialité de l’interprète est donc un enjeu sensible. Cette image de l’interprète professionnelle, issue du monde de l’interprétation de conférence, a longtemps façonné le regard que porte la traductologie sur les médiatrices linguistiques, y compris non-professionnelles. Par ailleurs, la discipline naissante des « interpreting studies » (études en interprétation), sous-discipline de la traductologie, est caractérisée dès ses débuts et jusqu’à présent par un enchevêtrement entre recherche et pratique professionnelle, les mêmes individus, appelées par certains des « practisearchers » (Gile 2018), cumulant souvent les deux activités. Il existe donc une tendance à mettre la recherche au service de la profession. Lorsqu’il y a près de vingt ans Borchgrevink (2003) réunit les approches théoriques issues de l’anthropologie et de l’interprétation, l’impartialité de l’interprète n’était que rarement remise en question puisque la recherche en interprétation était étroitement liée à l’enseignement et à la transmission de principes de conduite plutôt qu’à l’observation des interprètes sur le terrain. Cecilia Wadensjö (1998) est alors une exception notable et ses recherches ethnographiques permettent, dans la décennie qui suit, l’émergence d’un discours alternatif, émanant notamment des rangs des interprètes « communautaires », médiatrices linguistiques que l’on retrouve dans les hôpitaux, l’administration publique, les services sociaux ou dans des contextes similaires. Ici, les chercheuses intègrent des théories sociologiques (Wolf 2011) et des méthodes ethnographiques (Angelelli 2015) dans leur travail, car les théories existantes de l’interprétation de conférence ne leur permettent pas d’appréhender la dynamique relationnelle complexe qui caractérise l’interaction en trilogue [6]. Leurs travaux remettent en question le modèle de l’interprète comme « conduit neutre » et permettent de concevoir l’interprète comme une partie prenante dans un processus de communication triadique (Angelelli 2008 ; Inghilleri 2005 ; Tipton 2008). Néanmoins, malgré une compréhension plus fine des multiples défis limitant la neutralité de l’interprète, l’impartialité continue à faire partie des principes d’enseignement – y compris pour les interprètes communautaires – et à être considérée comme un repère utile pour la pratique professionnelle.

En nous inspirant des études en interprétation, nous présentons les « compétences » des interprètes travaillant dans les enquêtes ethnographiques, avant de nous intéresser à leur posture et aux relations qu’elles entretiennent avec leurs interlocutrices. Puisque ces interprètes n’ont généralement pas de formation spécifique en interprétation, leurs compétences linguistiques sont souvent le critère déterminant pour leur recrutement dans une enquête de terrain.

Les compétences linguistiques de l’interprète « ad hoc » sur le terrain

La tâche principale de l’interprète, telle qu’enseignée dans les formations en interprétation de conférence et communautaire, consiste à transmettre de manière fidèle un message d’une langue à l’autre sans en modifier le sens par des ajouts, des omissions ou des modifications. Bien que dans de nombreux contextes relevant de l’interprétation « communautaire » les interprètes ont régulièrement recours à des stratégies telles que l’ajout, l’atténuation, l’omission ou l’explication culturelle, il est important de noter que ces stratégies sont enseignées comme des recours lorsqu’une traduction « directe » ne serait pas suffisante pour faire passer le message original. Par ailleurs, dans certains contextes de travail, ces stratégies sont explicitement déconseillées, voire interdites aux interprètes par les institutions qui les emploient (notamment dans les procédures d’asile, lors de séances de psychothérapie ou lors d’un interrogatoire de police). Ainsi, le transfert linguistique constitue la règle, et les ajouts, modifications ou explications d’ordre culturel (politesse, sujets tabous, etc.), une exception.

Pour s’acquitter de cette tâche de transfert linguistique, l’interprète doit être capable de comprendre le message source, de le garder en mémoire et d’ensuite le reformuler dans la langue d’arrivée. Contrairement à Borchgrevink (2003) ou à Gibb et Danero Iglesias (2017), dont les propos se réfèrent principalement à des terrains où la langue officielle et la langue des participantes concordent, nos expériences dans différents pays africains ou latino-américains nous permettent de constater que les profils linguistiques des « interprètes » de terrain imposent souvent une première limite à leur capacité de rendre des énoncés de manière fidèle.

