Résumé

C’est en 2017, dans le cadre du dispositif du Duologos du Citron Jaune (Centre National des Arts de la Rue et de l’Espace Public), que l’ethnologue Anaïs Vaillant rencontre la Compagnie 1Watt, en particulier les artistes Pierre Pilatte et Sophie Borthwick, pour une création commune sur la course camarguaise à partir de l’enquête qu’elle a effectuée quelques années auparavant pour le Museon Arlaten. Cet article propose une analyse conjointe de cette expérience par les trois protagonistes, mêlée aux extraits de script du spectacle sur la tauromachie camarguaise intitulé Course Libre, ancienne appellation des courses de taureaux cocardiers et de raseteurs dans les arènes.

mots-clés : tauromachie camarguaise, arts de rue, artification, expérience ethnographique

Abstract

Free run

In 2017, at the invitation of Le Citron Jaune (National Theatre Centre for Street and Public Space Performance), as part of their program Duologos, the ethnologist Anaïs Vaillant teamed up with Pierre Pilatte and Sophie Borthwick of 1Watt Company to create a work about “la course camarguaise” (local traditions involving bull-racing and -fighting). The performance piece was based on research that Anaïs Vaillant carried out a few years earlier for the museum Museon Arlaten. The article proposes a joint analysis of this experience by its three protagonists (an ethnologist and two artists), interwoven with excerpts from the script of the show, entitled Course Libre (Free Run).

keywords  : Camargue bullfighting, street art, artification, ethnographic experiment

C’est dans l’arène que l’ethnologue découvre son clown. C’est dans la rue que les corps risquent de s’ensauvager. 

Course libre est le lieu de rencontre
avec le Taureau, figure animale
multiple et ambivalente.

Quelle place laissera-t-on à l’animal,
au sauvage, au risque ?
Quelle fête pourra survivre à la norme ?

(Texte de présentation du spectacle « Course libre »)

Photo 1. Taureau en déambulation
Spectacle "Course libre"
Arles, représentation du 15 septembre 2018
Le Citron Jaune

Le Duologos est un dispositif de création interdisciplinaire mis en place par le Citron Jaune (Centre National des Arts de la Rue et de l’Espace Public [1]) défini comme :

un dialogue entre un artiste et un scientifique pour une performance Arts Sciences singulière. En suivant une méthodologie précise de travail, les couples artiste et scientifique décalent les a priori sur la recherche et éclairent des connaissances scientifiques par un regard artistique, ludique et sensible [2].

Nous, ethnologue et artistes, avons été contactés pour réaliser un court spectacle de rue, mettant en commun une recherche ethnographique sur la tauromachie camarguaise et une pratique de la performance de rue dansée et théâtralisée. Nous ne nous sommes pas choisis : à chaque Duologos, le Citron Jaune prend la responsabilité du choix des artistes et des scientifiques qui vont travailler ensemble [3]. Notre rencontre a eu lieu en 2018 et se prolonge aujourd’hui dans l’écriture d’un nouveau projet, indépendamment du Citron Jaune. Si le Citron Jaune a suscité la rencontre, l’ethnologue Anaïs Vaillant avait auparavant expérimenté les restitutions alternatives et artistiques de ses recherches par nécessité individuelle et collective (au sein d’activités associatives) et les artistes d’1Watt sculptaient déjà leur propos, l’espace public et leurs corps depuis leurs premières amours avec les sciences sociales.

La compagnie 1Watt est représentée dans le cadre de ce projet « Course Libre » par deux artistes : Pierre Pilatte, “en jeu” avec l’ethnologue, et Sophie Borthwick qui offre son regard et sa mise en scène. Nous proposons dans cette contribution d’aborder les points méthodologiques communs qui ont favorisé le rapprochement de nos démarches respectives et les effets de légitimation réciproque entre recherche scientifique et création artistique que cette aventure a révélés. Le présent texte est une discussion entre trois protagonistes, entrecoupée du script du spectacle [4] avec répliques, didascalies et notes musicales : son format est le produit d’une écriture collective, d’éléments ethnographiques sur la tauromachie, et prolonge l’expérience de la scène dans l’espace académique de la revue scientifique. Cette « course libre » souhaite rendre compte d’enjeux autour de la restitution et de la médiation des savoirs, d’une part ensauvagée de la démarche ethno-artistique et d’une difficile tentative de s’affranchir des rouages de la fabrique des légitimités au profit d’une anthropologie émancipée.

Anaïs : À l’heure où le Citron Jaune me contacte pour le Duologos, je ne suis plus chercheuse contractuelle. Après plusieurs missions pour le Museon Arlaten, en tant que salariée de l’association Clair de Terre [5], je connais une courte période de chômage et projette de me reconvertir dans le champ artistique. Avant ces missions et pendant mes études, j’avais déjà pratiqué professionnellement la musique et avais pu suivre une formation d’éducation populaire en 2013 pour créer une conférence gesticulée [6], seule en scène, écrite à partir de mon doctorat d’anthropologie et de mes contrats au musée. Avant cela, pendant près de douze ans et dans le cadre associatif et militant du TàD [7], nous expérimentions avec des camarades sociologues et ethnologues des restitutions publiques alternatives de nos recherches et de nos réflexions. En 2016, à force de multiplier les collaborations artistiques et de développer mes propres créations, je suis devenue intermittente du spectacle.

Photo 2. Anaïs Mégaphone
Spectacle "Course libre"
Arles, représentation du 15 septembre 2018
Le Citron Jaune

Script
CAPELADO [8] avec Ouverture de Carmen de Bizet

L’ethnologue, vêtue d’un chemisier et d’un pantalon de gardian [9], chaussant des baskets blanches de raseteur [10]. La musique est projetée par le mégaphone qu’elle tient à la main, dirigé vers le public. Elle parcourt l’arène, symbolisée par un cercle au sol qu’elle circonscrit puis traverse de part et d’autre. Elle s’adresse au public par-dessus la musique en lisant ses feuilles :

C’est dans un souci d’actualisation des recherches sur la tauromachie ordinaire en pays d’Arles et de rénovation des collections du Museon Arlaten que je réalise entre 2012 et 2016 une enquête ethnographique sur la bouvine : états des lieux, maintenances, transformations et avenir de l’ensemble des activités agricoles, sportives et culturelles en lien avec l’élevage du taureau Camargue. C’est au moins depuis le XIXe siècle que le taureau est une composante essentielle des traditions camarguaises [11] : de nombreux villages du Languedoc et de Provence ne peuvent organiser de fête votive sans la présence de taureaux et de jeux taurins. Une fête sans taureau, sans bouvine, serait une fête incomplète. S’il est évident qu’il ne peut y avoir de bouvine sans taureaux Camargue, l’inverse est aussi vrai : en effet, il ne pourrait y avoir de taureaux Camargue sans bouvine, sans courses, sans jeux et sans fêtes. C’est cette spécificité locale des traditions taurines qui justifie en grande partie les élevages de taureaux Camargue dans le pays

(L’ethnologue continue son monologue en lisant ses papiers) :

