Les portraits de langues : une approche visuelle soutenant les récits de vie d’enfants

Résumé

Le texte a pour objectif de présenter une approche visuelle utilisée auprès d’enfants âgés de neuf à onze ans consistant à leur demander de dessiner leur portrait de langues, forme de récit biographique qui intègre la métaphore du corps et le dessin réflexif. L’étude a été réalisée dans une école primaire au Canada accueillant principalement des élèves issus de la migration. La première partie de l’exposé propose une synthèse des principes sur lesquels repose la méthodologie des récits biographiques pour ensuite présenter le concept des biographies langagières et l’approche multimodale développée par Brigitta Busch et l’équipe de recherche de Spracherleben de l’Institut linguistique de l’université de Vienne. Une discussion s’ensuit en deuxième partie sur la technique de la silhouette corporelle qui a servi d’outil visuel à la réalisation de portraits de langues par les jeunes participantes et participants. Se trouve mis en valeur en dernière partie le portrait de Wathiqa ainsi que ceux de Yanis, Fadil et Amineh qui, par de touchants témoignages, se racontent et s’inventent toujours un peu plus et autrement au travers de leurs récits. Le texte offre un retour sur l’expérience de terrain, l’encadrement ethnographique, la richesse des propos tenus, mais aussi les omissions et occasions ratées dans la démarche de recherche et suggère quelques pistes en conclusion quant au problème épineux d’analyser une biographie qui n’est pas la sienne.

mots-clés : récit de vie, approche biographique, portraits de langues, dessin réflexif, migration, Canada

Abstract

Language portraits. A creative visual approach supporting narrative inquiry with children

The text presents a visual approach used with children between the ages of 9 and 11, consisting in asking them to draw their language portraits, a form of biographical narrative that integrates a bodily metaphor and reflexive drawing. The study was conducted in a Canadian elementary school with a predominantly migrant population. The first part of the paper discusses the principles underlying the biographical narrative methodology. It then defines the concept of language biographies and the multimodal approach developed by Brigitta Busch and the Spracherleben research team at the Linguistic Institute of the University of Vienna. The second part of the paper introduces the body silhouette technique, which was used as a visual tool to create language portraits by the young participants. The last section highlights Wathiqa’s portrait as well as those of Yanis, Fadil and Amineh who, through their touching testimonies, re-invent themselves a little more and differently every time they tell their life stories. The text reflects on the fieldwork experience, the ethnographic framework used, the richness of the narratives but also omissions and missed opportunities in the research process. In conclusion, it suggests some avenues for addressing the tricky problem of analyzing a biography that is not one’s own.

keywords  : life stories, biographical approach, language portraits, reflective drawing, migration, Canada

Sommaire

Raconter son histoire, être écouté

Les travaux sur l’enfance en sciences sociales mettent en valeur le point de vue des enfants sur leur monde et sur les enjeux sociaux qui les affectent. Les premières études ont cherché à faire entendre cette voix, un geste compris fréquemment au sens littéral et se traduisant par la diffusion de verbatim (James 2007). La prolifération d’études sur l’enfance a depuis donné lieu à la mise à disposition d’un important corpus d’enquêtes, qui incite aujourd’hui les chercheuses et chercheurs à proposer un retour critique sur les notions phares qui ont guidé ce domaine d’étude (James 2007 ; Tisdall et Punch 2012) et à évoquer notamment la dimension des contraintes, institutionnelles et discursives, qui agissent sur la parole des enfants (Christensen et James 2008 ; Drachici et Garnier 2020 ; Garnier 2015 ; Lahire 2019 ; Leroy 2020 ; Sirota 2015 ; Spyrou 2018 ; Sutterlüty et Tisdall 2019).

En tant que sociologue spécialiste des domaines de l’éducation et de l’étude des francophonies minoritaires au Canada, je m’intéresse à la socialisation des enfants, en lien avec les contextes de mobilité et de migration au sein de l’espace scolaire. L’expérience des enfants et de leur famille s’inscrit dans des allers-retours continus entre le Canada et diverses régions du monde, que ce soit par la migration, les voyages ou au moyen des contacts quotidiens que permet l’usage des médias sociaux. Par ailleurs, au niveau scolaire, le bilinguisme officiel (français et anglais) étant un principe fondateur des politiques linguistiques fédérales, il existe aujourd’hui en Ontario un réseau d’écoles publiques de langue française qui fonctionne parallèlement au réseau de langue anglaise et qui intègre le multiculturalisme, valeur sociétale centrale, au cœur du dispositif pédagogique. Dans ce contexte, j’ai voulu mettre en valeur la dimension imaginative de l’ethnographie et voir comment accorder une plus grande place au regard de l’enfant dans une ethnographie scolaire (Perrenoud 1995 ; Sirota 2006). J’ai alors retravaillé les outils classiques tels que les grilles d’observation et les entretiens, que j’ai associés à des méthodes artistiques et visuelles, pour en faire des outils biographiques. Dans cet article, je présente plus particulièrement les portraits de langues, forme de récit biographique qui intègre la métaphore du corps et le dessin réflexif, permettant de mettre en évidence les relations entre les différentes composantes linguistiques. Les portraits de langues s’inscrivent dans l’approche multimodale mise en avant par la sociolinguiste Brigitta Busch. Articulant narration et dessin, cet outil permet de voir comment se construisent les récits biographiques à travers une mise en dialogue de la forme visuelle (se raconter en images) et de la forme littéraire (se raconter par des mots).

Voici à titre illustratif, les portraits de langues que proposent Gabriella et Daniel [1], tous deux âgés de onze ans. Ils ont été pris en photo par leurs camarades de classe.

Fig. 1
Gabriella
Fig. 2
Daniel

On remarque d’emblée qu’ils ont colorié leurs vêtements et des parties du corps de différentes couleurs et ont inséré une légende expliquant l’association entre couleurs et langues. Ils expliqueront leur propre dessin au moment d’un entretien.

Après une présentation du cadre de l’enquête, les portraits de langues seront abordés en trois points. Je présenterai dans un premier temps l’approche méthodologique des récits biographiques et la conceptualisation des biographies langagières par Busch (2010, 2012, 2017, 2018). J’expliciterai ensuite la technique de la silhouette utilisée dans l’enquête menée en milieu scolaire et présenterai enfin, des portraits de langues.