Le plus souvent, l’anthropologue travaille avec des jeunes scolarisées ou récemment diplômées, bombardées « interprète » en raison de leur maîtrise de la langue vernaculaire et de la langue nationale (anglais, français ou espagnol dans notre cas), dans un contexte social où l’apprentissage de la seconde langue se fait souvent au détriment de la première (Mazrui 2004  ; Djité 2008 ; Blommaert 2009). Ainsi, il existe fréquemment un décalage considérable entre l’utilisation de la langue vernaculaire par les participantes à l’enquête pour qui l’univers social se vit et se dit à travers elle et la capacité de compréhension et d’expression de l’interprète. Pour elle, cette langue a souvent été reléguée au cercle familial, voire à une petite partie de celui-ci, depuis des années et elle a appris à penser la sphère publique dans sa langue de scolarisation, qui le plus souvent est l’ancienne langue coloniale du pays (Ambadiang 2010). Le rapport de pouvoir entre cette langue officielle – apanage des élites, des jeunes scolarisées et des citadines – et les langues vernaculaires, souvent parlées en priorité par les populations rurales, les aînées, et les personnes ayant un statut socio-économique et un niveau d’éducation moins élevé est très inégal et empreint de considérations idéologiques (Langthaler et al. 2012).
À l’instar d’autres bilingues, les interprètes de terrain ont par ailleurs une maîtrise généralement asymétrique (Blommaert 2009), voire très lacunaire (Blommaert 2001 ; Delgado Luchner et Kherbiche 2018) de leurs langues de travail. Ce phénomène n’est pas limité aux terrains « exotiques » de l’ethnologue, mais également répandu dans les contextes de l’interprétation « non-professionnelle » dans les pays du Nord. À titre d’exemple, en Suisse, où il existe depuis quelques années une formation pour interprètes communautaires, le niveau minimal de maîtrise requis dans la langue officielle (français, allemand ou italien selon la région) correspond au niveau B2 du Cadre européen commun de référence pour les langues (Conseil de l’Europe 2001). Ce niveau, appelé « utilisatrice indépendante », correspond à une maîtrise intermédiaire de la langue qui permet à l’apprenante de comprendre et de s’exprimer avec spontanéité « dans des situations familières » et « sur une grande gamme de sujets relatifs à [ses] centre d’intérêt » (Conseil de l’Europe 2014). L’on comprend aisément la limitation que cela présente pour l’interprète, censée pouvoir exprimer le vécu et les intérêts d’autrui, aussi lointains soient-ils, des siens. De plus, pour l’évaluation de la maîtrise de la langue dite « d’origine » des interprètes communautaires – et il en va de même pour les langues vernaculaires utilisées dans les enquêtes anthropologiques – il n’existe généralement pas de cadre de référence ni de certification. Le niveau de maîtrise que l’interprète a de cette langue reste donc souvent incertain pour l’anthropologue. À cette incertitude s’en ajoute une autre : la conception du rôle de l’interprète et sa capacité à l’endosser dans le cadre d’une enquête de terrain.

Le positionnement de l’interprète dans le trilogue

Les expériences de terrain de Droz évoquées plus haut et les stratégies mises en place pour « vérifier » la qualité du travail de ses interprètes, tout comme les travaux d’autres chercheurs ou chercheuses rapportant leurs expériences avec des interprètes (Borchgrevink 2003 ; Ficklin et Jones 2009 ; Gibbs et Danero Iglesias 2017 ; Temple et Edwards 2002  ; Temple et Young 2004 ; Turner 2010) indiquent qu’on attend que l’interprète reste fidèle au message original et, la plupart du temps, largement « impartiale » pendant des entretiens semi-directifs. Cette attente correspond largement aux principes ancrés dans les codes déontologiques pour interprètes et transmis dans les formations. Néanmoins, il existe certaines divergences entre les attentes des anthropologues envers leurs interprètes et les règles de conduite prônées par les formateurs d’interprètes : l’analyse de ces divergences nous permet de mettre en évidence les spécificités de l’interprétation dans la recherche anthropologique et l’apport potentiel des études en interprétation à la formation ad hoc des interprètes par les anthropologues.