Première partie du rapport [12] : « Travailler "dans" les taureaux ». Être propriétaire de taureaux est un métier polyvalent variant au gré des saisons et des casquettes de celui qu’on appelle le manadier : éleveur, agriculteur, organisateur de fêtes et de spectacle, restaurateur, gestionnaire, comptable, commerçant, bricoleur, mécanicien, cavalier, dresseur.... La famille, les amis, et ceux que l’on appelle les amateurs aident le manadier et le suivent, à pied ou à cheval. Travailler dans les taureaux est un choix de vie total voire un sacerdoce. On parle d’ailleurs de foi. La en provençal. On parle de fé di bioù. Deuxième partie du rapport : « Courses et transmission ». Ce que l’on appelait course libre était déjà au XIXe siècle un jeu d’argent et un spectacle d’adrénaline. Les dangereux taureaux déplaçaient les foules, et quelques prolétaires ou marginaux au sang-froid prenaient le risque de les défier pour arrondir leur fin de mois. En devenant un sport dans les années 1970, la course libre devient la course camarguaise avec sa fédération, ses règles, ses écoles, ses licenciés, ses classements... Tout cela influence progressivement les techniques de ceux que l’on appelle les raseteurs. Ceux-ci se professionnalisent et font carrière. Certains se distinguent fortement, deviennent des icônes, font fortune, volant presque la vedette aux taureaux. Pourtant une critique émerge chez les spectateurs dès les années 1990. Le public se lasse et attend les nouvelles stars des arènes. L’institutionnalisation de la course et de sa transmission semble avoir standardisé les techniques de rasets. Il devient difficile de faire briller les taureaux. Certains parlent d’un défaut de transmission de la fé di bioù. De la passion du taureau.

(Pause, reprise de la musique et déplacement. Fin de la musique, silence, l’ethnologue reprend) :

Troisième partie, en cours et non rédigée : « Les statuts pluriels du taureau ».

(L’ethnologue se tait enfin). Entrée du sauvage, clown mi-humain mi-animal. Rencontre avec le public.

Anaïs : Le Citron Jaune est implanté à Port Saint-Louis du Rhône en Camargue (13) et son équipe souhaite aborder un sujet de territoire. La tauromachie camarguaise, appelée aussi bouvine [13], est un divertissement à la fois très populaire et en perte de public depuis le début du XXIe siècle. Plus proche du champ sportif que du champ de la culture, la bouvine est une pratique extrêmement localisée, également traversée par les nouvelles problématiques de sensibilité animale, parfois amalgamée à la corrida et souvent surveillée par les anti-tauromachie [14] pour ce qui concerne le traitement des animaux dans les élevages et les jeux d’arènes [15]. Selon moi, produire un spectacle sur ce sujet pouvait constituer pour le Citron Jaune une tentative de réunir les champs du sport et de l’art, et plus précisément les champs d’une culture locale traditionnelle (qui relève pour la course camarguaise du Ministère des Sports), et de la création artistique des arts de la rue (qui relèvent du Ministère de la Culture), tout en créant et en consolidant des liens avec d’autres partenaires camarguais [16]. Porter un intérêt culturel à la bouvine n’est pas anodin et contribue à la légitimité territoriale de ce Centre National des Arts de la Rue et de l’Espace Public.

Pierre : Le Citron Jaune est un centre particulier qui ne ressemble en rien à ce que propose la plupart des Centres Nationaux des Arts de la Rue et de l’Espace Public. Il a justement initié de nombreuses formes et façons de s’inscrire dans son territoire, le delta du Rhône, notamment en abordant les questions écologiques de façon artistiques et participatives : le projet « Grand Cru(e) » sur les cultures du fleuve et les risques d’inondation, le projet « À l’abordage des mémoires du port », avec des collectages auprès des habitants. Avec la création des Duologos en 2017, le Citron Jaune formalise les rencontres entre scientifiques et artistes, déjà constitutives de la structure depuis de nombreuses années.

Anaïs : Le Citron Jaune a souhaité aborder le sujet de la bouvine et s’est ainsi adressé au Museon Arlaten, musée ethnographique de Provence dont les pratiques tauromachiques constituent une partie des fonds. Ayant réalisé différentes missions ethnographiques dans le cadre de la rénovation du musée, et notamment une enquête de réactualisation des fonds sur la bouvine [17], le musée a redirigé le Citron Jaune vers moi. Ainsi, la démarche débuta par un entretien avec la responsable du projet. Ce protocole de rencontre est systématiquement mis en place pour les Duologos du Citron Jaune. Le ou la chercheur-euse s’engage à se mettre en scène en duo avec un artiste dont le nom et la discipline lui sont encore inconnus. La responsable du projet contacte ensuite des artistes susceptibles d’être intéressés et leur soumet un texte de présentation de la recherche, sans aucun élément qui pourrait les informer de l’identité du chercheur ou de la chercheuse. Pierre Pilatte, clown-danseur-performeur inclassable, répond rapidement à l’appel, intéressé par l’ethnologie ainsi que par la problématique des jeux taurins dans l’espace public et des fêtes populaires. Le duo pressenti prend rapidement la tournure d’un trio : Pierre ne se dissocie pas de la compagnie 1Watt et de sa metteuse en scène, Sophie Borthwick. La rencontre a lieu dans les locaux du Citron Jaune et la responsable du projet officie comme médiatrice. À cette occasion, Pierre constate que je suis une femme de 35 ans et que je suis aussi artiste. Je découvre qu’il est plus ou moins clown, qu’il ne se définit pas clairement dans sa discipline et que la compagnie a de l’ancienneté, du savoir-faire et une certaine reconnaissance dans le champ des arts de la rue. Il me dit aussi qu’il a fait des études d’ethnologie. C’est immédiatement vertigineux : nous découvrons rapidement que nos réflexions sur l’espace public, la fête et les risques se rejoignent, que le clown a toute sa place dans l’arène [18] et que nos méthodologies de travail, bien que très différentes en apparence, reposent sur des principes communs comme l’observation et l’implication, la relation de confiance avec le terrain - et les personnes qui le traversent - puis le déplacement du regard.

Pierre sauvage
Spectacle "Course libre"
Arles, représentation du 15 septembre 2018
Le Citron Jaune

Pierre : Le théâtre de rue, renommé aujourd’hui « Art dans l’espace public », est en quête permanente de légitimité. Il est souvent cantonné au rôle d’animateur estival. Pourtant, plus que cela, il est un art populaire qui rassemble, il donne à voir le spectacle au plus grand nombre. En tant que fête, il est devenu dans de nombreuses villes et villages partie intégrante d’une forme de tradition. Aussi il tente d’affirmer, et aujourd’hui de réaffirmer, que l’espace du dehors est public, qu’il est celui des citoyens, qu’il est lieu d’expression, d’usage, d’échange, de circulation de corps en mouvement. De nombreuses compagnies dans leurs propositions artistiques questionnent des thématiques sociales, politiques, ethnologiques en y intégrant notamment des schémas de l’ordre du rituel. Notre compagnie, à travers ses propositions, cherche à donner à voir, à poétiser, à valoriser et plus encore à revendiquer cet espace commun des citoyens. Notre propos, sous ses aspects burlesques, tente de le reconsidérer comme un lieu de liberté par nos façons sensibles d’y être, de l’entreprendre, d’y fabuler des usages. Aujourd’hui plus que jamais, au regard de la peur qui s’installe et des limites qu’elle nous impose, nous voulons être au milieu du public, des habitants, pour dérouler nos histoires concrètes et surréalistes. Affirmer notre désir de provoquer l’enthousiasme ou la controverse d’être là ensemble :

Le mobile premier de la perturbation artistique comme genre : la volonté d’enrichir le présent, la volonté d’un « plus » existentiel ou circonstanciel, l’espérance d’agencements nouveaux que le réel livré à lui-même ne façonne pas mais que l’artiste, lui, a tout pouvoir de précipiter. Exploiter même illégalement (surtout illégalement) le potentiel infini de la vie urbaine – rencontres, accidents, possibilité de rêver de nouvelles fables et, avec un peu de volonté ou d’audace, de les mettre en forme de manière concrète -, voilà qui constitue l’occasion d’un accroissement d’existence. (Ardenne 2009 : 385).