Une enquête en contexte scolaire

Les matériaux mobilisés dans cet article ont été collectés dans le cadre d’une enquête réalisée entre 2009 et 2012, au sein d’écoles de langue française situées dans la grande région de Toronto et dans le sud de l’Ontario, près de la frontière américaine, région caractérisée par un long passé industriel. Trois écoles ont participé à l’enquête [2]. Comme l’étude s’intéressait à l’expérience de la migration des enfants et au rôle des déplacements dans le rapport à l’école, ces écoles ont été retenues du fait qu’elles accueillaient en grande partie des familles issues de l’immigration ou issues de parcours transnationaux. Elles se distinguaient toutefois du point de vue du statut socio-économique des familles, l’immigration ne pouvant être analysée sans prendre en compte l’effet des disparités socio-économiques et les phénomènes d’exclusion sociale. Le choix de travailler avec des familles dont l’origine sociale est contrastée s’explique aussi, dans le cas d’ethnographies scolaires, par la question des attentes de l’école envers l’élève et l’effet des contraintes exercées à l’endroit de familles moins bien nanties sur le parcours éducatif de l’enfant (Miller et al. 2012 ; Lahire 2019). L’enquête a été menée auprès d’élèves et d’enseignants ; au total, 125 personnes ont participé à cette enquête, dont plus des 2/3 étaient élèves.

Les portraits qui sont présentés proviennent d’une école accueillant des familles à faibles revenus, située dans le sud de l’Ontario où j’ai rencontré une classe de 4e/5e année (élèves entre neuf et dix ans) et une classe de 5e/6e année (élèves entre dix et onze ans). Une soixantaine de portraits de langues ont ainsi été réalisés par ces élèves. Le français, l’anglais et l’arabe étaient les langues prédominantes parlées à la maison. Au niveau de la région urbaine où vivent les familles, près des trois-quarts de la population déclare l’anglais comme langue maternelle, un peu plus de 3 % le français et un peu plus de 20 % une langue non officielle. Parmi les langues maternelles non officielles, on comptait au moment de l’étude, en ordre décroissant, l’arabe (16 %), l’italien (14 %), l’espagnol (4 %) et le roumain (3 %) (Statistique Canada 2012).

L’invitation à participer à l’étude concernait tous les enfants [3]. Je souhaitais étudier les parcours de chacun, de manière à dégager un portrait nuancé du groupe de chaque classe et ainsi interroger la distinction arbitraire entre élèves “locaux” et “nouveaux arrivants”. En rencontrant des jeunes provenant de milieux distincts, il devenait possible par ailleurs de recueillir une gamme plus vaste de récits biographiques et de prendre en compte les disparités entre jeunes dans leurs parcours de mobilité, certains de ces parcours bénéficiant d’une plus grande légitimité que d’autres, au sein de l’école. C’est par exemple le cas des mobilités liées aux voyages formateurs ou aux migrations volontaires, comparativement aux représentations associées à la situation des réfugiés (Farmer 2016).

Au cœur de la démarche : les récits biographiques

Le travail biographique comme performance

Le récit biographique, approche qualitative mise à profit aujourd’hui dans un bon nombre de disciplines, s’intéresse à l’expérience de vie d’une personne telle que racontée par celle-ci. Susan Chase (2005) rappelle que le récit peut prendre la forme orale ou écrite et peut être généré à partir de l’enquête de terrain, d’entretiens ou encore lors de conversations spontanées. L’auteure en recense trois grands types : une histoire très ciblée racontant un évènement particulier, l’auteure donne alors l’exemple d’une visite médicale ; un récit plus long sur un aspect important de la vie, tel qu’un retour sur un évènement marquant ou encore le récit d’une dimension particulière du parcours de vie (comme l’expérience de la scolarisation dans le cas des études que j’ai menées) et, enfin, la présentation du récit d’une vie entière, de la naissance au moment présent (Chase 2005 : 652). En ce qui me concerne, l’orientation donnée au récit biographique est dictée par trois types d’approches : le regard sociologique d’abord, visant à comprendre comment les institutions influencent l’expérience de vie des individus (voir aussi Smith 2005), les approches féministes ensuite, qui consistent à faire entendre les voix absentes, incluant le registre des émotions, et ouvrant à de nouvelles conceptions du savoir et à la production de contre-récits, enfin les travaux en sociolinguistique, ou la prise en considération de la langue, des discours, des catégories de classement et des actions qui s’ensuivent pour nous renseigner sur le monde social (Chase 2005 : 653-657).

Les récits biographiques constituent aussi un travail de mise en scène, ou dit autrement, une performance rattachée à une situation donnée. C’est donc dire que les récits ne renvoient pas à un constat immuable, mais se construisent en interaction et varient en fonction du moment, du contexte, institutionnel et autre, et de la personne à qui l’histoire est racontée. Je retiens de la présentation de Chase que les récits biographiques sont nécessairement toujours en train de se faire et ainsi changeants et qu’ils sont à la fois facilités et limités par ce qu’il devient possible de raconter, de même que par le travail d’autocensure dont fait mention Pierre Bourdieu (1977). En ce qui concerne le travail d’interprétation, cette approche prend comme point de départ la voix et l’histoire que choisit de partager la personne qui se raconte. Dans la recherche dont il est ici question, cette voix d’enfant s’est construite dans l’échange avec d’autres enfants à l’école ainsi qu’avec l’équipe de recherche.

Biographie langagière et répertoire linguistique

Au moment de mener cette enquête, je prenais part à un chantier de recherche motivé par la question de l’accueil des nouveaux arrivants dans les milieux peu exposés à l’immigration (Belkhodja et Vatz-Laaroussi 2012). Il s’agissait notamment de comprendre qui sont ces enfants issus de familles migrantes, inscrits dans des écoles conçues initialement à l’intention de la minorité linguistique francophone en Ontario, mais attirant depuis une vingtaine d’années des familles plurilingues. La question de l’accueil m’a conduite à examiner de plus près comment se construit le rapport à l’altérité entre « locaux » et « migrants ». J’ai voulu offrir une contre-perspective à une approche duelle, en travaillant l’idée de convergence entre langues et cultures, notamment envers le français dans le cas étudié. Pour ce faire, j’ai utilisé les portraits de langues de Krumm et Jenkins (2001, cité par Busch 2018) que j’ai utilisés auprès d’enfants à partir de l’approche multimodale proposée par Busch (2012, 2017, 2018.) qui, comme indiqué précédemment, associe le récit biographique et le dessin réflexif. La sociolinguiste, évoquant notamment l’importance en recherche du tournant biographique, souligne l’apport de Fischer-Rosenthal, qui propose de faire usage des récits biographiques pour sortir des impasses du concept rigide d’identité. La biographie renverrait plutôt à un processus d’interprétation qui permet à la personne de concevoir son avenir de manière “ouverte” et renouvelée, ce que Fischer-Rosenthal définit par « an interpretatively open process of “becoming” » (1995, cité par Busch 2016 : 47).