Dans les formations en interprétariat communautaire qui visent à préparer une interprète à s’acquitter de sa tâche de la manière la plus impartiale possible, on l’exhorte généralement à utiliser la première personne et le discours direct lorsqu’elle transmet le message d’autrui (ne pas transformer un « je » en un « il/elle a dit que »). Cette utilisation du discours direct est recommandée de manière unanime dans les manuels d’interprétation (Ginori et Scimone 2003 ; Hale 2004 ; Crezee 2013) et dans les codes de conduite (Mikkelson 2000 ; UNHCR 2009) comme l’un des principaux critères de différenciation entre une interprète professionnelle (ou du moins formée) et une interprète ad hoc (sans formation).

Cette approche, qui paraît pourtant évidente pour des traductions écrites et l’interprétation simultanée où la médiatrice linguistique est physiquement absente et donc invisible est pourtant difficile à mettre en œuvre dans des contextes où l’interprète interagit directement avec les interlocutrices : lorsqu’elle utilise le « je » pour rendre le discours d’autrui, elle devrait alors passer à la troisième personne pour parler de elle-même (« L’interprète n’a pas compris la question ») afin d’éviter la confusion (un « Je n’ai pas compris la question » qui pourrait venir de l’interlocutrice plutôt que de l’interprète). Cette situation est vécue comme laborieuse, surtout lorsqu’une même personne cumule le rôle d’interprète avec un rôle de partie prenante dans la communication, comme une assistante de recherche de l’anthropologue qui « fait » l’interprète.

L’absence de données systématiques ne nous permet pas d’affirmer avec certitude que l’interprétation à la première personne reste une exception dans les enquêtes de terrain. Toutefois, les observations indépendantes des deux auteurs vont dans ce sens. Depuis 2011, Carmen Delgado Luchner a formé plus de 150 interprètes non professionnelles intervenant sur le terrain pour des organisations humanitaires et plus de 100 interprètes communautaires en Suisse. La grande majorité des participantes n’avait aucune formation préalable en interprétation, bien que certaines exerçaient ce métier depuis des années. Sur ces plus de 250 interprètes, rares – moins de 20 – étaient celles qui utilisaient la première personne pour interpréter avant qu’une consigne dans ce sens ne leur soit donnée.

Ceci est confirmé par Yvan Droz qui a travaillé avec une dizaine d’interprètes différents en Afrique et en Amérique latine. Sans avoir reçu de consignes précises en rapport avec l’usage du « je », toutes les interprètes avec lesquelles il a travaillé lors de ses enquêtes de terrain ont utilisé systématiquement la troisième personne pour traduire les propos des interlocutrices. Cet usage était implicitement considéré comme une marque de respect pour l’interlocutrice : les interprètes, souvent de jeunes personnes, montraient ainsi leur déférence pour des interlocutrices toujours plus âgées.

L’utilisation de la troisième personne est souvent préconisée tant par les interprètes ad hoc que par leurs utilisatrices (y compris les anthropologues !), précisément dans un souci d’impartialité. En effet, l’interprète doit faire preuve d’une certaine capacité d’empathie vis-à-vis de différentes locutrices lui permettant de devenir « leur voix » le temps d’une intervention, sans pour autant tomber dans une trop grande appropriation de leur parole (Lesseigne 2003). L’utilisation de la première personne est souvent vécue par les utilisatrices comme une imposition, voire une imposture, de la part de l’interprète et la troisième personne paraît alors comme une meilleure solution pour rétablir la distance que l’on pense être la clé d’une médiation linguistique professionnelle. Toutefois, alors que l’utilisation de la troisième personne est anodine lors d’une interaction furtive, elle change la dynamique d’un entretien semi-directif : lorsque chaque énoncé de la participante est préfacé par l’interprète d’un « elle dit que » et chaque question de la chercheuse d’un « demande-lui si », la relation collaborative au cœur de la situation ethnographique (Tyler 1986) peine à s’établir et la distance entre chercheuse et participante se creuse. Par ailleurs, dans cette situation, les participantes au trilogue auront tendance à regarder leur principale interlocutrice (c’est-à-dire l’interprète, qui est celle à qui chaque partie s’adresse à la première personne) au lieu de se regarder l’une l’autre [7]. Et le regard aura, à son tour, un impact sur la participation de chaque partie au trilogue (voir notamment Mason 2012).