Notre truc, c’est le jeu. Ça tourne autour d’une réalité... « Je suis là et je t’interpelle ». C’est devenu notre travail. Nous avons créé des codes de conduite de base : être improductif, construire, déconstruire, jouer avec l’idiotie, se méfier des résultats, chercher le trouble, échouer avec tranquillité, insister, recommencer.

Sophie : Nous sommes des autodidactes, des bricoleurs avec des savoir-faire hybrides, accumulés au fil des années d’expérimentation. Nos recherches sont ludiques, sensorielles, instinctives. Nos deux axes principaux sont l’écriture de jeux pour l’espace public et la figure de l’idiot. L’idée de travailler avec une scientifique nous a remplis de joie et d’appréhension : elle nous apportait des propos argumentés sur lesquels nous allions pouvoir fabuler. Allions-nous être à la hauteur de ses propos, et comment les intégrer dans nos jeux, faits de bégaiements et de digressions ?

Anaïs : Être à la hauteur de l’enjeu... Mes matériaux de recherche impliquent de nombreuses personnes ayant témoigné, m’ayant accueillie chez eux, dans leur famille, au travail, sur leurs terres. C’est toujours dans un souci de fidélité à leurs propos et de maintien de la posture ethnographique, sans jugement et pourtant au cœur des polémiques, que j’allais sortir du registre de la recherche ou de la muséographie. Mon corps aussi allait se mettre en jeu. Comme sur le terrain, où l’on a pu me mettre à l’épreuve : celle du travail agricole [19], des connaissances générales et du savoir-faire en lien à la ruralité et à l’élevage, mais aussi l’épreuve de la peur du taureau. Dans le spectacle, Pierre et Sophie m’ont mise à l’épreuve en encourageant mon implication physique, chorégraphique, sportive et en me transmettant leurs jeux d’écriture et la posture de l’idiot. Une posture qui ne m’est pas inconnue : comme Pierre et Sophie, je peux la revendiquer à certains moments sur le terrain, partant du principe que j’ai tout à apprendre, que j’ignore encore ce que je viens chercher. Depuis cette place ingénue, je me permets de susciter la curiosité de leur propre culture chez les personnes étudiées, mais aussi de l’intérêt pour l’ethnologie elle-même en explicitant les processus d’enquête et les objectifs des sciences sociales. Et de la même façon qu’il a fallu introduire l’enquête ethnologique sur mon terrain, j’ai dû restituer l’expérience tauromachique aux camarades artistes de la compagnie qui n’y avaient jamais assisté.

Faire un spectacle à partir de ces rencontres et expériences ethnographiques, c’est d’abord réaffirmer qu’il y a un intérêt à observer ces pratiques, à écouter ces paroles, à reconnaître leur existence. La restitution publique artistique donne aux sciences sociales un plus large espace de diffusion des savoirs qu’elles produisent et renforce alors leur fonction sociale et politique. L’ethnologie, discipline qui produit des savoirs qui dévoilent, se trouve elle-même mise à nue par l’intervention d’artistes, et l’ethnologue « ethnologisée » par le regard de l’artiste, notamment par la mise en exergue de ses normes académiques et autres « ficelles » du métier. L’expérience d’écriture de cet article marque d’ailleurs une autre étape de la rencontre en dévoilant encore aux partenaires artistes les spécificités du regard et de l’analyse ethnologiques.

Course taureau public
Spectacle "Course libre"
Arles, représentation du 15 septembre 2018
Le Citron Jaune

Script
TAUREAU

Selon les mouvements du sauvage, l’ethnologue traduit et décrit :

- À la fois taureau et bœuf [20].

(au mégaphone) 2euros de plus ! [21]

- Animal que l’on déifie et à qui on offre des sépultures.

(au mégaphone) 2euros de plus !

- Star que l’on défie et dont on érige des statues.

(au mégaphone) 2euros de plus !

- Carcasse « déchet » puis viande de qualité AOP.

(au mégaphone) 2euros de plus !

- Animal d’élevage et animal sauvage.

(au mégaphone) 2euros de plus !

- Symbolique et économique, identitaire et touristique.

(au mégaphone) 2euros de plus !

- Joueur et sportif, quotidien et festif, patrimonial et subversif.

(au mégaphone) 2euros de plus !

- rural et urbain, agricole et spectaculaire.

(au mégaphone) 2euros de plus !

(L’ethnologue se rapproche du sauvage)

- Animal doué de sensibilité.

L’ethnologue lance la musique sur le mégaphone, toujours l’Ouverture de Carmen de Bizet, le sauvage danse et fait le chef d’orchestre à la façon de l’artiste de la banda de la Gardonnenque, il joue la mélodie avec un ballon de baudruche. Le ballon explose et lance le départ de la course.

Anaïs : L’écriture de « Course libre » correspond pour moi à une partie non rédigée de mon rapport de recherche pour le Museon Arlaten. Le texte du spectacle est de fait composé d’un résumé et d’extraits tirés de ce rapport de recherche, mais aussi de contenus non restitués dans ce rapport. L’enchaînement des contrats précaires, des appels d’offre cumulés, des vacations supplémentaires, et des activités de recherche non-rémunérées (écriture d’articles, participations à des colloques et continuation des terrains de recherche personnels) ne permet évidemment pas de réaliser l’enquête telle qu’on la désire au départ. Le spectacle complète alors les non-dits de la chercheuse et apporte des éléments à la réflexion qui ne sont pas moins importants que ceux développés à l’écrit de façon académique. L’écriture ne fut pas guidée par une volonté de vulgarisation des connaissances académiques et théoriques sur le sujet de la tauromachie [22] mais plutôt par une nécessité de relater l’expérience suscitée par la rencontre de l’ethnologue avec le milieu de la bouvine. Finalement, le propos de « Course Libre » n’est pas plus centré sur la bouvine que sur « l’expérience ethnographique » elle-même. C’est sur ce point de l’expérience que nous avons pu trouver du commun avec Pierre et Sophie : le spectacle s’est construit progressivement, au plateau, avec le tracé d’un cercle au sol puis à l’intérieur de cette arène fictive avec un travail corporel de course puis de confrontation physique entre les deux personnages, alternée à des prises de parole factuelles progressivement émotionnelles, critiques et débordant du cadre scientifique initial. Cette création finale devient alors pour moi un espace de témoignage du plaisir que j’ai eu à travailler dans ce musée et auprès de son équipe, mais aussi des difficultés personnelles rencontrées sur le terrain (machisme, peur, risques physiques, etc.). Enfin, les représentations de « Course Libre » furent l’occasion de réunir en un même lieu différents interlocuteurs issus de champs sociaux différents : artistes, agents patrimoniaux et acteurs de la bouvine.