Busch s’intéresse à l’expérience biographique telle que vécue au travers du langage, ce qui l’amène à réfléchir au concept de Spracherleben ou de vécu langagier (Busch 2012, 2017, 2018). Reliant la notion de répertoire linguistique aux travaux précurseurs de Gumperz (1964) sur le plurilinguisme, elle bonifie ce concept en s’inspirant de la phénoménologie de Merleau-Ponty et du post-structuralisme chez Foucault et Butler. L’intérêt de l’auteure pour la biographie langagière réside dans le fait que les façons de se percevoir soi-même et de percevoir les autres sont à la fois perceptibles dans le langage et actualisées à partir de pratiques langagières. Elle explique : « Les idéologies linguistiques (…) se traduisent par des attitudes, dans la manière dont nous nous percevons et percevons les autres en tant que locuteurs, et dans la manière dont ces perceptions sont mises en œuvre dans les pratiques linguistiques qui confirment, renversent ou transforment les catégorisations, les normes et les règles. » (Busch 2016 : 52, nous traduisons) Le concept de Spracherleben permet d’analyser, à partir de multiples récits biographiques recensés, comment ou de quelle manière les situations d’interactions, que celles-ci s’avèrent exceptionnelles ou ordinaires, en viennent à faire partie du « répertoire linguistique », une notion comprise au sens d’une disposition de l’action, en quelque sorte. Ceci devient apparent en rendant manifestes, dans les récits, les attitudes et pratiques langagières observées.

Contrairement à l’idée que l’on peut se faire de la notion de répertoire, celui-ci ne renvoie pas chez les auteurs cités à des compétences accumulées, mais se rattache plutôt au parcours de vie de chacun et au potentiel que recèlent les situations encourues. Le point focal d’une biographie langagière n’est donc pas le lieu de naissance, un concept qui s’apparente davantage aux représentations usuelles de la nation et des langues nationales, mais se centre plutôt sur le cheminement de vie d’une personne. Busch, inspiré de Bakhtin (1981, cité par Busch 2016) explique que le point de départ à l’analyse est que nous sommes en présence d’un dialogue entre les langues et non pas devant une langue unique. Le répertoire n’est pas quelque chose que possède l’individu en soi. Il exprime plutôt la dimension intersubjective et corporelle du langage, « à la frontière entre le soi et l’autre » (Busch 2017 : 346, notre traduction). Busch reprend l’idée chez Merleau-Ponty du corps qui se rappelle. Ainsi, l’expérience de vie influence les représentations sociales que nous entretenons à l’endroit des langues (par exemple, avoir vécu dans différents pays et associer une langue à une période de sa vie, ou encore, distinguer entre la langue de l’école et celle de la maison). Elles sont aussi influencées par les idéologies langagières (par exemple, légitimer ou non les langues en présence en contexte multilingue) et leur intériorisation, ainsi que par le contexte d’élocution, tel que le fait de ressentir de l’insécurité lorsqu’il s’agit de s’exprimer dans la langue scolaire comparativement à des contextes d’interaction plus informels. Le corps se rappelle, au sens de l’habitus, c’est-à-dire qu’il n’a pas besoin de passer par une étape mentale pour agir (Busch, 2017 : 351) [4]. Busch explique enfin que le répertoire linguistique fait référence aux différents espaces sociaux dans lesquels nous nous engageons de manière synchronique dans la vie de tous les jours et nous renvoie de manière diachronique à différents moments de notre histoire personnelle.

Dans ma recherche auprès d’élèves migrants, j’ai porté une attention particulière aux émotions et aux associations faites par les jeunes entre les langues et références culturelles en reprenant la métaphore du corps qu’a utilisé Busch. J’ai abordé les langues que parlent les enfants en tant que traces laissées par la migration dans la mise en récit de leur expérience de vie. Le travail que j’ai réalisé jusqu’à présent ne rend pas suffisamment justice à la finesse d’analyse du concept de répertoire linguistique que propose Busch. Je tenais toutefois à évoquer cette notion puisqu’elle permet de cerner la démarche d’ensemble et d’apprécier la puissance d’analyse que revêt l’approche biographique. Je retiens dans l’élaboration du concept de répertoire l’idée d’un apport du récit en tant qu’outil réflexif permettant à la personne de concevoir son avenir de manière “ouverte”. Si cette perspective de renouveau s’avère intéressante, elle est d’autant plus importante pour les enfants, dont on méconnaît encore trop souvent les points de vue et qui sont constamment sommés de se construire en tant qu’êtres en devenir. L’approche multimodale que propose Busch, présentée dans la prochaine section du texte, m’a ainsi semblé très prometteuse puisqu’elle offre aux enfants des moyens visuels pour construire ou reconstruire leurs repères biographiques, pour s’exprimer autrement, pour se projeter aussi en lien avec le récit des autres, et ainsi se doter d’images et de moyens nouveaux pour comprendre les enjeux sociaux les affectant directement.

Une approche multimodale du portrait de langues

Busch et l’équipe de recherche de Spracherleben de l’Institut linguistique de l’université de Vienne utilisent depuis plus d’une quinzaine d’années une technique biographique multimodale que l’on appelle des portraits de langues. Cette technique remonte initialement aux travaux de recherche sur l’éveil aux langues, réalisés notamment par Neumann (1991) puis Krumm et Jenkins (2001) (cités par Busch 2012), dans lesquels des chercheuses et chercheurs distribuaient aux élèves le contour d’une silhouette représentant le corps humain et leur demandaient de dessiner sur cette silhouette les langues utilisées dans leur environnement familial, en choisissant une couleur différente pour chacune des langues. Il s’agissait pour le personnel enseignant de se servir de cet exercice pour amener les élèves à discuter de leur pays d’origine et à comparer la langue de scolarisation, l’allemand dans les études de Krumm et Jenkins, aux langues d’origine (Busch 2012 : 510).