L’exhortation à utiliser la première personne souvent répétée lors des formations en interprétation ne constitue ainsi pas une violation du principe d’impartialité, mais est censée, au contraire, aider l’interprète à se rapprocher le plus possible de son rôle principal, la transposition linguistique des énoncés, et prendre conscience des moments où elle s’en éloigne.

Toutefois, lorsque l’interprète utilise la première personne dans une enquête de terrain, elle est souvent reprise par l’anthropologue. Cette stratégie exprime une inquiétude liée à la présence de l’interprète et à l’impact de cette dernière sur les différentes relations qui entrent en interaction dans une situation de trilogue. En outre, elle révèle une difficulté à séparer le rôle d’interprète du rôle d’assistante de recherche, y compris dans le contexte d’un entretien semi-directif. Nos tentatives d’encourager des collègues anthropologues à favoriser une interprétation à la première personne ont ainsi souvent provoqué une certaine consternation si ce n’est une forte résistance. Carmen Delgado Luchner a souvent été confrontée à des réactions comparables de la part de différentes interprètes communautaires en formation, habituées à l’utilisation de la troisième personne et peu enclines à changer d’approche. Toutefois, lorsqu’elles pratiquent l’interprétation à la première personne, la différence est réelle comme le montre le témoignage d’une participante dans son travail écrit de fin d’études :

C’est avec cet entretien [que] j’ai commencé à parler [à] la première personne, avant de commencer la formation je [ne pratiquais] pas le « je », et j’ai remarqué que ça change tout.

L’étudiante décrit ensuite comment l’utilisation de la première personne lui a permis de contribuer à ce qu’une relation de communication s’installe entre les deux locutrices. Lorsque les deux parties se parlent à travers l’interprète au lieu de parler l’une de l’autre à l’interprète, la marginalisation d’une des parties au trilogue n’est plus aussi inévitable qu’évoquée par Borchgrevink (2003 : 110).

Le cumul des rôles lors d’enquêtes ethnographiques

Les interrogations quant à l’utilisation de la première ou de la troisième personne éclairent un aspect que le mythe de l’interprète impartiale éclipse et que les enquêtes en interprétation sont de plus en plus nombreuses à corroborer (voir notamment Blommaert 2001 ; Delgado Luchner et Kherbiche 2018, 2019 ; Maryns 2013 ; Tipton 2008) : lorsqu’il existe une asymétrie de pouvoir entre interlocutrices, l’interprète finira – de son plein gré ou malgré elle – par prendre parti ou être prise à partie, intervenant ainsi dans ce jeu de pouvoir. Si cela s’applique aux interprètes professionnelles, c’est d’autant plus vrai pour l’interprète de l’anthropologue qui n’a pas été formée à cette tâche. Employée par l’anthropologue, souvent en tant qu’assistante de recherche ou femme à tout faire, informatrice, ou même garde du corps, cette interprète peinera à s’affranchir de cette relation en situation de trilogue afin d’adopter une véritable posture d’intermédiaire, à la « même distance » de chacune des parties.

De plus, l’interprète entretient souvent des liens complexes avec « sa » communauté linguistique : amitiés ou inimitiés, liens familiaux directs ou indirects et formes de dépendance financière. Son enchevêtrement dans une arène locale (Olivier de Sardan 1995), son degré variable de compétence dans chacune de ses langues de travail, sa relation avec la chercheuse et avec les participantes à la recherche font donc de l’interprète une partie prenante dans la communication, plutôt qu’un conduit neutre ou un fantôme (« ghost ») (Angelelli 2008 : 149).

Ainsi, lors des entretiens ethnographiques, l’interprète ajoute souvent son « explication » des propos de l’interlocutrice, lorsqu’elle ne les transforme pas purement et simplement, que ce soit par gêne, par méconnaissance – culturelle ou linguistique – ou pour « aider » l’étrangère à comprendre. Ce penchant didactique de l’interprète est parfois renforcé par l’anthropologue, lorsqu’elle s’adresse à son « assistante de recherche » lors d’un entretien et la fait ainsi brusquement sortir de son rôle d’interprète ; ou de manière plus subtile, lorsqu’elle demande une « traduction » de la gestuelle et du langage corporel des participantes. Ces aspects, essentiels pour permettre la compréhension fine d’une microsituation, comme l’a montré la psychologie sociale ou l’École de Palo Alto (Winkin 2001), restent encore largement exclus du champ de la traductologie : lors de formations en interprétariat, on décourage souvent les interprètes de trop prendre en compte cette dimension, notamment à travers des ajouts explicatifs.