Pierre : Nous parlons d’entreprises, de champ d’expériences. Nous arpentons, marchons, déplions l’intérieur du temps, prenons soin de l’espace, allons là où il n’y a personne, rasons les murs, mettons les pieds au centre. Rencontrons le déséquilibre, l’accident, l’exubérance possible et jubilatoire dans l’espace de tout le monde. Jouons sur les possibles, la liberté de faire n’importe quoi. Bien. Il n’y a pas de personnage. C’est nous en jeu. On nous dit un peu « punks », un peu sauvages. Le principe de la sauvagerie nous anime. Que ce soit dans le comportement ou la pensée, en solitaire ou en groupe, on y trouve quelque chose de fédérateur, une logique du vivant, de la bousculade d’idées, de faits, de limites à faire reculer pour tricoter notre bazar.

Anaïs : Ce « principe de sauvagerie » constitua tout de suite un point de rencontre important lors de nos entrevues préalables à l’écriture. Les courses de taureaux sont traversées par un imaginaire occidental dans lequel la sauvagerie est appréhendée comme une garantie d’archaïsme et d’authenticité (Saumade 1994). Avec Pierre et Sophie, la part sauvage que nous avions en commun était issue d’expériences sociales et artistiques et de nos recherches respectives, notamment autour des fêtes carnavalesques. Notre création s’est très vite focalisée sur l’expression de cette notion de « sauvage ». Elle fut travaillée à partir d’une définition anthropologique classique : opposée à la civilisation, la notion de sauvagerie est prise comme un état de « stagnation du vivre au jour le jour, [d’]aliénation permanente dans la recherche de la nourriture, [de] sous-équipement technique, [d’]infériorité technologique » (Clastres 1974 : 162). Imprégnés de présupposés colonialistes à l’égard des peuples « primitifs », ces stigmates se voient alors retournés afin de critiquer la civilisation elle-même (armée de ses technologies) considérée comme processus aliénant, appauvrissant, et dangereux. Une certaine revendication (entre autres perçue dans le jeu carnavalesque) « d’être sauvages » appuie également le désir d’une société qui ferait autorité pour elle-même, qui encouragerait et protègerait la production du multiple contre l’unification culturelle et politique. Le spectacle « Course libre » s’est assez vite révélé représenter pour nous un espace d’expression de cette définition de la sauvagerie et d’un désir commun d’ensauvagement tout en jouant avec les cadres domestiques (Fabre 2005) et normatifs de la science, du spectacle et de la réglementation des manifestations taurines.

Pierre :

« ... aucune lutte, locale ou mondiale, aucun combat politique, aucune vision du monde ne se suffit de ses pratiques et de ses actes - de son matérialisme. Elle vit tout autant de son imaginaire et de sa spiritualité, de sa mythologie, de ses récits sobres ou enjolivés, parce qu’ils sont ce qui fait pont par-dessus les ravins du jour le jour, par-delà des échecs et les butées, les limites concrètes de l’action, le ras-le-bol boueux. L’imaginaire n’est pas une fumée ou un rêve douceâtre, bien au contraire : il est ce que pointe l’action, l’architecture d’un état d’esprit, lui donne son point de fuite et sa perspective. Il est aussi vital que la tactique, la logistique, les projets et la gnaque. Il fait continuité entre ces pôles concrets du combat » (Alain Damasio, in Pignocchi 2019 : 101).

La fête populaire, lieu de défoulement, de retrouvailles, de communauté, de contestation, nous appelle. Moments bridés par nombre de normes sécuritaires. Et c’est là où nous nous sommes rencontrés, l’ethnologue et nous (moi et celle qui façonne les élans). Le Citron Jaune, dans son rituel Duologos, nous a mis d’abord en contact par l’objet d’étude de l’ethnologue : la bouvine. Nous fûmes perplexes. Qu’allions-nous faire de ces taureaux, de ce jeu violent ? Ensuite, nous l’avons rencontrée, elle, savante, sortie d’on ne sait quel carnaval, en quête de légitimité. Nous avons aimé le soin porté au récit, à l’érudition analytique et à la promesse de quelque chose d’autre, d’une perspective. Nous aurions aimé être ethnologues ce jour-là. Nous sommes acteurs burlesques et mouvementés en mission, maîtres d’œuvre du spectacle à réaliser. D’emblée il n’était pas question de vulgarisation. Non plus d’écrire une partition à réciter pour elle, à jouer pour lui. Il y avait une pratique de la rue à partager, une longue maturation commune à saisir dans cette rencontre. Il y a cette fête populaire à conquérir, à transcender pour faire communauté, lieu de joie et de colère, moment pour rester en éveil. Il y a cette rue privatisée, policée, gardiennée, bloquée, chargée d’interdits. Le thème de la sauvagerie est apparu. Mot controversé, dénudé de ses sens. L’ethnologue m’a conseillé de lire Être Ouragans de Georges Lapierre (2015) ou encore Le sens des limites de Renaud Garcia (2018). Comme le clown à qui on demande de jouer la pièce Hamlet de Shakespeare, j’ai lu les premières pages de chacun de ces livres et je me suis senti inspiré. Pour nous rendre lisibles, il fallait pour commencer qu’elle parle d’elle, et moi que je me montre, incongru. Ensuite d’échanger la part de l’un pour celle de l’autre. Que l’exécution ne soit pas le monopole de l’acteur.

Sophie : Nous nous retrouvons sur des terrains d’inspiration en commun : les fêtes populaires et la liberté de mouvement dans l’espace public. Anaïs écrit un court récit sur ses recherches autour de la bouvine camarguaise et son vécu en tant qu’ethnologue, femme, et urbaine. Elle apporte des musiques enregistrées, des textes préfectoraux sur l’encadrement des fêtes tauromachiques, une batterie et un masque de catch mexicain. Pierre choisit d’incarner l’animal dans ses variantes folkloriques, spectaculaires et mystiques. Nous commandons la fabrication d’un masque de taureau en forme de grosse tête. L’espace de la représentation sera circulaire, en évocation de l’arène, du rituel et de l’amphithéâtre. Le jour des premières représentations, pour les Journées Européennes du Patrimoine, nous donnons rendez-vous aux spectateurs devant le Museon Arlaten de Arles. Anaïs s’introduit puis elle invite les gens à marcher avec elle à travers le centre-ville. Sur le chemin, au lointain, ils aperçoivent un homme avec une tête de taureau qui les emmène vers la cour du plus ancien club taurin de la ville, la Muleta. Les spectateurs s’installent. Anaïs et Pierre jouent les rapports de force entre les cultures scientifiques, traditionnelles, populaires, institutionnelles, humain et animal, par la confrontation physique dans l’arène, la variation des registres de jeu (conférence, rituel, fête sauvage et foire) et les transformations des personnages au fil du spectacle (de clown à taureau, d’ethnologue à raseteur, de raseteur à musicienne, de taureau à préfet, etc....).