Busch et son équipe ont aussi choisi la technique des portraits de langues, mais, contrairement aux études précédentes, ont plutôt cherché à étudier les rapports politiques entre les langues et à contester les idéologies nationalistes qu’incarnent les langues nationales. L’approche remet ainsi en question l’idée jusqu’alors privilégiée en linguistique d’une langue fonctionnant comme un registre fermé aux autres langues, et courant le risque d’une contamination dans les situations de contact entre les langues. L’approche utilisée a plutôt consisté à demander aux participantes et participants de réfléchir à leur répertoire linguistique, aux codes, langues et moyens d’expression et de communication dans leur vie, et de les dessiner sur la silhouette. Le dialogue entre les langues constitue alors le point de départ à l’élaboration des portraits où l’on invite les personnes à faire part de leur biographie langagière telle qu’elle se manifeste au quotidien, des langues associées à leur passé ou pouvant prendre de l’importance à l’avenir, ainsi que des langues auxquelles elles associent d’autres personnes significatives, des endroits et des situations (Busch 2016 : 54). Dans cet exercice, les participantes et participants définissent eux-mêmes les catégories et ce qui constitue une langue ou un code, ainsi que les relations entre diverses langues (Busch 2012 : 511).

Le recours au dessin est un mode réflexif particulier qui fonctionne à partir d’une logique différente de celle contenue dans le mode discursif. L’approche multimodale de Busch permet de générer deux types de données, visuelles et narratives. L’auteure précise que la construction de sens se réalise à partir des deux modes réflexifs où l’un n’est pas subordonné à l’autre ou, dit autrement, le dessin ne sert pas à illustrer ce qui est raconté en mots tout comme le récit n’est pas une traduction de l’image générée au moyen de la silhouette. Dans le mode visuel, l’attention portée aux contours, aux choix de couleurs, aux contrastes et à l’ordre de grandeur des référents dans le dessin, par exemple, sert à alimenter une réflexion qui intègre plusieurs types d’informations à la fois. Ce mode tend à privilégier chez la personne qui se raconte une vue d’ensemble de l’expérience ainsi qu’à discuter des liens entre diverses composantes. Puisqu’il offre l’option d’inclure simultanément des éléments qui relèvent à la fois de dimensions cognitives, affectives, circonstancielles, imaginaires et autres, il permet de faire émerger diverses contradictions, fractures, chevauchements et ambiguïtés qui n’ont pas à trouver une résolution dans le récit immédiat. Le mode de la narration se construit de son côté de manière plus linéaire et séquentielle (Busch 2016 : 54-55). Le dessin de la silhouette agit de manière constante comme point de référence dans la discussion en entretien, dans ce va-et-vient entre se raconter en images et se raconter par des mots.

L’image du corps en tant que métaphore est particulièrement appropriée dans le cas de biographies langagières. L’usage des portraits de langues, explique l’auteure, se conçoit à partir d’un recueil plus vaste de représentations métaphoriques tirées de la culture populaire, ce recueil étant immédiatement accessible aux participantes et participants, ce qui présente l’intérêt de favoriser une relation d’enquête plus symétrique qu’habituellement. La référence aux parties du corps renvoie ainsi à des associations souvent reprises par les participantes et participants à l’enquête, telles que les symboles jumelant la tête à la raison, le ventre aux émotions, le cœur à “ce qui m’appartient”, ou encore, dans ma recherche, l’association entre la main et le travail d’écriture à l’école. Elle recoupe aussi la métaphore spatiale par des catégories telles qu’interne/externe, petit/grand, ou encore au-dessus/en dessous. En ce qui concerne le dessin plus directement, Busch nous incite à porter attention aux pictogrammes utilisés et aux couleurs et teintes choisies, qui peuvent exprimer des symboles, mais aussi des préférences personnelles (Busch 2018 : 10-11). Les émotions associées aux différentes parties du corps, le recours aux symboles nationaux dans la présentation de parcours migratoires et les préférences personnelles dans le choix de couleurs sont des éléments qui ressortent de manière très saillante dans l’enquête que j’ai menée.

Finalement, Busch précise que ces dessins créent quelque chose de nouveau, en soi, en faisant émerger ce qui n’est pas présent jusqu’alors dans les perceptions. Ce faisant, la présentation d’un portrait de langues se saisit aussi en tant que production d’un discours par le sujet, qui se raconte et qui se construit en réponse aux pressions du milieu (Busch 2018 : 6). Cette (re) construction de soi au travers des discours a été palpable dans mon étude, au cours de laquelle les enfants ont repris bon nombre d’éléments produits dans les portraits des autres de manière à valider leur histoire personnelle. L’agencement entre langues et cultures produit dans les portraits recueillis et présentés dans la prochaine section rend visible cet effet du discours, où coexiste la persistance des représentations nationales et transnationales quant à la figure de l’élève migrant.

Biographies d’enfants

Des photos et des silhouettes pour comprendre les mobilités

J’ai conçu l’étude menée auprès d’élèves issus de familles migrantes en m’inspirant du paradigme des nouvelles mobilités et de l’idée notamment qu’on ne puisse comprendre les mouvements de population sans intégrer à l’analyse le contexte de départ et les réseaux qui facilitent ou freinent le mouvement (Appadurai 1996 ; Bourdin 2005 ; Fass 2005 ; Portes 1999 ; Sheller et Urry 2006 ; Thamin 2007 ; Urry 2000, 2005). Cette perspective m’a conduite à percevoir l’école non seulement en tant que structure déterminante dans l’accueil des jeunes familles, mais également à titre d’institution qui par la même occasion se transforme de l’intérieur, du moins dans l’idéal, au gré des mouvements migratoires. J’ai voulu illustrer en quoi l’expérience de vie des enfants qui arrivent aux portes des écoles de langue française peut varier considérablement. De là, en examinant de près comment les enfants se construisent dans le dialogue entre les langues, dans le partage d’expériences à la fois communes et singulières, il devenait possible d’offrir une contre-perspective, du moins c’était le pari fait, à la lecture dichotomique entre élèves locaux et migrants, comme indiqué précédemment.

Melissa Freeman et Sandra Mathison (2009) suggèrent l’idée d’un continuum dans la manière de soutenir la participation des enfants et des adolescents à la recherche. Les auteurs proposent quatre modèles participatifs basés sur la prise de décision soit : une recherche dirigée par les chercheurs adultes où les jeunes participent à la tâche de recherche conçue par les adultes ; une collaboration dirigée par les chercheurs adultes où les jeunes prennent des décisions sur certains aspects de la conception de la recherche ou de ses activités ; un partenariat de recherche entre jeunes et adultes conçu pour donner aux adultes et aux jeunes une chance égale de prendre part aux décisions ; et enfin, une approche collaborative dirigée par les jeunes, avec une intervention limitée ou inexistante des adultes (p. 166-169). La position que j’ai prise comme chercheuse s’inscrit dans le deuxième type, soit une collaboration dirigée. J’ai conçu la problématique de recherche et développé le cadre méthodologique ethnographique. Par contre, j’ai laissé beaucoup de place à l’expression des enfants, à leur interprétation des consignes et à la façon de construire sa biographie à partir d’outils visuels [5].