Il existe ici un clivage entre les attentes de l’anthropologue et la figure de l’interprète telle que conceptualisée en traductologie. Si les attentes de l’anthropologue sont légitimes, la réticence des expertes en interprétation à les prendre en compte relève d’une inquiétude par rapport à l’influence de l’interprète ad hoc, car son rôle n’est généralement pas clairement défini, le cumul des rôles (interprète, assistante de recherche, informatrice) constitue la règle plutôt que l’exception et ses connaissances culturelles et sociologiques sont difficiles à cerner. Il convient donc de se focaliser le plus possible sur la tâche principale de l’interprète qui est la transposition des énoncés d’une langue à l’autre. Si des explications sur la gestuelle ou le langage corporel peuvent être utiles pour l’anthropologue, elles doivent rester en marge de l’entretien en trilogue, tout comme les autres échanges avec l’assistante de recherche. Sinon, l’interprète finira par adopter un rôle de moins en moins circonscrit et l’anthropologue aura l’impression d’avoir perdu le contrôle sur « son » entretien (comme le rapportent notamment Ficklin et Jones 2009), sans comprendre dans quelle mesure elle aura elle-même contribué à ce résultat.

Par ailleurs, étant donné que la relation entre l’anthropologue et son interprète s’inscrit généralement dans la durée d’un projet de recherche et leur permet donc d’interagir en dehors des moments de trilogue, il est possible pour l’anthropologue de s’entretenir en bilatérale avec son interprète pour obtenir des informations sur la gestuelle ou le contexte. Il y a ici une importante différence entre l’interprétation sur les terrains anthropologiques et l’interprétariat communautaire où l’interprète n’est généralement présente que lors du trilogue et n’a donc pas d’autre moment pour partager des explications supplémentaires avec ses interlocutrices.

Suggestions méthodologiques pour l’interprétation dans les enquêtes de terrain

Au clivage, plus ou moins grand, entre l’anthropologue « idéale » et réelle, s’ajoute le fossé qui existe entre ce qu’une interprète « devrait » être – respectueuse de la confidentialité, consciente de son rôle et précise dans la traduction des énoncés – et la réalité de la médiation linguistique dans les enquêtes anthropologiques. Si, pour mieux comprendre les pratiques de l’interprétation non professionnelle, les chercheuses en interprétation empruntent des outils conceptuels et méthodologiques développés par les anthropologues, c’est bien parce que ces dernières étudient les pratiques sociales et sont donc particulièrement bien placées pour appréhender les clivages entre mythes et réalités. Les travaux existants en interprétation nous permettent de « déconstruire » la figure de l’interprète pour aborder les questions liées aux compétences diversement développées chez les personnes propulsées « interprète » dans les enquêtes de terrain, et de mieux comprendre les attentes généralement associées à ce rôle. Dans cette dernière section, nous formulons quelques suggestions pour les interprètes dans les enquêtes anthropologiques.

Le rôle de l’interprète dans une enquête est déterminé par un ensemble de facteurs dont les plus importants sont ses compétences (relationnelles, interactionnelles, techniques, linguistiques), sa relation avec l’anthropologue et les participantes à l’enquête, ses autres rôles dans le contexte du terrain et les compétences linguistiques de toutes les parties en présence. Ainsi, la présence d’une interprète ne signifie pas que l’anthropologue n’a aucune maîtrise de la langue locale, tout comme l’absence d’une interprète n’indique pas que la chercheuse maîtrise « parfaitement » la langue des participantes, ou que la communication est transparente. Une connaissance, même lacunaire, de certaines caractéristiques de la langue vernaculaire (grammaire, prosodie, etc.) paraît donc indispensable au travail de l’anthropologue, essentielle dans la construction d’une relation de confiance avec les participantes de son enquête, et utile pour exercer un minimum de contrôle sur la transmission du message par l’interprète.