Rasets Pierre et Anaïs
Spectacle "Course libre"
Arles, représentation du 15 septembre 2018
Le Citron Jaune

Anaïs : J’expliquais plus haut que selon moi, le dispositif Duologos du Citron Jaune peut favoriser la légitimation des arts de la rue auprès des institutions en tirant parti de l’interdisciplinarité avec les sciences. L’ethnologie en particulier permet un accès, à la fois immersif et distancé, aux cultures locales et populaires. Par ce biais, l’institution culturelle du Citron Jaune renforce aussi sa propre légitimité sur un territoire et tente de toucher des publics locaux encore à conquérir. Mais peut-on parler d’une quête mutuelle de légitimité entre monde artistique et monde de la recherche ? Au moment où je rencontre 1Watt, la compagnie artistique travaille encore et toujours sa légitimité et celle du théâtre de rue en général, avec ses arguments artistiques (réflexions et conceptualisation des arts de la rue) et des arguments empruntés aux disciplines universitaires (philosophie, sociologie, ethnologie, histoire...). Ce travail est permanent et indissociable de la recherche artistique, il s’appuie également en grande partie sur l’expérience : celle des artistes de la compagnie mais aussi d’autres figures dont ils croisent la route [23]. La compagnie est aujourd’hui reconnue nationalement dans son domaine et subventionnée depuis 2018 par la DRAC Occitanie, la Région Occitanie et le Conseil Général du Gard. Elle n’a pas besoin, selon moi, d’un-e scientifique pour ancrer son propos...

Pierre : Je ne suis pas tout à fait d’accord avec cela. Si nous en sommes arrivés là, c’est justement parce que nous avons fait appel ou avons répondu à des sollicitations d’autres savoir-faire et compétences qui sont venus enrichir notre pratique, nous ont permis de nous aventurer ailleurs, de nourrir notre art, de faire ce chemin. Anaïs en fait partie. Ce qui n’empêche pas son questionnement sur sa légitimité. Mais cette création commune n’est pas un « petit projet » au milieu d’une soi-disant aisance artistique et financière...

Anaïs : Peut-être voulais-je plus précisément dire que travailler avec d’autres champs de compétences ne répondait pas pour la compagnie à un besoin de légitimation mais plutôt une démarche globale de recherche ? Dans mon parcours, la question de la légitimité est omniprésente. Mon hypothèse étant que l’Université peut produire un sentiment d’illégitimité chez de jeunes chercheurs qui ne seraient pas suffisamment affiliés au milieu académique. Détentrice d’un doctorat mais précarisée, il peut m’arriver d’être rapidement suspectée de manquer de volonté. De plus, être une femme, vivant en milieu rural et touchant aux arts depuis vingt ans de façon ponctuelle ne facilite pas mon identification en tant que chercheuse. Au contact de Pierre et Sophie, je crois comprendre qu’une posture d’artiste exige de s’émanciper à proprement parler de cette question de légitimité. En effet, dans le strict cadre de la création avec Pierre et Sophie, je pensais que la question de la légitimité ne traversait que moi... et je me suis rapidement demandé si « être artiste » ne reviendrait justement pas à savoir dissimuler ou à se départir de ce sentiment d’illégitimité.

Bien que je sois a priori la seule dans l’équipe à bien connaître le propos tauromachique du spectacle, avec « Course Libre » c’est bien sur le terrain des artistes que je suis conviée. Le lieu et l’instant de la création n’étant pas ceux du doute, j’y apprends à oser, à ne plus m’empêcher et à ne plus évaluer ma performance, mais à expérimenter, à être en action, à ne pas préjuger des réactions de l’autre, à me laisser surprendre. Sophie et Pierre parviennent à créer un cadre de travail fructueux en libérant les savoirs de leurs normes et contraintes académiques. Entre leurs yeux et leurs mains, je découvre des savoir-faire inattendus, des métiers faits de matériaux humains que je me refuse d’abord à décrire, à catégoriser, à circonscrire, comme pour me défaire de réflexes disciplinaires. J’arpente un nouveau cadre que je reproduis très vite à l’Université avec mes étudiants, de façon à leur permettre l’expérimentation, l’innovation et l’erreur comme des étapes nécessaires à l’apprentissage d’une discipline, mais également l’assurance de leur propre légitimité à contribuer à la connaissance... Cet élan émancipateur que génère la création avec 1Watt m’accompagne dès lors dans toutes mes activités professionnelles d’enseignement, de recherche, d’écriture. Le projet intellectuel et artistique de « Course Libre » a donc un impact énorme sur mes pratiques d’ethnologue jusqu’à transformer mon regard, mon observation des corps, en me rendant plus attentive aux mouvements, aux villes, et aux usages des espaces publics. La création du spectacle a ainsi généré chez moi un sentiment de liberté et d’émancipation, mais il n’en demeure pas moins un projet culturel commandé par des institutions et contraint par des moyens limités.

Pierre : Le Citron Jaune a mis la somme de la production entre les mains de notre structure juridique et nous en avons fait ce que nous voulions. Le Citron Jaune porte autant attention au fond qu’à la forme. En revanche, les moyens pour réaliser ce type de rencontre et de projet sont ridicules : peu de budget, peu de temps de création, sans compter les actions de médiation culturelle que nous avons dû réaliser Anaïs et moi avec le lycée agricole de St Rémy de Provence [24]. Assurer la vie d’un tel projet dans ces conditions devient problématique. Et c’est là que se posent les problèmes de légitimité. Le Citron Jaune lui-même est touché par ces questions depuis quelques années. Il n’a pas eu les moyens de faire vivre notre création au-delà de la première année du dispositif.

Anaïs : Le protocole du Citron Jaune prévoit une création conjointe mais c’est contractuellement à la compagnie qu’incombe la « responsabilité » artistique et administrative. Le fond, le propos et les matériaux proviennent du chercheur mais la forme - et donc la part créatrice - demeure de fait la responsabilité de l’artiste. Très vite, je me mets à craindre que l’idée interdisciplinaire du Duologos subordonnerait le fond à la forme, y compris du point de vue salarial. Des rapports de force avec l’administration du Citron Jaune émergent rapidement au début de la création : tout d’abord je dois lutter contre moi-même (contre mon sentiment d’illégitimité scientifique et artistique), puis je dois lutter pour défendre mon double statut d’ethnologue non-institutionnelle et d’artiste -intermittente pour être rémunérée à égalité avec mes camarades artistes [25].

Main tête
Spectacle "Course libre"
Arles, représentation du 15 septembre 2018
Le Citron Jaune

Passée cette inquiétude et quelques négociations salariales, c’est la compagnie 1Watt qui soutient ma demande et équilibre les salaires pour que la création parte sur des bases plus équitables. Le Citron Jaune accepte ainsi la production d’un Duologos particulier : un duo devenu trio, avec l’arrivée du regard extérieur de Sophie, et une ethnologue devenue artiste intermittente.
Pierre et Sophie, comme à leur habitude, tentent d’abolir les divisions disciplinaires, de déjouer les assignations institutionnelles. Ensemble, nous sommes alors d’accord pour brouiller les pistes auprès du public, en faisant bloc du point de vue de la création, de l’écriture et des propositions artistiques. Cependant, les entrevues avec les journalistes ou le public après les représentations restent des espaces d’assignation : on questionne l’ethnologue sur l’ethnologie et l’artiste sur l’art. À chacun sa spécialité, malgré le commun de l’expérience. C’est après notre première représentation, lors d’un échange avec le public animé par l’équipe du Citron Jaune, que je nous sens, Pierre et moi, les plus assignés à notre place présumée. Après l’expérience de la scène, lors de laquelle le fond et la forme du propos se confondent et se renforcent mutuellement, ils se trouvent bel et bien distingués dans un brutal retour au réel de la communication institutionnelle. La mise en valeur de l’interdisciplinarité passe par la distinction des rôles disciplinaires et l’argument de leur complémentarité. Or, l’expérience de notre « Course Libre » nous confirme qu’il existe un point de rencontre et de fusion de nos disciplines artistiques et ethnologiques, reposant sur plusieurs principes : le regard étranger sur son propre monde, l’empathie comme méthode de compréhension, l’adoption de postures et de rôles différents, la déconstruction du langage, des gestes et des habitudes et bien entendu la recherche théorique et empirique. Il n’est donc plus question de complémentarité, mais bien d’une multiplicité d’être et de faire que nous avons en commun.