J’ai d’abord présenté mon projet aux classes participantes et animé des séances de remue-méninges avec les élèves et leurs enseignantes sur le thème de la mobilité géographique et virtuelle, ayant choisi ce terme pour éviter l’usage du mot immigrant qui d’emblée risquait d’être interprété à partir d’une catégorie de classement qui distingue le “nous” des “autres”. Nous avons répertorié les langues et cultures retrouvées dans la salle de classe. Il s’agissait pour chacun de se familiariser avec le thème de l’étude. Nous avons discuté de la consigne servant à guider les portraits de langues et de la consigne pour le travail de photographie, deuxième outil mis à disposition de la recherche.

Dans le cas des portraits de langues, il s’agissait en effet de proposer aux enfants de dessiner une figure personnalisée, recomposée à partir d’une photo prise d’eux par leurs amis à l’école où les traits du visage ont été supprimés et certains détails vestimentaires allégés. Le fait de proposer une représentation dans laquelle les jeunes pouvaient se reconnaître me permettait de faire de cette activité quelque chose de moins scolaire (dessiner à partir d’une figure qui est la même pour tous). Alléger les traits vestimentaires visait à éviter d’encombrer l’image et lui donner par la même occasion une allure plus stylisée. Supprimer les traits du visage permettait par ailleurs de centrer l’attention du dessin sur l’ensemble du corps. Ceci avait aussi une visée plus pratique, soit de protéger l’anonymat des participants. Les jeunes se sont évidemment reconnus, sans être identifiés pour autant en dehors des participants à la recherche et des membres immédiats de leur entourage. Ils ont reçu la consigne suivante : Dessine sur la silhouette les langues et les cultures qui t’habitent, avec lesquelles tu as développé un lien au cours de ta vie.

Les élèves se sont pris en photo les uns les autres dans les couloirs de l’école à partir d’appareils numériques que je leur avais prêtés [6]. Plusieurs d’entre eux ont cherché à se faire photographier “en mouvement”, pour signifier la mobilité. Ce sont ces photos que j’ai ensuite transformées en silhouette. Je suis retournée à l’école un mois plus tard pour une deuxième semaine sur le terrain et c’est à ce moment que les élèves et les enseignantes ont dessiné leur portrait de langues. À la demande des enseignantes, nous en avons fait une activité de classe et les élèves se sont rassemblés en petits groupes. Je les ai ensuite interviewés dans les mêmes petits groupes, en retrait de la classe, dans la salle des professeurs. Les enfants ont participé à deux entretiens de groupes dans lesquels ils ont expliqué leur portrait aux autres enfants et à l’équipe de recherche. Tel que mentionné déjà, je les ai invités à prendre une part active à la discussion en posant des questions aux autres élèves sur les portraits sollicités. Je leur ai demandé lors du deuxième entretien de sélectionner et d’organiser les photos à partir de leur propre classification pour m’expliquer comment celles-ci nous renseignent sur leur expérience de mobilité. Les jeunes en se racontant ont aussi été influencés par le contexte de l’étude (l’école), la représentation qu’ils se font des adultes de l’école et la mienne par association (valoriser la langue française) ainsi que par l’influence qu’exerce le groupe des pairs. Le fait de se reconnaître dans la silhouette, de même que l’invitation dans la salle des professeurs, un endroit de l’école qui leur était interdit autrement (et pour plusieurs une première visite alors qu’ils fréquentaient l’établissement depuis plusieurs années) ont été deux éléments qui ont suscité beaucoup d’enthousiasme et motivé la collaboration des participantes et participants.

Portraits de langues

J’ai choisi de présenter le portrait de Wathiqa, une élève de la classe de 5e/6e année (classe regroupant des enfants âgés de dix et onze ans) et de tenir compte dans cette présentation des portraits des autres élèves du groupe et de la discussion en petit groupe à laquelle Wathiqa a pris part. J’ai sélectionné ce groupe du fait qu’on y retrouve bon nombre de similarités avec les autres entretiens menés auprès d’élèves dans cette école. J’ai retenu le récit de Wathiqa en raison de l’attention qu’elle porte aux “petits détails” lorsqu’elle raconte son histoire, mais également parce qu’avec le recul, je constate qu’il aurait été préférable de procéder un peu différemment ici et là dans l’exécution de cette approche multimodale. Je présenterai quelques portraits succinctement d’abord, ce qui aide à saisir la démarche entreprise, avant d’aborder celui de Wathiqa.

L’entretien s’est déroulé en présence de Yanis et Fadil, de Wathiqa et d’Aya, ainsi que d’une étudiante, assistante de recherche, et de moi. Commençons par le portrait de Yanis.

Fig. 3
Yanis

Yanis : J’ai fait mes cheveux en orange, ma tête en vert, ma chemise en vert, mes pantalons en bleu, et mes souliers en orange

Diane : Est-ce que tu peux expliquer les catégories ? Ta légende ?

Yanis : Le vert, c’est pour libanais. L’orange c’est pour canadien et le bleu c’est pour la France.

Fadil : Et tes souliers ici ?

Yanis : Pour le Canada

Diane : Tu as mis une grande partie en vert ?

Yanis : Ma chemise.

Diane : Et pourquoi tu as fait ça ?

Yanis : Parce que je suis Libanais.

Yanis établit, dans ce portrait, trois références culturelles : le contexte canadien, la France et enfin le Liban, qui occupe une grande part de la silhouette. Yanis a colorié sa tête et sa chemise en vert, une des couleurs du drapeau libanais et indique la langue arabe dans sa légende.

Fig. 4
Fadil

Le portrait de langues que présente Fadil, qui, on le remarquera, prend intérêt à la présentation du portrait de son collègue, Yanis, en lui demandant : « Et tes souliers ici ? », ressemble à la composition que propose Yanis, à laquelle il ajoute l’Italie, qu’il a visitée, ainsi que la Turquie et le Brésil, qu’il aimerait visiter. Comme plusieurs enfants de la classe, il mobilise abondamment les couleurs des drapeaux de pays distincts dans la présentation de son récit. Il explique :

Fadil : J’ai dessiné (…) ma chemise, je l’ai coloriée avec le drapeau de la France, mon visage avec le drapeau du Liban, et mon pantalon du Brésil aussi, mon pantalon aussi je l’ai fait en, heu, c’est en rouge, le drapeau de l’Italie. Puis, j’ai fait mes souliers en drapeau de la Turquie.