Comme nous l’avons évoqué, l’« interprète » porte par ailleurs généralement plusieurs casquettes, étant à la fois assistante de recherche, médiatrice culturelle, femme à tout faire (fixer), guide, amie, confidente, et interprète. Il convient donc de bien distinguer ses rôles et d’identifier les passages d’un rôle à l’autre, afin de savoir quel cadre déontologique s’applique à quelle interaction et de prendre en compte la présence de cette actrice supplémentaire dans toutes les phases de l’enquête – de la conception de l’étude à la publication des résultats. Ainsi, lorsque l’anthropologue souhaite que son assistante de recherche agisse en interprète le temps d’un entretien, cette attente en termes de rôle nous paraît devoir être clairement communiquée.

Il convient ainsi de réfléchir spécifiquement au profil de l’interprète, au lieu de le considérer comme une simple composante du profil d’assistante de recherche : toute personne bilingue recrutée sur le terrain est susceptible d’avoir une maîtrise imparfaite de ses langues et une conception de son propre rôle qui n’a pas été façonnée par les codes d’éthique liant les anthropologues et différentes catégories d’interprètes professionnelles. Son profil linguistique aura un impact sur sa capacité à traduire fidèlement les propos dans une langue ou dans l’autre. Le profil linguistique idéal pour une interprète de terrain n’est donc pas nécessairement le même que pour une assistante de recherche, ce qui rend le cumul des deux rôles problématique.

En effet, la maîtrise de la langue de la chercheuse est un atout clé pour l’assistante de recherche et souvent un critère de sélection important. Pour le rôle d’interprète, une maîtrise plus faible de la langue de la chercheuse que de celle de ses interlocutrices peut toutefois se révéler plus propice que le cas inverse – surtout lorsqu’il n’est pas possible de recruter une personne avec un niveau élevé dans les deux langues. La chercheuse exerce ainsi un plus grand contrôle sur la situation de communication, elle peut simplifier ses questions, les expliquer préalablement à l’interprète et, au cours de l’entretien, demander des explications lorsque les réponses qui lui sont transmises paraissent floues. Elle met en perspective les énoncés de l’interprète, même si cette dernière a une maîtrise partielle de la langue de la chercheuse et doit donc avoir recours à des structures simplifiées ou influencées par la langue source. À cette fin, la familiarisation avec la grammaire de la langue vernaculaire des participantes est essentielle pour l’anthropologue. Travailler avec une interprète qui a une meilleure maîtrise de la langue locale que de la langue de la chercheuse sera moins confortable pour l’anthropologue, mais pourrait se révéler plus fécond : les passages clés des enregistrements originaux en langue locale peuvent ainsi être retraduits par une personne avec un profil linguistique complémentaire si nécessaire.

Tout au long de l’enquête, une prise en compte plus systématique du niveau de compétence des personnes bilingues qui se trouvent propulsées interprètes sans avoir été formées à cette tâche permet de repenser la relation entre chercheuse et interprète comme une relation d’apprentissage mutuel. Droz (1997) évoquait une pédagogie de la recherche qui développait des stratégies de contournement pour les lacunes linguistiques ou épistémologiques difficiles à combler, notamment l’explicitation des objectifs de la recherche et de l’éthique, la prise en compte des relations de pouvoir au sein du trilogue, la rétrotraduction et la transcription des entretiens.

Bien que les interprètes de terrain ne soient généralement pas des interprètes professionnelles, il paraît primordial d’aborder leur travail d’interprétation comme une activité professionnelle avec des règles déontologiques spécifiques. L’élaboration conjointe d’un cadre déontologique pour l’interprétation dans le contexte d’une enquête peut constituer un point de départ important pour entamer un dialogue entre l’anthropologue et son interprète. Ce cadre déontologique hybride peut permettre de réconcilier les principes de l’éthique de la recherche avec ceux de l’interprétation – à l’instar du cadre déontologique pour interprètes intervenant dans les opérations humanitaires (voir Delgado Luchner et Kherbiche 2019). Les deux parties pourront alors identifier les principes qui leur semblent importants et les mettre en pratique tout au long de l’enquête.