Alors même que le monde du travail nous oblige à multiplier les compétences, les savoir-faire, les domaines d’activités, voire les métiers, cette multiplicité demeure difficilement intégrée aux structures sociales qui nous gouvernent. C’est une sérieuse injonction au choix qui se présente régulièrement pour tous. Pour ma part : « Êtes-vous chercheuse au chômage ou artiste intermittente ? Souhaitez-vous réellement un poste à l’Université ou vous contenterez-vous d’une vie de Bohême ? Êtes-vous devenue artiste par défaut de carrière ? »... Certes, ne pas se prononcer révèle une absence totale de stratégie de carrière, mais monter sur une scène ne constitue pas pour autant un geste par défaut. Nous pouvons nous demander si être artiste fournit une nouvelle dignité sociale à des individus marginalisés et précarisés (Shapiro 2004) ou si cela, plus qu’une alternative à la marginalisation et à la précarité, correspond plutôt au choix d’un mode d’expression et de réflexion non contraint par les normes académiques et les plans de carrière. Pour ma part, c’est devenu peu à peu ma raison d’être ethnologue : me reconvertir dans les arts ne constitue nullement un abandon de l’ethnologie, mais bel et bien l’entretien d’une possibilité d’en faire et d’en vivre, en dehors de la reconnaissance académique.

Dans « Course Libre », nous avons essayé de montrer une ethnologue avec ses fragilités, de rester fidèle à ses ressentis car nous ne voulions pas d’un personnage institutionnel. Se mettre en scène sans « jouer à être » quelqu’un d’autre, comme le préconise la compagnie 1Watt, c’est aussi refuser de « jouer le jeu » du chercheur objectif, sûr de lui, convaincu de sa propre utilité. Que ce soit dans mon travail ou sur scène (en l’occurrence l’espace public), la figure de l’idiot s’est avérée meilleure passeuse de connaissance que celle du « sachant ». L’exercice réflexif qui consiste à situer sa parole, à partager le réel d’une subjectivité, n’est pas seulement méthodologique, il est une condition d’approche de la connaissance ethnologique en donnant à voir et entendre ce qui fait la recherche pour les artistes comme pour les chercheurs : les balbutiements, les émotions, les dégoûts, les passions, les incidents, les surprises...

Script
RASETS

L’ethnologue court pour éviter le sauvage, elle se cache derrière le public et tente de traverser l’arène et de faire des rasets sans se faire toucher. À chaque impact entre les deux personnages, l’ethnologue se confie au public ou au sauvage.

J’y connais rien à ce terrain les animaux c’est pas mon truc je m’intéresse aux humains je suis ethnologue pas véto j’ai peur du taureau

J’y connais rien en élevage
je sais pas monter à cheval
j’y connais rien en travail agricole
je sais à peine allumer un feu
j’ai peur de me faire mal

J’en ai marre de ce milieu viriliste
marre qu’on se moque de moi
qu’on me prenne de haut
marre d’entendre des propos racistes dans les arènes
marre qu’on se méfie de moi
parce que j’ai envie de comprendre

Le sauvage s’en va. L’ethnologue essoufflée s’adresse au public :

J’ai peur du taureau. Je commence à aimer cette peur. J’aime faire l’expérience de cette peur. J’aime faire l’expérience de cette peur. J’aime faire l’expérience de cette peur.

(Bruits de pétards au loin)

Anaïs : « Course libre » nous a permis de mettre en exergue, voire en abîme, des problématiques communes à la tauromachie populaire et à l’art vis-à-vis de l’espace public, de son accès et de ses usages. Les contraintes sécuritaires et normées que subissent les cultures tauromachiques minorisées atteignent également les arts de la rue : la prévention des accidents se voit alourdie par les responsabilités légales qui pèsent sur les organisateurs et les clauses contractuelles des assurances. Toute manifestation dans l’espace public, si tant est qu’elle soit autorisée, est désormais encadrée par des dispositifs de sécurité renforcée (barrières règlementaires, blocs de béton, herses...). L’art de la compagnie 1Watt exprime la nécessité de l’existence d’un espace public et d’une irruption de l’art dans cet espace. En transformant les contraintes sécuritaires d’un mobilier urbain en terrain de jeu, ou pourrait-on dire le prosaïque en poétique, et en brouillant les frontières entre les deux, l’art de rue de 1Watt participe du phénomène contemporain d’artification : il s’opère bel et bien « une transfiguration des personnes, des objets et de l’action » qui « requalifie les choses et les anoblit » (Shapiro 2004). Du point de vue anthropologique, « Course libre » témoigne d’une artification de la culture populaire tauromachique : des jeux rituels et traditionnels sont remis en scène sous forme de création artistique objectivée. Et nous pouvons nous demander si la création prendrait malgré nous une fonction de substitut ou de simulacre de traditions populaires et si l’anthropologue, elle-même transfigurée en artiste, deviendrait malgré elle actrice de cette artification. Elle contribue sans doute à la production d’un « spectacle du spectacle » de la tauromachie camarguaise dont semblent évacuées les caractéristiques sportives ainsi que les fonctions sociales, politiques, rituelles. Dans ce cas, l’artification n’apparaîtrait pas comme processus de passage du non-art vers l’art mais plutôt comme réduction d’un phénomène social et artistique complexe à certaines de ses caractéristiques artistiques objectivées. En tant qu’anthropologue, je ne peux pas vraiment me réjouir de cette possible conséquence. Néanmoins l’hypothèse résonne avec le témoignage recueilli auprès d’un aficionado qui lors d’un débat au sujet des corridas « bloodless » aux Etats-Unis, m’avait confié préférer voir la corrida disparaître plutôt que d’assister à des « simulacres d’opéra ».

L’artification produite par la rencontre ethno-artistique, sur fond d’ethnographic turn (Foster 2001), introduit la culture dite « populaire » et la culture anthropologique dans le champ de la Culture. C’est ainsi qu’après une représentation, une association de manadiers (éleveurs de taureau Camargue pour les courses) nous approche en 2019 et manifeste son intérêt pour une telle démarche : les promoteurs (voire défenseurs) de la course camarguaise, sport local et minorisé, y voient une tentative de collaboration avec le monde culturel particulièrement innovante et valorisante. Sans doute que le questionnement sur l’artification devrait s’accompagner ici d’une réflexion sur la spectacularisation des cultures traditionnelles et populaires en partant de cette l’hypothèse d’une probable réduction artistique et spectaculaire, normée selon les codes du monde culturel dominant, d’activités culturelles dont les implications sociales et politiques dépassent l’aspect formel et la performance physique et artistique... Dans « Course libre », la course camarguaise est effectivement mise en scène sous forme d’un autre spectacle qui tente de reproduire, sans le rapport à l’animal, les effets et émotions qu’elle cherche à susciter : la peur, la prise de risque, l’imprévu, l’incident, etc.... La distanciation artistique semble rendre le phénomène acceptable : mais hors du champ culturel et dans un cadre traditionnel de course camarguaise, nous pouvons nous demander si cette tauromachie « distancée » ne serait pas reçue comme un simulacre potentiellement générateur d’animosité. Les aficionados de se demander : « Quand les jeux avec les animaux seront interdits, la course camarguaise ne pourra-t-elle survivre uniquement que sous des formes « artificielles » » ?