Lorsque je lui demande d’expliquer son choix de couleurs, il ajoute :

Fadil : C’est des couleurs du drapeau de France, du Liban, Brésil, et Italie et la Turquie (…)

Diane : OK, tu as mis le Liban, tu as mis du vert sur ton visage et tes mains, pourquoi ?

Fadil : C’est mon corps, j’ai mis mon corps en vert pour le drapeau du Liban.

Diane : Parce que…

Fadil : Je suis Libanais.

Fait intéressant, Fadil raconte qu’il a passé la plus grande partie de sa vie en Côte d’Ivoire, ce qu’il évoque dans la discussion, mais pas dans son dessin. Il est possible qu’il ait choisi de raconter sa biographie en fonction de ce qu’il a en commun avec plusieurs enfants de sa classe, bon nombre des familles fréquentant cette école étant originaires du Liban. Ce qui m’importe surtout dans cette approche méthodologique, ce ne sont pas les assignations identitaires, mais plutôt de comprendre le sens que donnent les enfants à ce qu’ils vivent et comment ils construisent leur monde par la même occasion. Au moment de cet entretien, je connaissais encore très peu ces enfants et assez vaguement les dynamiques et discours pouvant influencer les représentations qu’ils ont des langues et des cultures. Comment s’engager alors dans la discussion sans pour autant contribuer à exacerber les représentations dominantes en contexte scolaire ? Dans l’immédiat, il aurait été avisé de demander des précisions sur la Côte d’Ivoire et en même temps, ne connaissant pas les conditions de départ de la famille de la Côte d’Ivoire vers le Liban puis vers le Canada, à un moment d’instabilité politique dans la région, j’ai hésité.

Fig. 5
Aya

Passons au portrait que présente Aya [7]. Elle explique :

Aya : J’ai colorié ma tête, mes mains et mes pieds en vert, c’est pour l’arabe. Ma chemise en rouge, c’est pour le français. Une partie de mes pantalons en bleu, c’est pour l’anglais, une partie pour le latin est en violet, mes chaussures sont roses pour l’Allemagne.

Diane : Et pourquoi tu as choisi ces catégories-là ?

Aya : L’arabe, c’est parce que je suis Libanaise, je parle arabe à la maison, je parle français à l’école, et je parle anglais avec mes amis, le latin je sais un petit peu et l’allemand, un peu.

Diane : Et comment as-tu appris le latin et puis l’allemand ?

Aya : Le latin, je connais juste une phrase, que Mme (nom de la directrice) nous a appris. L’allemand, je savais un peu parce que mes cousins vivent dans l’Allemagne, et mon père est allé en Allemagne (…)

Alors que je lui fais remarquer qu’une grande partie de sa silhouette est coloriée en rouge, Aya me répond qu’elle est née au Québec et qu’on y parle français. Je lui ai aussi demandé d’expliquer son choix de couleurs et l’association avec les parties du corps (notamment le choix de colorier la tête et les jambes en vert).

Aya : comme ça, c’est ma peau, vert c’est ma couleur préférée, c’est pour le Liban (…)

On remarque dans cet extrait l’association que fait Aya entre les langues et les situations d’interaction, celles-ci faisant toutes partie de son répertoire linguistique. On apprend que sa famille est d’origine libanaise, qu’elle s’identifie aussi au Liban, tout comme Yanis et Fadil, et qu’elle a des cousins qui vivent en Allemagne. D’autres enfants ont parfois été plus explicites dans les associations faites avec les parties du corps, évoquant les jambes, les pieds ou encore le cœur pour exprimer leur affection pour le pays d’origine de la famille et, très souvent, pour plus d’un pays. Le vert, enfin, renvoie de nouveau à un symbole national « c’est pour le Liban », mais aussi à une émotion « c’est ma couleur préférée ». Aya se définit par ailleurs simultanément en tant que francophone lorsqu’elle fait référence à l’école et au Québec.

Le portrait de langues que présente Wathiqa illustre autrement l’apport d’une approche multimodale en donnant lieu à une grande diversité d’association d’idées et d’influences dans le récit biographique qui est ici proposé. On y observe un aller-retour comme dans les portraits précédents entre la silhouette et la narration où le dessin sert de point de référence venant structurer le récit.

Fig. 6
Wathiqa

Lorsque Wathiqa présente son portrait, elle s’attarde moins toutefois sur les parties du corps pour présenter son histoire, qu’elle tisse à travers l’histoire des déplacements familiaux. Elle présente son récit à partir de la légende de couleurs qu’elle a créée.

Wathiqa : L’arabe c’est en rose, le Yémen c’est en rouge, le russe c’est en vert foncé, États-Unis c’est violet, français c’est orange, l’Allemagne c’est jaune, le latin c’est le bleu foncé, le roumain c’est brun, l’Égypte c’est violet, l’anglais c’est la couleur de la peau, canadien c’est gris, chinois c’est noir, l’italien c’est bleu, le turc c’est vert et le francophone c’est blanc

Diane : Est-ce que tu peux m’expliquer un petit peu tes catégories ? Pourquoi tu as choisi toutes ces langues ? Ces cultures ?

Wathiqa : En premier, je suis Arabe, mes citoyens sont du Yémen, ça, c’est où ma famille est, le russe, mon père comme il me dit comment le dire.

Diane : Ton père parle russe ?

Wathiqa : Oui.

Diane : Comment ça se fait que ton père parle russe ?

Wathiqa : Parce qu’il allait en Russie pour travailler là. Les États-Unis, je suis née aux États-Unis (nom de l’État), j’ai de la famille là. Français, moi je parle le français, il y a mes ancêtres qui venaient de la France. L’Allemagne, mon père était là aussi. Le latin (…) comme Aya a dit, la directrice de l’école, (nom de la directrice), nous a appris (une phrase). Le roumain, c’est Mme (nom de l’enseignante), elle m’a appris le roumain quand j’étais dans sa classe de deuxième année, et l’Égypte, ma famille est là aussi, l’anglais, moi, je parle l’anglais toute ma vie, canadien (…) je suis venue au Canada quand j’avais deux ans.

Diane : Tu étais aux États-Unis avant, c’est ça ?