Par ailleurs, la stratégie de la « rétrotraduction » présente l’occasion d’explorer les multiples significations de différents termes et de souligner que l’interprétation résulte toujours d’un processus de négociation dialogique : le sens des énoncés n’est ni transparent ni univoque. Dans cette négociation, les relations (personnelles et de pouvoir) entre chercheuse, interprète et participantes sont cruciales dans la construction des données. L’anthropologue peut parvenir à une compréhension (partielle) de cette dimension de son terrain en observant les interactions entre son interprète et les participantes, notamment lors d’interactions spontanées ou en consacrant plus de temps à l’observation participante. Il ne s’agit pas de « surveiller » les interactions de l’interprète avec les participantes, mais de permettre à l’interprète de construire une relation de confiance avec elles, afin de pouvoir mieux jouer son rôle d’intermédiaire par la suite. Plus l’anthropologue reste en retrait pendant ces interactions entre l’interprète et les participantes (en adoptant une posture d’observatrice), plus la différence entre ces moments et les interactions interprétées devient évidente pour toutes les parties. Cela permet à l’interprète d’indiquer le passage d’un rôle à l’autre de manière transparente et de répondre aux éventuelles sollicitations des participantes en dehors du cadre de l’entretien.

Néanmoins, même lorsqu’il existe une séparation claire des rôles, la relation entre interprète et participantes se construit également dans le contexte du trilogue. Lors de la transcription des données d’entretien et de leur analyse, il est donc essentiel de ne pas gommer les changements déictiques opérés par l’interprète (lorsque « je » devient « elle dit que ») ou par la chercheuse (« demande leur si... »). En particulier, lorsque ces changements interviennent brusquement ou à des moments précis de l’entretien. C’est à travers ces stratégies subtiles et souvent inconscientes que l’interprète et la chercheuse révèlent leur position dans l’interaction laissant ainsi apparaître les contours de leurs rapports personnels avec les participantes ou avec le sujet évoqué. Dans les formations en interprétation communautaire, on parvient ainsi à provoquer les changements de deixis (passage de la première à la troisième personne) en introduisant un facteur de tension dans un jeu de rôles en trilogue : par exemple lorsqu’on demande à une personne de poser une question perçue par l’interprète comme trop directe (« Est-ce que votre mari vous frappe ? »), le changement de deixis – souvent en combinaison avec l’utilisation d’un langage moins direct (« Le docteur veut savoir si votre mari est violent avec vous. ») est une stratégie de choix pour une interprète qui souhaite marquer sa distance par rapport à la formulation. Toutefois, la valeur informative de ces indices repose sur une clarification préalable des attentes et des rôles, ainsi que sur une séparation aussi claire que possible entre le rôle d’interprète et celui d’assistante de la recherche pendant l’entretien.

Malgré les difficultés et les incertitudes que suscite leur implication dans les différentes phases d’un projet de recherche, les anthropologues continueront à faire appel à des interprètes pour leurs enquêtes et ces interprètes ne cesseront pas d’être des interprètes non professionnelles. En l’absence de réponses simples, les éléments que nous avons évoqués visent à fournir des pistes, afin d’objectiver le rôle de l’interprète dans la construction des données sur le terrain sur trois aspects : la manière de choisir l’interprète et la nature des tâches qui lui sont confiées par la chercheuse peuvent avoir une influence sur son positionnement ; la position et le rôle de l’interprète varieront en fonction de ses compétences linguistiques et de celles de l’anthropologue ; et le travail avec une interprète pose des questions d’ordre relationnel et éthique.

Démystifier la relation entre interprète et anthropologue

La présence de l’interprète, souvent vécue comme une contrainte, offre aussi de nouvelles possibilités à l’anthropologue. En comparant son expérience sans interprète au Nicaragua avec celle avec interprète aux Philippines, Borchgrevink (2003 : 97) en tire un bilan positif, car la présence de l’interprète lui permit d’obtenir rapidement des données de qualité et d’une importance fondamentale pour sa recherche.