Taureau seau
Spectacle "Course libre"
Arles, représentation du 15 septembre 2018
Le Citron Jaune

Script
BANDIDO

L’ethnologue se dirige vers un microphone et harangue le public à la façon d’une fête foraine pendant que le sauvage qui porte une tête de taureau traverse le public pour le bousculer (pétards, seau d’eau...), lui faire peur :

Mesdames et Messieurs, la course libre aurait-elle perdu son caractère subversif ? On ne l’appelle plus course libre d’ailleurs. Elle est désormais un sport reconnu par l’Etat. Elle a donc gagné la reconnaissance institutionnelle oui, mais qu’a-t-elle perdu Mesdames et Messieurs ? Eh bien elle est devenue la course camarguaise, également un patrimoine local... Peut-être un peu trop figé ? Nous pouvons nous poser la question. C’est aussi devenu une expression quasi-identitaire pour certains camarguais, qu’ils soient provençaux ou languedociens d’ailleurs. Est-ce que la course serait devenue une sorte de tradition maintenue coûte que coûte, de folklore figé et parfois peu attractif pour les novices et néo-habitants ? Une tradition est-elle forcément excluante, conservatrice voire réactionnaire ? Eh bien c’est la question que nous nous poserons dans ce climat festif et bruyant, accoudés à un bar en buvant quelques verres de pastis. Nous pourrions aussi nous demander si les jeux taurins sont une survivance de la sauvagerie dans notre civilisation sécuritaire et réfractaire au risque ? D’ailleurs quelle place existe-t-il pour le risque aujourd’hui dans nos sociétés ? Je ne parle pas du risque écologique, industriel ou sanitaire, celui-ci n’a aucun mal à exister et à se déployer dans tous les recoins de notre quotidien pourtant envahi par des normes impossibles à respecter, mais je parle bien du risque de l’expérience, de notre risque que nous choisissons de prendre. Quelle place pour ce risque ? Pourrions-nous vivre sans risque ? Pouvons-nous aller vers notre risque ? Pouvons-nous encore tenter l’expérience du risque ? Où est-ce que nous serions encore libres Mesdames et Messieurs ? Et après quoi courons-nous ? Je vous le demande, après quoi courons-nous ?

L’ethnologue met un masque de catch figurant un taureau et s’installe à la batterie près du micro, elle joue fort. Le sauvage danse.

Sophie : Pour nous, le partage des pratiques et le mélange des savoirs sont enrichissants et jubilatoires. Nous avons construit une réflexion commune, complémentaire aux recherches de l’ethnologue, autour de la puissance des traditions populaires, de la prise de risque, de la transgression des normes et de la place de l’animal dans nos fêtes aujourd’hui. L’enjeu de l’exercice – confronter nos pratiques et savoir-faire – est devenu une vraie rencontre.

Anaïs : Cette rencontre est fondamentale dans mon parcours d’ethnologue mais également dans la globalité de ma recherche que j’ai fournie au Museon Arlaten. Le spectacle, pensé dans la continuité du travail académique et muséographique, m’a permis d’élargir la commande institutionnelle à l’expérience ethnographique elle-même, tout en reliant les cultures populaires aux arts de la rue par les problématiques sécuritaires contemporaines de l’espace public. Une fois la création réalisée et les quelques représentations prévues par le partenaire muséal dans le cadre des Journées Européennes du Patrimoine [26], « Course libre » n’a pas connu la réception que nous aurions pu en attendre Pierre, Sophie et moi : les réseaux culturels d’arts de la rue ne se sont semble-t-il pas sentis suffisamment concernés par le propos tauromachique, et la production du Citron Jaune n’a pas pu étendre son travail de diffusion aux milieux taurins, certes voisins, mais peu enclins à organiser des spectacles sortant du cadre sportif ou traditionnel. En conclusion, nous pouvons nous demander si la rencontre de l’ethnologie et des arts de la rue, tous deux en quête de légitimité et dominés chacun dans leur domaine (l’ethnologie dans les sciences sociales et les arts de la rue dans l’Art), aurait quelque part produit un objet illégitime, du moins marginal, de toute part ?

Pierre : Ce genre de proposition est en effet marginal et précaire. Il a fallu faire vite avec peu de moyens et être convaincants. Dans le milieu du spectacle de rue, ça passe ou ça casse. Ce double apprentissage, cette double attention, ce genre un peu brut nous semble essentiel. Cette fragilité qui fait vivre le sujet, le fait résonner dans le corps du spectateur. De ces corps nous en reparlons. Nous avons invité l’ethnologue, elle a fouillé avec nous dans un prochain projet : le corps dans l’espace public comme outil de lutte. Avec dix autres artistes, des femmes pour la plupart, il s’agira de se refaire les corps, de les mettre en rue. Inventer une gestique de lutte, des gestes utopiques. Inventer des paroles de colère, des canevas de situation sur le thème des luttes quelles qu’elles soient. Figurer le désirable. Organiser des parcours, des lieux pivots ou chevêtres, des îlots de contestations, des centres décentrés, des tremplins de colère, organiser des effets désordonnés, inventer des façons. Se refaire le corps. Faire corps. Halluciner, faire surgir la démesure et le foisonnement, l’insouciance et l’extase. Emprunter à la fête populaire, lieu de défoulement, de retrouvailles, de communauté, de contestation. Construire des choses qui ne sont jamais véritablement menées à leur terme. Parce que nous ne voulons rien imposer et que l’on peut toujours faire autrement.

Être savant en quelque sorte.

Script
MERCI DE VOTRE VIGILANCE

Le sauvage s’habille pendant la musique, il met une chemise et devient préfet. Il annonce les règlementations en terme de spectacle de rue taurin accompagné par la catcheuse-batteuse.

Partition finale :
Transition : solo batterie rythme 1
charge annonce x 4
roulement de tambour, départ cymbaledébut du texte préfectoral (...)
« tradition » = battement cœur qui s’accélère
« la fête cet atout touristique » = rythme 2
FIN = passants
« Merci de votre vigilance » x 1 Pierre ; x 1 batterie
« commune...barrières » = rythme 3
« acier galvanisé... dimensions barrières » = jeux métalliques
« 33,3 cm » = break
« Barriérage »
« Merci de votre vigilance » en chœur
Farandole avant reprise du discours « ... strictement interdits »
« 2016 » = rythme 4
FIN = « attestation sanitaire »
« Merci de votre vigilance » en choeur
suspense cymbale, danse des yeux
repartir avec texte = rythme 5
enfin = rythme 6 + BOMBE
FIN = « manifestation taurine »
« Merci de votre vigilance » x 3 en choeur
Le préfet et la batteuse finissent dans une transe destructrice.
FIN 

Préfet batterie
Spectacle "Course libre"
Arles, représentation du 15 septembre 2018
Le Citron Jaune

add_to_photos Notes

[1Il existe 14 CNAREP sur tout le territoire français.