Wathiqa : Oui, le chinois, on a rencontré une madame qui voulait savoir du Canada et (…) elle nous a appris (des mots) en chinois. Italien parce que ma famille est là aussi. Le turc c’est dans mon sang, et le francophone, moi je suis francophone.

Diane : Je remarque que tu avais plusieurs catégories, tu as un petit peu de tout, il n’y a pas une couleur qui est plus dominante que d’autres, c’est comme ça que tu te vois ?

Wathiqa : Oui.

Dans cet extrait, Wathiqa présente son récit d’un trait, nécessitant très peu d’encouragement de ma part. J’ai pu l’observer à l’occasion des portraits d’enfants intégrant un grand nombre de références aux langues et cultures présentes dans leur vie. Ce que je retiens le plus, dans ces cas, c’est le travail d’articulation continue qui prend forme entre les catégories recensées et le récit. En d’autres termes, chaque référence trouve sa justification et participe à la création de quelque chose de nouveau. Le portrait de Wathiqa révèle au premier plan l’importance des liens familiaux et affectifs maintenus malgré ou peut-être en raison des déplacements de sa famille dans diverses régions du monde – du Yémen vers les États-Unis puis le Canada dans son cas, sa famille élargie habitant en Égypte, en Turquie possiblement, en Allemagne, en Italie ou aux États-Unis. Elle nous raconte que son père a travaillé en Allemagne et en Russie, ce qui implique des moments de séparation. Des référents nationaux sont aussi intégrés à ce portrait, notamment lorsque Wathiqa évoque le Yémen d’une part et la francophonie canadienne d’autre part (« moi je suis francophone »).

Wathiqa fait place enfin au roumain, au latin et aux langues chinoises en faisant référence à la dame lui ayant appris des mots “en chinois”. Je note deux idées importantes dans ces éléments qui constituent possiblement de “petits détails” dans la vie de Wathiqa, la première, un renvoi à sa propre histoire, où elle évoque son enseignante de deuxième année qui lui a enseigné des mots en roumain et la directrice d’école qui a donné une leçon de latin. Bien qu’elle raconte des faits du passé, elle participe à la création de quelque chose de nouveau. Le récit devient un espace de prise de conscience de la coexistence de toutes ces langues, auxquelles elle accorde une signification. On peut inférer que cette prise de conscience se produit justement en raison de la situation de recherche dans laquelle Wathiqa est impliquée, et du récit qu’elle induit. Molinié (2009.) explique : « dire et représenter sa situation contribue à modifier en profondeur le rapport préalablement construit à celle-ci et, par conséquent, à modifier dans une certaine mesure, la situation elle-même. » (p. 11) J’y vois, en deuxième lieu, une mise en scène au profit des autres enfants et de l’équipe de recherche, où elle se construit spontanément dans cette réflexion sur le contact entre les langues qu’elle explique à partir de l’expérience migratoire de sa famille, de la situation de travail de son père, et enfin, de ses propres expériences dans le quotidien de l’école.

En repensant au portrait multicolore de Wathiqa, je constate avec le recul que cette recomposition recèle des épisodes très riches dans sa vie et qu’il aurait été intéressant de réfléchir avec elle et avec sa famille à la signification qu’elle accorde à ces histoires. De plus, comme les portraits ont été réalisés en classe, je n’ai pas eu l’occasion de m’entretenir avec Wathiqa au moment même où elle dessinait son portrait, ce que j’ai pu faire plus tard dans la démarche de recherche, dans le cadre des entretiens menés avec la directrice et certains membres du personnel enseignant. Je procéderais plutôt ainsi si c’était à refaire, ayant constaté comment ces participants s’y prenaient spontanément pour dessiner, partager des souvenirs, puis reprendre le dessin dans un va-et-vient entre la structure de la silhouette et la narration. Busch explique à propos de la notion de répertoire comme disposition de l’action : « Il (le répertoire) ne fait pas que proposer un retour à l’expérience passée, recensée dans la biographie langagière, qui a laissé derrière, ses traces et ses cicatrices, il se tourne aussi vers l’avant, anticipant et imaginant les situations et évènements à venir en fonction desquels nous devons nous préparer à agir. » (Busch 2017 : 356, nous traduisons).

Se raconter, c’est s’inventer toujours un peu plus

Je conclurai cet exposé en abordant un thème discuté en entretien pour illustrer comment celui-ci conduit les enfants à reprendre leur récit selon l’idée d’un « new becoming », que sous-tend le tournant biographique. J’avais demandé aux jeunes participantes et participants de me parler des voyages qu’ils ont faits ou qu’ils prévoient de faire. Yanis et Aya ont précisé qu’ils rendaient périodiquement visite à de la famille au Liban durant les vacances d’été. Dans le cas de Fadil, la discussion le conduit à mentionner qu’il ne repartirait pas l’été prochain puisqu’il venait tout juste d’arriver au Canada quelques semaines auparavant, soit en milieu d’année. Il en profite aussi pour inscrire son parcours dans la continuité. Il raconte :

Fadil : J’étais dans une école arabe, mais avant j’étais dans une école française.

Je saisis dans la discussion qu’en affirmant « j’étais dans une école arabe » Fadil nous parle des deux dernières années précédant sa migration récente au Canada. Et lorsqu’il mentionne « j’étais dans une école française », il signale par cela sa scolarisation en Côte d’Ivoire, tout en évoquant la continuité de son parcours, compte tenu du fait qu’il étudie maintenant dans une école de langue française au Canada. On peut observer chez cet élève pourtant nouvellement arrivé à l’école un travail de reconstruction à l’œuvre qui s’arrime non pas à l’opposition entre locaux et migrants, mais bien au parallèle établi avec une autre école, où la langue d’enseignement est la même. Mais surtout, alors que dans le portrait visuel apparaissent plusieurs éléments simultanément, on observe ici une présentation plus linéaire du parcours scolaire. Les deux modes participent conjointement, mais distinctement, à la création de ce récit biographique.

Lorsque je demande à Wathiqa si cela lui arrive de voyager avec sa famille, elle évoque des vacances prévues aux États-Unis à l’approche du congé de mars, là où elle est née et où elle a encore beaucoup de famille. Je lui demande par ailleurs si elle voyage durant l’été. Elle répond :

Wathiqa : mes parents veulent aller au Yémen, parce que ma mère n’a pas vu sa mère depuis treize ans, et moi aussi, je ne l’ai pas vue, sauf sur l’internet, on a fait une vidéo chat, j’ai comme une grande famille là, mais je veux les voir, pas juste sur l’ordinateur.