Par ailleurs, comme le souligne l’expérience de Droz qui compare ses entretiens avec interprète en Équateur, Côte d’Ivoire, Burundi et au Kenya, à ceux menés sans interprète en Suisse et en France, le temps de réflexion pendant les traductions peut représenter une pause bienvenue dans une conversation souvent intense [8]. En outre, elle évite de se laisser piéger par la vivacité de l’interaction immédiate, alors que l’observation des relations entre l’interprète et les participantes peut être une source précieuse d’informations. La présence d’une interprète contraint également le chercheur à verbaliser ses intentions, ses objectifs et ses hypothèses. Lors de ces échanges, l’interprète peut alors jouer un rôle qui dépasse celui de la traduction linguistique pour faciliter « le passage entre système de sens local et système de sens du chercheur » (Olivier de Sardan 1995 : 65).

L’absence de mention de l’interprète dans les codes d’éthique pour anthropologues ou sociologues, que ce soit des codes déontologiques formels émanant d’une université ou d’une association professionnelle ou une série de « principes éthiques » transmis lors de l’enseignement ou des formations de préparation au terrain (Gibb et Danero Iglesias 2017  : 137) laisse les chercheuses sans repère, alors que les interprètes non professionnelles ne sont souvent pas familiarisées avec les codes d’éthique pour interprètes professionnelles. Une définition claire du rôle de l’interprète et des attentes de l’anthropologue – à l’image des codes d’éthique existants pour interprètes communautaires – pourrait améliorer la qualité de la relation entre chercheuse et interprète, celle du travail de l’interprète, ainsi que celle des données construites lors de terrains souvent difficiles.

Interpréter est une compétence complexe, difficilement cumulable avec l’exécution simultanée d’autres tâches. Aborder l’interprétation comme une activité spécialisée avec des fondements éthiques propres permet ainsi de mieux tenir compte de la présence de la médiatrice linguistique dans une enquête de terrain et de mieux séparer les différents rôles qu’une même personne peut jouer à différents moments d’une enquête, ce qui contribue à garantir la qualité des données construites lors du trilogue.

add_to_photos Notes

[1Nous remercions les évaluateurs anonymes de la revue, ainsi que Marie-Aude Fouéré, Nathalie Loiseau et Hervé Maupeu pour les commentaires précieux qu’ils ont apportés à notre texte. Toutefois, nous portons seuls la responsabilité de ses insuffisances et oublis.

[2En traductologie, le terme « interprète » désigne les personnes qui transposent des contenus oraux d’une langue à l’autre, par opposition aux « traductrices » qui travaillent avec des textes écrits. Nous optons ici pour le terme interprète, car notre réflexion se concentre sur ce rôle particulier. Néanmoins, les assistantes de recherche effectuent également parfois des tâches de traduction écrite ou des tâches hybrides, à cheval entre l’écrit et l’oral.

[3Nous employons le féminin générique tout au long de ce texte.

[4Institut national des langues et civilisations orientales à Paris, pour une liste des langues enseignées. Voir : http://www.inalco.fr/formations/langues-civilisations.

[5School of Oriental Studies de la University of London, pour une liste des langues enseignées. Voir : https://www.soas.ac.uk/admissions/languages/list/.

[6Le terme « trilogue » – fréquemment utilisé en traductologie pour décrire les interactions à trois participantes – émane de l’analyse conversationnelle, où il est utilisé par opposition au « dilogue » qui décrit une conversation entre deux locutrices (voir notamment Kebrat-Orecchioni et Plantin 1995).

[7Le rôle du regard dans les situations de trilogue est un sujet complexe dont l’analyse approfondie dépasse la thématique de cet article – pour une revue détaillée de la littérature et une étude empirique récente, voir Davitti (2019).

[8Cet aspect a également été soulevé comme étant pertinent dans d’autres contextes, notamment la psychiatrie et la psychothérapie (voir notamment le numéro spécial de la revue Cahiers de Rhizome intitulé « Pair-aidance, interprétariat et médiations » et publié en mars 2020) : http://www.ch-le-vinatier.fr/orspere-samdarra/rhizome/anciens-numeros/cahiers-de-rhizome-n75-76-pair-aidance-interpretariat-et-mediations-mars-2020-2466.html.

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Pour citer cet article :

Carmen Delgado Luchner, Yvan Droz, 2021. « L’interprète sur le terrain de l’anthropologue : rencontre interdisciplinaire ». ethnographiques.org, Numéro 41 - juin 2021
Ce que la comparaison fait à l’ethnographie [en ligne].
(https://www.ethnographiques.org/2021/Delgado-Luchner_Droz - consulté le 19.03.2024)
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