[3Nous remercions le Citron Jaune et le Museon Arlaten pour leur confiance.

[4Les textes du spectacle sont écrits et dits par Anaïs Vaillant, à l’exception d’un décret relatif aux normes de sécurité communiqué par la Préfecture du Gard détourné et clamé par Pierre Pilatte (partie intitulée « Merci de votre vigilance »). La mise en scène a été réalisée par Anaïs Vaillant, Pierre Pilatte et Sophie Borthwick au cours d’une dizaine de jours de travail.

[5Clair de terre est une association « d’étude et de mise en valeur du patrimoine naturel et culturel de la Provence et du Languedoc » créée dans les années 1980 par Jean-Noël Pelen, Nicole Coulomb, Claudette Castell et Pierre Laurence (entre autres). Ce collectif a coordonné de nombreuses études, expositions et éditions dont l’ouvrage collectif L’Homme et le Taureau, en 1990 dirigé par Jean-Noël Pelen et Claude Martel (1990), tous deux également membres du CREHOP, centre de recherche sur les ethno-textes (Université de Provence, CNRS).

[6Théâtre politique, entre conférence et spectacle, devenu outil d’éducation populaire sous l’impulsion de Frank Lepage depuis les années 2010.

[7L’association Terrain à Déminer fut créée en 2002 à Nice et dissoute en 2020 à Montpellier.

[8Traversée des arènes en saluant le public.

[9Gardien de taureaux et de chevaux Camargue.

[10Homme, aujourd’hui possiblement sportif professionnel, qui pratique la course camarguaise et le raset, geste qui consiste à enlever les attributs portés par le taureau.

[11La tauromachie dans les fêtes du Languedoc et de Provence est avérée au XIXe siècle. Elle prend une place centrale dans un folklore créé au début du XXe siècle en partie par le Marquis de Baroncelli.

[12Le texte du spectacle fait référence au rapport de recherche qu’Anaïs Vaillant a produit pour le Museon Arlaten et Clair de Terre (2016).

[13Du provençal bouvino, bouvine désigne l’espèce bovine et par extension l’espace social de la course camarguaise, de l’élevage, de l’organisation festive et du sport.

[14Les associations animalistes, et plus précisément anti-corrida, ont élargi leur champ d’investigation, de communication et d’action à toutes les tauromachies du territoire national.

[15Notamment les usages du trident par les gardians, du marquage au fer rouge et du « bistournage » (castration à vif) par les manadiers, puis du crochet par les raseteurs.

[16Par exemple le Parc Naturel Régional de Camargue, le Musée de Camargue, ou la Fédération des Manadiers de France...

[17L’enquête fut réalisée dans le cadre de la campagne de rénovation muséale de l’établissement – ré-ouvert depuis 2021 – et contribua à la réactualisation des données sur la tauromachie.

[18Les liens entre clowns et arènes ont justement été développés au sein des études tauromachiques réalisées aux USA et au Mexique par Frédéric Saumade et Jean-Baptiste Maudet (2014).

[19Quelques informateurs, éleveurs, aimaient à me faire travailler dans leur exploitation (nourrir les bêtes, nettoyer des locaux, déboucher des roubines...) comme une contrepartie, temporelle et symbolique, des moments privilégiés d’entretiens qu’ils m’offraient pour l’enquête.

[20Dans les courses camarguaises, ce qui est appelé « taureau » en français est généralement un bœuf, un animal castré, un «  bioù  » en provençal.

[21Cette scène du spectacle fait référence aux petites mises d’argent données par différents participants pendant la course (entreprises locales, collectivités territoriales, particuliers, etc) pour faire grimper la valeur des attributs ciblés par les raseteurs. Ces mises sont annoncées au micro par l’animateur de façon répétitive et régulière.

[22Voir en particulier les travaux de l’anthropologue Frédéric Saumade.

[23Comme par exemple Fernand Deligny pour la création Vague ou la tentative des Cévennes en 2017.

[24Le dispositif des Duologos inclut également une action culturelle avec des publics scolaires. Nous avons pu intervenir séparément Pierre et moi, respectivement sur l’art de rue et l’ethnologie, auprès de lycéens grâce à la médiation du Museon Arlaten. Ils ont également assisté à une répétition générale dans l’enceinte de leur établissement, participé à des discussions sur le processus de création et ont bénéficié ensuite d’une représentation spécialement organisée pour eux et leurs camarades.

[25D’autres chercheurs participant aux Duologos étaient alors titulaires de poste et rémunérés sous forme d’indemnités de défraiement. En tant qu’intermittente, j’ai dû exiger un minimum salarial comprenant les charges sociales nécessaires au maintien de mon statut.

[26« Course Libre » a été présenté deux fois dans les rues d’Arles et la cour de la bodega La Muleta le samedi 15 septembre 2018, puis deux fois à St Rémy de Provence, dans le cadre d’une action culturelle auprès des élèves du lycée agricole, le 5 février 2019.

library_books Bibliographie

ARDENNE Paul, 2009. Art, le présent. La création plasticienne au tournant du XXIe siècle. Paris, Éditions du Regard.

CLASTRES Pierre, 2011 (1974). La société contre l’État. Paris, Éditions de Minuit.

FABRE Daniel, 2005. « Les limites non frontières du Sauvage », L’Homme, 175-176 (en ligne), http://journals.openedition.org/lhomme/29593.

FOSTER Hal, 2001 (1996). « The artist as ethnographer », in FOSTER Hal (ed.), The Return to the Real. The Avant-Garde at the End of the Century. Cambridge, MIT Press, p. 171-203.

GARCIA Renaud, 2018. Le sens des limites : contre l’abstraction capitaliste. Paris, L’Échappée.

LAPIERRE Georges, 2015. Être ouragans : écrits de la dissidence. Montreuil-sous-Bois, L’Insomniaque.

PELEN Jean-Noël et MARTEL Claude (dir.), 1990. L’homme et le taureau. En Provence et Languedoc. Histoires, vécus, représentations. Grenoble, Glénat.

PIGNOCCHI Alessandro, 2019. La recomposition des mondes. Paris, Édition du Seuil.

SAUMADE Frédéric, 1994. Des sauvages en occident. Les cultures tauromachiques en Camargue et en Andalousie. Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme.

SAUMADE Frédéric et MAUDET Jean-Baptiste, 2014. Cowboys, clowns et toreros. L’Amérique réversible. Paris, Berg International.

SHAPIRO Roberta, 2004. « Qu’est-ce que l’artification ? », L’individu social, XVIIe Congrès de l’Association internationationale de sociologie de langue française, Tours (en ligne), https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00010486v2.

VAILLANT Anaïs, 2016. « La bouvine au début du 21 siècle : maintenances, transformations, avenir », Association Clair de Terre, Arles, rapport d’enquête réalisée entre 2011 et 2014 pour le Museon Arlaten (campagne de rénovation) et le Conseil Général des Bouches du Rhône.

Pour citer cet article :

Anaïs Vaillant, La Compagnie 1 Watt, 2022. « Course libre ». ethnographiques.org, Numéro 42 - décembre 2021
Rencontres ethno-artistiques [en ligne].
(https://www.ethnographiques.org/2021/Vaillant_Compagnie-1-Watt - consulté le 26.04.2024)
Revue en lutte