Dans cet échange collectif où Wathiqa est entourée d’amis tout comme lors d’un autre entretien de groupe auquel elle prend part par la suite, elle évoque les conflits géopolitiques qui perdurent dans le monde. Il s’agit d’une situation qui illustre un enjeu de taille affectant Wathiqa personnellement. Le retour qu’elle fait sur sa situation familiale est empreint d’émotions, ce qui ouvre possiblement à une lecture un peu différente du portrait présenté à partir de la silhouette multicolore qu’elle a produite à l’origine. Plusieurs des enfants que j’ai rencontrés ont exprimé de l’inquiétude dans les entretiens. Je me suis souvent demandé comment savoir s’il était approprié de poursuivre les entretiens. Je me suis aperçue que les enfants se faisaient confiance, qu’ils se comprenaient et que la situation de recherche leur permettait, lorsque des enjeux importants étaient soulevés, d’en parler tout simplement.

J’aimerais conclure en revenant à la question de la manière dont on peut analyser une biographie qui n’est pas la sienne et à la démarche ethnographique comme élément de solution à ce dilemme. Il va de soi que négocier l’entrée sur le terrain, prendre en compte son positionnement et les relations de pouvoir qui existent entre l’équipe de recherche et les participantes et participants de même que savoir bâtir une relation de confiance sont des enjeux de taille dans une démarche ethnographique. J’aimerais ajouter à ceux-ci l’importance de prendre le temps de former les personnes prenant part à l’enquête. Au fil des visites et des activités prévues, j’ai remarqué que les enfants apprenaient de plus en plus à maîtriser l’art de s’interviewer les uns les autres et de faire valoir leurs idées et points de vue. J’ai aussi constaté à quel point les outils de recueil d’information peuvent être importants. Pour ce qui a trait au dessin réflexif, le fait de colorier sa silhouette ne constitue pas d’emblée un outil de recherche. C’est en explorant le thème de la mobilité que les enfants en sont venus à partager ce que ce thème représente pour eux. Et c’est en multipliant les occasions de discussion qu’il m’a été possible d’interpréter avec les enfants leur récit de vie. Le retour effectué dans ce texte sur le travail de terrain me permet de constater par ailleurs les faux pas que j’ai réalisés et de réitérer l’importance du retour constant sur les données dans une démarche ethnographique, lorsqu’il est encore temps de consulter la personne qui se raconte. Je terminerai cet article en reprenant l’idée d’un « new becoming » associé au récit biographique. Puisqu’une biographie n’est jamais achevée, une certaine ambiguïté persistera dans le sens donné aux portraits de langues. Dans la mesure où l’approche biographique invite au renouveau, il s’agit peut-être là de l’aspect le plus important de ce type d’enquête.

add_to_photos Notes

[1Il s’agit de noms fictifs comme tous les autres noms. Je remercie les élèves et leur famille, le personnel et la direction de l’école ainsi que le conseil scolaire qui ont accepté de prendre part à cette étude et qui m’ont si chaleureusement accueillie. Cette enquête a été financée par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada.

[2Les analyses découlant de cette enquête ont été présentées dans diverses revues spécialisées, notamment, pour ce qui a trait aux portraits d’adolescentes et d’adolescents, dans la Revue internationale de l’éducation familiale (Farmer 2012) et la Revue Jeunes et Société (Farmer et Naimi 2019).

[3Pour qu’un élève participe à l’étude, il a initialement fallu obtenir l’accord déontologique de l’université et du conseil scolaire, l’approbation de la direction d’école et du personnel enseignant, puis obtenir le consentement du parent d’élève ou responsable légal, ainsi que le consentement de l’élève. Dans le cas de l’élève, il s’agissait de lui demander de confirmer de nouveau son consentement pour chacune des activités. Il pouvait par ailleurs décider de ne plus participer à n’importe quel moment, sans avoir à se justifier et sans en subir de conséquences.

[4Principe qu’emprunte aussi Bourdieu (1972) à Merleau-Ponty dans sa théorie de la pratique, mais pour lequel il reste vague dans l’analyse qu’il fait du corps et de l’habitus (Busch 2017 : 349).

[5J’ai fait des entretiens en petits groupes dans lesquels les enfants ont présenté leurs portraits. Je les ai interviewés au départ et ils se sont ensuite interrogés les uns les autres. L’espace d’échange s’est nettement ouvert dans la discussion entre pairs, qui se sont beaucoup intéressés aux parcours migratoires des autres jeunes et qui ont enrichi la narration en ajoutant des éléments de leur expérience. En termes d’outils visuels, j’ai combiné le dessin et la photographie. Les dessins ont été exécutés à l’école alors que les photos ont été prises à la maison, sans la présence de la chercheure. Les enfants avaient reçu la consigne suivante : « Je prends en photo des personnes, des objets et des endroits qui me branchent, avec lesquels j’ai des liens. » Plusieurs ont pris en photo des objets évoquant pour eux le thème du mouvement et celui des échanges à travers le monde comme la photo d’une voiture, d’un autobus scolaire ou encore de l’ordinateur. D’autres ont pris en photo des jouets et petits personnages (voir Farmer et Cepin 2015). Dans un autre entretien en petit groupe, suivant la même dynamique de discussion avec la chercheure et avec les pairs, ils ont classé leurs photos à partir de catégories d’analyse qu’ils ont créées eux-mêmes (ma chambre, ou encore mes endroits préférés, par exemple). Je souhaitais que les photos puissent servir d’appui à la description des déplacements au quotidien et à court terme (se rendre à l’école, voir des amis, faire un voyage), ce qui fut le cas. Les photos ont aussi conduit certains élèves à parler d’enjeux qui suscitent de l’inquiétude, tels que la séparation de membres de la famille ou encore les tensions géopolitiques, ce que je n’avais pas anticipé.

[6Cette étude s’est déroulée entre 2009 et 2012, période qui a précédé l’usage répandu des téléphones portables et l’enthousiasme à l’endroit des égoportraits.

[7Ce portrait et le verbatim ont d’abord été publiés dans la revue Alterstice. Revue internationale de la Recherche Interculturelle (Farmer 2016).

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Pour citer cet article :

Diane Farmer, 2022. « Les portraits de langues : une approche visuelle soutenant les récits de vie d’enfants ». ethnographiques.org, Numéro 43 - juin 2022
Enquêter avec les enfants et les adolescent·e·s [en ligne].
(https://www.ethnographiques.org/2022/Farmer - consulté le 27.04.2024)
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